Takenobu Igarashi | Space Graphics | une œuvre majeure

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Sous le numéro ISBN 4-7858-0152-2 C3071, un catalogue relié cousu édité en hommage à l’œuvre de Takenobu Igarashi, Space Graphics, en 1983 par Yoshiro Nakamura (Zen Environmental Design) et Shoten Kenschiku-sha Co. Ltd.

Igarashi se designe lui-même comme un sculpteur designer et son œuvre commencée en Californie en  1970 lorsqu’il quitte l’Université pour retourner à Tokyo fonder sa propre société de design se décline entre un concept architectural et environnemental.

Exposé à Tokyo, Amsterdam, Zurich, New York, il aura participé de façon majeure à la naissance d’un style monumental et graphique qui trouve encore aujourd’hui grâce à l’informatique un prolongement éternel.

Son travail est gracieux, précis, concis. Je dirais mathématiquement beau. C’est très exactement le contraire d’un artiste de l’à peu près. Tout son œuvre peut se résumer à une phrase : penser avant d’agir. Il faut être très humble devant son travail. Bien sûr, comme les planches qui suivent en attestent, tout a été dessiné à l’époque à la main. Règles, équerre, compas sont les seuls outils de cet expérience Et, loin de moi de minimiser le travail de Joshua Davis ou de Maeda mais on ne peut que rester béat devant tant de maîtrise des espaces, du rythme et de la délicatesse des formes. Les couleurs sont d’une modernité absolue.

Les projets hollandais de l’aménagement des Halles de Paris, refusés par notre maire bien aimé pour de futiles raisons politiques traduisent cette même modernité colorée. Des couleurs vives, jaune, vert menthe, rouges et noir. Des bleus cobalt associées au noir ou réserve blanches pour les lettres, l’expression de Igarashi se mesure à la rigueur de son vocabulaire et de sa grammaire graphique.

N’allez surtout pas psychanalyser son œuvre. C’est comme si vous vouliez psychanalyser un paysagiste de jardins zen. C’est plutôt lui (en parlant d’Igarashi) qui vous ferait allonger sur un divan (dessiné par lui bien sûr) pour nous faire accoucher de nos confusions mentales. Voici une œuvre, dont on ne peut même pas dire que c’est beau, que c’est laid pour la même raison qu’on ne peut pas dire de la nature qu’elle est belle ou laide. Elle est. Le talent d’Igarashi c’est d’avoir de même conçu des formes et des compositions qui deviennent des évidences naturelles.

J’ai ressorti cette édition de ma bibliothèque pour deux raisons, la première, pour la qualité intrinsèque qui s’en dégage, la deuxième c’est pour dire et répéter l’importance du dessin dans l’acte de la création. Le design comme la sculpture sont d’abord des actes de l’homo faber qui nous a engendré et pour avoir fait l’expérience d’être venu tardivement dans ce métier je vous assure que je sais de quoi je parle.

Voici quelques pages de cette édition si rare qu’on souhaiterait qu’elle soit rééditée.

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Ci-dessus un lien pour la galerie de cette édition. Toute reproduction est interdite. Usage strictement pédagogique.

 

 

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Westvaco | cahier de style | graphisme

Un immense plaisir de vous faire partager cet ouvrage de Westvaco (West Virginia Pulp and Paper Company) qui fait partie d’une série de 4-5 albums qui s’échelonnent de 1945 à 1965 et qui témoigne de ce que les industriels du Papier savaient encore faire à une époque où l’argent n’était pas aussi rare. L’insdustrie des Arts Graphiques a été durement touché depuis 1973, le premier choc pétrolier. Puis à l’époque de la première guerre du Golf. Ç’en était fini des festivités et ripailles que nous avons connu autour de l’imprimerie et des industriels périphériques.

L’après-guerre signifiait la reconstruction pour nous autres européens, mais aux États-Unis, il n’y avait rien à reconstruire, les années de dépression étaient loin, et la machine industrielle tournait à plein régime. Le consumérisme était en train de naître avec son éventail de représentation, les médias. Chauds ou froids, selon Marschall McLuhan (voir l’article d’Etienne Mineur), parce que l’électronique ouvrait la voie à la télévision, à la radio FM et l’affichage ainsi que la presse ne restaient pas en chemin. Sur la cinquième avenue les magazines de Mode, les agences de Publicité, allaient faire frissonner le public par les images audacieuses, les compositions les plus recherchées.

Et c’est dans cet ambiance de foisonnement social et visuel que les industries papetières et graphiques tentaient de démontrer qu’ils n’étaient pas en reste. Ils revendiquaient même un rôle de pilote des tendances et des audaces graphiques.

Nous sommes donc en 1961, deux ans avant l’assassinat de John Fitzegerald Kennedy et on roulait en Chevrolet Impala et en Chrisler 300G (la voiture de mes rêves ;-). Voici les plus belles pages de ce cahier de tendances graphiques. C’est Westvaco.

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l’adresse d’une galerie complète se trouve ici.

Sans entrer dans le détail des critiques et analyses, on peut dores et déjà reconnaître certains styles, des guimmicks de mise en page que nous retrouvons chez les graphic designer de l’époque. Mais par delà ces analyses, la chose qui m’a frappé en premier: l’extraordinaire actualité de ces pages. Et aussi bien en Print qu’en Webdesign. Et j’attends vos commentaires avec impatience. Je reviendrai plus tard sur une analyse détaillée de ces pages.

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pédagogie graphique à Bâle dans les années 50-60 |

Sous le titre Processus élémentaires de dessin et de mise en forme, Dessain et Tolra à publié en 1984 un cahier qui complète trois autres ouvrages consacrés aux cours fondamentaux de l’École des Arts décoratifs de Bâle, Suisse.

Ce cahier numéro 4 dirigé par Manfred Maier est traduit de l’Allemand au titre original: Elemantare Entwurfs und Gestaltungsprozsse par Sylvie Girard a donc été édité par ©Paul Haupt une première fois en 1977 sous le numéro ISBN 2-249-27636-6 et l’ensemble des 4 cahiers sous le numéro ISBN 2-249-27637-7.

Il vient étayer le processus pédagogique que j’ai publié précédemment sous l’intitulé “Armin Hofmann | l’École de Bâle” et que j’ai également commencé à relater dans l’article que j’ai publié sur la vie et l’œuvre d’Albert Hollenstein dans étapes concernant les cours 19 que “Hol” avait initié à Paris en 1959.

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L’École de Bâle, représente dans l’histoire de la pédagogie du graphisme et du design un moment des plus fertiles à plusieurs égards. La 2e guerre mondiale a fini de balayer toutes les idées reçues culturelles et humanistes en Europe. A l’exception de la France et de son antigermanisme (dans les années juste d’après-guerre) le design et le design graphique dispensé au Bauhaus se répandent dans le monde entier.

En Europe, l’Italie, la Hollande, la Suède et le Danemark sans oublier bien sûr l’Allemagne et même l’Angleterre découvrent les méthodes d’enseignement expérimentales de Walter Gropius et de ses disciples (c’était effectivement une véritable religion ou du moins un sacerdoce). Mais cet enseignement traverse l’Atlantique et l’on retrouve les suisses sur la cinquième avenue avec les magnifiques mise en pages du Harper’s et les travaux de Herb Lubalin.

Le programme de Bâle comportait des cours de dessin, un enseignement de la couleur, des excercices sur les volumes dans l’espace, une initiation pratique aux matériaux et outils. Des excercices favorisant l’acquisition des connaissances théoriques sur la forme et l’esthétique.

Dessins d’objets, dessin industriel et perspective, études des matériaux et la couleur sont enseignés par 26 professeurs, tous des professionnels dirigés par Emil Ruder jusqu’en 1970 et Niklaus Morgenthaler et Kurt Hauert à partir de 1971 (ces dates sont citées dans l’ouvrage en 1984, les générations de profs et directeurs ont bien sûr changé depuis).

A l’instar des professeurs du Bauhaus, ceux de Bâle transmettent l’expérience de la perception et du sensoriel dans le même temps qu’ils découpent, je dirais même qu’ils dissèquent les formes jusqu’à les réduire à leurs plus simples expressions. Le point, la ligne, les couleurs, les surfaces polygones et les volumes rectilignes et sphériques. Ceci leur permet d’aborder aussi bien les structures que leur perception dans l’espace (la perspective) ainsi que les matières (textile, métal, argile et plâtre, bois et peinture).

L’enseignement des arts appliqués est un balancier. Entre la gestalt, les formes primitives que les philosophes ont proposé comme innées et l’expérience de l’homo-faber nous tentons de jeter un pont avec nos faibles connaissances pour permettre aux futurs psofessionnels de disposer d’un arsenal de sensibilité et de technicité afin de résoudre des problèmes de la communication d’aujourd’hui.

Au fond la question de l’enseignement moderne se pose à nous tous avec une acuité grandissante: professionnels, acteurs des métiers graphiques et du design, nous sommes confrontés chaque jour à une jeunesse (étudiants, stagiaires et assistants) désireuse d’explorer les arcanes de l’interactif au détriment du papier-print. La posture professorale ne fonctionne plus comme il y a encore quelques 15 ans. On ne peut plus dire à un étudiant qu’il doit connaître les principes fondateurs d’un métier. Parce que celui-ci a tellement changé qu’il ne ressemble plus (en apparence) aux métiers du print.

Pourtant en examinant les nombreux sites professionnels d’entreprises qui rejoignent la net-économie on constate un nombre d’abberrations en croissance exponentielle. C’est que les acteurs d’aujourd’hui ont oublié des décennies de reflexes que nous pratiquions dans le monde du print. Etienne Mineur, moi-même et bien d’autres professionnels dénoncent chaque jour ces aberrations et finalement c’est bien en publiant qui le travail d’un Norman MacLaren qui celui de Joshua Davis ou d’Helen Lupton que nous tentons de faire avancer une idée. Le doute paye. Les certitudes ne sont pas de mise alors que l’on ne sait pas encore grand chose des nouvelles règles de l’ergonomie interactive. Confort d’utilisation, lisibilité, hiérarchisation de l’info, formes séduisantes et attractives, référents aux tendances mais aussi efficacité commerciale sont autant de critères pour juger, analyser, construire les écrans interactifs.

Pour y voir plus clair il me semblait judicieux de consacrer quelques notes au travail de nos prédécesseurs, ceux qui nous ont pré-cédé mais aussi cédés un savoir sensible et utile à la résolution raisonnable des problèmes d’aujourd’hui.

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Vous trouverez à cette adresse une galerie consacrée à l’enseignement de l’école de Bâle. Photos design et typo, toute reproduction interdite. Usage strictement pédagogique.

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armin hofmann | l’école de bâle

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Il y a longtemps que j’ai entrepris une réflexion sur la pédagogie du design graphic et de la manière d’adapter les principes fondateurs de cette pédagogie à l’environnement numérique et interactif dans lequel les étudiants du monde entier sont plongés depuis une dizaine d’années. C’est un débat que je souhaite entamer avec les professionnels et les enseignants parce qu’à l’heure des futurs clics d’or il est plus qu’important de baliser les fondamentaux qui régissent la qualité de la création. Je voulais par la même occasion signaler le travail assez phénoménal qu’à réalisé un enseignant de l’école supérieur d’art appliqués de Bourgogne, Thierry Chancogne dont vous pouvez télécharger à l’adresse ici, l’intégralité de son cours au format pdf. Une somme qui a le mérite de balayer très large tous les champs d’investigations connus à ce jour dans le périmètre de la pédagogie des arts appliqués, et surtout de la communication. Paul Rand dans un article élogieux nous parle de la passion graphique d’Armin Hofmann sur ce site, ici. Pourquoi évoquer l’œuvre pédagogique de Hofmann? voilà une question que chacun peut se poser pour plusieurs raisons:

1. d’abord ne s’agit-il que d’une époque lointaine, du passé, ou encore de l’old story comme diraient certains de mes élèves.

2. ensuite à quoi sert de rappeler les principes qui ont régi un enseignement dont les méthodes extêmement manuelles semblent largement dépassés par l’accès direct au numérique, au motion graphisme, à l’interactif (web, multi-media, video, 3D etc.).

Lorsqu’on examine le travail réalisé à l’école du Bauhaus, il est frappant de constater combien le travail manuel était mis à l’honneur. Qu’il s’agisse de la poterie pour Gerard Marcks, Marguerite Friedländer, Theodor Bogler, ou d’Otto Lindig, ou encore du tissage pour Gunta (Stadler-) Stölzl, ou Benita Koch-Otte, ou Vincent Weber ou d’Otto Berger le chemin était long pour les étudiants du Bauhaus avant de recevoir l’enseignement des maîtres architectes comme Walter Gropius ou Ludwig Mies van der Rohe.

Il fallait encore passer par les classes de Klee ou Kandinsky ou encore de Moholy Nagy pour parachever une sensibilisation et une maturation des concepts, des matières, des structures et schémas mentaux et concrets. Je veux dire qu’à l’instar de ce qui est enseigné aujourd’hui à l’ENSAD ou dans les cours supérieurs d’Estienne, on avait déjà parfaitement intégré la nécessité de savoir d’abord dessiner, travailler la matière, analyser-décomposer les structures, connaître la lumière (photo) et maîtriser les fondamentaux des couleurs avec Johannes Itten, avant que de s’attaquer à l’essentiel du métier d’architecte, concevoir et construire maisons, immeubles et gratte-ciels.

L’enseignement d’Armin Hofmann prend donc tout son sens à Bâle dans les années 50-60. Voici ce qu’il dit en préambule de son ouvrage édité en 65 en Suisse par Arthur Niggli Ltd, Teufen AR:

Concernant les lignes :

«Le mouvement est la caractéristique propre de la ligne. Contrairement au point qui fait centre et reste statique, la ligne est de nature dynamique. Elle peut-être prolongée indéfiniment dans les deux directions, elle n’est liée ni à une forme ni à un centre. Si l’on considère cependant que la ligne est un élément fondamental, c’est seulement parce que le phénomène qui lui a donné naissance, n’est plus perceptible. Elle est un élément qui a déjà passé par un stade de croissance.»

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Voici une galerie de cet ouvrage majeure qui semble plus qu’épuisée puisqu’on en trouve que quatre exemplaires sur Amazon dans le monde entier. Bien entendu si les auteurs ou ayant droits me le demandent je retirerai de mon blog toute ou partie de ces reproductions que je ne destine qu’à un usage strictement pédagogique et non commercial.

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Roger Excoffon | Typographe et Peintre

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Roger Excoffon pour beaucoup d’entre-nous était d’abord un graphiste et typographe. Un jour, quelque temps après sa disparition un hommage lui fut rendu à l’Hotel de la Monnaie et là je vous jure que nous avons tous été plus que surpris. La presque totalité de l’exposition était consacrée à son œuvre picturale. Comment voulez-vous encore avoir confiance dans les apparences.

Les quelques pages qui suivent sont issues d’un livre-album intitulé Caractère Noël édité dans les années 60 par la Compagnie Française d’Édition d’Emmanuel Ollive (avec deux L s’il vous plait), 40 rue du Colisée, sous les auspices de la Fédération Française des Syndicats Patronaux de l’Imprimerie et des Industries Graphiques.

Il est fort probable qu’un jour je mette en ligne l’intégralité d’un ou deux de ces volumes auxquels ont collaboré à peu près tout ce qui se comptait comme typographes et graphistes de renom à cette époque (J.BASSEVILLE, G.BLACHARD, J.DEVILLERS, FRANÇOISE FUZIER, PAUL GABOR, JUSTIN GRÉGOIRE, ALBERT HOLLENSTEIN, PETER KNAPP, ALDO NOVARESE, RÉMY PEIGNOT, FERNAND BAUDIN, MARCEL BENARD, FRANÇOIS BOUCHER, JACQUES BOURGEAT, CHRISTIAN COMAL, RENÉ DESSIRIER, DICK DOOIJES, JOHN DREYFUS, ROGER EXCOFFON, GÉRARD FINEL, ADRIEN FRUTIGER, PIERRE GAUDIN, RAYMOND GID, MARCEL JACNO, ANDRÉ JAMMES, HENRI JONQUIÈRES, HENRI MASSIS, JOSÉ MENDOZA, VICTOR MERIGOT, RICHARD MONOD, RENÉ-HENRI MUNCH, RENÉ PONOT, PIERRE ROBES, JEAN ROUSSET DE PINA, HENRI STEINER, JEANNE VEYRIN-FORRER, MAXIMILIEN VOX).

La particularité de ces ouvrages, d’être de véritables livres-objet puisqu’imprimés sur au moins 10 papiers différents, par cahiers reliés-cousus, véritables portails manuels des métiers du livre qui présentent, évoquent, débattent sur tous les courants graphiques de ces années d’après-guerre. Il ne s’agit pas pour moi de nostalgie mais plutôt d’un regard vers un passé qui resurgit encore aujourd’hui à chaque détour de la création contemporaine. (un hommage aussi à un grand Monsieur de cette époque, Jean Derck alors directeur importateur des presses à cylindre d’Heidelberg en France et qui très aimablement s’était proposé d’imprimer gracieusement ces recueils qui ne font pas moins de 300 pages.

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à gauche le Choc et le Calypso, à droite le Nord et le Nord italique, caractères édités par le Fonderie Olive.

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Composition pour une couverture d’un document touristique : Italie | Air France

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Composition pour un hypnotyque | héliochromie de l’imprimerie Herbert

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à gauche composition pour un antinaupathique, à droite motif d’une couverture de plaquette sur la Provence | Air France

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en haut à droite composition pour un antigrippe

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en haut à gauche composition pour un équilibrant neurovégétatif, en bas couverture pour une palquette typographique, à droite étude d’une campagne de prestige pour une compagnie de produits chimiques

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en haut à gauche panneau décoratif pour stand de typographie, en bas étiquette pour un parfumeur, en haut à droite cartouche pour un livre d’or, en bas à droite page de publicité pour un caractère (Chambord et Vendôme)

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Page de publicité pour Air France à gauche et à droite couverture pour un programme du bal des petits lits blancs

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à gauche composition pour une thérapeutique de l’angoisse, à droite étude d’un monogramme pour l’Agence de Publicité «Urbi et Orbi»

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à gauche conditionnement pour un parfum, à droite en haut carte de vœux pour 1959, à droite et en bas graphisme pour une galerie de peinture

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à gauche une illustration extraite d’une plaquette de présentation typographique, à droite un fac-similé d’une jaquette en 3 couleurs

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à gauche de haut en bas: monogramme pour l’imprimerie des Tournelles et 2 monogrammes pour la Fonderie Olive, à droite fac-similé d’une carte de vœux en 6 couleurs et un monogramme pour les Glaces de Boussois

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monogramme pour le Salon des Techniques Papetières et Graphiques

Le cas de Roger Excoffon est celui d’un des très grands artistes contemporains. Artiste tout court: car le graphiste prestigieux – dans son genre aussi l’un des premiers – ne vient qu’ensuite.

Et cependant le graphisme est tellement son apparente raison d’être que l’on s’est habitué à ne le voir point autrement. Lui…?

Mais reprenons à la base. Entre l’école de 1925 – Cassandre, Vox, Jonquières, Salvat, Jacno – voisinant avec Paul Colin, Loupot et Jean Carlu… sans oublier l’influence de Charles Peignot – et les «nouvelles vague» du livre-club et de l’Helvétie-à-Paris: un nom se détache et fait balle, comme en affiche celui de Savignac:

EXCOFFON: nom sonore et chantant – dans les notes étouffées. Celui d’un dauphinois né à Marseille. D’un marseillais qui ressemble à un anglais. D’un britannique qui aurait l’âme d’un janséniste à la fois, et romantique.

Il est peintre. Il aime sa Provence. Le graphisme fut pour lui une vocation tardive, quasiment un devoir d’état. En moins de quinze années, la conjonction de Roger Excofon avec la Fonderie Olive a doté la France de ce qu’elle n’avait jamais connu depuis la «belle époque» de Georges Auriol et de Georges Peignot, au début du siècle: un interprète de la Lettre entièrement, foncièrement, intensément français. Exculsivement. Plus gallo-encore-que-latin, ce qui a rendu son succès international.

D’autres, de par leur hérédité, leur éducation, ont enrichi notre musique intérieure d’accents slaves, hispaniques, mittel-européens, belgisants, helvétiens. La graphie d’Excoffon fut provençale avant d’être française.

Car vivacité ne veut pas dire facilité: Roger Excoffon, l’homme de la griffe et du paraphe (plutôt que de l’arabesque) est aussi celui de la force contenue; du visage fermé, à la romaine; de l’improvisation, soit, mais vingt fois répétée.

Un saut périlleux au ralenti.

Excoffon n’a pas de règles apprises, mais une discipline de soi au sens monastique, déchirant – j’allais dire, calviniste. Ce qui lui permet d’être tout entier dans son œuvre, ce mélange d’accueil et de refus qui se résout (pour le spectateur) en une joie d’autant plus délicieuse d’avoir été difficile.

Il n’a pas pris de thèmes, comme la plupart d’entre-nous, dans les actualités successives, les vieilleries savoureuses, un excès d’érudition, ou un radar accrocheur de tous les snobismes. Pour le comprendre à fond, il faudrait le détester un peu; suivre et surprendre le cheminement de très petits motifs, mais poussés et creusés à l’extrême profondeur, peut-être à l’extrême réitération. Chaque matin, dirait-on, Excoffon, artiste scrupuleux, se réinvente selon les mêmes normes, celles qui lui sont sincères.

Le spectateur le moins averti découvrira le leitmotiv majeur du tourbillon; et celui (qui lui cède à peine) de la musique des sphères. Puis de la bataille d’angles et d’éclairs. Puis du scroll, de l’involution baroque. Le traitement de la couleur par suaves passages savants; du dessin par coups de pinceau japonais magnifié; de la surface à coups de ciseau ou de scalpel. Un arsenal mental et pictural surréaliste, mais à la manière d’un Henri Miller (auquel il fait penser) qui sans avoir lu une ligne de français devançait dans son subconscient et dans son écriture le Manifeste de 1918.

Mais d’instinct, l’auteur du Mistral, du Calypso, du Nord, a préféré cet abstrait absolu, cet art non-figuratif par définition qu’est la création et l’usage de la lettre d’imprimerie.

Tout lui est cas de conscience. S’il s’est donné à fond à l’École de Lure, c’est qu’il y sent un impératif; il a l’autocritique féconde. Malgré son amour de la chose typographique, il y touche avec la courtoisie distante, sans tendresse ni appétit, qui caractériserait un mariage de raison.

D’ailleurs est en train de lui venir la joie. Depuis quatre ans, Roger Excoffon est «entré en publicité» comme on entre en loge: avec la volonté- et aussi le pouvoir – d’engager dans une action décisive et publique les fruits d’une jeune maturité. C’est un champ clos d’expériences, un vrai champfleury, que la création et la diffusion des caractères d’imprimerie.

Du premier jet, sans avoir passé par les filières, Excoffon s’est trouvé à l’échelon supérieur du métier publicitaire: il y a pénétré par en haut comme le vin pénètre dans les bouteilles. Il a attaqué le problème de la grande publicité par la tête: non comme prétexte à concessions, mais comme moyen d’expression. De sur-expression.

Arrière les confidences du chevalet, la pénombre des Galeries, les tournemains de laboratoire… Au dur soleil de l’advertising, voici que loin de s’effacer, le talent essentiel d’un Excoffon s’exalte.

Ce qu’il n’oserait pour lui, qui intimiderait sa toile – publicitairement il l’ose. Pour le client, il a l’audace de l’audace. Heureuse. Et le public, l’homme-de-la-rue, qui comprend vite et loin, est heureux avec lui.

Louons les dieux d’avoir tiré ce peintre-dessinateur (il y en a peu) du culte du moi-seul, pour le jeter vif sur le papier agile, entre les rouleaux rapides, dilué dans l’encre odoriférente… le matériau de notre temps.

Les pages que voici sont un hommage raisonnable et raisonné – le premier – de la profession française de l’Imprimé à l’artiste entre tous en qui elle se sent grandir.

«J’imprime, oui: mais je m’exprime!»

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Ce texte est donc l’introduction des pages que vous venez de voir, qui précéde dans l’ouvrage «Caractère Noël» l’hommage de la profession à Roger Excoffon. Il est d’autant plus important et révélateur que Maximilien Vox (Monod) est à ce moment la figure emblématique de la culture typographique française. C’est entre 1950 et 1960 que Vox va lancer sa classiffication des caractères et vient de créer l’École de Lure à Lurs en Provence avec Jean Garcia et la collaboration de fidèles amis-typographes. Parmi les noms cités en début d’article nombre sont ceux qui participent de près ou de loin à ce renouveau de la typographie Française.

Un billet plus récent vous attend ici avec la suite complète de l’œuvre de Roger Excoffon. Admirable!

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Histoire des logotypes au 20e siècle

Franco Maria Ricci | Top Symbols & trademarks of the world | suite

J’avais déjà publié ici même le début d’une publication majeure dans le monde de l’édition graphique. Les enjeux pédagogiques sont de taille. J’ai déjà, dans ce blog soulevé à plusieurs reprises la difficulté à installer de nouvelles marques autant que des risques de relookages que nous voyons fleurir aux quatres angles de la planète. Ma contribution pour aussi faible qu’elle soit dans le firmament du design graphique n’a pour but que d’éveiller, montrer, analyser, comparer et se souvenir. C’est important la mémoire. Pour les logos plus que jamais. A la fois pour des raisons juridiques que marketing et j’en ai longuement parlé avec notre expert des logos Frédérique Glaize ainsi qu’avec Jonathan Munn (qui fut pendant quelques années graphic designer travaillant pour les Éditions Belin, et de pas mal d’autres éditeurs). Il était important d’agrandir le domaine visuel de la documentation des logotypes du passé. Cette édition de Franco Maria Ricci est épuisée depuis longtemps, et nous ne sommes pas nombreux à disposer de la collection complète. J’ai donc décidé de mettre en ligne les pages historiques de ce monument de travail en prenant la précaution de prévenir tout un chacun qu’à la demande des éditeurs ou d’ayants droits, je m’empresserai de retirer ces documents de mes blogs et sites. Après tout ils ont peut-être l’intention de rééditer un jour cette somme et je comprendrai alors leur démarche. En l’absence de leur réaction je maintiendrai actif cet espace pour le plus grand intérêt de mes lecteurs qui pourront ainsi cultiver leur regard, étayer leur discours et éviter parfois, souvent des erreurs comme l’on en voit de plus en plus dans le paysage actuel du branding. Et si par hasard les éditeurs ou ayant droits tombent sur mon blog ou site, je les remercie d’avance d’apporter leur concours dans les commentaires pour nous conter l’histoire de cette édition, le making-of d’un travail aussi remarquable, les difficultés qu’ils ont rencontré et le pourquoi de la non-réédition d’une œuvre aussi magistrale.

Voici quelques pages d’introduction de ce recueil suivi de l’adresse du site ou vous pourrez consulter régulièrement l’ensemble de l’édition qui sera mis à jour semaine après semaine.

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et l’adresse du site spécialement aménagé pour recevoir régulièrement les pages de ces dix ouvrages majeures.

Suite de ce billet avec la publication du deuxième volume de cette encyclopédie magistrale ici.

Publié dans Les Logos | Commentaires fermés sur Histoire des logotypes au 20e siècle

Gerard Hoffnung | musique et caricature

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Vous  penserez sans doute que je suis un peu dérangé: 1) de vous entraîner vers des visions qui n’ont qu’un très lointain rapport voire pas de rapport du tout avec le design et la typo 2) d’avoir classé cette note sous le chapitre Stanley Morison de mes billets.

Ne vous y fiez pas. J’ai découvert Gerard Hoffnung précisément à Londres lors de ma première rencontre avec John Dreyfus qui m’y avait invité pour assister à un de ces concerts mémorables organisé par les descendants de ce grand journaliste, caricaturiste et surtout grand mélomane, qui allait occuper une place à part dans le cœur des Anglais. C’était au Royal Albert Hall que se tenait ce jubilée. Foule dense des grands soirs, une attente interminable et puis brusquement une trompette rettentit sur ma gauche, silence. Puis une autre trompette de l’autre côté juste en face, et successsivement cette sonnerie de trompette se répand tout autour de nous et envahit tout l’espace circulaire de cette salle de concert si particulière, 24 trompettiste annonçaient le début du spectacle. Pour comprendre, apprécier et/ou découvrir ce qu’est un festival Hoffnung il vaut mieux vous diriger directement sur le site qui lui est consacré ici (en En) et ici (en Fr by Google translate).
Et c’est donc ce John Dreyfus si agréable, si élégant qui était à l’époque le directeur artistique et conseiller de la Monotype Corp, ayant pris la succession de Stanley Morison qui m’a initié à l’histoire de ce typographe hors du commun.

Mais pourquoi Hoffnung, parce qu’aussi bien vous pouvez remarquer depuis quelques jours un léger flottement sur mon blog, et je remercie quelques uns d’entre vous de vous être enquis de ma santé… Tout va bien, juste un peu débordé et surtout une prise de conscience de l’ampleur du travail. J’ai voulu aussi stopper le rythme effrené des publications pour ne pas tomber dans une sorte d’automatisme qui me ferait perdre fraîcheur et sensibilité. J’ai plein de notes en préparation et dans ma tête. Mais n’allons pas trop vite. Parfois le silence permet de décanter les priorités et une hiérarchie des notes nécessaires ou pas. Alors ce petit montage que j’ai fait à partir de dessins de Gerard Hoffnung pour dire combien on est seul aussi face à son public, et angoissé et transis et inquiet de la qualité des billets qu’on publie. Et parfois en colère ou déséspéré mais toujours enthousiaste et passionné. Merci mon public. Et n’hésitez pas à m’encourager, c’est mon seul salaire :-).

Animhoff

© Gerard Hoffnung, reproduction interdite, usage strictement pédagogique

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L’histoire du Times New Roman | l’œuvre de Stanley Morison (5)

la présente note fait suite au billet numéro 4 ici

Jeudi 27 avril 2006

Il est des histoires que l’on met une éternité à terminer. Celui de Stanley Morison est de celles qu’on ne peut raconter qu’à peu près dégagé des contraintes du temps. Par bien des aspects, sa vie appartient au passé. C’est ainsi que pour me mettre dans l’ambiance de cette époque d’entre-deux guerres j’ai souvent plus recours à Mozart ou Haydn qu’au Jazz de TSF ou aux Musiques du Monde que j’ai découvert au Satellit-Café, voici déjà une quinzaine d’années. Vous me direz pourquoi pas le Charleston ou Eric Satie. Je vous répondrais que je préfère alors Guiseppe Verdi et son dernier œuvre (une comédie en forme de testament) pour l’Opéra Falstaff si proche déjà de l’écriture de Puccini.

Il y a chez Verdi cette même curiosité, cette même soif d’aller de l’avant malgré ses quatre vingts sept ans, que chez le jeune Morison qui veut faire évoluer les styles et l’usage de la typographie en ce début de siècle. Mais pour écrire mon article, Mozart, une sonate, gentille, agréable et connue comme la KV533/ 494 jouée par Mitsouko Ushida me parassaît plus neutre, plus facile à être écouté en sourdine pendant la rédaction de cette note. Il est vrai que j’écoute rarement de la musique en travaillant. Ce n’est certes pas les disques qui me manquent, ni les qualités d’écoute de ma vieille chaîne Naim + Linn. Mais j’ai souvent remarqué la difficulté de créer, de faire de la conception tout en écoutant une musique dont la ligne mélodique ou les rythmes viennent contrarier le son intérieur d’une réflexion ou les mouvements de mon poignet sur le papier ou ma tablette Wacom. Et c’est la même chose pour l’écriture. Enfin il me semble.

LE FLEURON ET PENROSE

C’est la notoriété émérgente de Morison qui impressionna le plus le frère d’Olivier Simon (celui de la Curwen Press). Celui-ci en quelques années devient une autorité critique de la typographie, reconnu par l’ensemble d’une profession. Mais c’est au prix d’un travail laborieux et d’une accumulation de connaissances historiques et théoriques d’une dizaine d’années que ses pairs finirent par le reconnaître et l’admettre dans les cercles les plus privés. L’édition du Fleuron y joua un rôle majeur. Les quatre premiers numéros du Fleuron (1923-5) furent édités par Oliver Simon et imprimés à la Curwen Press.

Les contributions de Morison comprenaient «Printer’s Flowers and Arabesques» écrit en collaboration avec Meynell ; «Towards an Ideal Type», litéralement «vers le caractère idéal» dans laquelle il critiquait les doctrines de William Morris et fit renaître l’étude moderne de la Renaissance Italienne, en écrivant une mémoire qui analysait la relation entre les capitales et bas de casses ; «the Chancery Types of Italy and France», les caractères de chancelleries, italiennes et françaises co-écrit avec A.F. Johnson ; et «On the Script Types», les caractères scripts.

Simon fut d’une grande aide en lui suggérant d’autres manières de revenus. C’est ainsi que Morison rencontra à Bradford la firme de Percy Lund, Humphries & Company, un des premiers utilisateurs de la machine Monotype. Eric Humphries engaga Morison comme conseiller en 1923. Stanley, directeur artistique, assurera la conception de plusieurs parutions et communications «maison» dont la papeterie personnelle (stationery) du manager ainsi qu’une plaquette-spécimen de caractères de 36 pages. Mais sans doute la colaboration la plus fructueuse issue de cette rencontre fut le Penrose’Annual édité par William Gamble.

Morison y apporte des changements radicaux dès la parution de l’édition de 1923. Morison, adepte des solutions modernes-radicales c’est à dire efficaces visuellement y utilise une reliure noire avec juste une inscription en or sur le dos de l’édition. Il fut composé en Garamond Monotype et pour la première fois le caractère y fut mentionné dans les crédits (ou le colophon) comme un acteur à part entière parmi les spécifications du papier, de l’encre, de la reliure et de l’imprimerie. De plus Morison y contribua par une note intitulé «Printing in France», un hommage à l’Imprimerie Royale. L’édition qui suivit en 1924 fut conçue à l’identique à l’exception du choix typo, cette fois le Baskerville, la dernière nouveauté de Monotype.

LE CARACTÈRE BASKERVILLE

Lorsque s’installe la mode des old-faces au 19e siècle, les caractères de la fonderie Caslon étaient largement favorisés, du fait simplement que leurs kilos de plomb se trouvaient disséminés dans toutes les casses d’imprimeurs de bonne facture. Ce n’est que vers les années 1890 que le Baskerville commença à enthousiasmer les connaisseurs. C’est ainsi que Monotype se mit à la lourde tâche de faire graver le caractère au début de l’an 1923. Pour rendre à ce caractère une popularité encore plus large et au passage ramasser les bénéfices d’une mode auquel Morison ne fut pas étranger.

La Compagnie ne s’embarassa pas des 17 variations inventoriées dans les corps usuels qu’on trouva alors. Il en fit graver une seule, en romain et italique avec des qualités de pureté de dessin que le Caslon n’avait jamais atteint. «Ses proportions étaient plus justes, le dessin plus affirmé, plus simple tant en romain qu’en italique», bien que Stanley fut moins enthousiaste pour ce dernier parce qu’il le trouvait trop modeste, sans ambition et consistance, manquant à la fois de noblesse et de style.

LE POLIPHILUS ET LE BLADO

En 1923 Morison s’attaqua au Poliphilus et au Blado. Il eût l’idée, après en avoir discuté longuement avec Harry Lawrence (de Lawrence & Bullen), de reprendre le caractère d’Alde Manutius, l’Hypnerotomachia Poliphili (1499). La reproduction en fut indéniablement un succès technique. Morison déclarait sans complexe qu’on pouvait mettre côte à côte deux pages composés en Monotype Poliphilus et avec le caractère d’origine, et qu’à l’exception du papier on y verrait pas de différence. Morison n’avait donc aucun doute sur ce genre d’exercice de restauration et re-fabrication d’un vieux modèle de caractère. Il  était moins sûr pour la création de typos réellement nouvelles.

Poliphilusblado

L’imprimerie de l’Université de Cambridge en équipa ses monotype-casters et composa en corps 16 le premier manuscrit de Morison, Four Centuries of Fine Printing (Ernest Benn, 1924). Revenant sur cette gravure, Morison l’a critiqué en 1953, regrettant qu’on n’ait pas retrouvé les plus belles feuilles d’impression de l’original du Hypnerotomachia qui auraient donné une plus grande garantie pour la qualité de reproduction qui en fut tiré. L’erreur était grave sans être catastrophique disait-il en évoquant le texte de son Four Centuries of Fine Printing, mais il jugeait cette aventure avec beaucoup de modestie.

En ce qui concerne l’italique qui accompagnait le Poliphilus, Morison avait fait le choix d’adapter une script du Roman Chancery gravé par Ludovico Arrighi pour le compte de l’imprimeur Antonio Blado (on est toujours au 15e siècle). Avec juste une légère modification de la pente, celui-ci servit à graver pour la Monotype la série 119 dénommée Blado.

Ludovicoarrighi

C’est ici le résultat des nombreuses recherches pratiques de Morison dans le champ de la calligraphie. Les cursives Venitiennes et Romaines différaient très clairement. Les premières, des scripts littéraires furent adoptés par Aldus parce que petits, économiques, et faciles à lire pour les étudiants, les seconds étaient plus formelles tant leur courbes étaient généreuses. Elles étaient en usage pour la diplomatie par la chancellerie du Pape et selon Morison mieux adapté à accompagner le Poliphilus, le Centaur et le Bembo.

La re-gravure du Poliphilus servit de leçon à Morison et il en tire avantage un peu plus tard en faisant graver les caractères de Christoffel van Dijck.
Pour en définir avec précision la graisse du dessin original il fit appel à un graveur de poinçon de Haarlem (NL) pour préparer six essais de poinçons sous les yeux même de Jan van Krimpen.  Ce n’est pas si simple de déterminer une graisse originale en cet époque de l’impression typographique (en relief). Le degré d’éparpillement de l’encre (bavure) et la nature plus ou moins absorbante du papier foulé par le plomb font varier considérablement la graisse finale que les yeux du lecteur découvrent au détour des pages d’un livre.

Je me souviens, à la fin des années 80 d’une petite fonderie numérique, la première en France à ma connaissance, il s’agissait de Microtype dirigé par Nicole Croix dont le chef d’Atelier Alexis Merlot préparaient un travail similaire pour le compte des éditions Gallimard. Il s’agissait tout simplement de numériser le Garamond qui servait pour la composition de la collection de la Pleïade. Or les lecteurs étaient habitués à lire un Garamond qui avait déjà «foulé» beaucoup, beaucoup de tirages. Le plomb était émoussé et le caractère avait perdu depuis longtemps sa fraîcheur première.

Mais finalement c’est ce qui faisait le charme de cette édition. C’était le Garamond de Gallimard qui ne ressemblait à aucun autre Garamond. Nicole Croix avait monté un atelier à l’aide des technologies IKARUS de Peter Karow, l’inventeur des courbes vectoriels quadratiques (un similaire aux courbes de P.Bézier). Et elle a mis au point une véritable chaine de production. Il s’agissait dans un premier temps de reproduire photographiquement des épreuves (tirés donc avec le Garamond en plomb-usagé) sortis des ateliers de la Plaïade, pour ensuite agrandir chaque lettre à une taille respectable de 10 centimètre sur la capitale. Puis couchés sur des tablettes graphiques, les dessinateurs Microtype en suivaient les contours avec des souris graphiques, marquant les courbes à certains endroits précis, d’un point de construction vectorielle.

Pourquoi se donner tant de mal ? Tout simplement parce que les éditions Gallimard voulaient basculer leur production en offset. Et composer désormais les pages en photocomposeuse 2e ou 3e génération (photo ou digitale). Il était donc essentiel pour satisfaire les bibliophiles toujours nombreux, de basculer cette production en évitant une rupture typographique majeure. Si Gallimard s’étaient servis d’un Garamond existant en photocomposition, le dessin en aurait été bien plus maigre, plus fin parce que d’une précision redoutablement proche d’un original frappé par un poinçon non usagé. Ainsi on peut dire que Microtype a été l’une des premières fonderies numériques à recréer l’exercice auquel s’est livré Morison avec la re-gravure du Van Dijck.

Modifier un poinçon gravé à l’aide d’un pantographe n’est déjà pas aisé, mais modifier-corriger un poinçon gravé à la main pose des problèmes tout à fait différents au graveur. Celui-ci se sert en continu d’épreuves «à la volée» pour contrôler la progression de son œuvre et peut ainsi apporter par touches successives de menus modifications à sa gravure.

Les six essais furent envoyés aux ateliers Monotype à Salfords où ils permirent de prendre des décisions stratégiques majeures pour la réalisation finale de l’alphabet. Le Van Dijck fut gravé, édité et connut un très large succès qui aurait été d’une dimension encore plus grande s’il n’y avait eu cette cassure, cette catastrophe que fut la deuxième guerre mondiale. Qui sait l’avenir d’un caractère dont le destin se trouve interrompu presqu’à sa naissance. Mais on parle ici d’une époque où les process étaient longs tant pour la création-fabrication que pour la commercialisation des fontes. Ce n’est certes plus le cas aujourd’hui. Pour comprendre les enjeux de l’époque il faut l’espace de cette lecture oublier : ordinateurs, téléphones mobiles, logiciels, fontes postscript ou open type, Apple, Jobs et Gates et même Warnock (le fondateur d’Adobe).

Vandijck

 

PREMIÈRE VISITE EN AMÉRIQUE

C’est en pèlerin que Morison se rend pour la première fois aux Etats-Unis, pour y rencontrer Updike dont il était un grand admirateur. Morison avait entendu parler pour la première fois de Daniel Berkeley Updike par A.W.Pollard au British Museum et s’était promis de le rencontrer après en avoir lu le Printing Types en 1922. Les deux hommes vinrent donc à se rencontrer bien souvent pour parler Print mais surtout et d’abord, de religion jusqu’au décès de l’Américain en 1941.

Cette première visite en Amérique permit aussi à Morison de rencontrer pour la première fois Beatrice Warde qui lui fut présenté dans les bureaux même d’Updike et plus tard durant sa visite il suivit ses conférences à la librairie de l’American Type Foundery Comp. L’année suivante Beatrice vint en Europe pour y devenir entre autres éditeur de Monotype Recorder mais surtout directrice de la publicité de la Monotype Corp où elle fit ses preuves comme une merveilleuse animatrice, développant, stimulant l’intérêt pour la belle typographie et le good printing (c’est tellement plus parlant en anglais, mais si je devais trouver une expression idoine ce serait plutôt la belle édition que la belle impression). Les relations universitaires de Morison combinés aux maquettes exceptionnelles de Beatrice Warde créèrent un public-relations de fervents aficionados, bien avant que l’expression public relations soit devenu une manière de commerce.

Beatricewarde_1

Beatrice Warde par Eric Gill

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Gare Montparnasse | Structure et Mise en Page

J’ai pris cette photo de la Gare Montparnasse d’une fenêtre « d’en face » avec mon tél. mobile et remonté avec Image Ready d’Adobe CS2 en mode Gif animé. C’est en hommage aux travaux d’animation que j’ai demandé à mes élèves d’e-art sup et dont je vous publierai les meilleurs spécimens prochainement.

 

Juste pour dire qu’une sensibilité de graphiste se décline à chaque instant sur tous les paysages urbains ou camapagnards que nous abordons. Tout est sujet à structuration, simplification et décomposition. Les grilles de mises en pages ne sont pas loin et l’on comprend mieux l’attrait d’un Le Corbusier pour le graphisme quand il met au point son Modulor qui servira à des milliers d’étudiants dans le Monde pour élaborer les maquettes de journaux, de plaquettes ou d’affiches.

Modulor
Modulor2

photo prise de l’ouvrage « the grid » d’Allen Hurlburt édité par A VAN NORSTRAND REINHOLD BOOK en 1978 à New York | ISBN 0-442-23598-4

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Design et Typo | au fer à gauche

À la suite d’un certain nombre de critiques (tout à fait fondées) que j’ai reçu, j’ai demandé à mon ami Jonathan Munn d’aller voir la possibilité d’améliorer la typographie de ce blog.
La version de base de TypePad ne permet pas de choisir: et l’habillage, et le caractère, et une mode de composition (justifiée, fer à gauche, centrée) et une couleur générale pour la typo de son blog.

Certes j’aurais pu faire des essais avec un habillage en deux col. au lieu de trois, mais ça aurait rendu illisible la structure du blog. Mélanger les catégories avec les listes de liens n’aurait certainement pas amélioré la lisibilité du site.

Jonathan a donc réussi à entrer à la racine du blog, deux-trois commandes CSS afin d’obliger l’ensemble du blog à se configurer en fer à gauche et caractère sérif (Georgia, Times etc.). On respire mieux tout de suite. Parce que tout simplement le mode justifié était devenu indigeste. Aucun moyen de gérer le gris typo, et surtout pas de commandes automatiques pour avoir des césures intelligentes. D’où des rivières qui donnaient plus l’impression de lire une vieille version de Word que le blog d’un passionné de typo. Et du coup en revisitant mes anciennes notes je redécouvre avec plaisir certaines d’entre-elles qui revêtent enfin une apparence à peu près correcte. Je dis à peu près parce qu’il reste un problème majeur. Celui des fins de lignes.

Assouline1

prbs des ponctuations avec blancs sécables qui rejettent la poctuation en début de ligne (bien sûr si l’on réduit l’affichage du corps, la ponctu repasse en fin de ligne mais en revenant sur un autre site, je suis obligé de réagrandir le corps affiché). Dans le code anglo-saxon le problème ne se pose pas puisqu’il n’y a pas de blanc devant les ponctus. (sur le blog de Pierre Assouline)

En effet comme tout un chacun le sait, il est tout à fait indigeste de voir des articles et des pronoms en fin de ligne. Un non-sens pour une lecture intelligente qui veut qu’en fer à gauche on rejette ces mots à deux-trois signes en début de ligne. Mais là on s’oppose à l’éditeur du texte qui ne donne pas un vrai WYSYWYG de ce qu’on compose. Un non sens aussi de ne pouvoir faire des césures automatiquement pour les mots trop longs en fin de ligne. Je préfère de loin la règle anglo-saxonne qui autorise les césures en mode [fer à gauche], alors que l’Anglais n’utilise pas et de loin de mots aussi longs que le Français. Mais voilà, Monsieur Fournier à encore de belles années à nous enquiquiner avec son code typo. Puis je voudrais trouver une commande CSS pour transfomer automatiquement les ‘ [primes] en ’ [apostrophes]. Partant, il y a encore beaucoup de travail compte tenu de la difficulté à améliorer un blog qui n’était pas fait pour ça. Je suis curieux de savoir ce que vous pensez de ces quelques améliorations… vos commentaires sont les bienvenus.

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