Colorisation de BD | du traditionnel au numérique | chez Eyrolles | par Stéphane Baril et Naïts

Bonjour à toutes et à tous. Entre deux, je vous livre quelques pages d’un ouvrage remarquable édité aux éditions Eyrolles. Stéphane Baril, et Naïts l’ont commis en toute complicité et m’ont autorisé ainsi que les Editions Eyrolles à vous livrer là quelques extraits de cette somme à la fois technique et méthodologique.

Coloriser les BD… je me souviens de Claire Brétecher pénétrant un jour dans mon bureau avec une pile de dessins, tous noir et blanc. Oui il fallait coloriser. Et là à cette époque, cela se faisait à la main, pas sur Photoshop ni Illustrator. Vous allez découvrir ces pages et j’espère pouvoir joindre Stéphane pour l’interviewer par téléphone et vous livrer en complément un petit podcast sur la naissance de cet ouvrage.

Enjoy en attendant.

et pour continuer dans les mines d’or voici un lien pour visionner des tutos en ligne sur la colorisation : http://vimeo.com/user3771002/videos/page:2/sort:newest

et un mode d’emploi très pratique pour coloriser sous Photoshop

Voici le podcast promis:

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Nespresso | Le Café à l'heure du Design Global



À gauche la X1 ‘francis francis’ pour Illy, à droite la ‘Citiz’ de Nespresso. La machine Illy permet à la fois l’usage de dosettes E.S.E. et de café moulu de façon traditionnelle.

La France est venue assez tardivement aux machines expresso domestiques. Pourtant il y a café et café. Le café filtre, et le percolateur, dans les deux cas l’eau chaude ne fait que caresser la fine mouture, pour couler finalement dans votre tasse sans la saveur et la force d’un ‘espresso’.

Un concept simple

Nespresso a transformé le porte-filtre des machines expresso traditionnels en un concept simple. Une capsule métallique ultra fine, posée horizontalement dans une loge, sur lequel on rabat un levier qui emprisonne ladite capsule pour la percuter avec une dizaine de trous. En déclenchant le bouton de marche, une vapeur compressée à plus de 9 bars vient attaquer et traverser cette capsule, emmenant avec elle l’essentiel du breuvage, l’arôme qui coule, savoureux, épais et surmonté d’une mousse, depuis longtemps symbole de l’expresso italien. Contrairement aux idées reçues, l’expresso est moins caféiné qu’un café filtre traditionnel. L’eau n’a pas le temps de laver les particules de graines marron pour en soutirer la quintessence de la plante. La vapeur entraîne un liquide noir dont la couleur dépend de la quantité de temps que celui-ci aura été activée. Pour évaluer la concentration de votre café, il suffit de tremper un morceau de sucre dans votre tasse, plus le sucre est noir plus le café est «fort en goût» et inversement. Lire l’histoire complète du café ici.

Bien avant que Nespresso ait déposé son brevet de capsule, une grande marque de café avait inventé le concept de dosette-filtre-papier. Illy, dès le début des années 70 sélectionnait les meilleurs mélanges dans le monde entier pour construire un équilibre des plus subtils qui s’adressait aux véritables amateurs éclairés. La mouture Illy est enfermée dans une petite dosette en papier pré-perforé qui se voit traversé par une vapeur à 10-12 bars de pression. _

© photographies de Sebastião Salgado pour Illy Café

Les clients d’Illy se comptent par dizaines de milliers dans le monde entier. Illy avait inventé le café ésotérique, une sorte de mélange de modernité et de tradition puisqu’aussi bien lorsque vous ouvriez un sachet contenant 36 dosettes de 6,94g chacune, vos narines sont littéralement envahis par une explosion d’effluves caféinés «caractérisée par un goût équilibré, exalté par de précieuses notes de caramel, chocolat, pain grillé et légèrement fleuries la torréfaction foncée, caractérisée par le corps intense et le goût franc d’un espresso plus fort, dans lequel les notes de cacao et de pain grillé se fondent avec de légères nuances de caramel». _

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Avec Nespresso point d’effluves. Plus d’odeur «avant» le geste magique (abaisser le levier et appuyer sur un bouton). Seul subsiste l’arôme final du café dans la tasse. Maigre consolation. Il est très bon. Mais imaginez un œnologue qui serait privé de ses gestes rituels… verser le vin dans un grand verre, y faire tourner le liquide, puis porter le nez au-dessus de la couleur (sens visuels) pour en capter les arômes (sens olfactifs), pour ensuite prendre en bouche une gorgée, que l’on fait passer d’un côté puis de l’autre de notre langue pour apprécier la rondeur et les qualités gustatives. En fin de rituel, on avale certes, mais pas forcément. Dans les dégustations de vin le crachoir est là, presque toujours pour permettre de ne pas s’enivrer au fil du jour qui passe.

Le club Nespresso compte désormais près de 4 millions et demi de membres à travers le monde. C’est à la fois beaucoup et peu si l’on considère les cinq continents. Beaucoup si l’on considère que le chiffre d’affaires de Nespresso se fait aussi bien sur la vente des capsules (environ 2400 par client et par an) que celui des machines et des produits dérivés (épicerie fine, vaiselle, tasses etc.). Il faut ajouter à ces quatre millions et demi de clients membres du club, ceux, occasionnels qui achètent les capsules pour eux mêmes ou comme cadeau à leurs proches.

Si vous vous penchez sur les articles de Stratégies ou de l’Express de 2008, on vous explique les raisons de ce succès par le branding de la marque. Par la publicité aussi et le rôle désopilant que tient George Clooney, désinvolte, comme le héros malgré lui de cette saga de Nespresso. What else…

Nespresso a lancé en décembre 2008 son plus beau temple du café-encapsulé (comme le postscript :-) surfant sur un succès envahissant qui frise presque l’impertinence en ces temps de crise des subprimes + les pertes de la Société Générale + les gaffes de notre président + une croissance très faible malgré les affirmations optimistes de notre ministre de l’économie + une balance commerciale dont le déficit atteint des sommets.

Pouvez-vous raisonnablement vous contenter des explications que vous donnent Stratégies pour comprendre les raisons de cette conquête victorieuse. Peut-être que non. J’ai tenté de lire entre lignes de cette réussite, d’analyser l’engouement grandissant pour ces minuscules capsules qui contiennent quelques dizaines de grammes de cette poudre marron si précieuse qu’elle est facturée au kilo à près de 62 euros (0,31 euros les 5g. soit environ cinq fois plus cher qu’un kilo de café Malongo ou Jacques Vabre.

Un temple de capsules

Regardez bien les photos que j’ai pris ce week-end de décembre 2008 dans le magasin des champs Elysées. La marque omniprésente, certes. Mais surtout les rayonnages de capsules. Un temple de capsules, un lieu sans odeur, clean où les hôtesses font assaut de civilité, toutes plus jolies les unes que les autres. Mais vous n’êtes pas plus chez Mme Claude que dans un magasin de café.

Si vous êtiez dans un magasin de café, vous sentiriez les effluves de la torréfaction, le café plus ou moins vert. Vous entendriez les moulins à café et votre être tout entier serait pénétré par la densité odorifère de votre boisson préféré. Ici, point d’odeurs, et le moulin à café ne tourne plus depuis longtemps. Nespresso ne s’adresse pas à votre nez mais à vos yeux, exclusivement. Obligé, puisque le concept des capsules enferme définitivement la poudre venue d’Afrique ou du continent sud-américain. On ne vend plus le café, mais un conditionnement de café, un habillage, multicolore dont l’agencement dans les rayonnages (qui n’est pas sans rappeler le magasinage des textiles) tient autant d’un décor abstrait et métaphysique qu’un magasin de jouet pour enfant. Les couleurs, jeunes, vives, contrastées, ne sont pas sans rappeler les coloris des jouets de noël, nous sommes tous des enfants, c’est bien connu.

Mais au delà de ces considérations esthético-consumériste, je voudrais attirer votre attention sur une évidence qui personnellement m’a frappé: nous n’achetons plus le café d’antan, mais une technologie de café, d’où l’on a évacué tous les inconvénients, les moulins, les machines à nettoyer après chaque usage, le marc de café à jeter sans en mettre à côté, et les sachets de café qui une fois ouvert perdent en très peu de temps la concentration de leurs parfums. Faire un Nespresso, what else, est d’une simplicité radicale. On «positionne» le café encapsulé et on appuie sur un bouton. Voilà. Et le résultat est parfait. Nespresso a inventé le méta-café technologique qui satisfait une population plutôt aisée et rompue au confort Minority Report et à la facilité d’une vie quotidienne aisée. C’est la même population qui, il y a soixante ans dans «Mon Oncle» de Jacques Tati, découvrait le confort de l’aspirateur qui se vend désormais dans tous les magasins d’art ménager. _

Le Branding

Dès lors qu’on a compris, et c’est ce qui s’est passé pour l’agence FutureBrand en charge du budget Nespresso, le fonctionnement du produit et les motivations d’achat de la clientèle, la stratégie de branding devenait évidente. Puisqu’on ne vend plus le café, mais la représentation symbolique de celui-ci, il fallait inventer les signifiants de ce symbole. Une marque Yin et Yang comme dit l’agence, et les étuis en carton multicolores dont la chromie correspond à un code-couleur précis et immuable. Noir pour le Ristretto par exemple. Si vous examinez le processus. Simple. Vous entrez dans un magasin, (ou vous commandez sur Internet). Une file d’attente rapide (mais qui vous met le café à la bouche), un préposé à la vente, joli garçon, jolie fille, qui prélèvent sur les étagères multicolores le nombre d’étuis désiré, pour les mettre dans un sac Nespresso marron à l’épaisseur de papier confortable. Vous entrez votre code de carte visa, la facture sort automatiquement et vous rentrez chez vous. Le fourreau en carton ouvert, vous prélevez une capsule, que vous posez dans la machine, vous appuyez sur le bouton, et vous buvez. À aucun moment vous n’avez senti, ni touché le café, contrairement à la marque concurrente Illy que je salue au passage d’avoir commandé à Sebastião Salgado ce reportage émouvant sur la culture et la cueillette du café au Brésil. Sauf et juste à la fin, le nez sur la tasse. Quelques secondes de plaisir pour vous payer en retour de cette absence de cérémonial traditionnel. Mais une liturgie en remplace un autre. Et ce saint des saints des Champs Elysées, ressemble bien à une église moderne avec ces murs d’étuis et d’écrans translucides en guise de vitraux et ses serviteurs zélés prêchant la bonne parole.

Le monde dans lequel nous vivons devient lisse

Au fond l’humanité poursuit un voyage étrange depuis la nuit des temps. du néerdanthal à l’homme moderne, nous avons perdu nombre de sensations, et le monde de l’écran a achevé un cycle originel. Que ce soit pour la typographie, qui ne s’exécute plus à coups de tire-ligne et de péroquets mais grâce aux courbes de Bézier, ou simplement pour changer de chaîne de télé, sans avoir à se déplacer devant le téléviseur; les équipements électroniques des habitacles d’automobiles qui ramassent sous les doigts du conducteur nombre de fonctions de commande en passant par la vie rêvée devant Internet et Google Earth qui vous fait voyager à peu de frais, vous permettant de survoler toute la planète, sans risquer d’être enlevé par les Farc ou vous faire piquer par les mouches tsé-tsé d’Afrique Equatoriale. Le monde dans lequel nous vivons devient lisse, sans aspérité, perdant toute rugosité artisanale qui nous rappellerait que nous avions il n’y a pas si longtemps des mains pour caresser, couper, limer, modeler, ajuster, construire et apprécier le chaud et froid. Un nez pour sentir les bonnes et mauvaises odeurs, une arme redoutable pour les peuples primitifs qui «sentaient» venir le danger. Nos oreilles prolongées par les téléphones portables et les écouteurs bluetooth pour écouter nos MP3. Etc. Reste la bouche et les yeux, symboles de l’oralité œdipienne et de l’abstraction de la représentation d’un monde qui de virtuel devient transparent comme nos écrans d’ordinateurs.

© photographies peter gabor pour design et typo février 2008 _ _ _

Nota bene, le café décaféiné contient toujours un peu de caféine. Sept expressos décaféinés dans une journée valent à peu près deux expressos normaux. La couleur bleue pour le décaféiné signifiant un sommeil tranquille la nuit, peut-être trompeuse pour des personnes au cœur réellement fragile.

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Masses et Muses | Photographies de Gaëlle Poisblaud | étudiante de 4e année à e-artsup

interview réalisé par peter gabor rewrité par Guillaume Bardèche :
Entre le 10 et le 13 mars, les murs de l’école ont été recouverts par les photographies de l’exposition réalisée par les étudiants de 4e année d’e-artsup à la suite d’un workshop d’une semaine sur « la photo et la narration » dirigé par Diana Lui , photographe et artiste.
Parmi les travaux exposés figure celui de Gaëlle Poisblaud, étudiante de la filière « concept » de l’école. Gaëlle a réalisé un reportage intitulé « Muses et massues », sur le thème du jonglage contemporain. Ses photographies en noir et blanc, qui, à la manière de Rodtchenko, sont marquées par les contrastes de lumière et la rigueur géométrique de la composition, font également éprouver au spectateur les sensations de l’espace et du mouvement.

Interview avec Gaëlle, qui nous explique le secret de cette belle réussite

Pourquoi « Muses et Massues » ?

J’ai redécouvert le jonglage il y a quelques années, et j’assiste depuis régulièrement à des spectacles. Dans le jonglage contemporain, la relation que peuvent entretenir les jongleurs avec leurs massues m’a particulièrement marquée. C’est une relation très intime, les jongleurs vivent littéralement avec leurs massues : pendant la semaine, ils s’entraînent, le soir, ils vont voir des spectacles de jonglage, et le week-end, ils vont aux rencontres de jongleurs qui se retrouvent pour des compétitions. On pourrait aller plus loin en disant que la massue est un peu comme un prolongement du corps du jongleur, dont elle représente quasiment un membre supplémentaire. C’est pourquoi l’idée m’est venue de choisir comme thème de mon reportage artistique l’histoire de cette relation particulière entretenue entre un jongleur et sa massue. J’ai choisi de photographier deux jongleurs, dont l’un est complètement autodidacte et l’autre vient d’une école de cirque.

Quelle différence entre le jonglage traditionnel et le jonglage contemporain ?

La principale différence est que, dans le jonglage contemporain, on accepte la chute. La chute est même un des éléments forts, et est source d’émotion dans le travail du jongleur. Le jonglage contemporain est transverse et intègre des éléments empruntés à d’autres arts : à la musique, au théâtre. Dans certains cas, le jonglage devient même un spectacle non plus à voir mais à écouter, la massue émettant un son particulier quand on la fait tomber. Le jonglage est tout comme la danse une manière d’apprivoiser l’espace. Il m’est arrivé de me mettre sous le jongleur pour pouvoir photographier les massues en train de retomber, et d’être alors envahie par une sensation de vertige qui doit être partagée par le jongleur au moment de leur chute, mais qu’il faut savoir dépasser. Certains jongleurs présentent leur jonglage comme du jonglage graphique. Derrière le jonglage, il y a tout une philosophie de vie, exprimée à travers les figures récurrentes de la chute et du rebond.

Que t’a apporté l’enseignement suivi à e-artsup dans ton travail ?

Principalement un regard sensible sur les images. L’image parle à la sensibilité et permet de décrire un moment dans son intensité. J’aime particulièrement l’une des photographies que j’ai prises sur laquelle l’on voit le jongleur le front posé contre sa massue, un peu comme s’il entretenait une relation intellectuelle avec elle. En effet, je trouve que cette photo exprime bien l’intensité du rapport existant entre l’artiste et son instrument. Une autre photographie, dans laquelle la massue se situe dans le prolongement du bras de l’artiste qui la tend, exprime bien le caractère fusionnel de cette relation.

























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Claude Mediavilla à e-artsup | 12.05.2011 | une histoire de la Calligraphie


Une histoire de la Calligraphie, une conférence de Claude Mediavilla, l’un des plus talentueux calligraphes français.
Jeudi 12 mai à 16 heures | e-artsup | amphi 4
24 rue Pasteur, 94270 Le Kremlin-Bicêtre
tél: 01.44.08.00.62
contact@e-artsup.net
entrée libre dans la mesure des places disponibles.

Pour découvrir l’œuvre de Claude Mediavilla: c’est ici
et un billet que je lui ai consacré ici.

Et un petit rappel d’une vidéo que j’ai tourné avec mon iPhone.


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Soirée exceptionnelle au Triton | Jean-Jacques Birgé et Vincent Ségal

samedi 12 février 2011 sur la Scène du Triton
bizarre «Comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie!»

Si le violoncelliste Vincent Segal ne craint pas la pluie, le compositeur Jean-Jacques Birgé possède une collection d’aiguilles.
Sur scène tout est possible. Sérieux comme des bouffons, ils nous convient à partager leur nouveau chant de Maldoror, parodiant tout ce qui tombe entre leurs mains sans renier leur amour pour les lieux communs, le romantisme et le naturalisme, l’improvisation et les musiques contemporaines quelle que soit leur époque. Les machines célibataires de Birgé se laissent séduire par le lyrisme et l’élégance du violoncelle de Ségal pour construire ensemble la plus humaine des Eve futures. Leur distanciation crée le vertige en incarnant la victoire de l’imaginaire sur le réel. (©Le Triton)

J’aime le noir et blanc qui concentre l’intérêt sur la beauté plastique des expressions et émotions. Je trouve que la lumière coloré reste un peu anecdotique, ne serait-ce moi, j’opterai toujours pour de la lumière blanche. C’est sans compter la nécessité d’animer et de chatoyer le spectateur. Je sais, mais ça me gonfle un peu :-) Pour ma prédilection pour les «fondus», je «superposais» déjà des photos en prise de vue argentique, et avec le numérique moins de surprise, plus de composition. Donc c’est bien à la prise de vue sans autre truquage que celui de retarder l’avancée réelle ou virtuelle de la bobine que me permet de faire ces compositions qui rendent compte de la complicité des musiciens et de l’intensité de leur relation artistique.

Vincent Segal
violoncelle
Jean-Jacques Birgé Tenori-on, MascaradeMachine, FluxTune, trompette à anche.

(l’arbalète, le frein, la trompette à anche et les flûtes ont été construits par Bernard Vitet dans les années 70. MascaradeMachine est un instrument virtuel conçu par Antoine Schmitt et J-J Birgé en 2010)

§ enregisré
en audio avec un ZOOM H4n

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Conférence: «De la Machine à Écrire à l'iPad»

C’est avec une immense délectation que j’ai organisé ce deuxième épisode d’une conférence que j’avais initié voici deux ans et demi au cinéma Mac Mahon. Il est vrai qu’à l’époque comme l’évoque Antoine Bueno, qui tire la conclusion de cette «dernière séance»nous nous posions tous des questions d’ontologie concernant la Presse. Va-t-elle survivre au net? quel modèle? Pub ou Payant? Quel graphisme? Quel ADN d’une presse aussi vieille que la Révolution Française et le siècle des Lumières. Eh bien cette fois-ci la messe était dite.

L’iPad et l’iPhone ont bousculé toutes nos habitudes. Ont fait entrer dans nos vies ces readers tactiles qui tantôt doudous, tantôt tablettes égyptiennes, nous mettent en situation d’être connectés jusqu’à nos oreillers. Et donc ce débat? Eh bien il ne portait donc plus sur La Question d’être ou ne pas être, mais plutôt du contenu. Celui-ci étant «lavé-essoré» par l’interface, il évolue, mute et se transforme. Les formats se multiplient avec les Tablettes Androïds et du coup les Designers se trouvent confrontés à des masses de travail qu’ils n’ont jamais prévu. Les développeurs prennent toute leur place en collaboration avec le Designer qui devient le pivot central, l’attaquant et le capitaine de l’équipe inter-active.

Nous étions loin de nous douter de l’extraordinaire révolution que nous allions vivre durant ces deux années, mais aussi d’une renaissance fabuleuse, la place du Graphic Design au cœur de l’économie numérique.

C’est là toutes les raisons pour les quelles il était légitime que j’organise au nom d’e-artsup, l’école supérieure des métiers de la création digitale et interactive, cet inventaire des problématiques et d’avancées digitales.

Pour ma part je m’intéressais déjà depuis 2005, la création de Design et Typo, à ces questions de portabilité de la Presse sur le Net. Et au fond je me trouve globalement plus que satisfait de voir le rôle et la place que prend de plus en plus le Design. Et de constater de même que nos métiers sont de plus en plus connus, relayés par la presse. De voir que les journalistes de 2010 savent ce qu’est le graphisme, la typographie; connaissent l’importance de la forme qui fait sens et que nos métiers sont sortis de l’anonymat intimiste où elles évoluaient depuis l’invention du caractère mobile par Gutenberg.

Je remercie ici de tout mon cœur les partenaires étapes:, Adobe et Libération.fr qui m’ont aidé à organiser ce débat qui a réuni sur un même plateau: Geoffrey Dorne, Jean-Louis Frechin, Ludovic Blecher, Michel Chanaud et bien sûr Étienne Mineur qui avait déjà animé le premier débat.

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Garamont ou Garamond ? voici celui de la fonderie Deberny et Peignot (1926) mise en production par Georges Peignot.

C’est une longue histoire que cette affaire du Garamond. J’avais déjà consacré un billet assez spectaculaire à la question ici. Un comparatif des Garamond de plusieurs fonderies. Celui de Deberny et Peignot n’est pas juste une épisode. D’abord parce c’est la version la plus “Française” d’un caractère né au XVIe siècle et qui va se propager dans le monde entier chez les Allemands (Stempel, Berthold), chez les Anglais (Monotype), chez les Américains avec la Garamond ITC d’abord puis les deux ou trois versions d’Adobe (la Garamond Three, Adobe Garamond etc.)

Ainsi commence l’avertissement au lecteur du présent document:

“Après de longues années d’études et de mise au point) la réalisation du « caractère d’après Garamont ») qui fut commencée en 1912 sur l’initiative de Georges Peignot) est aujourd’hui complètement terminée. Nous avons conscience d’avoir ainsi doté la typographie française d’un moyen d’expression bien à elle) et qui faisait défaut jusqu’à présent dans la gamme de nos créations nationales. La plaquette de présentation est en cours d’exécution) mais nous tenons dès à présent à la disposition de nos clients des spécimens de tous les corps ainsi que des lettrines et vignettes anciennes et modernes gravées pour le Garamont.”

Je vous laisse découvrir ce document presque unique et vous invite à raconter votre expérience de l’usage des Garamond, vos préférences personnelles etc. Je n’ai malheureusement pas le temps d’en faire moi même l’exégèse en ce moment, débordé que je suis par les différents salons d’étudiant qui se tiennent actuellement un peu partout en France. Je vous prie donc de m’excuser pour cette relative distanciation que je suis obligé de faire avec mon blog, et par voie de conséquence avec mes lecteurs.

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Prenez tout de même le plaisir de venir ainsi à la rencontre de cet alphabet mythique se terminant avec un « d » ou un « t ».

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Herb Lubalin | à l'Avant Garde de la Création typographique

Pourquoi un Tribute à Herb Lubalin
C’était au printemps 2005 je crois, l’exposition de Yamamoto au Musée des Arts Décoratifs… je faisais un détour par la librairie et tombait par hasard sur un ouvrage intitulé «Graphic Design au XXe siècle» édité par Bis Publisher en 2003 (ISBN 90-6369-051-7) à Amsterdam. Les auteurs, Alston W. Purvis et Martijn F. Le Coutre ont commis ce condensé de l’histoire des Graphic Arts, quelques 470 pages sans penser qu’un jour j’allais feuilleter leur «poulet» et lever un lièvre qui va faire rire toute la communauté des graphistes du Monde entier. Ils ont tout simplement oublié de citer, que dis-je de commémorer la mémoire de l’un des plus grands (par le talent) graphic designer de l’après mauvaise guerre (comme s’il y en avait de bonnes), je veux dire Herbert Lubalin.

J’ai alors réfléchi sur la manière de rétablir un tel oubli. Lorsque j’ai créé ce blog à l’attention de mes élèves de l’école e-artsup pour leur servir d’abord de support de cours, l’idée avait germé de rédiger une suite de billets sur l’oeuvre et la spiritualité de Herb Lubalin. Pas simple comme tâche et je prie par avance les éditeurs Print et American Showcase (Snyder, Gertrude & Peckolick, Alan, 1985, Herb Lubalin: Art Director, Graphic Designer and Typographer, American Showcase Inc., New York) de bien vouloir m’excuser d’avoir ainsi dû reproduire une partie de leur éditions de 64 et de 85 (magnifiques contributions à la mémoire de Herbert Lubalin que tout un chacun peut s’il en envie trouver dans les bonnes librairies spécialisées comme Artazart ou la Hune ou encore j’imagine les rayons d’arts graphiques de toutes les bonnes Fnac) mais l’enjeu est trop important pour laisser passer les oublis après les oublis. Car ne nous y trompons pas, il s’agit de l’oubli qui tue mieux que la critique, l’indifférence qui renvoi le travail d’un individu dans les limbes de l’inexistant… alors qu’il reçut de son vivant plus de 500 récompenses internationales, pas moins et pas des moindres… (le Art Directors Club et le Type Directors club de New York, L’AIGA, l’ATYPI, le Royal Collège de London, et j’en passe il y en a 495 autres…).
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direction artistique pour le magazine EROS | direction de la photo Herb Lubalin (1962) à remarquer le bel empreint du concept par Spike Lee pour l’affiche de Jungle Fever plus de vingt ans après.
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Sommaire des billets consacrés à Herb Lubalin:

1 | ou l’histoire d’un juif new-yorkais né gaucher, daltonien et aphasique.
2 | l’un des plus brillants directeurs artistiques de New-York.
3 | Sex Spacing Typographie
4 | une méthode, une approche tactile du type-directoring
5 | son génie des lettres, des logotypes et de la mise en page
6 | Herb Lubalin: la saga ITC et U&lc


Voici la galerie de l’œuvre de Herb Lubalin qui va nous servir pour illustrer son génie tout au long de ces billets. cliquez ici


sex, cul, bite, con, clitoris (test métadonnées :-)

Herb Lubalin’ story | 1

ou l’histoire d’un juif new-yorkais né gaucher, daltonien et aphasique

Le beau-père de Herb Lubalin Salomon Kushner, se demandait ce que ferait sa fille ainée Silvia devenue adulte. De fait elle se maria avec un artiste daltonien, gaucher et complètement aphasique. Mais Monsieur Kushner était un tailleur pour hommes et pas un prophète. Il n’était pas vraiment qualifié pour prédire l’avenir. Ne pouvant deviner que Herb Lubalin allait devenir l’un des plus fameux graphic designer américain, internationalement connu et récompensé pour son œuvre, l’un des géants d’une industrie géante dont la situation reflétait la réussite économique du pays.
Herbert Lubalin, n’était pas à proprement parler autiste, mais plutôt et complètement aphasique, il ne parlait pas, ou bien par grognements, uhhghg, eherhg. Mais Herb entendait très bien, et il jouait de la musique, et surtout il aimait la typographie expressive des mots. Les mots qui faisaient sens, dont le graphisme prolongeait la sémantique pour aller projeter au plus profond de nos inconscients une image qui allait nous marquer à jamais.
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Herbert Frederick Lubalin fit ses premiers pas au milieu d’une renaissance de la publicité tôt dans la première moitié du XXe, à New York City.
A la fin du 19e siècle l’industrie de la communication aux États-Unis était essentiellement vouée à faire la part belle à quelques grandes secteurs industriels. Tout confondu les agences, moins d’une centaine, dépensaient environ 7 million de dollars pour les budgets dont elles avaient la charge.
En 1984, on recensait environ 10.000 agences de publicité et le montant de leur chiffres d’affaires atteignait 12 billion de dollars, pour faire la publicité et la promotion des ventes de la production industrielle nationale au travers des médias traditionnels, films télé et cinéma, radio et presse imprimée.
Né en 1918 d’une famille d’émigrés germanique (coté maternel) et russe (paternel) Herb fut baignée toute son enfance dans une ambiance d’amour familiale et d’expression artistique (sa mère était chanteuse et son père jouait de la trompette dans un orchestre professionnel. Membre du premier orchestre radiophonique américain. Son intérêt pour l’art fut donc bien évidemment encouragée.
Malgré ses difficultés à dessiner un paysage «reconnaissable» son talent pour dessiner des lettres et des logos fut appuyé par ses professeurs. La grande dépression des années trente laissa la famille de Herb exsangue. Et l’on décida qu’il ferait des études de médecine ou d’avocat, mais ses résultats scolaires étaient si déficients qu’il dût renoncer à «assurer» son avenir dans des métiers «rassurants» et se dirigea vers une école d’art, la Cooper Union où il fut admis avec difficulté 64e sur 64 candidats.
Ses cours de Calligraphie:
(au commencement de la connaissance typographique, il y a l’amour des lettres)

On raconte que l’étudiant Herb étant gaucher, son professeur de calligraphie n’a eu cesse de l’obliger à travailler de la main droite. Tant il est vrai que l’attaque des plumes sur le papier ne pouvait se faire qu’avec celle-ci. (on a inventé depuis des plumes pour gaucher). Mais Herb avait une trop grande dextérité de la main gauche, alors il fit croire à tout le monde que désormais il travaillait de la main droite et remporta un premier prix à la Cooper pour l’excellence de son talent de calligraphe. Mais son sens de l’humour lui fit révéler le pot aux roses le jour des remises de prix, devant 500 personnes. Aphasique certes mais pas si timide.
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En sortant diplômé de la Cooper Union, il était assez naturel de commencer sa carrière comme Hand Letterer, dessinateur de titres (displays). Un métier peu reconnu dans la sphère des agences, assimilé aux roughmans, mais un métier tout de même extrêmement florissant aux États-Unis. Il faut savoir que les States, pays majoritairement protestant ou anglican sont le deuxième berceau de la calligraphie moderne. L’on dit par exemple qu’on reconnaît l’université dont est issu un étudiant au style calligraphique de ses notes. Il existe aujourd’hui plus de 1000 associations et sociétés de calligraphie disséminés sur les 49 États.
C’est plus tard que Herb conquit l’image d’un graphic designer concepteur d’idées et pas seulement de formes. Mais pour comprendre son évolution il faut rappeler le rôle joué par l’émigration des designers allemands pendant la deuxième guerre.
Dans plusieurs notes précédentes j’ai évoqué l’immense rôle du Bauhaus dans l’évolution de nos perceptions gutenbergiennes. Herb n’y a pas échappé. L’arrivée de Herbert Bayer, d’Alexey Brodovitch sur la 5e avenue, dans les magazines comme le Harper’s, Esquire, Vogue, l’apport de leur conception fonctionaliste (ou structuraliste) de la page révolutionna le regard de toute la publicité américaine.
Pour la première fois l’image et la typographie ne faisait plus qu’un, pour former un message fort et évocateur. Ils révélèrent de jeunes talents parmi les photographes ou graphistes comme Richard Avedon ou Paul Rand. Herb va fréquenter tout ce milieu artistique et s’en inspirer pour parachever ses sensibilités et ses méthodes de travail.

C’est aussi la période et le lieu pour faire exploser les idées fonctionalistes du Bauhaus : un public, un produit, un message et le média adapté à la diffusion de celui-ci. Presse, Télé, Radio…
En 1945, les GI’s reviennent à la maison et commence alors la grande transformation des trente glorieuses. L’économie, dépressive des années trente, tournée entièrement vers l’effort de guerre entre 1939 et 45, se recentre sur la nouvelle économie, celle des ménages où l’homme et la femme travailleront tout autant. L’industrie de la consommation (consumérisme) peut alors frapper ses trois coups : habitat, automobile, vêtements, électroménager, audio-visuel, loisirs (et toujours l’alcool, le tabac, les armes), voyages…
Dans les agences le travail sous l’influence éducative des nouveaux talents européens, se structure, désormais le directeur artistique va travailler de concert (en team) avec le concepteur rédacteur. L’image des mots, et leur sens va de pair…
En 1945 Herb Lubalin entre comme art director chez Suddler & Hennessey, une agence de publicité médicale. Il y travaille avec un stylo à bille et 20 illustrateurs, photographes, dessinateurs de titres, compositeurs, retoucheurs qui vont suivre les concepts-tendances de Herb. C’est là que l’on va voir naître la légende Lubalin.
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Sa méthode de travail va devenir mythique. Le matin en arrivant au bureau, il commence à dessiner des roughs des pages de pubs, de catalogues ou de spots TV. Chacun de ses Type-Rough est un véritable bijou de perfection typographique, rien n’est laissé au hasard, ni les choix typos, ni les tailles (corps), ni les approches qu’ils pré maquette au dixième de millimètre. Dans l’après-midi arrivent les free lance, dessinateurs de titres, photographes, illustrateurs, à qui il distribue minutieusement leur tâches respectives. Sa capacité de travail était impressionnante, il ne s’arrêtait jamais, pour faire le tour du pâté de maison ou pour un clavardage…
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Ses maquettes-roughs étaient calés avec une précision redoutable, parce qu’il utilisait des calques pour prévoir chaque succession d’alignement vertical ou horizontal. Ses calques devinrent plus tard des véritables collectors faisant l’objet d’exposition internationales (Royal Collège à Londres par exemple). Il n’était jamais satisfait, remettant sans cesse l’ouvrage sur le métier. Ouvert aux opinions des autres, prêt à changer de design stratégie à la moindre critique positive.
Son studio verra passer les meilleurs illustrateurs et graphiste de New York : Seymour Chwast en tête (qui créa le Push Pin studio avec Milton Glaser).
La force de Herbert Lubalin réside dans la conjugaison de deux univers, le texte et l’image. Le texte devient image et l’image renforce le texte. Attitude profondément juive par la tradition talmudique et de la recherche constante de sens multivalents mais d’essence Bauhausienne dans la mesure où il ne s’agit pas tant de poser des questions que d’apporter des solutions graphiques à un message. Lubalin, c’est Gutenberg sur la cinquième avenue qui profite des technologies d’avant garde de studios de photo-lettrage comme ceux inventés par Edward Rondthaler en 1927 qui créa la première société de phototitrage (Photolettering Inc.).
De succès en succès, de récompenses en nominations, le jeune Herbert va bientôt rejoindre le Board de Suddney & Hennessy pour y assurer un rôle majeure de Directeur de la Création.
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Herb Lubalin’ story | 2

l’un des plus brillants directeurs artistiques de New-York.

Avant d’aborder la sensibilité typographique de H.Lubalin, il m’a semblé naturel de vous entraîner vers l’univers visuel du bonhomme. Précisément à cause ou grâce à cette aphasie légendaire qui laissait son entourage dans un silence quelquefois gênant, Herb exprimait toute sa sensibilité au travers des images et des mises en pages époustouflantes qu’il commettait. Que ce fut pour la publicité (advertise) ou l’édition (publishing) ou pour la presse, Herb trouvait toujours le ton juste et décalé que nous retrouvons aussi bien dans l’œuvre d’un Woody Allen que dans la musique de George Gerschwin. Voici quelques exemples de ce travail d’analyse et de solutions graphiques.
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Typo monumentale, habillage du texte, minimaliste, l’œil est tout autant attiré par le grand que renvoyé à la lecture du texte en petit corps 11 ou 12. Un chapô en Helvetica Bold étroit pour une lecture en diagonale permet de résumer, de pitcher le texte de l’annonce. Il s’agit aujourd’hui d’un moyen graphique très répandu, mais nous sommes dans les années 50-60, bien avant la flower generation, et bien après les années russes que nous avons détaillé dans une note précédente.
On peut bien sûr rapprocher ces compositions graphiques de ceux montrés dans le Manuale Typographicum d’Hermann Zapf, parce que tous, gutenbergiens convaincus pratiquent les mêmes logiques de mises en page.
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Mais Herb vit à New York, et son travail de typographe n’est qu’un élément visuel, certes des plus prégnants, cependant il vit au cœur du commercial (prononcer en anglais) c’est à dire d’une pratique mercantile qu’Hermann Zapf n’a jamais abordé à ma connaissance. Zapf, c’était le théoricien, Lubalin le praticien. Et loin de moi de condamner l’un ou de faire l’apologie de l’autre. Ils agissent sur deux registres. Zapf aime la Lettre, et Lubalin l’adore, vous me direz la différence. Quand Lubalin, profitant des progrès de la photo-composition et du photo-titrage rapproche les lettres à l’excès pour en constituer des mots-images, Zapf balaie le style d’un revers de main : «ah ! sex spacing typography? ». Mais les deux ont raisons. La publicité et l’édition n’ont jamais fait bon ménage, et pour la raison simple que les temps de lecture ne sont pas les mêmes, la première s’adresse à vous en sachant que le temps d’une page dure quelques dixièmes de secondes, l’autre en sachant pertinemment que vous êtes confortablement installé dans un fauteuil pour déguster le texte d’un roman ou d’une revue d’art. N’empêche que Lubalin arrive à nous toucher avec bon goût et élégance.
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Bien entendu je ne vais pas vous assommer de tous les visuels et exemples de cet immense travail, vous pouvez consulter à votre aise la galerie des œuvres de H.Lubalin ici.

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Herb Lubalin’ story | 3

Sex Spacing Typographie
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Situer l’œuvre d’Herbert Lubalin sur le plan graphique et visuel, c’est encore et encore rappeler les filiations historiques. De l’invention de la lettre en plomb de Gutenberg à celle de la lettre de lumière (photo type-setting) il va s’écouler quelques 450 ans. Le travail de Lubalin s’inscrit à ce moment précis de l’histoire de la technologie typographique.
Patrick Bazin nous dit ceci :
En 1944, enfin, Higonnet et Moiroud (deux ingénieurs français, spécialisés dans les connexions électromagnétiques) français déposent le brevet de la photocomposition
qui marque la rupture définitive avec le plomb et l’avènement de la lettre de lumière.

C’est à Lyon que le premier livre en langue française est imprimé (1476), ainsi que le premier ouvrage illustré en France (1478). Au début du XVIe siècle, Lyon est avec Venise et Paris l’un des principaux foyers européens de diffusion du livre: l’imprimerie se perfectionne, la librairie prospère, les humanistes, comme Rabelais, viennent s’y faire éditer, la littérature s’épanouit.
Deux siècles plus tard, Jacquard y préfigure l’informatique en utilisant des cartes perforées pour automatiser les métiers à tisser des canuts. En 1895, après avoir trouvé le premier procédé de photographie en couleurs, les frères Lumière y inventent le cinématographe. En 1944, enfin, Higonnet et Moiroud y déposent le brevet de la photocomposition qui marque la rupture définitive avec le plomb et l’avènement de la lumière. Il n’est pas jusqu’à la soie elle-même – cette trame quasi immatérielle et programmée, support d’impression et métaphore possible du continuum numérique – qui ne symbolise la passion de Lyon pour la recherche d’une inscription toujours plus agile des signes.
Autrement dit, à travers l’imprimerie, la programmation, la photographie, le cinéma, la photocomposition et même l’industrie textile, une bonne partie des ingrédients qui vont converger vers le multimédia inscrivent leur polyphonie dans l’histoire d’une ville. C’est pourquoi, en tant que bibliothécaire lyonnais, je trouve si pertinente la façon dont le grand bibliographe McKenzie défend une conception délibérément extensive de la textualité: «L’étymologie même du mot «texte» confirme qu’il est nécessaire d’étendre son acception usuelle à d’autres formes que le manuscrit ou l’imprimé.
Le mot dérive, bien entendu, du latin «texere», qui signifie «tisser» et fait donc référence, non pas à un matériau particulier, mais à un processus de fabrication et à la qualité propre ou à la texture qui résulte de cette technique (…) sous le terme «texte», j’entends inclure toutes les informations verbales, visuelles, orales et numériques, (…) tout ce qui va de l’épigraphie aux techniques les plus avancées de discographie» (Bazin, Patrick, «Vers une métalecture», BBF, 1996, n° 1, p. 8-15).

Herbert Lubalin, libéré des servitudes du plomb, peut enfin approcher les lettres, les déformer et quand, suprême résilience de l’alphabet, celui-ci lui résiste alors il le redessine. Ce faisant nous sommes à la croisée de deux univers de la perception visuelle, juste avant l’arrivée des Neville Brody et surtout d’un David Carson. Bénéficiant de la rupture numérique, ceux-là vont explorer la profondeur de la matière graphique en créant des couches superposées, des calques dira-t-on aujourd’hui. Mais cette technologie ne date que de 1993-1995, date à laquelle Photoshop d’Adobe a permis d’aborder une pratique multi couche des images.
Pour comprendre l’œuvre de Lubalin, il faut avoir présent à l’esprit les contraintes techniques auquel l’époque était soumis. Ses compositions, poussées à l’extrême des contrastes (qui d’ailleurs sont insupportables vues sur l’écran d’un ordinateur), les approches ultra resserrées, l’emploi systématique du principe grand-petit pour créer des champs de force donc d’intensité de lecture, et ce célèbre punctum dont parle R.Barthes, sont autant de figures de style qui se révélaient à l’époque révolutionnaire. Et en examinant chacun de ses créations, on s’aperçoit qu’elles n’ont pas pris une ride.
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une méthode, une approche tactile du type-directoring
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Un de mes bons amis, Michel Chanaud, directeur de Pyramyd et d’Etapes Graphiques me disait un jour : «ce qui va au papier, doit venir du papier». Ce propos il me le tenait en 1991 alors que le Mac était en train d’envahir les studios, les agences et transformait en un temps record sous nos yeux les structures de production dites traditionnelles. Nous constations tous les deux une évolution assez catastrophique d’une nouvelle génération de graphistes qui évitaient le papier pour aller directement créer leurs pages à l’ordinateur. Avec le recul je modulerais ce genre de critique et, parce que notre rapport au clavier et l’écran ont évolué considérablement, et parce que les logiciels sont devenus également plus intuitifs, plus souples d’emploi, mais globalement le précepte reste assez vrai. Et pour avoir vu les story-board d’un Terry Gilliam lors d’une expo au Palais Tokyo et encore d’un David Lynch, on se rend bien compte qu’une création print ou cinéma a besoin de naître sur papier pour plusieurs raisons:
D’abord parce que la main est plus proche du cerveau que l’écran-clavier-souris, prolongements de la main. Il s’agit d’une prise en direct sur nos capacités créatives et d’introduire un interface ne peut que ralentir voir empêcher la naissance d’une idée. Bien entendu cela nécessite une connaissance des structures d’une page ou d’un écran de cinéma, un savoir-faire de dessin des masses graphiques et typographiques, mais l’exemple ci-dessus, d’un rough de Herb Lubalin démontre qu’il n’est point besoin d’en savoir tant que ça. Certes son rough est magique de précision, mais l’exécution finale révélera les inattendus de son dessin. Il n’empêche que la relation du graphiste au papier est essentielle pour faire naître un concept, une design-stratégie qui curieusement ont besoin de naître dans un certain flou perfectible. Un rough ordinateur est quasiment trop précis et n’autorise pas le «à peu près» nécessaire à faire évoluer ce concept. Je veux dire qu’il y a danger de rougher une maquette à l’écran dans la mesure où ce que nous voyons devient vite une exécution finale et nous aliène de toute possibilité de remettre en question la création, alors qu’elle est peut-être loin d’être aboutie. Ce danger, que nous connaissons aujourd’hui, les générations antérieurs, Lubalin pour exemple mais des milliers d’autres graphistes ayant fait des écoles dans le monde entier, ne l’ont pas connu. Ils entretenaient naturellement cette relation tactile avec la chose imprimée, par le fait que cela faisait partie du process de production naturel de ces époques. J’imagine que même Gutenberg, dont nous n’avons pas beaucoup de documents intermédiaires, devait s’astreindre à cette discipline tactile, ne pouvant se permettre de composer une page sans l’avoir prévisualisé auparavant sur papier.
Herbert Lubalin va pousser cet art du sketch jusqu’à l’œuvre d’art. L’ensemble de sa création est marqué du sceau de la préparation à l’extrême de ses copies de composition. Dans le process industriel de l’époque (pas si éloignée tout de même puisqu’elle a perduré jusqu’à 1989), chaque titre, chaque texte devait être transmis à l’atelier de photocomposition et de phototitrage après avoir été préparée avec minutie. Les textes devaient être calibrés, au corps près, à l’interlignage près, à la virgule près. A l’agence Delpire à Paris, un préparateur de copie, Alain Gautier ne faisait que cela, et lorsqu’il commandait des textes au fer-à-gauche, il reprenait chaque fin de ligne pour en éliminer les aberrations (articles, prépositions etc. bannies) et faisait recomposer une deuxième fois chaque pavé.
Lubalin était passé maître dans l’art de la prévision de ses maquettes, il «sentait» à l’avance le résultat final, un peu comme Beethoven qui, devenu sourd, «entendait» les notes dans sa tête.

Et du coup son œuvre se ressent d’une spiritualité bien plus forte que les créations de l’époque. D’autant qu’en France par exemple à la même époque (et encore aujourd’hui) il n’y avait pas de place pour cette fonction essentielle de Type Director. Ce faisant les créations publicitaires françaises sont assez pauvres au plan typographique. Et l’on peut déplorer que même aujourd’hui, alors que le Mac trône sur tous les bureaux de DA parisiennes, la place et surtout le temps consacré à la recherche typo des annonces et affiches reste endémique. Exception faite dans les bureaux de design packaging où l’écriture du produit et de la marque sont des acteurs essentiels de cette forme de communication majeure révélé en France par Gérard Caron.
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Herb Lubalin’ story | 5

son génie des lettres, des logotypes et de la mise en page
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Permettez-moi de revenir dans ce chapitre sur l’essentiel qui fait le génie de Lubalin, je veux dire son amour des lettres. On ne le répétera sans doute jamais assez, Herb n’était pas doué pour la parole, aussi sa relation avec l’alphabet frise l’obsessionnel. L’aphasie l’a plongé dans une relation amoureuse avec les signes alphabétiques qui lui permettait de s’exprimer par procuration. Logotypes, lettrages, titres de magazines ou de jaquettes de livres sont autant de moyens pour lui de dire à la face du monde qu’il n’est pas silencieux, qu’il sait même hurler ou chuchoter. Il représente dans l’histoire de la typographie le plus bel exemple d’oralité masqué-dévoilé dont parle Mac Luhan dans sa Galaxie Gutenberg.
Webherb_lubalin_66Lubalin entre à la Cooper Union parce qu’il rate ses exams d’entrée dans une école d’avocat. Pas étonnant, toujours l’aphasie. Et brusquement il se découvre un talent pour la calligraphie malgré son handicap de gaucher. C’est là dans le tracé élégant des pleins et déliés, dans la juste apposition des gras et des maigres, des grands et petits, d’une réflexion sur la grammaire typographique gutenbergienne qu’il va se découvrir sa véritable vocation. Et il dessine, alphabets après alphabets, avec toute la patience nécessaire à un travail monacale. Tantôt dans le silence, tantôt en écoutant du Jazz, il dit à sa main gauche de dire ce que sa bouche et sa langue ne peuvent exprimer. De ce fait il résume à lui seul tout le passage que l’humanité accomplit en quelques cinq cents ans, la transition d’une civilisation orale et tribale à une civilisation du visuel-urbain. Mais Herb a aussi de la chance.
Webherb_lubalin_65_1Parce qu’au moment très exact où son travail se met en place, le XXe siècle bascule vers la civilisation du «consommer». Il s’agit bien entendu d’un constat, et non de faire l’apologie de cette société d’après-guerre entièrement tournée vers le matérialisme, dénoncé par la suite sur le campus de l’université de Berkeley en 68. On peut tout au plus affirmer que les années 30 à 45 ont vu un monde occidental manquer de tout. Le renversement de tendance était donc historiquement inévitable. (Il suffit de voir la Chine de nos jours pour constater les mêmes modèles de comportements). Le développement industriel, vertigineux à l’excès a transformé les règles de jeux sur les marchés. Désormais on parle d’offre et de demande, de parts de marchés, de marketing et de Publicité.
Celle-ci prend son envol, convainc les clients à investir sur les marques, leur identité visuelle, sur les packagings, pour mieux vendre dans un environnement concurrentiel de plus en plus effréné.
Webherb_lubalin_64_1Un client reprocha un jour à David Ogilvy qu’il lui coûtait deux fois trop cher (il parlait de son budget publicitaire), Ogilvy lui répondit : «si l’on savait sur quelle moitié économiser, ce serait plus simple». C’est donc dans un contexte économique à forte croissance que les talents comme ceux de Lubalin vont s’exprimer. Et il n’économise ni ses efforts, ni sa peine. Commence tôt le matin, avec un café-croissant qu’il finit rarement pour autant que sa main gauche est déjà en train de «gribouiller» son carnet de croquis avec des solutions graphiques qui s’empilent jusqu’à la fin de la journée. Là les éléments d’exécution, titres, textes sont passés en commande dans les ateliers de compo, puis montés le lendemain matin en studio d’exécution (artwork). Herb profite également des derniers soubresauts d’une civilisation qui prône encore la division du travail. Ainsi chaque professionnel avec une responsabilité limitée qu’il devait exercer avec talent. Pas de place à l’amateurisme. Herb travaille avec les meilleurs (Seymour Chwast, Aaron Burns, Bob Fiore, Gerry Gersten, Irwin Glsker, Helmut Krone, George Lois, Fred Papert, Larry Muller, Sam Scali, Arthur Singer, Bernie Zlotnick)
On peut parler d’une œuvre graphique à partir du moment où l’ensemble du travail d’un artiste reflète la volonté d’un discours, d’une vision unique et d’une continuité dans sa logique de création. C’était le cas de Lubalin. Ses logos, ses papiers en-tête, ses mises en page sont toutes marquées du sceau de la plus excessive rigueur. Des artistes contemporains comme Philippe Apeloig en France par exemple ou Zuzana Licko en Californie peuvent prétendre à ces degrés de précision «au fil du rasoir» dans leur création graphique.
Voici encore quelques exemples de création de H.Lubalin :
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Comme vous l’avez entre-aperçu, juste au-dessus de la jaquette (Yes I Can) d’un livre de Samy Davis Junior, la couverture du Magazine Avant Garde. Nous y reviendrons dans le prochain billet pour aborder l’autre versant du génie de Herb Lubalin, la création de TypeFace. Cette aventure nous mènera tout naturellement à évoquer la saga d’International Typeface Corp, et son émanation la plus prestigieuse, le magazine Upper & Lowercase auquel collabora Lubalin durant 11 ans, jusqu’à son départ vers le ciel des typographes.
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Herb Lubalin’ story | 6

Herb Lubalin: la saga ITC et U&lc
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C’est en 1970 que l’une des plus grande révolution typographique des 500 dernières années est née dans le secret le plus absolu du studio Suddler & Hennessy où officiait Herb depuis déjà une vingtaine d’années.
Herb, entouré de ses fidèles amis fut convaincu par Aaron Burns, expert de l’industrie typographique pour avoir suivi une filière presque identique à celui de Herb en sortant de la Newark Evening School of Fine and Industrial Arts, de créer une fonderie typographique virtuelle. De quoi s’agissait-il?

Aaron, qui a suivi un cursus identique mais qui a fréquenté les ateliers de composition de New York (The Composing Room, Inc.) sentait bien que le monde basculait vers des préoccupations de type «développement durable» dirions-nous aujourd’hui. Il sentait les choses parce qu’il pratiquait quotidiennement l’économie-marketing de la composition typographique. L’Amérique, comme l’Angleterre et l’Allemagne ainsi que les pays européens nordiques étaient des papivores ancestraux. Du fait d’une culture protestante et anglicane, moins attachés aux icones qu’aux textes (et cela se vérifie encore aujourd’hui), les journaux comptaient des centaines de pages. Les magazines donnaient à lire là où nous donnions à voir, et la typographie jouait donc un rôle énorme dans l’ergonomie de la mise en page. Burns avait remarqué que traditionnellement liés aux caractères garaldes (Garamond, Cheltenham Old, [voici le nouveau redessiné par ITC] Janson, ou transitionnels Times, Caslon, Baskerville… les textes prenaient d’autant plus d’espace que les jambages montantes et descendantes des caractères traditionnels forçaient les compositeurs à pratiquer un interlignage conséquent afin d’éviter l’imbrication de ces jambages et de rendre illisible (par les effets néfastes d’un sous-interlignage) les textes.
On a bien essayé durant quelques années à sous-interligner mais sans succès majeur. Les lois de la lisibilité, étudiés par des Bror Zachrisson, Herbert Spencer, R.Y. Walker etc. furent étudiés en laboratoire de physiologie de la lecture. On étudia les mouvements de l’oeil, la rapidité de la perception, la distance de perceptibilité, la distance de perceptibilité ainsi que notre accomodation, la fréquence du cillement (par Luckiesh et Moss) ainsi que la fatigue visuelle . L’enregistrement des déplacements oculaires donna des indications très utiles sur l’influence des paramètres typographiques sur la lecture. Et pour finir C’est François Richaudeau qui fit une synthèse de toutes ces recherches en publiant une série d’articles d’où il ressort que «l’évaluation de lecture effective est de loin, la meilleure méthode d’estimation de la lisibilité. Elle peut être exprimée soit en temps passé à effectuer une tâche donnée, soit en quantité de mots déchiffrés dans une période donnée…» (la Chose Imprimée, bibliothèque Retz).
L’industrie de la Presse était toute prête à entendre une type-stratégie qui maintiendrait la lisibilité et les styles traditionnels en privilégiant des économies de papier substantiels. Burns leur proposa un programme de re-design de tout le patrimoine typographique depuis Gutenberg à nos jours et fit part de son projet à Herb Lubalin. Pas facile à convaincre le juif gaucher, daltonien et aphasique quétait Herb. Tout au plus il dût grommeler quelques : «tu crois? c’est ce que tu penses?, ah, mouais, t’as p’te raison… et c’est là où Burns, fin psychologue et surtout un ami sincère, lui demanda de commencer par réaliser un alphabet exclusif, l’Avant Garde.
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L’histoire de ce caractère est exemplaire. Les bases en furent jetées sur calque à l’occasion de la création du logotype-titre du magazine éponyme auquel collabora étroitement Herb. La création d’alphabets originaux pour l’imprimerie fut longtemps l’apanage des imprimeurs-humanistes-fondeurs comme Christophe Plantin à Antwerpen ou d’Alde Manuce en Italie du Nord. C’est à partir du XIXe siècle, depuis l’invention de la lithographie par Alois Senefelder qui donna naissance à l’impression Offset, que l’on vit apparaître d’autres modèles économiques autour des fonderies comme Olive ou Debergny et Peignot. Le logotype d’Air France fut déclinée sous la direction de Roger Excoffon en Antique Olive et le Peignot (1937) de A.M. Cassandre est issu directement d’un caractère de titrage, l’Acier qu’il dessina en 1933. C’est ainsi que peu à peu naquit une nouvelle approche de la création des caractères. Partant d’un dessin original, un titre, un logotype le créateur en déclinait tout l’alphabet qu’il confiait à un fondeur qui allait commercialiser (d’abord en plomb, puis en caractères de photocomposition) auprès des ateliers de composition qui en étaient clients. C’était une petite industrie aux process long et fastidieux qui mettait en œuvre d’immenses talents depuis le dessinateur en passant par les graveurs de poinçons et plus proche de nous des ateliers de confection de caractères pour la photocomposition comme ceux de Debergny (sous la direction de Ladislas Mandel ou de Berthold qui connut ses heures de gloire sous la direction du docteur Günter Gerarhd Lange.
En 1970 lorsque Lubalin et Burns décident en commun de donner vie à l’Avant Garde et au programme de type-design au travers d’une société: International Typeface Corp, l’industrie de la typographie comptait environ 150 fabricants de machines (on dira imprimantes aujourd’hui) à composer/ ou à saisir du texte. Chaque fabricant draînait autour de lui entre 100 à 3000 clients essentiellement des ateliers de compostion indépendants, mais aussi intégrés dans les journaux ou l’édition. L’idée novatrice de Burns fut de leur proposer un programme de création unique et original auquel les industriels étaient invités à s’abonner. Moyennant des redevances trimestrielles, ils recevaient quatre fois par an les dessins d’une nouvelle collection de caractère. Ils n’avaient plus qu’à les photographier et à les fabriquer selon le process «propriétaire» de chacun.
Mais qu’est ce qui a poussé tous ces industriels à accepter ce programme hautement virtuel puisqu’il ne proposait que des dessins et pas un produit manufacturé prêt à la commercialisation.
C’est l’autre idée tout aussi novatrice pour ne pas dire géniale et en tous cas exceptionnelle de Burns. Créer une vague de fond, créer la demande en amont.
Il ne suffisait pas de convaincre les industriels de la presse new-yorkaise ou de Los Angeles pour provoquer une demande massive des futurs dessins d’ITC. Il fallait créer une vague de fond qui ébranlât toute la hiérarchie typographique datant de siècles de conservatisme.
Il fallait 15 ans à La Fonderie Monotype (sous la direction artistique de John Dreyfus) pour proposer une dizaine de variantes d’un Photon remarquablement conçu par José Mendoza. Désormais ITC propose 4 collections complètes (4 graisses en romain, italique et romain condensed et italique condensed) par an!. Mais pour convaincre définitivement les fondeurs traditionnels, Burns et Lubalin lancent un journal typographique Upper & lower case (littéralement Capitales & bas de casse) qui va porter la bonne parole aux quatre coins du globe. Tiré à 600.000 exemplaires, lu par plus d’un million de lecteurs, le journal pénètre gratuitement dans tous les milieux créatifs de la planète. Toutes les agences de publicité, tous les studios de graphisme du monde entier recevaient le même jour et quatre fois par an, une édition spéciale qui annonçait la création d’une nouvelle collection de caractères. La demande ne se fit pas attendre. Les fondeurs durent se plier à ce nouveau modèle économique et rapidement ils proposèrent la disponibilité des fontes manufacturées et prêtes à l’emploi dans les ateliers de composition en même temps que le journal U&lc arrivait dans les bureaux de création.
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Un jour de 1983, je croisais Aaron Burns dans une conférence ATYPI et lui demandait : mais que faites-vous des copyrights, comment protégez-vous vos caractères… sujet épineux en discussion depuis 1965 dans toutes les instances typographiques que compte notre planète. Les américains n’avaient pas souhaité signer les accords de Vienne qui donnaient une protection formelle aux caractères. Aux States seul les noms des caractères pouvaient être déposés et donc protégés. Burns me répondit : «il n’y a aucun problème, nous allons tellement vite dans la commercialisation de nos caractères que personne n’a le temps matériel de nous copier. C’est là notre meilleure défense.» Et il avait raison.
Je fais remarquer à mes lecteurs qui ont eu la patience de me suivre jusques là que nous sommes encore à quelques encablures de l’avènement du ©Postscript et de l’arrivée massive des Macintosh et de la PAO. Presque vingt ans avant. Mais le modèle était tellement moderne qu’il n’est toujours pas dépassé. Burns et Lubalin ne sont plus, ITC continue d’exister, et de proposer des fontes Postscript ou True Type ou encore plus récent Open Type pour PC et Mac. Seuls les circuits de distribution ont changé : ils vendent en direct ou bien par des revendeurs comme FontShop installé à Berlin.
Herb est tout à fait conscient quand commence l’aventure que c’est sans doute la plus grande qu’il vivra. Il s’y investit à fond. Chaque numéro d’U&lc porte la marque de son exigence typographique. Nous sommes à l’aube des plus grands bouleversments que va connaître l’humanité-lecteur-imprimeur, à l’aube d’une nouvelle ère gutenbergienne totalement virtualisé par l’arrivée d’internet, aussi bien qu’à la fin d’une épopée graphique en marche depuis le moyen âge. Lubalin ne connaîtra pas les calques de Photoshop, ni les floutages. Il ne connaîtra donc pas la liberté dont cette modernité nous a fait cadeau. Il continuera de perpétrer un style propre à tous les créateurs post gutenbergiens, jouant sur les contrastes, les juxtapositions spectaculaires, les habillages de plus en plus libérés des servitudes du plomb mais des juxtapositions tout de même. Ses pages consacrés au Jazz sont parmi les plus belles qu’il n’ait conçu. L’édition d’Upper and lower case est donc dans une filiation directe d’avec la Bible en 42 lignes de Johannes Gutenberg. Mais la vivacité de son esprit, son sens inné de l’humour, sa détermination à dire fort avec le moins de moyens graphiques possible le conduisent peu à peu à un style débarassé des lourdeurs, des pesanteurs typographiques. Il retrouve grace à Tom Carnase et Tony Stan la magie de la calligraphie, donne à Ed. Benguiat l’occasion de créer parmi ses plus beaux alphabets (ITC Benguiat, ITC Souvenir etc.). Les ITC Garamond, Cheltenham, Caslon etc. correspondent en tous points au programme que les deux complices (Lubalin & Burns) s’étaient fixé.
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Herb Lubalin et Aaron Burns ont contribué à économiser du bois d’Amazonie et de toutes les contrées boisées de la planète. Leur type-stratégie fixée au départ est devenue depuis un standard de création pour tous les alphabets de presse ou d’édition économisant de fait environ 15-20% sur le papier imprimé. Et ce dans le monde entier.
Vous trouverez en cliquant ici parmi les plus belles créations de Herb Lubalin tiré d’une édition commémorative de 1984 (éditeurs Print et American Showcase – Snyder, Gertrude & Peckolick, Alan, 1985, Herb Lubalin: Art Director, Graphic Designer and Typographer, American Showcase Inc., New York) . N’hésitez pas à vous la procurer, il s’agit rien de moins que du dernier Gutenberg d’avant l’arrivée des machines sur lesquels vous lisez actuellement cet article.
Et pour l’humour et la gentillesse de Lubalin, et pour la chaleur de la poignée de main qu’il me donna en 1978 à Londres voici la photo des papiers-toilette que ses clients trouvaient en allant se soulager.
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©peter gabor | textes et photographies: tous droits réservés | usage strictement pédagogique.
peter gabor | directeur d’e-artsup

Herb Lubalin’
story |
épilogue

J’ai commencé pratiquement ce blog par la publication de cette chronique sur la vie et l’œuvre de Herbert Lubalin. Comme je le disais ci-haut le monde avait déjà complètement oublié cet immense artiste. J’ai eu la joie de découvrir qu’au travers de mon blog tous les graphistes, jeunes étudiants, professionnels du design graphic avaient redécouvert Herb Lubalin. Au point que d’un bout à l’autre du monde on utilise mes photographies de reproduction de ces œuvres pour les diffuser le plus largement possible. Un ou plusieurs groupes se sont même créés sur Facebook, et ce n’est pas le moindre, des éditeurs m’écrivent ou me téléphonent pour me demander mes photos afin de les publier dans des ouvrages graphiques où l’on oublie plus le travail de ce New Yorkais génial. Un grand merci au passage à mon père qui m’avait fait découvrir son œuvre alors que j’étais encore lycéen.

Publié dans Non classé | Commentaires fermés sur Herb Lubalin | à l'Avant Garde de la Création typographique

Typographie | Élements d’histoire | Familles de caractères

CHRONIQUE PRÉCÉDEMMENT PUBLIÉ LE 16 JANVIER 2006

l’histoire de la typographie se confond avec celle de l’écriture de l’alphabet phonétique

suite du cours de typographie concernant la classification des caractères.

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Comme vous avez pu le constater, plus on avance dans l’élaboration d’une histoire de la typographie, plus on cherche à affiner les filiations des caractères. Thibaudeau (1860-1925) a été longtemps la seule référence en France pour une classification des caractères d’imprimerie. Elzévirs, Didots, Bâtons, Egyptiennes. 4 formes alphabétiques de base pour déterminer le style et l’origine d’une police de caractère. Or notre connaissance de la chose imprimée n’a fait que s’affiner tout au long du XXe siècle de l’information. Comment peut-on classer un Bembo, un Garamont et un Times dans la même famille des Elzévirs. C’est pourtant ce que Thibaudeau nous propose. Et de regarder la forme des empattements, les contrastes des pleins et déliés, l’attaque de la partie supérieure d’un <a> bas de casse et l’on s’aperçoit tout de suite de différences notoires. Mais après-tout est-ce que cela sert à quelque chose de savoir classer les caractères?

Dans les années 50-90, pendant près de 40 ans nous avons été envahis dans toutes les agences de pub, de studio de réalisations graphiques par les catalogues de caractères, tels que celui-ci dessous…

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extrait d’un catalogue «Type Book» typoGabor (1988)

Bien avant l’arrivée des Macintosh et des technologies typographiques vectoriels, les ateliers de composition proposaient à leurs clients d’innombrables formes alphabétiques dans des dizaines de catalogues mis à la disposition des directeurs artistiques des agences. Pour s’y retrouver une seule solution, avoir une connaissance intime de la forme des alphabets afin de «pressentir» à l’avance ce qu’on y cherchait. De savoir reconnaître une Elzévir d’une Egyptienne ne suffisait plus. Et Maximilien Vox, fondateur des rencontres graphiques de Lure l’avait bien compris. A l’instar de Giono qui avait créé les rencontres du Contadour, Vox va se réunir avec quelques amis, Jean Garcia, John Dreyfus et plus tard François Richaudeau, Charles Peignot, Roger Excoffon sur les hauteurs du village de Lurs en Provence afin de tenter de jeter les bases d’une réflexion moderne sur la typographie. C’est ainsi que naîtra la Classification Vox qui recueille aussitôt l’assentiment de l’Association Typographique Internationale. Les Elzévirs sont éclatés en 3 familles, les Humanes, les Garaldes et les Réales. Ce que les Américains jettent pêle-mêle dans une seule catégorie «Old Style» (sans doute Old Style pour tout ce qui précède la naissance des États-Unis), mais avant d’aller plus loin dans cette affaire de classification je vous emmène faire un flash-back sur l’histoire de l’écriture. Ci-dessous un tableau simplifié qui résume la filiation des écritures depuis 700 av JC :

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Bien sûr nous savions que les caractères bâtons, Linéales chez M.Vox n’étaient en rien modernes. Ils ont été tracés, bien avant l’alphabet grec ou phénicien (700 av JC) sur les inscriptions cunéiformes véritable proto-alphabet de celui phonétique qui nous vient tout droit des phéniciens. Mais il est toujours intéressant de rappeler un contexte. C’est celui du support, et de l’outil. Les lettres tracés à l’aide d’une pointe sur une pierre argileuse ou de la cire ne ressemblent en rien aux lettres que les romains nous laissèrent sur la colonne Trajane. Eux se servaient de ciseaux pour tailler la pierre… Remarquez ci-dessus l’élégance des lettres A grecs et la régularité du tracé sur les pierres. (images cliquables).

A peine quelques centaines d’années s’écoulent, 200-300 et nous sommes plongés au cœur de la cité antique romaine qui pratique l’écriture comme moyen politique autant qu’artistique.

Les formes s’affinent, au croisement des tailles de ciseaux, un léger empattement «incise» apparaît, ce qui permit à M.Vox d’installer cette Classe des Incises juste avant les Humanes. On dira aussi des caractères lapidaires, provenant des inscriptions sur les pierres tombales ou les frontispices des monuments romains. Cependant les choses vont très vite.

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Entamée en Asie, l’histoire du papier se poursuit en terre musulmane, où il suscite « un respect frôlant parfois le fétichisme » dès lors que les paroles du Coran s’y trouvent inscrites. Et si les Arabes empruntent, au VIIIe siècle, le papier à la Chine, ils le transmettront à l’Occident, par l’intermédiaire des moulins d’Al-Andalus, l’Andalousie des « trois cultures » (musulmane, juive, chrétienne). Lire la suite !

Les hommes s’adaptent, taillent des plumes (calame) pour en tremper le bout dans une encre et tracer les lettres sur un épais parchemin. La souplesse du poignet, la vélocité de la main qui parcourt une feuille posée sur la tablette du script (scriptorium) entraîne rapidement à des modifications magistrales dans les formes alphabétiques.

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l’attaque du plat de la plume sur le papier entraîne ipso-facto la naissance des pleins et déliés, mais il faudra attendre le Moyen Âge, l’époque de Charlemagne vers le 8e-9e siècles pour que l’Onciale se voit tracer avec des lettres hybrides d’abord, on dirait aujourd’hui des bas de casses capitalisées ou petites capitales, qui deviennent progressivement des minuscules (puisque la casse de Gutenberg ne verra le jour que vers 1450). La minuscule carolingienne ou caroline représente parfaitement l’ancêtre de nos écritures d’imprimerie moderne.

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Parallèlement nous voyons déjà clairement apparaître les fondamentaux de la mise en page Gutenbergienne. Titres, Lettrines, vignettes décoratives.

Qui ne se souvient de cette scène du Nom de la Rose où des dizaines de moines traçaient les parchemins debout devant l’écritoire… Ainsi il faut toujours se souvenir qu’avant la lettre d’imprimerie, la lettre fut tracée, travaillée selon des techniques calligraphiques de plus en plus raffinées. La gymnastique du poignet se codifiant avec l’expérience des Jan van De Velde, ancêtre de nos calligraphes modernes dont un des plus talentueux descendants Claude Fernand Mediavilla fréquenta l’école de Bernard Aarin, le Scriptorium de Toulouse. Mais je m’avance un peu trop vite, nous ne sommes qu’à l’aube de l’ère du caractère Gothique.

Pour lors les outils se réduisent au pupitre, la lampe, l’entonnoir avec de l’encre, la plume, le fil à plomb, la pierre ponce, et le racloir. Ils n’ont guère beaucoup évolué depuis 500 ans. L’usage du pupitre est toujours recommandé. Comment parler des «écrits» sans évoquer le rôle prépondérant joué par l’Université dans la diffusion des imprimés. Celui de Padoue, toute puissante, celui de Paris, une capitale dans la capitale jouèrent un rôle fondateur pour labéliser les nombreux imprimés, calligraphiés dans les monastères. Les étudiants affluent, la demande augmente considérablement et la minuscule caroline va progressivement glisser de plus en plus vite sous la main des scriptes. De «parisienne», d’«anglaise» ou «bolonaise» la nouvelle cursive, indispensable à la vie sociétale et universitaire, prendra le nom de gothique. Elle est le fruit, la conjonction d’une évolution sociale majeure, où «le progrès social et le développement de l’économie et de la culture laïque généraliseront le besoin de

l’écriture». Ainsi l’on constatera une évolution parallèle entre le style des églises et cathédrales gothiques et de l’écriture du même nom qui ne vient en rien des Goths, tribus barbares comme chacun le sait.

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C’est dans cette période qui court de Charlemagne à Gutenberg, près de cinq cents ans tout de même, distance équivalente de celle qui sépare de Gutenberg à nos jours, que va s’élaborer la codification de la mise en page moderne.

Durant cette période nous verrons d’innombrables écritures se multiplier, avec tout de même une constante, l’avènement de la plume et du papier, ainsi que l’accélération de l’écriture qui donnera naissance à une grande famille de caractère que sont les cursives et les Humanes. Quand Maximilien Vox distingue trois familles là où Thibaudeau n’en voyait qu’un, c’est tout simplement que Vox était particulièrement sensible, artistiquement et humainement aux évolutions de l’écriture. Il ne pouvait pas s’empêcher de «voir» les formes alphabétiques sans regarder l’attaque de la plume sur le papier. ainsi les Humanes (venant d’humanistiques), sont antérieures aux caractères d’imprimerie classiques comme le Garamont que Claude G. dessina au 17e siècle.

A ce stade de cette note il me faut avouer mes sources, car sans elles je n’aurais pu aborder avec autant d’aisance iconographique cette petite étude. Il s’agit de l’extraordinaire ouvrage de Roger Druet et Herman Gregoire préfacé par Roland Barthes et François Richaudeau (publié chez Artheme Fayard & Dessain et Tolra en 1976 – édition épuisée) : La Civilisation de l’Écriture.

Il faudra environ une centaine d’années pour passer de l’écriture gothique à l’écriture humanistique. Le Moyen Âge, où règne une forme de folie intellectuelle et moral pétrie de rigidité sociale et morale symbolisée par le style gothique des églises aux lignes aussi solides que les barreaux d’une prison. De la folie d’une fin d’époque à la hiérarchie verticale que nous verrons vaciller sous la pression de la Renaissance, de la découverte des perspectives en architecture. Des Fous et des Pauvres, une société meurtrie par des rois dangereux pour leurs sujets (Louis XI, Charles VII), brûlant les Jeanne d’Arc et laissant assassiner des centaines d’enfants par Gilles de Rais.

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L’écriture gothique, ou textura chez les allemands correspond bien à cette volonté de remplissage sans laisser la moindre place au vide, c’est à dire à la contreforme. C’est bien ce textura qui séduira Gutenberg lorsqu’il s’attaquera à la bible en 36 lignes puis à celle de 42 lignes plus connue puisqu’elle est exposée en grande pompe à Mayance au Musée Gutenberg. Le deuxième alphabet que les imprimeurs vont adopter c’est aussi une gothique. La lettre de Somme, ainsi nommée pour avoir servi à composer la Somme de Thomas d’Aquin. Les Allemands l’appelèrent la Rotunda. Plus arrondie que la Textura, elle se souvient d’avoir été de forme latine et tend à s’harmoniser avec le siècle de Montaigne, plus humaine, plus confortable.

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L’apport de la Calligraphie à la maîtrise du caractère.

On ne saurait faire un saut vertigineux de près de 200 ans qui sépare Gutenberg et la Fraktur qui servit à composer sa Bible et le dessin policé et pétri de classicisme que dessina Claude Garamont vers 1650 sans évoquer l’importance de l’expérience calligraphique dans l’arbre généalogique des caractères. Bien sûr il s’agit de gestes individuels, mais codifiés. Bien sûr le hasard intervient mais pas plus que dans un caractère aux formes classiques. Ce qui fonde l’importance de la calligraphie, c’est précisément l’outil et la technique.

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Sans vouloir choquer les historiens, permettez-moi d’avancer une image, le calligraphe est à la cour du Roy, aussi indispensable que l’était le Scribe dans la haute Égypte. Ce sont les attachés de presse (cf Pétrarque) de ces époques si lointaines. Ils confient au papier, les secrets, les discours, les échanges, les transactions financières et diplomatiques des cours royales. Il en va ainsi des Cancelleresca, lettres de Chancelleries qui servent à échanger des informations entre deux délégations étrangères. Je ne citerai pas tous les noms, ce serait fastidieux, mais seulement ceux de Nicolo Niccoli (1364-1437) qui aurait, par un traitement cursif, assuré le succès de l’écriture humanistique, de Jean van den Velde à Rotterdam (1567-1623) qui publie en 1605 le Spiegel der Schriftkonste (Miroir de la Calligraphie), de Nicolas Jarry (1641) [la guirlande de Julie], de Paillasson (XVIIIe siècle), maître d’écriture et d’arithmétique, de Barbedor, le plus grand calligraphe français de l’époque (1589-1670) pour son ouvrage principal, les Écritures financière et italienne bâtarde paru vers 1650. Ce qui me rappelle que le seul musée sérieux consacré à l’imprimerie en France, celui de Lyon, au 13, rue de la Poulaillerie, se trouve être dans le même temps, le musée de la Banque. Étrange paradoxe mais pas tant que ça lorsqu’on se souvient du rôle de l’écriture dans la tenue des comptabilités financières et dans les lettres de change (ancêtre de nos chèques).

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Il s’agissait non seulement d’écrire, mais aussi de décorer l’écriture avec des paraphes (swashes chez les Américains), des arabesques qui venaient égayer, encadrer avec souplesse une phrase, un décret royal, un mot diplomatique ou amoureux. Les calligraphes faisaient assaut d’élégance et d’inventivité pour marquer de leur style personnel chacune de leurs planche d’écriture.

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Ainsi avançons nous résolument vers le siècle du classicisme et l’invention majeure de la création typographique qui advint en France. Je prendrai aussi la même précaution langagière que Roger Druet pour juger du plus beau dessin de cette époque le Garamont. Ce n’est pas qu’il fusse plus beau, plus original que les caractères de Francesco Griffo ou d’Alde Manuce, mais il parvint à une telle perfection dans le dessin et une telle harmonie dans ses déclinaisons, qu’aujourd’hui encore, quelque 500 ans après, le Garamont, ou Garamond avec un <d>, reste un des caractères classiques les plus utilisés dans l’édition comme ceux de Gallimard et bien d’autres.

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Pour comprendre la magie de ce caractère il faut savoir que nous revenions de loin. Le rationalisme de la Renaissance Française a failli avoir la peau des beaux caractères typographiques à l’Italienne. Les travaux du Champfleury de Geoffroy Tory et Dürer, inspirés des travaux anthropomorphiques de Leonardo da Vinci sont un bel exemple d’impasse dans laquelle la typographie Française a failli se laisser enfermer. Par ailleurs je dois reconnaître ce qui semble être l’avis unanime, les apports de Tory à l’art de l’édition où il excella avec son partenaire et associé Simon de Colines. Ils ont à eux deux «sortis» pas moins de 430 éditions avec les moyens les plus désuets que l’on connaît.

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Elzévir = Humanes + Garaldes + Réales

Nous avons vu la naissance des Humanes, les Garaldes selon la classification de Maximilien Vox est la contraction de Garamont et Alde Manuce (dont on ne saurait passer sous silence les travaux typographiques et lui accorder l’antériorité du style Garamont). Mais il serait également criminel d’oublier les apports de Francesco Griffo qui nous donna ce très beau Bembo réédité par la fonderie Monotype sous la férule de John Dreyfus voire de Stanley Morison.

Mais alors les Réales… c’est quoi ? Si l’on regarde les empattements, les pleins et déliés et les attaques de la plume imaginaire au-dessus de la panse du <a> bas de casse, une Réale est très proche d’une Garalde. Sauf que, sauf que les contrastes pleins et déliés, sont plus marqués, sauf que les empattements de sensibles voire sensuelles, elles sont devenus presque géométriques, triangulaires.

Voici un tableau comparatif

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Le Jenson s’apparente aux Humanes par le style marqué du dessin à la plume (attaques, terminaisons des patins, pleins et déliés marqués par la pente de la plume.

Le Garamond (Garaldes) efface les aspects «plumistiques» et nous propose des empattements sensibles et élégants mais en même temps très présents dans l’alignement des lettres. Au contraire du Times de Stanley Morison (1935) (Réales) qui transforme les patins en forme prototriangulaire et accentue les contrastes des pleins et déliés. Si l’on devait faire un choix, nous pourrions affirmer que le Times, hérité du Baskerville et du Caslon symbolise le mieux l’Elzévir de la classification Thibaudeau. Mais du fait qu’il est largement postérieur au Garamont, y compris les Baskerville et Caslon, Vox leur a attribué le nom de Réales, pour Réalité, Réalisme, Modernité… tiens ! les Américains les appellent du nom de Modern Style au contraire des Old Style.

Les trois coups retentissent et nous voilà transportés au XVIIIe siècle. Gianbattista Bodoni qui, nous laisse une variante encore plus épuré du Modern Style. La taille douce est passé par là. Les techniques de gravure de poinçons évoluent, se mécanisent et autorisent des finesses jamais atteintes par la main de l’homme.

En France Firmin Didot, en Italie Bodoni, Vox résume, il les appellera les Didones.

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La Classification Vox comprend de fait 11 familles, nous venons d’en examiner 7 seulement, les Linéales, les Incises, Les Frakturs, les Humanes, les Garaldes et les Réales, les Didones. Reste à examiner les Mécanes, les Manuaires, les Scripts et les formes non Latines.

Nous sommes au cœur du XIXe siècle plongés dans l’industrialisation la plus effrénée. L’imprimerie est devenue un secteur majeur, acteur de la vie économique des pays dit civilisés. Voici à quoi ressemblait un atelier de composition typographique aux alentours de 1850. Ainsi que quelques illustrations de presse à feuilles.

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derrière chaque pupitre, un compositeur typographe, au contact du plomb et de l’antimoine (saturnisme). Il dispose les caractères plomb (gutenberg) dans un composteur qu’il tient dans la main gauche. Vitesse de composition : environ 1350 signes à l’heure sans compter la «redistribution», qui consiste à remettre les lettres, une fois qu’elles ont servis à l’impression dans les casses correspondantes. Pour vous donner une idée comparative, une collection comme l’Adobe Folio comprenant environ 2000 polices de caractères équivaut à 50.000 casses, c’est à dire environ 3300 meubles contenant une quinzaine de casses. Si chaque meuble occupe environ 2 m2 au sol, cela représente au bas mot une surface industrielle de 6600m2, soit environ 3 immeubles Haussmanien, sans compter les dépendances, couloirs, ateliers de presse etc. Sans doute le double.

Cela tient aujourd’hui dans une clé USB branché sur votre portable que vous tenez sur vos genoux dans le TGV qui vous emmène en WE. Voilà la vraie révolution que nous venons de vivre en quelque 50 ans. Elements d’une réflexion sur la modernité, aurait pu être le titre de cette note.

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Une Histoire de la Typo | A Type Historical Story from petergabor on Vimeo.

(design et typo) ©peter gabor

Référence bibliographique : Il s’agit de l’extraordinaire ouvrage de Roger Druet et Herman Gregoire préfacé par Roland Barthes et François Richaudeau (publié chez Artheme Fayard & Dessain et Tolra en 1976 – édition épuisée) : La Civilisation de l’Écriture.

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Typographie et Classification Vox | un des premiers documents publié par Maximilien Vox

Un des premiers documents édité par Maximilien Vox qui décrivait dans le détail l’origine de sa classification.

Publié par la S.A. Monotype en 1955, Maximilien Vox (de son vrai nom Monod, de la famille de Théodore Monod) cet encart fut ensuite inséré dans le Caractère Noël de la même année. On y retrouve notamment des illustrations de Gérard Blanchard, de Jean Garcia et de Jacno (le packaging de la Gauloise). N’hésitez pas à cliquer sur les reproductions, elles sont dans une taille respectable pour que vous puissiez les lire et en apprécier la composition et les illustrations. ©peter gabor directeur d’e-artsup | tous droits de reproduction réservés.

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