Un cours magistral de Mise en page(s) par Damien et Claire Gautier | chez Pyramyd

Je reviens vers vous cette semaine avec la sortie d’un ouvrage que pour le coup je trouve absolument incontournable. Vous connaissiez tous je pense le manuel de Typographie de Damien Gautier édité chez Pyramyd: Il était sérieux, exhaustif et remarquablement bien mise en page. Depuis l’anatomie de la lettre jusqu’à son utilisation dans les moindres recoins de notre imagination, le livre rouge de D.G. était devenu le livre de chevet sinon de bureau de chacun d’entre nous lorsque hésitants nous avions quelques doutes sur l’usage et l’expérimentation d’une typographie. Il nous apprenait aussi bien à classer, qu’à interlettrer, interligner et mettre en page des ouvrages d’éditions institutionnelles ou commerciales.

Bien sûr depuis plusieurs années, environ une quinzaine, les livres sur la typographie se multiplient. Que ce fussent ceux de James Craig, ou d’Alston W. Purvis et de Cees W. de Jong, d’Ellen Lupton,  Jean-Luc Dusong, sans oublier bien sûr les manuels de Muriel Paris ou bien de Karen Cheng et encore le non moins précieux «maquette/mise en page de Pierre Duplan et Jean-Pierre Janneau» . Et parmi mes dernières publications, le Livre de Monsieur de Bracquemond et Jean-Luc Dusong édité chez Eyrolles. ou de

Trop ou pas assez, telle pourrait être alors la question à laquelle je vais tenter de répondre. Pas si simple que cela… tout d’abord parce que tous ces livres se recoupent, peu ou très largement. Mais il existe cependant une grille de lecture intéressante… la cible. Nombre d’ouvrages se contentent de s’adresser à des débutants ou des premières années d’études d’arts graphiques. Celui de Damien et Claire Gautier se situent ou en tous les cas tentent de se situer bien au-delà de cette cible un peu limitée.

C’est aussi sans doute aussi l’avantage d’avoir déjà survolé très largement le corpus typographique qui a levé les derniers freins d’aborder très librement la mise en page et la place de l’image dans l’édition, près du texte. Et là on prend un plaisir quasi sensoriel tout en mesurant le vide abyssal d’un livre qui voudrait certainement être encore plus exhaustif mais qui faute de place et de moyens financiers ne peut se compter «qu’en quelques centaines de pages» et non en milliers, comme on voudrait les voir décliner leur analyse pertinente et sensible.

Tout y passe, depuis les règles de la grille de Le Corbusier, en passant par les réflexions sur la symétrie que l’école de Bâle a su aborder dans les années 50. Damien et Claire, évoquent de même la théorie de la couleur en se référent à Johannes Itten pour le cercle chromatique, et très vite ils avancent sur le territoire de la mise en scène graphique. Les pages Fond et forme/plein et vide, ainsi que celles consacrées à la Limite/hors limite ont le mérite d’être superbement illustré. La preuve par l’exemple est sans doute la plus profitable au lecteur d’un manuel du savoir mettre en scène graphique.

Mais à peine prenons-nous le rythme de ces (re)découvertes visuelles que les auteurs reviennent aux fondamentaux, la grille, la surface, les marges etc. Et d’énoncer sinon d’égrener sans cesse les codes, les règles multiples et innombrables des rythmes permutables riches en expérience d’usage de lecteur. C’est à cette alternance que l’on mesure le travail didactique et universitaire de l’ouvrage. Car il ne s’agit pas tant d’être ennuyeux ni par trop spectaculaire que de faire un tour de piste pédagogique qui nous enrôle dans un cortège de référents, de règles, de transgressions… Et le foisonnement de ce livre est suffisamment fertile pour qu’à chaque chapitre nous y trouvions un plaisir inéffable.

Il y a encore de la place sur les bibliothèques des graphistes. Toujours, et encore plus. Mais je ne saurais que trop recommander à celui qui n’a encore rien acheté, de commencer par cet ouvrage qui a à la fois des qualités visuelles autant que de rigueur dans sa propre mise en page que des qualités rédactionnelles digne d’une thèse doctorante sur la chose graphique. Et à ceux qui ont faim d’écrire sur la chose, rassurez-vous, il y a encore tant de choses à dire…

Dans un monde où les designers interactifs deviennent pléthore et considèrent bien souvent la culture typographique comme «old school», je m’interroge parfois sur leur légèreté à mésestimer un contenu théorique autant utile au monde du papier que de l’écran. D’autant plus vrai que l’organisation des espaces de lecture n’a jamais été autant à l’ordre du jour que depuis la multiplication des i-formats (iphones, ipads etc.). Merci donc au couple Gautier d’être resté ainsi droits dans leurs bottes de graphistes, sans tomber dans la facilité d’évacuer le papier au prétexte que les supports deviennent «incidentes» à souhaits. Retrouvez l’ouvrage chez Pyramyd ici::

©peter gabor | directeur d’e-artsup, avec l’autorisation aimable de l’éditeur. Tous droits de reproductions réservés, usage strictement pédagogique.

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L’ouvrage de référence sur la Typographie
écrit par Damien Gautier pour les éditions Pyramyd.

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Une réponse à Un cours magistral de Mise en page(s) par Damien et Claire Gautier | chez Pyramyd

  1. Ancienne élève de Pierre Duplan au siècle dernier dans les belles années 1972, j’ai en plus ses bouquins et celui de Damien depuis une rencontre de Lurs aussi lointaine en mémoire. Celà ne me rajeunie pas mais par contre ce livre semble tout à fait en accord avec son temps. C’est parfait, même si les règles de lisibilités sont les mêmes comme les règles de politesses… Aussi à tous bonne lecture, bonnes mises en page, restez et soyez toujours curieux. Bien à vous
    Calligraphiquement vôtre.
    Patricia Muller – calligraphe à La Charité sur Loire (ville du Livre)

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