Typographie | Le culte de l’Helvetica

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J’ai bien lu tous les commentaires qui condamnent mon escamotage de l’Helvética de l’annonce de Nike + Apple. Pour y apporter une première réponse je suis allé chercher l’interview qui a été réalisé par Pierre Grosjean de l’éditeur Lars Müller (Baden) qui a publié le petit livre rouge H comme Helvetica en 2003.

Ce caractère typographique inventé à Bâle dans les années 50 n’a jamais été aussi populaire. Helvetica plus célèbre que la Suisse? Réponse dans un petit livre rouge.

PAR PIERRE GROSJEAN

L’Helvetica plus célèbre que la Suisse? Inventée à Bâle il y a une cinquantaine d’années, cette police de caractère n’a jamais été aussi populaire, chez les graphistes chevronnés comme chez les amateurs. Elle est même devenue un objet de culte global, au point qu’un petit livre spécialisé, «Helvetica, Hommage To A Typeface», s’est transformé en best seller inattendu, vendu à plus de 15’000 exemplaires.

«Ce succès nous a pris par surprise, explique l’éditeur Lars Müller, basé à Baden. Le livre est épuisé: nous envisageons de lancer une seconde édition.» A peine plus grand qu’un passeport suisse, et tout aussi rouge — avec un H en Helvetica à la place de la croix blanche –, l’ouvrage réunit des centaines de photos qui démontrent l’omniprésence de cette typographie, utilisée autant pour les logos de multinationales (Panasonic, Texaco, Samsung, Hoover, Lufthansa, Kawasaki, Evian, Agip, BMW, Caterpillar, etc.) que pour les signalisations urbaines, de Hong Kong jusqu’à Istambul.

Des artistes aussi divers que Grace Jones, les Beatles, U2, Michael Jackson ou Massive Attack l’ont utilisée pour leurs pochettes de disques tandis que des multitudes de boutiques de luxe, de restaurants miteux et de laveries automatiques l’ont adoptée pour leur enseigne. Du plus prestigieux au plus fonctionnel.

Comment expliquer qu’une même police soit choisie pour transmettre des messages aussi différents? «Cette typographie peut tout faire, c’est en cela qu’elle est géniale, répond Lars Müller. Vous pouvez l’utiliser pour l’annonce de la naissance de votre enfant, mais aussi pour le décès du grand-père: elle se prête à tout. J’ai eu envie de publier ce livre pour réagir à l’inflation des fontes (polices de caractères, ndlr). Il y en a aujourd’hui près de 30’000, mais elles ne servent pas à grand chose (*): plutôt que d’inventer de nouvelles fonts, il vaut mieux renouveler la typographie (**) avec les polices existantes. C’est ce que démontre le succès de l’Helvetica.»

L’Helvetica est née au milieu des années 50. Le graphiste zurichois Max Miedinger avait dessiné cette police aux traits si purs alors qu’il était employé pour le bureau Haas, à Bâle. D’abord nommée Haas Grotesk, le caractère a pris son nom définitif en 1960, devenant du même coup le symbole de ce style graphique suisse moderne et cosmopolite qui influençait alors une bonne partie du monde.

En 1980, Max Miedinger est décédé sans que sa contribution à l’art typographique soit pleinement reconnue. Et la même année, ironiquement, Helvetica ratait son entrée dans le monde de l’informatique: initialement choisie par la compagnie Adobe parmi les quatre polices fondamentales de Postscript – le langage qui a révolutionné l’imprimerie et les arts graphiques –, Helvetica a finalement été coiffée au poteau par Arial, une pâle imitation choisie par Microsoft parce qu’elle coûtait moins cher en droits d’auteur…

C’est donc Arial qui se retrouve aujourd’hui en standard sur des millions d’ordinateurs. Mais ce revers n’a pas réussi à faire disparaître Helvetica, bien au contraire. Les bons graphistes savent toujours distinguer l’original de la copie (le « a » de Helvetica a une petite queue; le haut de son « t » est coupé à l’horizontale, alors que celui d’Arial est affreusement biseauté). Ils ont d’ailleurs inventé une consigne, très populaire dans le métier, l’hommage suprême qu’on puisse rendre à une police: «Quand tu ne sais pas quel caractère choisir, opte pour l’Helvetica: tu es sûr de ne pas te tromper.» Le drapeau suisse en rougirait de fierté.

Je veux rebondir sur cette dernière phrase de l’interview de Pierre Grosjean. L’article que je viens d’écrire sur les caractères de Kisman sur étapes résonne encore dans ma tête. Vous avez d’un côté les catalogues des éditeurs comme Fontshop qui contiennent près de 25’000 caractères, des fontes labeurs, des fontes titrages. Des dessins anciens aux plus modernes. Des plus old-school aux plus garbage, et de l’autre des DA qui en dépit de toute logique sémantique, préfèrent utiliser un caractère d’une neutralité suisse plutôt que de prendre le risque d’associer à un produit une forme alphabétique qui contribuerait à amplifier la valeur affective d’un message.

L’argument de l’Helvética qui conviendrait le mieux à exprimer la modernité d’Apple ou de Nike frise la lâcheté intellectuelle. Et qu’on ne s’y trompe pas. J’adore la pureté de cette typo suisse. Et je suis parfois vraiment triste de savoir que Max Miedenger qui l’a inventé, est mort presque pauvre et ignoré de toute la planète. De même que Microsoft ait pu avec Monotype remplacer celui-ci par une «pâle» copie, l’Arial qui tendrait une fois de plus à faire oublier le créateur original.

Au fond nous sommes face à l’affrontement de deux conceptions de l’acte créatif.

1) j’ai une annonce pour un client, Apple, Nike ou BMW (antérieur quant à l’usage de l’Helvética), je fais réaliser une magnifique photo qui emporte l’adhésion du client (des services marketing à la direction de la comm) et au moment d’apposer les signes alphabétiques de l’argumentaire (titre, base-line) je ne prends plus aucun risque, et prends le caractère le plus neutre (dont personne ne pourra mettre en doute le sérieux) au risque de voir banaliser la force sémantique du message délivré.

Aparté : synonymes du mot neutre : banal, fade, impartial, incolore, indifférent, inodore, insensible, insignifiant, insipide, morne, obscur, prudent, quelconque, terne, tiède.

Résultat: nous entrons dans ce que nous sommes assez nombreux à dénoncer, le consensus mou de la création. Ah oui. qui oserait effectivement déclarer que l’Helvética n’est pas beau, ou moderne ou représentatif d’une certaine perfection. Personne. Donc tout le monde semble d’accord, c’est le meilleur caractère. Sauf qu’à ce jeu de Fous de Dieu, c’est-à-dire d’une forme de tyrannie du plus petit dénominateur commun, je ne vois pas pourquoi on ne jetterait pas tous les catalogues de caractères, pourquoi on continuerait encore et encore à en créer de nouveaux, et à voir se répandre sur la planète toutes les fonderies indépendantes qui font assaut d’imagination parfois les plus débordantes. Allez on ferme toutes les agences de Design Corporate, on recycle les graphistes et consultants en marchands de frite, et je déclare que désormais toutes les communications publicitaires ou culturelles devront être réalisés avec l’Helvética. Mais dans quel monde on vit?

Des générations de scripts, de calligraphes, de dessinateurs de caractères, de paléontologues, d’historiens, de critiques, de créateurs ont créés, édités, comparés, copiés, plagié même des quantités de tracés alphabétiques pour notre plus grand plaisir, pour tenter d’apporter des réponses sensibles, à la question sémantique, une forme adaptée à un message, à une identité. Et d’un seul coup, par un coup de baguette magique. Plus rien. Le réchauffement climatique peut-être, les ice-bergs qui fondent, les océans qui envahissent les terres desséchées et il ne resterait sur l’Arche de Noé qu’un seul caractère. L’Helvética. Alors messieurs, je vous dis «prout, prout et reprout». Vous êtes des suiveurs de mode, certainement pas des initiateurs. Consensus mou je te hais. Et pour le coup, je préfère de loin les divagations de Max Kisman à cette nouvelle tyrannie, qui suit celles du Meta, ou du Blur, ou des Franklin ou encore de l’Impact de feu l’agence de Pierre Lemonnier.

Il est aussi idiot de déclarer qu’un caractère est moderne, que de dire que la couleur Rouge est plus moderne que la couleur Verte. Et ce n’est certainement pas Christian Lacroix ou Jean-Paul Gaultier qui me diront le contraire. Ce qui fait la modernité c’est le jeu des associations. C’est dans l’entre-deux d’une image associée à un caractère, ou l’entre-deux de deux images que l’on peut déceler le message d’une modernité.

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Prenez l’image de Nike et d’Apple. Les deux marques sont modernes. Pour la bonne raison que les deux marques participent d’une démarche de novation forte dans leur domaine respectifs. En associant les deux ils renforcent encore leur modernité. En se présentant à nos yeux dans une image «bundellisé», ils nous donnent à voir non des baskets, non des i-pods mais un style de vie. Ça c’est de la communication moderne, exprimée avec les moyens d’une sobriété exemplaire.

S’agit-il d’une annonce Nike ou d’Apple. Non il s’agit des deux, et si c’était en terme de surface occupée dans l’image, je dirais même qu’il s’agit d’une annonce Nike. Alors les discours sur la charte graphique d’Apple, ne tiennent pas. Les discours qui consistent à dire… ils ont mis longtemps à abandonner le Garamond, laissez leur l’Helvetica, ne tiennent pas. Steve Jobs lui même, le premier, a renouvelé chaque année ou tous les deux ans le design des machines Apple. Et il serait le premier à vous dire qu’il n’y a pas de caractère qui tienne face à la nécessité de faire évoluer une marque. Et celle d’Apple comme celle de Nike évoluent vite… pour notre plus grand bonheur.

2) Récemment sur étapes: Christophe Badani déclarait avec assez d’optimisme que l’avenir des fontes corporate avait encore de beaux jours. Et de rajouter: la difficulté c’est de convaincre les équipes de création des Agences, parce que bien souvent ils oublient l’aspect typographique d’une stratégie de communication. Quant aux marques elles-mêmes, n’y pensez même pas, c’est bien souvent leur dernier souci. Autrement dit Chrisophe préconise (ce qu’il fait déjà lui-même) de rencontrer les DA, de leur expliquer les processus de création et de customisation des fontes, voire de création d’alphabets exclusifs. Je n’ai retenu que l’aspect négatif de la déclaration de Christophe… (mais je suis connu comme le loup blanc pour voir la bouteille à moitié vide ;-) «il faut rencontrer les DA pour leur apporter notre culture»…

Bien des DA d’aujourd’hui (comme ceux d’hier) n’ont pas été formés à la sensibilité typographique. Rares sont les écoles de Design où l’on met l’accent sur l’importance et la nécessité de cette culture. L’ANRT hébergé par les Arts Déco a déménagé dans l’est de la France. L’ESAG sans doute, mais les autres… l’accent est de plus en plus mis sur la 3D, l’interactif, la BD et l’on en oublie les fondamentaux, le tracé, la calligraphie, le dessin de la lettre. Pouah, c’est old-school, la typo. Alors lorsqu’on installe l’Helvetica dans une charte, ça satisfait tous les créatifs. Ils n’ont pas trop besoin de réfléchir sur la valeur sémantique, sur le dessin, prêts à utiliser le Myriad ou l’Arial s’ils ne disposent pas de l’Helvetica…

Tant pis c’est la même chose. Un caractère bâton. Qui verra la différence. C’est beau un caractère bâton. Plein de sensibilité, de délicatesse, de sensualité… tu parles. Quand je songe à la qualité intrinsèque des produits, les baskets de chez Nike qui vous permettent de courir en respectant vos articulations, les i-pods qui me permettent d’écouter les musiques les plus sensibles, accessibles sur i-tune, je me dis que vous n’avez rien compris à la typographie qui est sensée renforcer les valeurs sémantiques et non de les amoindrir, les banaliser, les rendre fades.

C’est tout pour aujourd’hui, nous vivons une époque moderne comme disait Philippe Meyer ;-)

(*) si elles ne servent pas à grand chose, il y en aurait pas tant
(**) ça veut dire quoi? renouveler la typographie avec les polices existantes si on jette les 30000 polices à la poubelle?

voici donc comment on instrumentalise les gens à partir de déclarations intempestives et plein de contresens.

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Typographie Noir au Blanc | analyse comparée | 2

suite de l’article: Typographie Noir au Blanc | analyse comparée

J’ai bien compris en lisant les premiers commentaires sur l’article précédent que les propos que je voulais tenir sur ce sujet avaient été complètement détournés voire ignorés pour des considérations que j’estime assez futiles en définitive.

Voyons, de quoi s’agit-il. Typographie Noir au Blanc | analyse comparée. Le titre même de l’article me semblait assez explicite. Ça commence par Typographie Noir au Blanc. Et voici mes interrogations.

Depuis que nous sommes entré dans l’ère des écrans (et ça commence avec le cinéma), nous sommes quotidiennement confrontés à un phénomène bien connu des savants qui se sont penchés sur les problèmes de lisibilité.

Herbert Spencer dans son ouvrage the visible word l’explique très bien. Fin du XIXe et début du XXe siècles beaucoup experts se penchés sur les problèmes de lecture sur papier. De nombreuses théories ont été avancées que je développe dans un article sur design et typo ici. En conclusion de la plupart des tests effectuées pour faciliter la lecture, l’on recommanda vivement de diminuer le contraste entre le noir du texte et le blanc du papier.

Deux possibilités s’offre au lecteur, soit d’acheter une version imprimée sur un papier légèrement teintée en jaune bistre, légèrement gris-crème… (c’est le cas des livres de la Pleïade) soit tout simplement de diminuer l’intensité de la lumière qui vient se réfléchir sur le papier pour obtenir une «douceur» qui facilite en le reposant la concentration de notre regard. Autrement dit si vous «balancez» 500 watts d’un halogène sur une page blanche pour lire un roman, il vous en coûtera non seulement une consommation d’énergie auprès d’EDF considérable, mais une fatigue optique qui vous empêchera de lire trop longtemps.

Avec le cinéma on a connu les premiers Noirs au Blanc, en déchiffrant les sous-titrage des V.O. Combien de fois ne vous êtes vous pas dit, c’est fatiguant, trop blanc, lettres presque floues tant la lumière arrondissait leurs bords.

Puis la télévision et enfin les écrans d’ordinateur qui arrivent en masse à partir des années 87-92. Et avec la pao, les sites Internet quelques années plus tard, la tentation a été forte pour bon nombre de créateurs d’utiliser l’inversion des textes en réserves blanches sur fond noir. Pas seulement un phénomène de mode, mais plutôt une possibilité d’expression qui en print traditionnel demandait des investissements plus coûteux du fait de la multiplication des films intermédiaires. Mais en conception de site, ou de page écran sur un logiciel pao, la question du coût était balayé. Coût identique. Et les designers se sont donnés à cœur joie d’exploiter la spectacularité des fonds noirs.

Qu’ont-ils oublié?

La physiologie de la lecture | le confort

Lorsque vous lisez un texte en réserve blanche, en réalité vous lisez de la lumière, une projection de photons qui assaille directement les bâtonnets et cônes de vos rétines. Terriblement agressif. C’est comme si vous regardiez une éclipse de soleil sans lunettes de protection, ou les vitraux d’une cathédrale traversés par soleil intense.

Dans la plupart des exemples que j’ai donné dans la première partie de cet article, on s’aperçoit que l’œil retrouve un confort agréable, lorsque les textes sont teintées entre 35 et 55% de noir. Et je parle de confort et non de lisibilité, parce que les comparaisons que j’ai effectué entre des polices comme le Verdana ou le Frutiger, ont induit pas mal de lecteurs en erreur. Elles montrent que quelque soit le dessin, il devient plus confortable à lire à partir du moment où les lettres teintées freinent ce bombardement photonique. Certains caractères supportent plus ou moins bien l’inversion. Un Bodoni ou un Times ou son dérivé le Georgia, du fait des contrastes internes aux dessins (pleins et déliés) supportent plus difficilement le jeu de contraste supplémentaire qu’impose l’inversion de la lecture.

Un Arial maigre ou un Arial Black réagissent de même différemment par la quantité de photons que laisse passer ce dernier, et l’on voit bien que plus le caractère est gras plus on doit en descendre les valeurs de transparences pour que nos yeux retrouvent un contrôle confortable de la lecture.

Les différences de fatigabilité de lecture dépendent aussi beaucoup de la longueur des textes. Si vous composez un pavé (au fer à gauche, ou justifié) sur 700 pixels de large entièrement blanc sur fond noir en corps 9, vos yeux vont se fatiguer par la conjonction de deux phénomènes. 1) par la difficulté pour nos muscles oculaires de «suivre» une ligne trop longue, 2) parce que si cette ligne en plus se trouve être en blanc sur fond noir, ce n’est plus des formes alphabétiques que vous suivez, mais de la lumière incidente qui prend la forme de lettres et de mots. Autrement dit c’est comme si vous cherchiez à suivre les reflets d’une rivière à saumon. À un moment vos yeux décrochent.

En conclusion et pour faire bref, j’ai écrit ces deux notes en donnant un certain nombre d’exemples qui n’ont d’autre but, pour ceux qui l’avaient saisi, que de montrer des variations de contrastes et de permettre à chacun de définir sa perception du confort face à une lettre blanche qui se teinte pour tendre vers le noir absolu.

J’ai par ailleurs l’impression d’avoir soulevé une boîte magique en voulant comparer un Times, un Frutiger, un Bodoni, un Helvetica. Le but n’était autre que de comparer des familles de Sérif ou de Sans Sérif, toujours sous l’angle de la lumière qui vient frapper nos rétines. Donc de se rendre compte des complications de lisibilité, dès lors qu’on introduit un facteur supplémentaire de contraste, les pleins et déliés. Franchement que ce soit le Georgia ou le Times, ça n’y fait pas grande différence dans la perception des lettres inversées. © design et typo | octobre 2006

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Typographie Noir au Blanc | analyse comparée

Voici un outil de travail et de réflexion, pour vous permettre de régler la typographie de vos websites ou blogs lorsque vous utilisez des fonds Noirs ou Couleurs foncées.

Je ferai l’ensemble de l’analyse comparative dans les jours qui viennent. Vous donne pour l’instant juste les paramètres techniques de ces figures, ainsi que l’adresse d’une galerie d’images qui synthétise toutes ces comparaisons.

Les chiffres en bas à droite de chaque rectangle correspondent à la tonalité des textes. 0 pour cent = blanc, 10,15,20… 88,91,94,97,100, au pourcentage de noir. 

Si vous avez dores et déjà des questions ou des commentaires n’hésitez surtout pas %-)

Si les animations s’arrêtent il suffit de rafraîchir votre navigateur «cde+R» sur Mac «ctr+R» sur PC

typo: Helvetica Neue 35 | vous demandez sans doute pourquoi j’ai pris les deux G du Franklin ITC Gothic, en exemple de contraste sur le fond noir. Question de Goût, comme je préfère également un News Gothic à un Helvetica, ou un Gill à un Futura, mais nous nageons dans des eaux troubles de la subjectivité. Juste une précision, je trouve que les caractères que je préfère ont tous un point commun, une souplesse due à la gravure, due à la main de l’ouvrier qui creuse le métal du poinçon en y ajoutant une part de son habileté manuelle pas trop mécanique. J’aime la calligraphie, les dessins à la main levée au pinceau, au calame, et l’on retrouve ces irrégularités dans un caractère comme celui d’Éric Gill. Quant à l’Helvetica, il est l’œuvre d’un «architecte» soucieux de la construction et des équilibres fondamentaux. Mais mon propos dans ce billet n’est pas tant de m’étendre sur mes états d’âme au regard d’une police ou d’une autre mais de souligner les différences de comportement des uns et des autres lorsque soumis au test «fatidique qui tue», je veux dire la composition d’une typo blanche sur fond noir.

AVERTISSEMENT:

Ces remarques et toutes celles qui vont suivre ne concernent que la chaîne éditoriale du web et non celui du Print et nous y reviendrons.

typo: Helvetica Neue 95

 

typo: Didot

typo: ITC Franklin Gothic «Book»

typo: ITC Franklin Gothic «Heavy»

typo: Clarendon «Light»

typo: Didot «Regular»

typo: Frutiger «Roman»

typo: Garamond Stempel «Regular»

typo: Trade Gothic N°18 «Condensed»

typo: Verdana «Regular»

typo: Verdana «Regular» approches «0» (InDesign)

typo: Verdana «Regular» approches «+75» (InDesign)

Comparaison des polices Originales vs Polices «similar to»

typo Frutiger Light orignale

typo Verdana Regular (dessin de Mattew Carter d’après le Frutiger) pour Microsoft

typo Times New Roman Roman de Stanley Morison (Monotype Corp)

typo Georgia de Microsoft d’après le Times de Morison (dessin Mattew Carter). Il s’agit là d’un dessin spécialement conçu pour la lecture sur l’écran, on le voit notamment en examinant les empattements qi sont légèrement exgagérés pour supporter la lecture en c.9 sur un écran)

typo Helvetica Neue 55 de la fonderie Stempel

typo Arial (plagié par Monotype d’après l’Helvetica de Stempel pour éviter de devoir payer des droits)

Et maintenant je vous invite à découvrir les tableaux complets que j’ai élaboré afin de permettre une comparaison synoptique et à taille de lecture «normale» sur un écran. La galerie est ici. Encore une fois vous voudrez bien m’excuser de publier cette note en deux fois, retenez dores et déjà son permalien (permalink) et revenez y dans la semaine, je vous donnerai mes explications détaillées.

Et si l’un(e) de vous veut s’y coller ;-) qu’il (ou elle) n’hésite pas à faire le billet à ma place (j’rigole). Il y a en tous cas beaucoup à dire sur cette affaire !

Suite de cette note dans la semaine: si vous désirez en être averti directement et non par le fil RSS, recopiez le titre de l’article et envoyez le moi à peter.gabor_AT_gmail_point_com. Je me ferai un plaisir de vous alerter lors des prochaines mises-à-jour.

 

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Logo Société Générale (2) | rappel de la stratégie | par Dominique Grosmangin

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Voici une précision qui est vraiment la bienvenue. Dominique Grosmangin dont j’évoquais le travail à la direction de l’Agence Sopha du Groupe RSCG à l’époque des faits, a bien voulu nous apporter ses commentaires sur la stratégie et le déroulement des opérations de réflexion.

«En faisant le tour des sites parlant de notre métier, ce matin même, car je n’ai pas eu le temps depuis que je suis rentrée début septembre, j’ai eu le plaisir de découvrir sur ton site cher Peter, ton papier du mois d’août et tous les commentaires autour.

Je dois dire que c’est amusant de lire les hypothèses faites quand vous connaissez le sujet. Alors je vous raconte:

D’abord je dois dire que nous avions une bonne expérience de la banque puisque nous avions travaillé sur le Crédit du Nord dont nous avions défini le positionnement: LA BANQUE CLAIRE avec l’étoile bleue dans le blanc, en opposition aux autres banques encore dans leurs costumes trois pièces, gris de préférence. A l’exception peut-être de la BNP.
Toujours à la recherche d’ idées nouvelles, nous avions initié sur le réseau, avec Roland De Leu, le montage de plaques, supports de la marque, à la taille des ouvertures des fenêtres, plutôt que de tout casser et réaliser moins vite et plus cher la mise à la nouvelle image.

Pour la SG, nous avions reçu un brief très précis suite à une étude qu’ils avaient menée depuis un an, sans solution. Ils cherchaient à remplacer le symbole de la spirale communément appelé nombril en interne (d’où l’importance de ne jamais créer des symboles qui ne peuvent être nommés) sans succès.

Le brief:
Pas de symbole. Conserver le rouge dit garance. Faire en sorte que Générale soit plus fort que Société car ils auraient aimé prendre la dénomination "la Générale" mais impossibilité à cause de la Générale de Belgique (bien vu Peter). Et enfin, être impérativement en cohérence avec le concept de la com. publicitaire: LA CONJUGUAISON DES TALENTS.

Pas besoin de vous faire une grande explication. Nous avons présenté notre vision de la marque: un carré, deux couleurs: le rouge garance plus clair, "conjugué" au gris foncé transformé en noir ensuite. Société noir sur rouge et générale en réserve blanche. Une barrette blanche pour la respiration. Logo acheté par Marc Vienot à la première présentation. Nous avions pris le pari que la reconnaissance du carré R/N suffisait à dire SG. Test confirmant. Mise en œuvre.

Recommandation de ne pas surdimentionner la taille des enseignes sur le réseau. Ce nouveau système de signatures que nous avons initié, a permis une mise en place rapide avec réduction de coûts grâce à l’industrialisation. Je trouvais que l’enseigne plate manquait de qualité et nous avons fait un arc tendu. Principe repris par bien des agences !

Deux précisions: 
1 | Pas d’accents sur Société Générale car dans les années 80 on ne mettait pas vraiment d’accents sur les capitales, ce qui n’est plus vrai aujourd’hui. Plus le souci pour l’internationnal.

2 | Quant au rouge et noir du café San Marco qui est apparu en affichage à peu près en même temps, nous avons abordé le sujet avec le client qui, à aucun moment n’a pensé que nous aurions pu "copier" par manque d’imagination, connaissant notre rigueur et surtout le brief. La qualité de la mise en place du système global a tenu aussi à la volonté de nos interlocuteurs de la SG.

Je rappelle que la création d’une identité est le résultat visuel d’une réflexion stratégique et créative et non un exercice purement graphique. Malheureusement trop de discours stratégiques sont construits après la création.

Dominique Grosmangin»

merci à toi Dominique, très utile pour les lecteurs de ce blog | peter

le premier billet concernant le sujet se trouve ici !

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Pinczehelyi | un typo graphikús qui aime les femmes

Pinczehelhyi Sándor a commencé sa carrière en Hongrie dans les années 70.
La grande difficulté dans ces époques, dit-il dans le catalogue qui lui a été consacré lors d’une rétrospective en 2000, c’était de faire réaliser nos créations par les imprimeurs. La Hongrie, diminuée par les années de «fer» voyait toute une profession se désagréger doucement mais sûrement. Le moindre dessin, la moindre typo demandait un effort d’adaptation et d’interprétation pour qu’une affiche puisse être réalisée. Les graphistes en ce temps se débrouillaient comme ils le pouvaient, à la main, avec règles et compas et pas même de la bonne photocomposition à «monter» dans les projets. tout juste des compos en plomb, photographiées et recollées dans les maquettes.

Sándor Pinczehelyi (prononcez Pint[z]e Hè[i]lli) aime les femmes et dans tout son œuvre la symbolique féminine revient tantôt visible tantôt en filigrane subliminale. Son travail s’inscrit dans la lignée d’un Cieslewich ou d’un Topor tant par l’usage du noir et blanc, des collages, que par le coup de crayon dévastateur. Et finalement pourquoi donc un graphiste hongrois… un projet de voyage, de rencontres, je vous en dirai plus prochainement. En attendant Sex is Type ou inversement ;-)

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les reproductions ci-dessus proviennent d’une plaquette éditée grâce à la collaboration de la  Fondation Nationale pour la Culture hongroise. Toute reproduction interdite, réservée à usage strictement pédagogique | © design et typo | 11 octobre 2006

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Les vins Nicolas, la typographie et Lorjou, le peintre

Rencontre entre les vins Nicolas, l’Atelier Dreager, Jean Latour le metteur en page et le peintre Bernard Lorjou (1908-1986)

Bernard Lorjou est l’un des artistes français les plus fascinants du XXème siècle. Par son œuvre et par sa personnalité, il dérange, voire bouleverse le monde artistique de son temps.
Alors que la mode est à l’art pour l’art, il crée, à l’instar de Goya, des tableaux monumentaux souvent inspirés des événements tragiques de l’actualité. Il organise, dans les lieux les plus insolites, des expositions extraordinaires qui se transforment en véritables tribunes où il attaque violemment l’ordre établi ainsi que les tenants de l’art abstrait.
Autodidacte, il cultive seul son art souvent qualifié d’expressionniste où se manifeste un grand lyrisme né de sa sensibilité d’écorché vif, de sa capacité de rêver en partant des choses banales, de son don inné de coloriste et de son talent de dessinateur hors du commun. Créateur complet – peintre, sculpteur, graveur et céramiste – il est indéniable que Lorjou fait partie des artistes les plus importants du siècle.

Junko Shibanuma

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C’est en 1969 que Jean Latour met en page ce catalogue annuel des vins Nicolas au sein de l’Imprimerie des Frères Dreager que je vous avais déjà présenté lors d’un billet précédent. De la mise en page, on ne peut pas en dire grand chose. L’utilisation du Futura Black pour le titrage (desssiné par Paul Renner au sein du Bahaus en 1928) n’y fait rien, le rythme n’y est pas, les corps se multiplient et l’utilisation d’un papier type velin d’arches en enlève toute modernité. On peut tout de même saluer l’audace des couleurs pour un catalogue aussi sérieux quand on regarde l’énumération des vins. Autrement dit le charme de cette plaquette vient & tient presque entièrement à la présence des peintures de Bernard Lorjou, figure emblématique d’une école indépendante et rebelle sinon atypique. Juste une dernière remarque pour la typo, les petits textes sont composés en Gill maigre et les lettres des titres, hormis les lettrines en Futura Black sont d’un style Brasilia Hollenstein de l’époque… On voit dans tous ces mélanges malgré tout un manque de cohérence chronologique et stylistique. Quant aux chiffres des dates ils sont composés de façon callamiteuses. Les approches ne sont pas les mêmes d’une colonne à l’autre… La perfection Dreager n’y était plus.

Voici donc cette plaquette assez rare, édité en 1969, soit un an après l’insurrection des étudiants de mai 68. La publication de ces plaquettes de Nicolas se faisait en général en fin d’année à l’occasion des achats de Noël et témoignait de l’intérêt (réel ou pas) du négociant pour les œuvres d’art. Le début du Mécénat d’Entreprise en quelque sorte.

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Dire que la mise en page de Jean Latour laisserait à désirer, serait également exagérée… surtout lorsqu’on regarde quelques unes des double pages où il joue avec une composition en habillage autour de l’espace rectangulaire du format. Disons que le jeu des contrastes entre le vert et le rose ne me convainct pas complètement, bien que ce «fut» très tendance à l’époque. Il suffit de se reporter aux créations de l’agence Delpire pour la 2CV de Citroën pour comprendre que l’on était alors en train de sortir d’un glacis graphique qui durait depuis la fin de la deuxième guerre. Mai 68 a eu un effet bénéfique à bien des égards, et notamment d’avoir fait sauter des interdits et des attitudes graphiques timorées sinon old-school… C’est peut-être que tout simplement il y a une opposition singulièrement paradoxale pour ne pas dire antinomique entre le Futura du Bauhaus et une peinture expressioniste qui s’exprime sur un autre registre… je suis resté un peu sur ma soif ;-) Qu’en pensez-vous?

Biographie du Peintre Lorjou:

1908 Naît le 9 septembre à Blois, Loir et Cher, France. 1925 – 31 Travaille comme dessinateur de tissus chez le soyeux Ducharne. Rencontre Yvonne Mottet. 1931 Voyage en Espagne. Y admire El Greco, Velasquez et surtout Goya. 1934 – 37 A l’instar de Goya, commence à créer les œuvres inspirées par les événements politico-sociaux: Février 34, la Conquête d’Abyssinie par les Italiens (détruite), le Couronnement de Goerge VI… 1938 – 44 Se retire à Blois. Peint les horreurs de la guerre: les Surveillés, Déportés… 1945 Première exposition personnelle à la Galerie du Bac à Paris. 1948 – 49 Reçoit le Prix de la Critique. Crée le groupe «Homme Témoin» avec Jean Bouret critique d’art. 1948 – 53 Peint les tableaux colossaux: les Chasses aux Fauves (1948-49), l’Age atomique (1949-50, Centre Georges Pompidou), la Bataille d’Abadan (1951), la Conférence (1951, Musée de Varsovie), la Peste en Beauce (1953)… 1954 Première série de Corridas dont la San Isidro de Jesus de Cordoba qui l’emporte au référendum organisé par la Galerie Charpentier, Paris. 1956 – 58 A partir de 1956, S’installe à Saint Denis-sur-Loire près de Blois. Crée et expose en 1957 Massacres de Rambouillet dans sa propre baraque construite à l’Esplanade des Invalides, Paris. En 1958, transporte sa baraque à Bruxelles dans le cadre de l’Exposition universelle pour son Roman de Renart. 1959 Exposition à la Galerie Wildenstein Le Bal des Fols (Centre Georges Pompidou) inspiré de la folie de sa sœur qui se suicide. 1960 – 61 Crée les oeuvres satyriques sur le Général de Gaulle et la guerre d’Algérie: la Crécelle, le Guide, la Force de frappe, les Rois: de Charlemagne à Charlesdegaulle. 1963 Exposition flottante à Paris sur une péniche naviguant la Seine: Grimau, la Mort de Jean XXIII, le 14 juillet (détruit). 1964 S’inspire de récents événements des Etats-Unis: Dallas Murder Show, Blancs et Noirs. 1965 – 68 Exposition en plein air à Sarcelles: les Centaures et les Motocyclettes. Décore le plafond du Musée de la Chasse et de la Nature de Paris. A la demande de l’ONU dessine une série d’affiche: Vaincre la faim c’est gagner la paix. Réalise avec Yvonne Mottet l’ensemble de peintures murales pour la maison du clergé de Blois. 1968 Voyage au Japon: peint la trilogie de Hiroshima. Mort d’Yvonne Mottet. 1969 – 70 Peint à Marbella (Espagne) l’ensemble de l’Assassinat de Sharon Tate exposé en 1970 au Musée Galliéra de Paris. Crée la Mort de Mishima, écrivain japonais suicidaire. 1971 – 73 Réalise à la Garde-Freinet (Var) les sculptures en bois brûlé et les panneaux en céramique ainsi que les maquettes pour les sculptures en argent et en bronze dont le Cavalier d’argent vendu au cours d’un gala à l’Opéra de Paris au profit des recherches contre le cancer. 1973 Exposition itinérante aux Etats-Unis: New York, Chicago, Los Angeles et Miami. 1974 – 76 Série de Cirques inspirés par le festival de cirque du Monte-Carlo. Série de Corridas en petit format pour une exposition à Bruxelles en 1976. 1977 – 79 En 1977, invité d’honneur du Salon des Artistes français, expose les Sept Nuits, peints sur onze grands panneaux de bois. 1980 – 82 Sous le titre général des Menaces, peint la violence de l’époque: Rue Copernic, Iran, Afghanistan, Solidarité, Sabra et Chatilla… 1984 – 85 Dernières œuvres colossales: le Sida (énormes bâches plastiques), Don Quichotte, Gargantua… Expose dans le Château de Blois: «LORJOU dans les collections privées françaises» (1948) et à Menton: «LORJOU Peintures Dessins Sculptures»(1985): ses premières expositions rétrospectives. Puis à Tours «Gargantua» pour l’Année Rabelais (1985). 1986 Meurt le 26 janvier, jour de la clôture de la dernière exposition de son vivant: le Sida.

©design et typo | 9 octobre 2006

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Typographie | by Karen Cheng

Design Typographique
by Karen Cheng

je ne pouvais pas rater ce petit jeu de couleurs dans le titre de mon billet, pour la simple raison qu’il existait à l’origine dans l’édition américaine (designing with type). J’avais acheté l’édition anglo-saxonne avant que les éditions Eyrolles me demandent de commenter la traduction française de l’ouvrage. Quelques semaines ont passé et je ne pouvais non plus ignorer les nombreux commentaires qu’il a suscité sur le web.

Jean-Christophe Courte sur urbanbike parle d’une véritable méthodologie pour le dessin typographique, alors que l’ensemble des commentaires sur le typographe.com tournent autour du design de la couverture et de l’utilité ou pas d’acheter le livre. On connaissait déjà la librairie Eyrolles pour s’être spécialisé dans les manuels de logiciels aussi bien graphiques que DAO ou 3D mais il semble bien qu’avec cette traduction, cet éditeur veuille relever le débat sur nos métiers en intervenant non sur les outils mais sur leur emploi approprié ou non. A ce titre design typographique est plutôt sérieusement élaboré puisqu’il donne à voir par familles de caractères les différences et les ressemblances entre architecture de construction.

un travail de traduction remarquable

L’éditeur a fait là un travail de traduction assez formidable, et même si Julien Janiszewski sur typographe.com relève à juste titre l’emploi de «minuscules» au lieu de «bas de casses», il faut admettre que d’avoir ne serait-ce que traduit la classification des caractères anglo-saxonnes en classification Vox mérite une mention de «très sérieux ouvrage», respectueux justement des professionnels passés par le scriptorium ou l’ANRT. Au fil des pages que je vous donne à «feuilleter», l’on découvre ou vérifie les proportions, les angles d’attaques, les inclinaisons intérieurs des lettres rondes et tout ceci par un jeu de transparence et de contours très pédagos et élégants.

les signes diacritiques

Avec grande honnêteté intellectuelle Karen Cheng aborde la question des signes diacritiques… en nous expliquant (ce qu’on savait déjà) pourquoi les Américains (et non les anglais s’il vous plaît: cf.Monotype) se sont toujours «foutus» (pardon, c’est une expression chère aux Gabor’s) d’accentuer correctement leurs alphabets. Me souviens effectivement, lorsque j’étais agent pour la distribution des polices FontHaus, que les caractères de David Berlow manquaient sérieusement à la politesse européenne, mais qu’importe, la mondialisation en marche, les Américains (et l’on doit beaucoup en ce sens à Adobe et Robert Slimbach) ont fini par adopter les normes ISO et l’unicode aidant, vive l’OpenType, il semble difficile aujourd’hui de lancer sur le marché une police de lecture courante (police labeur) en oubliant les accents d’Europe de l’ouest et de l’est.

Ce livre comme le dit très justement le même Julien Janiszewski, n’est cependant rien d’autre (et c’est déjà pas mal) qu’un catalogue de formes alphabétiques, rapprochées, comparées méthodiquement. Karen enseigne à l’Université de Washington la typo. Et j’imagine très bien un atelier d’étudiants avec des Macs/PC dans tous les coins, équipés de FontLab ou encore de Fontographer, en train de s’essayer à la création d’alphabets. Rigueur, discipline sont nécessaires pour décliner les formes, rendre cohérent un alphabet complet et faciliter par la même occasion une certaine productivité dans le processus de création.

Trois réserves

Trois réserves en effet, la première c’est l’absence totale de référence à la calligraphie et à l’écriture. Karen Cheng fait l’impasse culturelle et historique sur le tracé des lettres. Il s’agit là d’une omission d’autant plus  désolante qu’elle prend pour exemple des caractères de labeur extrêmement sérieux comme le Bembo, le Fournier ou encore le New Baskerville. Pour ceux qui ont vu les Art Works d’Albert Boton ou de José Mendoza sur carte à gratter, qui les ont vu travailler à la main, à la plume et/ou au pinceau comme j’ai vu Edward Benguiat sur la 42e rue, ou Hermann Zapf à Darmstadt tracer des pleins et déliés (où plus près de moi, Paul Gabor tout simplement), pour tous les amoureux de la typo qui s’exercent depuis les cours de Vernette ou d’Aarin (Scriptorium) ou ceux de Michel Derr à tracer des formes «gestuelles» pour retrouver l’origine des courbes, et leur sensibilité, et leur personnalité, il y a là comme un lâcher prise historique qui ne fait que témoigner d’un passage de l’Homo Faber à l’Homo Virtuel.

Je ne dis pas forcément que c’est grave, mais de là à comparer ce livre à une Bible de la création typographique… c’est, comme disait mon cher Paul «tu fous ma gueule». Et j’imagine très bien Jan Tschichold dire à peu près la même chose en Allemand. Et aussi Eric Gill ou Robert Slimbach (Adobe Garamond, Warnock etc.). Mais puisque Homo Virtuel il y a, il faut bien reconnaître que le travail de Karen est très sérieux et peut servir de base pour architecturer une police. 

La deuxième remarque qui découle d’ailleurs du premier, c’est la mise en parallèle systématique et par superposition des formes semblables. Nous sommes entrés dans l’ère du typographiquement correcte. Mais sachez une chose, c’est que jamais le Times New Roman ne serait né avec ce livre pour base de travail. Parce que Stanley Morison a fait graver là un alphabet qui est loin d’être construit avec une rigueur architecturale. Il s’est employé surtout à créer un caractère qui une fois réduit au corps 8 ou 9 donnait à lire du texte avec le plus de confort possible. Et l’on pourrait sans doute dire la même chose du Garamond et du Janson et du Bembo de Griffo.

La troisième réserve qui n’est pas des moindres c’est l’absence quasi totale d’informations sur la structure des approches, des essais visuels sur la composition et les indications pour programmer les kernings (rectifs d’approches pairs). Ce faisant c’est comme si Karen Cheng laissait ses étudiant sur le bord de la route, dans une forêt sans boussole… Car enfin le but final c’est tout de même de préparer un alphabet à la composition… et de lui donner une âme. Le gris typo, c’est là tout le travail sur les approches qui font défaut dans l’ouvrage. Tant et si bien que l’on ne saurait le recommander sans l’assortir d’achats complémentaires comme le livre très pédagogique de Damien Gautier chez Pyramyd.

Voici donc quelques pages de ce livre tout de même remarquablement bien conçu, réalisé et traduit par la librairie Eyrolles sous la référence: Design Typographique | Karen Cheng | Eyrolles | EAN: 9782212117455 | 39 €

 

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Couverture originale de l’édition Américaine

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© design et typo | 6 octobre 2006

Publié dans Ouvrages et Expressions | Commentaires fermés sur Typographie | by Karen Cheng

Transgressions | graphisme post moderne | une étude de Rick Poynor

(réédition d’un billet paru le 19 février 2006)

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«…Rick Poynor est aujourd’hui chroniqueur permanent pour le magazine Eye,
magazine qu’il fonda en 1990 et dont il fut rédacteur en chef pendant
sept ans. Il est aussi chroniqueur régulier pour le magazine Print à
New York. Il écrit sur le design, les médias et la culture visuelle
pour Frieze, Domus, Blueprint, ID, Metropolis, Adbusters et le
Financial Times.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Typography Now (1991),
Typographica (2001), Design Without Boundaries (1998) et La Loi du plus
fort édité en français aux éditions Pyramyd.

Rick Poynor donne des conférences en Europe, aux États-Unis et en
Australie ; il est, depuis cinq ans, professeur invité au Royal College
of Art».

Il a publié aux éditions Pyramyd et Laurence King Publishing un ouvrage
essentiel pour comprendre l’évolution plasticienne du graphisme au XXe
siècle.

Comme je le faisais déjà remarquer au sujet de Nam June Paik l’art contemporain ne se mesure pas à l’aune du «c’est beau» ou «c’est pas beau». Il projette le spectateur dans un entre deux et un questionnement permanent. Il provoque, il interroge et l’important, tout le monde l’aura deviné n’est pas La Réponse mais Les Réponses… innombrables, permutables. L’art contemporain est sans doute la meilleure réponse à l’accélération de l’Histoire (Engels). Cette histoire qui s’écrit dans d’innombrables et incommensurables boursouflures. Neville Brody dans son texte de New York en 2003 parle de perte de repères, mais il ne s’agit pas tant de perte que de multiplication à l’infinie. On pourraît résumer cette histoire de l’art par l’artifice qu’employa Marshall MacLuhan, sociologue et professeur de littérature comparée dans les années 60 au Canada. De l’origine de l’humanité au 16e siècle : deux dimensions. La perspective s’invente sous la Renaissance et introduit une troisème dimension, les lignes de fuites. De cette invention naquit une perception révolutionnaire qui permit à la littérature, au théatre d’évoluer, jusqu’à supposer que l’œuvre de Shakespeare n’est pas étrangère à cette invention de la perspective.

Ainsi jusqu’à l’ère de lélectricité l’art de la représentation parce qu’il n’en était pas autrement, se définit par une vision spatiale. Le XXe siècle aura connu plusieurs grandes séries de bouleversements qui causèrent sinon la mort, en tous cas une datation finale de l’art dite traditionnelle. L’électricité entraîna l’industrialisation… la mécanisation, que les deux guerres ne firent que stigmatiser, la télévision et le cinéma (sans compter la photo), le consumérisme des trente glorieuses inventèrent de nouveaux formats d’expression projetés simultanément sur toute la planète (village globale), la fin de la typographie plomb remplacée par les technologies issues de la lumière (photocomposition-composition froide) mirent un terme à des siècles de graphisme gutenbergien enterré définitvement par l’avènement des langages postscript et html et des logiciels d’images et de mise en page permettant une exploration en profondeur dans l’image et la page. Ainsi naquit ce qu’on appela le post-modernisme, résultat de milliers d’années d’évolutions techniques et de notre perception qui en découle.

Le graphisme moderne, terriblement proche de l’art contemporain explore les limites et l’au-delà des possibles de la représentation. Il est provocateur bien entendu (et on y reviendra avec la sortie récente d’un ouvrage [2 kilo] de Kesselskramer), et se fonde comme un système de la rupture. C’est ce système que l’ouvrage de Rick Poynor que je présente ici tente de décrire et d’expliquer.

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Jeffery Keedy. Emigre Type Specimen Series (2002).

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Doublespace. Fetish, n°2, couverture de magazine et double page, USA (1980).

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William Longhausser. The Language of Michael Graves, affiche d’exposition (USA-1983)

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Cliff Roman. The Weirdos are Loose, affiche de concert (USA-1977).

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Franck Edie. Affiche de concert (USA-1978).

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Tom van den Haspel, Hard Werken. Affiche de festival de film (Hollande-1981)

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Étudiants à la Cranbrook Academy of Art (USA-1978)

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Allen Hori. Typography as Discourse, American Institute of Graphic Arts (USA-1989)

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Rudy VanderLans. Emigre n°5, double page de magazine (USA-1986)

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John Hersey. Pacific Wave, couverture de catalogue (Italie-1987).

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Neville Brody et Jon Wozencroft, The Guardian (GB-1988)

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Où l’on s’aperçoit que plus que jamais le signe participe à ce système de la rupture. Il est omni-présent, typo-graphique, calligraphique, manuaire ou taggé, l’alphabet trituré, cassé, déconstruit et altéré vient nous rappeler en permanence qu’il est essentiel à tout système de communication. Les révolutionnaires DaDa l’avaient tout aussi bien compris qui firent du signe typographique le terrain de prédiléction de leur expérimentation.

Non seulement Rick Poynor nous fait partager dans ce magnifique ouvrage sa passion pour l’art contemporain mais nous propose un découpage pédagogique de cette évolution dans un sommaire ultra-simplissime : [Origines], [Déconstruction], [Appropriation], [Techno], [Profession auteur], [Opposition] qui rend compte compte avec intelligence et sensibilité d’une culture en marche et en mutation constante. Editions Pyramyd (2003). Un ouvrage que nous devrions tous laisser trainer à coté de nos tables de travail. Disponibilité, dans toutes les bonnes librairies d’arts graphiques et ici.

Un bref résumé de ce qu’est le mouvement DaDa

Autres articles concernant le DaDa sur Design et Typo:

c’est-quoi-le-dada/
dada-zuzana-licko-et-rudy-vanderlans-oui-bien-sur/
saul-bass-dada-aussi-avec-ce-generique-de-west-side-story/
dada-le-minitel-bien-involontairement-oui/
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Angá Díaz | Photos Noir et Blanc vs Couleur

Ange Díaz n’est plus!

Et voilà, une fois de plus je découvre à l’occasion d’un reportage un musicien que je ne connaissais absolument pas. Hier soir, oui dimanche, le New Morning a ouvert ses portes à l’une de ses soirées les plus mythiques en hommage à Anga Díaz, qui vient de s’éteindre à l’âge de 45 ans à Barcelone. D’autres pourraient beaucoup mieux vous en parler. Non que je n’aime pas le jazz, la percu ou la musique en général, au contraire. Mais j’ai trop honte de ne pas avoir connu de son vivant cet homme exceptionnel. Artisan modeste, artiste à part entière, culture classique et carrière fulgurante. Sur le blog de Samizdjazz, vous trouverez un premier billet des plus émouvants, avec un lien-video pour aller voir jouer Anga dans une formation avec Magic Malik. C’est apparemment CitizenJazz qui a annoncé la mauvaise nouvelle en premier suivi de peu par RFI et France CultureBatteur On-Line, et Wikipedia en parlent également en des termes plus qu’élogieux. Le maître des cérémonies hier soir n’était ni plus ni moins que l’inénarrable Rémy Kolpa Kopoul de Radio Nova. Est-il besoin de présenter ce personnage incontournable des scènes world et jazz parisiens qui égrène au fil de ses contributions une passion pour la musique latine et plus spécialement depuis quelques années pour la musique afro-brésilienne. Et…

…vous qui êtes parmi mes fidèles lecteurs, et qui, à juste titre vous demandez parfois, mais qu’est ce qu’il nous em…bête avec ses photos de scène… nous on vient pour voir de la typo, du graphisme, du design… je vous répondrais qu’après tout ce lieu n’est qu’un blog. Je vous épargne déjà mes états d’âme perso, mes opinions politiques, mes colères quotidiennes contre les bruits des sirènes de police ou des klaxons d’embouteillage sous mes fenêtres ;-). Je me suis juste découvert une passion pour la photo de scène il y a environ cinq ans et c’est plus fort que moi. Je vous rassure, je n’en vis pas et c’est donc un exercice de style totalement «bénévole» qui me donne la joie de pouvoir capter des émotions et des énergies insoupçonnables. Un entraînement aussi parce que les conditions de prise de vue lors d’un concert sont proches de celles d’une épreuve sportive pour ne pas dire de temps à autre d’un champ de bataille, tant les mouvements de foule sont irrationnels et parfois d’une violence rare (cf. mes photos de la Bastille pour Brésil-Brésils).

Alors le New Morning, parlons-en :

Newmorninghomepage

Au passage j’adore le logo de cette salle. Les dents de scie sur le «N» ne sont pas sans rappeler les frises d’Amérique Centrale ou même de certains masques africains, témoignant ainsi des choix de la programmation de ce lieu qui a fêté voici peu sa jeune vingtaine. Peut-être que j’aurais rapproché les lettres un peu plus pour donner encore plus de puissance à l’écriture du logo… passons. Le site n’est pas trop mal fait même s’il manque un peu de cohérance et d’interactivité. Seul vrai repproche, il n’est pas mis à jour quotidiennement, ce qui fait que lorsqu’un concert est annulé vous l’apprenez mieux sur le portail de la Fnac que directement à la source. Re-passons…

Hier soir il y avait la foule des grands soirs, les quotas de sécurité avaient explosé, plus de cinq cent invités et passionnés qui se pressaient à la petite porte métallique. A l’intérieur, un véritable hammam. Suis arrivé trop tard pour voir Omar Sosa, et suis parti avant la fin… heureux, mais sans regret, tant les conditions pour la photo étaient difficiles… J’ai pu tout de même voir jouer quelques-uns des Childo Thomas, Dee Nasty, Baba Sissoko, Puntilla, Stéphane et Lionel Belmondo… Une qualité de son cubain et jazzistique rarement atteinte.

Pour revenir à la photo, une fois de plus je m’interroge… je balance régulièrement entre le noir et blanc et la couleur. S’il ne tenait qu’à moi, je ne ferais plus que du noir et blanc. Voici quelques exemples (que je commenterai ensuite) :

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D’abord un peu de technique: appareil D200, objectif 80/200 2,8ƒ, exceptionnellement flash SB800 (orientation indirecte avec diffuseur) tant les conditions d’éclairage étaient mauvaises hier soir. ISO100 pour diminuer au maximum le grain (pixel je sais ;-). Réglages en mode manuel entre 5 et 8 de diaph). Prise de vue en RAW).

Bien que le D200 soit muni d’un mode N et B, je l’utilise toujours en process couleur, ce qui me permet de faire d’abord un équilibrage des chromies. C’est seulement après que je passe en mode Noir et Blanc (dans Photoshop) pour ensuite repasser en mode RVB. C’est un moment crucial. Car dans 90% des cas on doit refaire une prise des noirs pour approfondir les ombres et le modelé. Sauvegarde en tif des photos retouchés (tout en gardant les RAW sélectionnés).

Lorsque je «vais à l’impression», c’est à dire que je prépare mes photos pour le pre-press, je fais mes séparations avec photoshop avec un réglage perso qui me donne une «couche» de noir faible.

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Précision suite à un email que j’ai reçu, cette courbe de séparation n’est évidemment valable que pour une impression sur un papier couché moderne et en trame 175. Ce qui représente tout de même 80% des cas que je traite pour mes clients. Bien entendu s’il fallait «préparer» une quadri pour un papier journal ou les pages jaunes, la courbe devrait tenir compte du papier (engraissement des points) ainsi que de la linéature plus faible (entre 75 et 133). La chaîne graphique ne souffre pas d’à peu près… mais les imprimeurs donnent dans ce cas et volontiers les paramètres nécessaires à la préparation des fichiers d’impression.

Une fois la séparation validée, là encore il faut vérifier les contrastes. Bien que mes photos soient hyper équilibrées (je fais la chasse en permanence aux couleurs non imprimables), il faut là encore refaire une prise de noir, le cmjn ayant tendance à aplatir les écarts de densités. Ces techniques je les apprises il y a fort longtemps ;-) en photogravure tradi… où l’on savait déjà parfaitement qu’une séparation (CMJN) n’était jamais qu’une interprétation d’un ekta (RVB) . Bien des chromistes étaient à cet époque des artistes refoulés ;-)

J’en reviens donc à mon interrogation première. Pourquoi je préfère le Noir et Blanc:

La plupart du temps je cherche à exprimer les émotions, l’intensité d’une énergie, la concentration des interprètes, la couleur me perturbe parce qu’elle anecdotise la photo. Le noir et blanc permet d’en dégager l’essentiel. La couleur joue un rôle paradoxal (et je parle de photos de reportage et non de mode ou de pub), elle banalise, factualise (barbarisme), et au lieu de traduire toute la poésie de la scène elle nous envoie un message d’une pauvreté déplorable…: voici ce qui était… comme si vous y étiez. Mais justement elle ne vous laisse aucune place à votre propre imaginaire, elle remplit toutes interstices de votre mémoire visuelle, ne faisant que rajouter une image de plus et encore et encore une de plus. Je ne me permettrai jamais de comparer la qualité de mon travail à celui d’un Salgado que j’admire profondément, ou d’un Capa qui photographiait le débarquement ni encore à celui d’un James Natchwey photographe humaniste s’il en était…

Mais l’on voit bien dans leur démarche la nécessité de figer l’essentiel. Et non l’anecdotique. La guerre, toute guerre est tragique. La couleur vous la rend supportable. Mais je divague. Une scène de jazz n’est pas un front de combats. Et pourtant, et pourtant, il s’agit bien d’artistes qui se battent contre eux-même, contre leur trac, leur fragilité, le débordement de leurs émotions. Et la couleur de la peau de Stéphane ou Lionel Belmondo, on s’en foût… ce qui m’importe c’est juste de capter l’intensité de leur jeu. Un jour Robert Doisneau me disait: si ton cadrage est bon… ta photo est bonne. Oui une bonne photo doit supporter le noir et blanc… et là on ne peut pas tricher avec les artifices d’un éclairage de scène, où le rouge, le violet, le vert viennent encenser l’artiste, comme si, comme si une lumière blanche eut été trop pauvre…

J’ai vu pas mal de scènes dans ma vie, et parmi les plus beaux éclairages je n’en retiendrai que quelques salles, comme le Divan du Monde, ou le Théatre des Champs Élysées, ou encore cette petite scène du centre culturel d’Enghien les Bains ou j’ai eu le plaisir de photographier la Familia MirandaLe Triton aussi, pas mal… Las Malenas, un très beau souvenir (et de musique et d’éclairage)… Bref je pourrais gloser ainsi encore pendant des heures sur la question et je préfère vous laisser la parole. Je suis sûr que vous avez vos opinions sur la question.

Et puis il y a la réalité. Les lecteurs de magazines ou de journaux veulent voir la vie, la vraie, en couleur. Alors de temps en temps je sacrifie à cette attente et je laisse mes photos dans leur état colorés. La mort dans l’âme ;-)

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Galerie des photos de la soirée New-Morning consacré à Anga Díaz… en couleur ;-)

Biographie d’Anga Díaz :

Miguel ‘Angá’ Díaz
Biographie (envoyée par Claire Hénault de Planète Aurora)
merci Claire.

Congas, percussions, compositeur, arrangeur

Angá Diaz est le nom artistique de Miguel Aurelio Diaz, né en 1961 à San Juan y Martinez dans la province de Pinar del Rio, à Cuba, région connue pour sa tradition rumbera. Né dans une atmosphère musicale, d’une mère clarinettiste et d’un père saxophoniste – dont il tient son surnom – , ‘Angá’ commence à jouer très jeune. À 10 ans, il obtient une bourse pour intégrer l’Ecole Nationale des Arts de Pinar del Rio, où il démarre sa formation académique à la percussion.

En 1975, alors âgé de 14 ans, il part pour étudier la percussion classique à l’Ecole Nationale d’Arts de La Havane (ENA). Là, au premier jour de son arrivée, il rejoint le groupe Treceto, avec lequel il se produira sur scène tout au long de ses études. En parallèle, Angá travaille régulièrement sur les bandes son de film cinéma et télé, composées par le pianiste José Maria Vitier. C’est là qu’il commence à jouer avec son héros, le maître de conga Tata Guïnes et le batteur Guillermo Barretto.

En 1978, le groupe Treceto est reformé sous le nom de Bus Trece (Opus 13). Angá qui vient de finir le collège, entame sa carrière professionnelle avec le groupe, avec lequel Ii passera 9 ans.

C’est en 1987 qu’il rejoint le groupe Irakéré, dirigé par le pianiste Chucho Valdès.Irakéré a été le pionnier du latin jazz à Cuba et leur influence reste immense. C’est là que Angá perfectionne son jeu aux 5 congas et qu’il se voit offrir l’occasion de tourner dans les plus grands festivals internationaux, d’y travailler avec des artistes comme Al di Meola, Chick Corea ou Billy Cobham.

Il restera 7 ans avec Irakéré avant de se lancer dans sa carrière solo. En 1994, il enregistre avec Tata Guïnes ‘Pasaporte’, qui gagnera à Cuba le prix EGREM (équivalent d’un Grammy), en tant qu’album de l’année 1995.

Il part alors donner des cours, notamment à l’université de Stamford en Californie et de Banff au Canada. C’est en 1995 qu’il s’établit à Paris, partageant son temps entre Cuba et la France.
C’est aussi à cette période qu’il commence à travailler avec Steve Coleman.

En 1996, il rejoint le groupe de Roy Hargrove en tournée et pour l’enregistrement de l’album ‘Havana’ (vainqueur d’un Grammy) lors du Festival International de Jazz de La Havane. La même année il enregistre ‘A toda Cuba le gusta’ Afro Cuban All Stars, mené par Juan de Marcos Gonzalez, à l’origine de l’explosion de la musique cubaine à la fin des années 90. Cet album réunissait déjà les meilleurs musiciens, toutes générations confondues.

En 1997, il enregistre ‘Opening of the way’ avec Steve Coleman, puis part l’année suivante avec lui en tournée au Sénégal et en Inde, ce qui lui permet de jouer et enregistrer avec les musiciens locaux.
En 1999, il enregistre ‘Dinstincto Diferente’ avec Afro Cuban All Stars, ainsi que l’album ‘The Sonic records Language of Myth’ avec Steve Coleman & Five Elements.

Parallèlement, il produit une vidéo de cours ‘Angá mania’ (sélectionnée comme vidéo de l’année 2000 par le magazine Drum). En 2000, il enregistre ‘A lo Cubano’, du groupe Orishas, ainsi que l’album ‘Chanchullo’ avec Ruben Gonzalez (nommé aux Grammy) et suit le pianiste en tournée.

En 2001, c’est avec le génial contrebassiste Cachaito Lopez qu’il enregistre ‘Cachaito’, sélectionné partout comme album de l’année. 2003 : Angá s’établit cette fois à Barcelone. Et travaille dans la foulée pour ‘Buenos Hermanos’ d’Ibrahim Ferrer (objet d’un Grammy Award et d’un Latin Grammy award), ainsi que pour ‘Mambo Sinuendo’ avec Ry Cooder & Manuel Galban (Grammy Award), puis en 2004 pour ‘Flor de Amor’ d’Omara Portuondo (nommée pour les Grammy 2005) et enfin pour ‘Buena Vista Social Club présente…Guajiro Mirabal’.

Depuis 2004 il tourne régulièrement avec Omar Sosa, en tant que soliste invité.
Enfin, 2005 est l’année de son couronnement, avec la réalisation de son premier album solo, ‘Echu Mingua’, chez World Circuit.

Et je voudrais aussi spécialement remercier Rémy Kolpa Kopul (RKK) pour m’avoir envoyé un mail plein d’émotion et de m’avoir aidé à légender les photos. (je ferai un addedum bientôt). 

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Garamond vs Garamond | physiologie d’un caractère typographique

Re-édition d’une note publié la première fois le 3 février 2006.

En attendant un nouveau billet (suis en plein bouclage d’un magazine ;-) que je prépare pour lundi prochain, je vous invite à revisiter cette note. Et surtout n’hésitez pas à me laisser vos commentaires…

Avertissement: an English translation of this chronicle is available here . Thanks for his author : Barney Carroll

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Combien de fois a-t-on entendu cette exclamation: «que c’est beau un Garamond!»… Oui sans aucun doute, il est beau ce caractère, bien que j’abhorre user de cette expression. En l’occurrence on peut dire d’une voiture qu’elle est belle, et puis on se pose ensuite la question du pourquoi. Bien sûr la réponse est sans doute dans la manière d’aborder la création typographique. Il y a celle, dessinée patiemment à la main (handtooled), qui donne aux lettres cet aspect artisanal qui fleure bon le terroir et les meubles de campagne, et puis la création moderne, beaucoup plus conceptuelle, en rupture tel l’art contemporain avec des siècles de tradition et d’idées reçues. Ce qui ne veut pas dire non plus qu’ils ne sont pas beaux. Mais leur objectif n’est plus de l’être tout simplement, mais d’interpeller, voire de choquer. Et je pense en particulier aux caractères de Zuzana Licko qui inventant, au moment où ce n’était pas possible de faire autrement, les caractères Bitmap sur Macintosh au milieu des années 80, fait faire un bond en arrière ou en avant à la création des lettres. En avant si l’on considère l’expression moderne d’une nouvelle ère de la télématique, du digital, du numérique, en arrière si l’on considère le travail accompli par les centaines de créateurs de formes alphabétiques qui œuvrent depuis des siècles à améliorer l’écriture et sa lisibilité. Deux écoles donc, deux manières d’aborder la critique typographique et je ne saurais en choisir un au détriment de l’autre, tant il est indispensable de faire cohabiter créativité, novation aux cotés de la promotion des traditions ancestrales.

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Les Garamond de la famille des Garaldes, par opposition à Humanes et Réales datent du 16e siècle. En rupture avec le dessin des Humanes. Celles-ci sont finalement l’œuvre de dessinateurs qui à l’aide du Pantographe reportaient sur les poinçons un tracé finement exécuté au contraire des caractères Humanes qui pouvaient être encore l’œuvre de scriptoriums, tracés à la plume sur du velin. Au vingtième siècle nous nous sommes retrouvés grâce à la volonté de fondeurs audacieux et plus tard aux courbes de Béziers avec environ 5-6 déclinaisons de l’original dessiné par Claude Garamond.

Le Garamond de Francesco Simoncini (Simoncini foundry, Bologna, 1958), puis celui de la fonderie Stempel devenu plus tard Linotype, dessiné en 1924 à Frankfurt, le Garamond de la fonderie Monotype dessiné en 1922 par Fritz Max Steltzer à Salfords, et plus récemment donc grâce à l’avènement du Postscript et des courbes de Béziers, celui d’Adobe, dessiné par Robert Slimbach à San Francisco en 1988, précédé du très élégant Garamond de Tony Stan en 1970 dessiné pour International Typeface Corp à New York en 1970. Berthold aussi, qui a repris un dessin proche du Garamond de Deberny et Peignot a commis un dessin qui serait parmi les plus proches de l’original dont les poinçons sont actuellement rangés soigneusement dans le cabinet des poinçons fermé désormais à la visite du public (imprimerie nationale). Voici les différents tracés de la lettre G du Garamond où l’on voit qu’il s’agit de modèles totalement différents, où les courbes ne se superposent pas et donc je vais m’efforcer de vous donner les clefs d’une analyse pour que vos yeux s’habituent à comparer ces caractères, grille de lecture qui peut vous servir pour en comparer d’autres également.

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Voici quelques lignes composés avec ces différents modèles de Garamond (cliquez sur les images pour les voir à la taille de lecture optimale à l’écran):

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Et encore:

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cliquez sur les images pour les voir à la taille de lecture optimale à l’écran.

Voyons dans le détail les différences entre toutes ces formes alphabétiques:

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J’ai posé un rond gris sur les points où votre regard doit se porter pour vous permettre d’analyser les différences de conception. La forme des empattements plutôt carré avec des angles vives s’approchent de celles de l’original. La goutte du <a>, de l’attaque virtuelle de la plume (car nous ne sommes plus dans le tracé calligraphique, bien au contraire, mais dans le dessin à proprement parler. Cependant Simoncini attaque encore le <a> comme s’il tenait un calamme ou une plume calligraphique, d’où un aplatissement dans cette partie du <a>. Dans l’ensemble le Simoncini à la fois souple et traditionnel est assez proche de celui du Garamond de Claude G.

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Même chose pour celui dessiné par Robert Slimbach pour Adobe. Sauf pour les angles des empattements qui sont émoussés, arrondis comme si on voulait reproduire la foulure du plomb dans le papier après de multiples usages. C’est d’ailleurs une démarche très proche des Éditions Gallimard, qui en 1985 s’étaient adressé à une société française Microtype pour digitaliser (entendez vectoriser) un Garamond usagé (imprimé déjà avec des lettres usées) pour leur permettre de composer la collection de la Pléiade avec du Garamond sur des systèmes de photocomposition digitale. Modernité des process associé à un neotraditionalisme que Claude Garamond lui-même aurait sans doute dénoncé comme une hérésie s’il avait été un contemporain.

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Le Garamond de la Monotype est résolument différent, cliquez ci-dessus pour agrandir la vue. Les empattements sont dessinés de manière presque malhabile, différents selon la lettre, et même différents au sein de la même lettre (le H cap est révélateur, mais aussi le m bas de casse). Les formes arrondis sont franchement d’une facture dessinée et non tracée à la plume, la goutte du <a> quasiment filiforme, et le ventre de la même lettre très réduit en rapport de la partie supérieure, semble tomber littéralement. très intéressant aussi les contrastes entre pleins et déliés. Relativement peu marqués. Nous sommes en présence d’un caractère Garalde par sa filiation mais quant à se réclamer du Garamond, il y a un pas. Je vous laisse le loisir de le franchir. Pour ma part j’ai souvent eu le sentiment que la dénomination des caractères avait un rapport avec le marketing et pas seulement avec la forme. Il est certes plus facile de vendre un Garamond ou un Times, qu’un Janson ou un Goudy. Surtout sur le marché Français. Mais je vous parle d’une époque où l’on achetait des polices de caractères (une police = un kilo de caractères en plomb dans un style et un corps donné. L’assortiment des lettres étant codifié par les règles linguistiques de la fréquence des lettres dans chaque langue).

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Le Garamond ITC de Tony Stan dessiné en 1970 est remarquable par l’équilibre des pleins et déliés, par la régularité des empattements, légèrement arrondis de même qu’incurvés dans leur partie horizontales. L’œil des lettres, bien ouvertes, l’équilibre des proportions entre la ligne de lecture et la ligne de base. l’harmonie donnée par les arrondis réguliers font de cette typo un excellent caractère de titrage qu’Apple avait bien compris puisque c’est celui retenu pour la comm. de la firme de Steve Jobs. Quant à l’utiliser en corps de texte (8,9,10,11,12) il présente les défauts de ses qualités. Trop régulier, trop géométrique, il supporte mal une lecture longue, celle d’un roman par exemple. D’autant qu’il chasse pas mal également (c’est celui qui chasse le plus dans les exemples montrés ci-dessus. On préférera utiliser un Garamond de Stempel pour composer un livre ou des brochures où l’encombrement typographique commence à intervenir dans le process économique de l’édition.

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Le Garamond de Berthold, mise à part l’angle d’attaque des <a> ou des <m> (4,10), correspond le mieux à l’esprit de celui dessiné au 16e siècle. Il est moderne-ancien par les formes carrés et traditionnelles, par la tenue d’une plume virtuelle dans le dessin. Légèrement médium ou demi-gras, le régular correspond le mieux de même à l’esprit d’un caractère plomb qui «foule» le papier, au contraire de celui d’ITC, résolument maigre et presque trop délicat.

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Si j’étais épris de tradition, j’aurais une vraie préférence pour le Garamond de Stempel, qui a mon sens est plus une Humane-Garalde qu’une Garalde pure. À cause du <a> bdc (6, 10), très gothique. Mais l’équilibre des pleins et déliés, le léger arrondi des empattements, ainsi que l’harmonie entre longueur des patins et largeur des lettres confèrent à cet alphabet un air d’authentique alphabet de la renaissance post-gothique. La seule chose que je pourrais lui reprocher c’est qu’il chasse aussi pas mal et donc difficile à utiliser en édition courante.

Sur l’illustration ci-dessous, l’on peut voir de très grandes variations entre les dessins des uns et autres. La fourchette sup. et inf. des capitales ainsi que celle des bas de casses montre à l’évidence des stratégies de design sensiblement différentes.
Sous entendu: tous ces dessins sont issus du même corps. La Cap du H de Berthold occupe toute la partie supérieure du talus, alors que celle d’ITC est presque 17% moins haut. Cela en dit long sur toute la stratégie d’Aaron Burns et Herb Lubalin durant leur exercice à la tête d’ITC. Réduire l’encombrement des textes, leitmotiv qu’ils ont appliqué à toute la production d’ITC durant une vingtaine d’années. Mais alors, pourquoi leur Garamond chasse-t-il plus que celui de Berthold. C’est là le mystère de la création de caractères. Il ne suffit pas de baisser un dessin sur le talus (aujourd’hui virtuel grâce aux dessins vectoriels), pour qu’automatiquement un caractère chasse moins. C’est tout l’équilibre de l’alphabet qui contribue à déterminer l’économie spatiale d’un caractère: hauteur des caps, hauteur de l’œil de la bas de casse, largeur (chasse) des lettres, et aussi bien sûr les approches que l’on va programmer sur son ordinateur. C’est bien parmi les problèmes que l’on pose au créateur dans un cahier de charges pour un dessin de caractère destiné à un journal qui veut relifter sa mise en page.

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Un dernier regard s’impose à nous lorsqu’on veut vraiment entrer dans l’anatomie d’un caractère. Regardez les planches suivantes (en cliquant dessus pour profiter pleinement de la taille réelle).

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Où l’on voit deux choses:
1| Les dessins sont bien différents en hauteur à l’intérieur de l’espace verticale du talus (le talus c’est la partie supérieure d’une lettre plomb, sur laquelle on trouve la lettre en relief; la hauteur d’un talus est égale au corps de la lettre. Ainsi lorsque vous utilisez un Arial c.12 cela ne veut pas dire du tout que la hauteur de la lettre est égal à douze points. Celle-ci est égale environ à 66% de la hauteur du corps, ainsi un corps douze nous donne des capitales hauts d’environ 8 points). Le talus doit comprendre aussi bien les Capitales, que les lettres montantes <b, d, f, h, l, t> qui quelquefois (futura par ex.) sont plus hautes que les caps., mais aussi les descendantes <g, j, p,q, y>.

2| Les axes des contreformes ont des angles très différentes selon les dessins: ceux du Simoncini et du Berthold, sont les plus penchés en arrière (ceux qui par effet d’optique nous font pencher la forme vers l’avant). Le Garamond d’ITC et de la Monotype ont les contreformes les moins inclinées, qui confèrent à l’alphabet un aspect plus statique. Cela peut jouer sur la rapidité d’une lecture où l’œil cherche à fuir en avant le plus vite possible (lecture rapide).

Que l’on crée un alphabet ou un logotype on se posera toujours ces questions pour comparer, analyser, décrypter les formes alphabétiques. Cela permet de choisir ou dessiner la bonne forme pour le bon usage.

Et pour le fun, je suis revenu sur le sujet en février 2007, en publiant une note où je mets en perspective des formes du Garamond avec les différences d’interprétation d’une pièce musicale de Jean-Sébastien Bach. À écouter ici.

Avertissement: an English translation of this chronicle is available here. Thanks for his author : http://barneycarroll.com/garamond.htm
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