Franco Maria Ricci | designer et éditeur | 1ère partie

Voici la première (sur 2) partie d’un ouvrage exceptionnel. Autoédité, autobiographie et monographie de l’œuvre de Franco Maria Ricci, un humaniste qui a marqué quelque trente années de design dans l’édition publicitaire et ésotérique italienne. Je vous laisse découvrir les travaux de son studio de design et vous en dirai plus dans ma prochaine publication lorsque vous pourrez embrasser l’ensemble de l’œuvre.

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La commune de Fiesole se trouve sur une colline surplombant tout Florence. On y embrasse d’un coup d’œil la vallée de l’Arno et ce merveilleux paysage de Toscane où Leo Ferré s’était retiré, chagrin d’une France trop grise.

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Le jeune Franco Maria, le c.. bordé de nouille me direz-vous, mais c’était aux dires de ses proches un type formidable, généreux et gentil et curieux de tout. Et puis quelle époque… La voiture y était encore considérée comme un objet de désir.

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Très vite FMR s’était intéressé aux process de création des logotypes. compris la nécessité d’associer des formes pregnantes, gestuel, calligraphie, images aux côtés de la marque dont la typo pouvait rester dans la neutralité du Haas Helvetica… ou du Bodoni.

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Nous voyons là toutes les influences graphiques de l’époque. Formes réduites, architecturées, styles op’ mélangées à la calligraphie la plus américaine.

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Les filets sont un vieil usage en typographie. Ils fleurissaient déjà les catalogues des compositeurs au XVIIIe siècle. Et FMR découvrait avec passion toutes ces traditions qui le ramenaient à l’essentiel, le signe.

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L’élégance des agendas FMR tient à la dimension décorative du Bodoni. Les chiffres y jouent un rôle important. Acteurs graphiques de la page ils la rythment par le contraste de leur pleins et déliés et la sobriété des couleurs, noires et bistres.

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Décor de page, la répétition comme moyen et fin en soi. Technique facilitée par les techniques nouvelles de l’offset.

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Logos et papeterie. Toujours de beaux contrastes, des formes symboliques, architecturées, symboliques qui nous rappellent le goût prononcé d’FMR pour l’ésotérisme sinon la maçonnerie.

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reproductions design et typo, tous droits réservés. Usage strictement pédagoqique.

Suite de cet hommage ici.

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Histoire des logotypes au 20e siècle (2)

Franco Maria Ricci | Top Symbols & trademarks of the world | suite #2

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Suite et fin du premier volume des logotypes édité par Franco Maria Ricci en 1973. Pour ce qui est de la question des droits d’auteur chers à Jean-François Porchez, je rappellerai les réserves que j’ai déjà publié ici même dans ma précédente note sur cet ouvrage historique. L’usage de ces reproductions est destiné à un usage strictement pédagogique et académique. Aucun bénéfice commercial n’en n’est tiré. Ceci posé, la question morale se pose tout autant que les questions juridiques. C’est sur ce thème que je souhaite aujourd’hui m’exprimer. Vous avez pu remarquer le travail assez considérable que j’effectue pour faire connaître un certain nombre d’artistes du public de mes étudiants, de mes lecteurs professionnels et de bon nombre d’étudiants d’universités qui se connectent régulièrement sur mon blog. Ces artistes sont bien souvent oubliés. Y compris par les jeunes professionnels qui sortent des écoles d’art dont les bibliothèques sont malheureusement assez démunis. A ce sujet je vous invite à visiter celle de l’école Estienne qui semble disposer d’un fonds de livres assez remarquable.

Donc la question de la mémoire se pose. Pour toutes les raisons que j’ai déjà évoqué ici. 
Nous sommes confrontés aujourd’hui à une véritable problématique, et particulièrement en France où la typographie et les arts graphiques n’ont jamais conquis la notoriété qu’ils connaissent dans les pays anglo-saxons, voire des autres pays de l’europe (pays scandinaves, de l’est etc.). Ce blog qui part du postulat le plus généreux, faire partager ma culture, mes connaissances, mes analyses correspond à ce que j’ai pratiqué toute ma vie. Donner pour recevoir.

Lorsque je dirigeais l’une des plus prestigieuse entreprise de typographie parisienne, j’éditais les plus beaux catalogues de calibrage et des magazines expérimentaux pour sensibiliser les directeurs artistiques à «la belle typo». Là où mes concurrents dépensaient des sommes considérables pour acheter les faveurs de leurs clients, ma société investissait sur un travail de culturation et d’éducation afin d’amener mes clients à re-considérer leur créativité graphique. Une telle attitude a suscité bon nombre de jalousies et continue apparamment d’en susciter puisqu’au détours de certains commentaires j’aperçois deci delà des rémanences de la haine qu’une telle générosité peut provoquer. Pourtant chacun est libre, libre de faire la même chose ou mieux. L’exemple d’Etienne Mineur est à tout point de vue remarquable. Il est dans la même filiation. Celui d’un nouveau site qui vient de se créer «Ink» en est un exemple parfait.

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J’ai créé le blog design et typo voici environ 8 mois. Et depuis les expériences se multiplient. Grâce notamment au Web 2.00 qui permet toutes les interactivités. Mais d’autres m’ont précédé, ainsi DesignInteractif de Benoît Drouillat procède de la même démarche. Montrer, expliquer, démontrer, analyser, critiquer mais aussi rendre des hommages. Ainsi qui se serait soucié de la mémoire de Roger Excoffon ou d’Albert Hollenstein (dans étapes) grand précurseurs dans les années 50, et je ne citerai pas tous les articles que j’ai déjà publié, mais juste celui d’Hermann Zapf. Son œuvre est immense, il est connu dans le monde entier, mais en France quasi personne ne s’en souvient. Et pourtant il est encore (et j’espère pour longtemps ;-)) en vie. Il a enseigné au MIT de Massachussets, et créé des dizaines d’alphabets plus beaux les uns que les autres. Uniquement dessinés à la main. Son Manuale Typographicum a été tiré à 1000 exemplaire sur du papier fait main en 1957, autant dire qu’il est introuvable.

Croyez-vous sincèrement que Zapf qui est un humaniste et un homme d’une grande modestie me repprocherait un jour d’avoir réveillé son œuvre pour le faire connaître des étudiants et professionnels du monde entier. Je suis sûr du contraire. Et je n’ai malheureusement pas le temps de lui demander. Déjà assez à faire à préparer mes notes, publier des galeries d’images de références-études etc. Il faut savoir prendre des risques mesurés dans la vie et pour votre plus grand plaisir j’en prends. Alors cher jƒp prenez donc un autre bouc émissaire de vos frustrations, ou tout simplement mettez vous au travail et faites nous partager votre immense expérience que je suis sûr tout le monde a hâte de lire et découvrir.

En lisant cette note vous avez pû comprendre les difficultés que j’affronte entre l’immense devoir de partage et les questions morales que je me pose régulièrement. La publication de l’ouvrage de Franco Maria Ricci est un bel exemple de ce débat intérieur que je mène régulièrement. Nous vivons dans un monde où l’argent est roi. Pour réflexion je suis persuadé que Franco Maria Ricci, lorsqu’il publie ces dix albums de logotypes n’avait pas lui-même pris la précaution de demander les droits à chacun des graphics designers présent dans sa somme. Je ne tire pas de cela un principe de droit mais simplement un exemple du mode relationnel coercitif dans lequel notre monde est entré depuis quelques années. Demandez aux photographes les difficultés qu’ils rencontrent chaque jour pour faire des reportages photo en France. Alors que notre petit monde occidental pille chaque jour les images des habitants de la planète sous-développée sans leur reverser le mondre pécule. Voilà un bel exemple de questionnement. Qu’en pensez-vous?

 

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Lou Dorfsman | le design global triomphe à la CBS

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Les vacances sont terminées, Design et Typo reprend ses publications. Et pour marquer ce «come back» je voudrais vous présenter (en tous cas pour celles et ceux qui sont venus à la vie professionnelle après les années 80) un homme d’exception. Avec lui nous allons découvrir un style, une exigence, une rigueur, une simplicité et surtout beaucoup d’humour et de perspicacité marketing.

Il est extrêmement rare de nos jours de voir des figures de la communication d’entreprise tenir plus de 4-6 ans un poste dans la même société. Les temps ont changé, depuis le milieu des années 80, les enjeux économiques se sont déplacés. L’entreprise est devenue un lieu de stratégie non seulement pour son activité propre mais également pour son positionnement industriel sur le marché mondial. Les fusions-acquisitions ont démodé l’investissement interne et c’est avec beaucoup de difficultés que les R&D peinent à se faire voter leur budget annuel. Les actionnaires préférant racheter la technologie du concurrent plutôt que de prendre les risques capitalistes classiques que nous avons connu durant l’ère de l’industrialisation. (bien entendu ce constat devient obsolète dès lors que les entreprises se retrouvent seules en tête, détenant la quasi monompole de leur activité. Alors ils sont obligés de revenir aux fondamentaux capitalistiques de l’investissment).

Pour illustrer cette mutation en profondeur je ne citerai que le cas très symbolique de Vivendi. Voilà une entreprise du CAC 40, précédemment vouée à l’exploitation de l’eau qui sous la direction contestée de Jean-Marie Messier a pris le virage à 180° pour se consacrer aux fluides de l’entertaitement. Contenant et Contenu. Leur logo, ce machin malhabilement dessinée qui vient de changer récemment (voir mon article dans “étapes) ne traduit toujours pas le positionnement ni la puissance industrielle d’un des groupes les plus influents du monde de l’édition, papier, film & video et musical. Sans doute que les directeurs de la communication se succèdent à un rythme soutenu et sans doute aussi n’y a-t-il pas à la tête de Vivendi un véritable coordinateur artistique pour veiller à la cohérence visuelle du groupe.

Mais tenir 40 ans à la tête de la direction artistique d’une firme comme CBS relève tout de même du prodige. C’est cette aventure que je souhaite vous présenter, celle de Lou Dorfsman, Lou «Who» comme il plaisait à se décrire lui même, qui a façonné jour après jour, décades après décades le style graphique et corporate d’une des plus prestigieuses société de broadcasting américaine.

L’aventure commence dans les années de la grande dépression, en 1935 lorsqu’en dépit de son goût pour les sciences médicales et biologiques, pour des raisons financières, les parents de Lou acceptent de voir leur fils partir à la Cooper Union for the Advancement of Science and Art, école entièrement gratuite. Louis Dorfsman ne se souvient pas d’avoir particulièrement été passionné par la publicité. Plutôt par le design, l’architecture et le graphisme. Là il rencontrera Herb Lubalin avec qui il partagera durant de longues années, les galères et la passion d’un métier qui les a vu s’associer à plusieurs reprises.

Lou a grandi dans le Bronx et tel Woody Allen il goûtera le plaisir du travail urbain bien que profondément attaché à la nature et aux choses vraies.
Son enrôlement durant la guerre, qui le vit en poste à Dallas ayant échappé de justesse au planning du débarquement en Normandie, il le passa à dessiner des poster’s avec pinceaux et aérographes. Mais faut-il le préciser le jeune Lou voyait déjà son père dessiner et peindre des lettres dans sa petite entreprise de signalétique, ceci expliquant sans doute cela.

Lorsque la guerre touche à sa fin Lou et Herb partageaient un studio à New York et peu de temps après il trouva un poste d’assistant à la CBS auprès de son Art Director, Bill Golden. Là commencera une carrière exemplaire qui le vit grimper au firmament d’une profession qui toute entière lui reconnaîtra l’exemplarité d’une exigence et d’une qualité de travail par de nombreuses récompenses.

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La psychologie de Dorfsman lui interdisait de se sentir trop fier de sa réussite. Gromelant toujours quelque chose pour se déconsidérer jusqu’à même exprimer librement son désaccord d’être surpayé estimant qu’il serait bien plus créatif et libre si son travail était un peu moins estimé. Sous la Direction de Golden, il apprit toutes les techniques du métier, des planches contacts aux techniques offset en passant par la maquette et les mises en page. Pas vraiment jaloux mais terriblement sensible à l’habileté de Lubalin avec qui il entretenait cette relation privilégiée d’anciens camarades d’études, il faisait souvent appel au talent de Herb pour élaborer les structures et les titres de ses annonces.

Dans les années 50 la télévision frappait ses trois coups et la CBS s’adaptait en créant sa propre chaîne devenue depuis légendaire. C’est le moment que choisit Golden pour propulser Dorfsman à la tête de la direction artistique du département Radio qui devenait par la force des choses le parent pauvre. Et du coup Lou D. obtint presque carte blanche pour élaborer le style graphique d’une Radio déjà très ancienne mais qui désormais n’était plus au centre des préoccupations des actionnaires. C’était idéal pour Dorfsman. Ne pas se sentir sous les feux des projecteurs. De pouvoir prendre des risques visuels et graphiques, élaborer un design global qui allait du logo, en passant par la papeterie (stationery) pour se décliner finalement sur les campagnes d’affichage, d’annonces et surtout sur le design architectural du Siège de la CBS où Dorfsman va démontrer ses talents de scénariste d’exposition qu’il avait déjà expérimenté à l’armée.

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EXPRIMER LE BUSINESS DU CLIENT

Lou Dorfsman en prenant ses fonctions d’Art Director prit la chose très au sérieux. De fait la Radio n’était pas seulement son employeur mais aussi son client. Et c’est ainsi qu’il reconsidéra tout son approche de la communication. Il s’intéressa à tout ce qui composait les paramètres économiques de la CBS. Ses annonceurs et sponsors, les partenaires sociaux, les syndicats et employés, les animateurs et journalistes, jusqu’aux actionnaires pour qui il avait le plus profond respect. Il savait que la Radio ne reviendra jamais au premier plan du business face à la télévision mais était persuadé qu’elle pouvait rester rentable et il s’employa à façonner son image pour lui faire revêtir les habits de lumière que nous connaissons encore. Le maître mot de Lou, la cohérence visuelle n’était pas qu’une vague intention. Il en fit son exercice quotidien durant les quarante ans qu’il passa au service de la CBS.

IL APPREND À IDENTIFIER LES OPPORTUNITÉS

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Terriblement impliqué dans la destinée économique de l’antenne, Lou ne ratait jamais l’occasion de repérer les argumentaires qui allaient permettre soit de gagner de l’audience (il était un fervant lecteur des rapports Nielsen), soit de gagner annonceurs ou sponsors. C’est par exemple cette idée qui lui est venu après avoir remarqué que la plupart des grandes compagnies américaines étaient précédés du nom générique de Général (General Foods, General Electric, General Motors ou General Mills). Il inventa alors le General  Agreement, un concept de communcation pour conquérir de nouveaux clients. «Si c’est bon pour les grands annonceurs, alors c’est bon pour vous». De même que cette annonce Be Sociable qui était une récupération d’annonce de Pepsi pour démontrer la place de la CBS dans le media planning de Pepsi… Tel était Dorfsman, non seulement designer et art director mais aussi homme de marketing et pourquoi ne pas le dire homme du business.

ASSUMER LA RESPONSABILITÉ

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Au début des années 60 alors que la campagne annuelle de la Ligue du football était déjà lancée Lou prit un pass à la Ligue et se pointa sur les terrains de jeu avec son appareil photo. Il en tire une série de clichés très pédagogique et une campagne «How to watch football». Il réussit à convaincre la fédération de lui acheter un livre qui sera par la suite distribué à titre éducatif dans les écoles, universités etc. Une idée généreuse marqué du sceau de la qualité photographique et graphique qui permit à CBS de remporter les contrats de couverture de la saison. Donner pour recevoir… Investir d’abord pour cueillir ensuite, des banalités qui n’ont plus cours de nos jours.

IL DÉFINIT LE STYLE DE LA COMPAGNIE

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Dorfsman n’était pas seulement préoccupé par le print mais tout aussi bien par l’apparence architecturale de sa compagnie. Il surveillait et concevait jusqu’aux inscriptions sur les boutons de porte. Il avait même réussi à se faire attribuer la fonction de contrôle de tout ce qui s’accrochait dans les couloirs et bureaux. Travail normatif s’il en faut mais il faudra attendre le milieu des années 80 pour qu’en France une telle attitude devienne réalité. C’est à cette exigence de chaque instant que la CBS doit cette image de qualité légendaire. Lou ne tolérait rien, pas même les photos de famille dans les bureaux. Un jour quelqu’un avait accroché une photo de Richard Avedon et c’est peut-être la seule fois que Lou fit une exception. Papiers à lettres, logotypes des produits dérivés, marquage, signalétique, enveloppes d’expédition, sous sa houlette CBS devint peu à peu une sorte de musée d’art contemporain vivant. Je dois vous avouer que le caractère choisi, ce didot si proche du Firmin Didot que nous connaissons bien confère une réelle élégance à la marque. Le contraste des pleins et déliés, dans la pure tradition modern old style américaine nous met tout de suite dans l’ambiance d’un Dan Rather vétu d’une veste anthracite avec chemise blanche et d’un nœud pap’.

PUBLICITÉ,  SPECTACLE et BUSINESS

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La recherche d’audience télévisuelle et radiophonique grandissait simultanément avec la multiplication des canaux de distribution. Bien que profondément impliqué dans un design de qualité, CBS n’échappait pas à la règle du business. CBS devait peu à peu s’adapter à l’ère de l’entertainement, du divertissement grand public au risque sans cela d’être balayé du paysage audiovisuel. Les émissions de prime time changèrent, proposant les jeux et les plateaux showcase grand public sans que jamais Lou Dorfsman ne renonce au style de qualité institutionnelle qu’avait conquis CBS. Et les actionnaires fidèles, suivaient ses recommandations. Cette marque occupe une place vraiment à part parmi tous les fleurons du PAF international. Peut-être pourrais-je mettre en parallèle les chaînes de la BBC à Londres, mais alors ce serait reconnaître qu’une marque privée peut prétendre à une qualité design aussi remarquable qu’une chaîne ou une Radio d’État. Ce serait encore un paradoxe qui dans l’économie américaine devient presque une obscénité, au bon sens du terme c’est-à-dire littéralement «à côté de la scène», «hors champ» si vous me permettez cette trivialité cinématographique.

LES PROMOTIONS DE L’ANTENNE

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L’intervention de L.Dorfsman ne se limitait bien évidemment pas qu’aux seuls programmes de design. Un compagnie de Broadcast comme CBS produit chaque année des centaines de documents pour le print. Cela va des brochures, aux catalogues et schedules de programmes en passant par les affiches de concerts, théatre ou de conférences ainsi que toutes les promotions, dossiers de presse, études marketing, cartons d’invitation etc. Cela occupe plusieurs dizaines de spécialistes, rédacteurs, graphistes, designers, illustrateurs et photographes. C’est aussi le territoire sur lequel Lou interviendra quotidiennement durant de longues années. Au fond c’est un peu comme si Jean-Christophe Averty, doublé d’un Robial et d’un Peter Knapp (le trois en un) avaient travaillé pendant quarante ans pour la Première devenue TF1. Je ne dis pas que ça n’aurait pas été possible. Mais je doute qu’un tel statut soit un jour reconnu en France. Et surtout en mode interne. Car c’est aussi cela la spécificité de cette aventure Dorfsman. Un service de Direction Artistique entièrement intégré verticalement. Je ne sais pas aujourd’hui ce qu’est devenue cette structure. Quand je me connecte sur le site de la CBS, malheureusement il ne reflète pas cette qualité légendaire et j’en suis profondément déçu. Au point même que lorsque j’ai essayé de lancer quelques videos, mon Firefox a «quitté» opportunément ;-). J’ai voulu seulement vous faire partager mon admiration pour ce créateur d’un autre temps qui nous laisse l’exemple à la fois d’un dictateur de la forme et d’un ouvrier du travail quotidien me faisant parfois penser à cet autre génie de l’Amérique, Wernher von Braun qui permit à la nation américaine d’envoyer un homme sur la lune.

Galerie complète de l’œuvre de Lou Dorfsman ici! et un interview du Maître ici

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Takenobu Igarashi | Space Graphics | une œuvre majeure

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Sous le numéro ISBN 4-7858-0152-2 C3071, un catalogue relié cousu édité en hommage à l’œuvre de Takenobu Igarashi, Space Graphics, en 1983 par Yoshiro Nakamura (Zen Environmental Design) et Shoten Kenschiku-sha Co. Ltd.

Igarashi se designe lui-même comme un sculpteur designer et son œuvre commencée en Californie en  1970 lorsqu’il quitte l’Université pour retourner à Tokyo fonder sa propre société de design se décline entre un concept architectural et environnemental.

Exposé à Tokyo, Amsterdam, Zurich, New York, il aura participé de façon majeure à la naissance d’un style monumental et graphique qui trouve encore aujourd’hui grâce à l’informatique un prolongement éternel.

Son travail est gracieux, précis, concis. Je dirais mathématiquement beau. C’est très exactement le contraire d’un artiste de l’à peu près. Tout son œuvre peut se résumer à une phrase : penser avant d’agir. Il faut être très humble devant son travail. Bien sûr, comme les planches qui suivent en attestent, tout a été dessiné à l’époque à la main. Règles, équerre, compas sont les seuls outils de cet expérience Et, loin de moi de minimiser le travail de Joshua Davis ou de Maeda mais on ne peut que rester béat devant tant de maîtrise des espaces, du rythme et de la délicatesse des formes. Les couleurs sont d’une modernité absolue.

Les projets hollandais de l’aménagement des Halles de Paris, refusés par notre maire bien aimé pour de futiles raisons politiques traduisent cette même modernité colorée. Des couleurs vives, jaune, vert menthe, rouges et noir. Des bleus cobalt associées au noir ou réserve blanches pour les lettres, l’expression de Igarashi se mesure à la rigueur de son vocabulaire et de sa grammaire graphique.

N’allez surtout pas psychanalyser son œuvre. C’est comme si vous vouliez psychanalyser un paysagiste de jardins zen. C’est plutôt lui (en parlant d’Igarashi) qui vous ferait allonger sur un divan (dessiné par lui bien sûr) pour nous faire accoucher de nos confusions mentales. Voici une œuvre, dont on ne peut même pas dire que c’est beau, que c’est laid pour la même raison qu’on ne peut pas dire de la nature qu’elle est belle ou laide. Elle est. Le talent d’Igarashi c’est d’avoir de même conçu des formes et des compositions qui deviennent des évidences naturelles.

J’ai ressorti cette édition de ma bibliothèque pour deux raisons, la première, pour la qualité intrinsèque qui s’en dégage, la deuxième c’est pour dire et répéter l’importance du dessin dans l’acte de la création. Le design comme la sculpture sont d’abord des actes de l’homo faber qui nous a engendré et pour avoir fait l’expérience d’être venu tardivement dans ce métier je vous assure que je sais de quoi je parle.

Voici quelques pages de cette édition si rare qu’on souhaiterait qu’elle soit rééditée.

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Ci-dessus un lien pour la galerie de cette édition. Toute reproduction est interdite. Usage strictement pédagogique.

 

 

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Westvaco | cahier de style | graphisme

Un immense plaisir de vous faire partager cet ouvrage de Westvaco (West Virginia Pulp and Paper Company) qui fait partie d’une série de 4-5 albums qui s’échelonnent de 1945 à 1965 et qui témoigne de ce que les industriels du Papier savaient encore faire à une époque où l’argent n’était pas aussi rare. L’insdustrie des Arts Graphiques a été durement touché depuis 1973, le premier choc pétrolier. Puis à l’époque de la première guerre du Golf. Ç’en était fini des festivités et ripailles que nous avons connu autour de l’imprimerie et des industriels périphériques.

L’après-guerre signifiait la reconstruction pour nous autres européens, mais aux États-Unis, il n’y avait rien à reconstruire, les années de dépression étaient loin, et la machine industrielle tournait à plein régime. Le consumérisme était en train de naître avec son éventail de représentation, les médias. Chauds ou froids, selon Marschall McLuhan (voir l’article d’Etienne Mineur), parce que l’électronique ouvrait la voie à la télévision, à la radio FM et l’affichage ainsi que la presse ne restaient pas en chemin. Sur la cinquième avenue les magazines de Mode, les agences de Publicité, allaient faire frissonner le public par les images audacieuses, les compositions les plus recherchées.

Et c’est dans cet ambiance de foisonnement social et visuel que les industries papetières et graphiques tentaient de démontrer qu’ils n’étaient pas en reste. Ils revendiquaient même un rôle de pilote des tendances et des audaces graphiques.

Nous sommes donc en 1961, deux ans avant l’assassinat de John Fitzegerald Kennedy et on roulait en Chevrolet Impala et en Chrisler 300G (la voiture de mes rêves ;-). Voici les plus belles pages de ce cahier de tendances graphiques. C’est Westvaco.

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l’adresse d’une galerie complète se trouve ici.

Sans entrer dans le détail des critiques et analyses, on peut dores et déjà reconnaître certains styles, des guimmicks de mise en page que nous retrouvons chez les graphic designer de l’époque. Mais par delà ces analyses, la chose qui m’a frappé en premier: l’extraordinaire actualité de ces pages. Et aussi bien en Print qu’en Webdesign. Et j’attends vos commentaires avec impatience. Je reviendrai plus tard sur une analyse détaillée de ces pages.

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pédagogie graphique à Bâle dans les années 50-60 |

Sous le titre Processus élémentaires de dessin et de mise en forme, Dessain et Tolra à publié en 1984 un cahier qui complète trois autres ouvrages consacrés aux cours fondamentaux de l’École des Arts décoratifs de Bâle, Suisse.

Ce cahier numéro 4 dirigé par Manfred Maier est traduit de l’Allemand au titre original: Elemantare Entwurfs und Gestaltungsprozsse par Sylvie Girard a donc été édité par ©Paul Haupt une première fois en 1977 sous le numéro ISBN 2-249-27636-6 et l’ensemble des 4 cahiers sous le numéro ISBN 2-249-27637-7.

Il vient étayer le processus pédagogique que j’ai publié précédemment sous l’intitulé “Armin Hofmann | l’École de Bâle” et que j’ai également commencé à relater dans l’article que j’ai publié sur la vie et l’œuvre d’Albert Hollenstein dans étapes concernant les cours 19 que “Hol” avait initié à Paris en 1959.

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L’École de Bâle, représente dans l’histoire de la pédagogie du graphisme et du design un moment des plus fertiles à plusieurs égards. La 2e guerre mondiale a fini de balayer toutes les idées reçues culturelles et humanistes en Europe. A l’exception de la France et de son antigermanisme (dans les années juste d’après-guerre) le design et le design graphique dispensé au Bauhaus se répandent dans le monde entier.

En Europe, l’Italie, la Hollande, la Suède et le Danemark sans oublier bien sûr l’Allemagne et même l’Angleterre découvrent les méthodes d’enseignement expérimentales de Walter Gropius et de ses disciples (c’était effectivement une véritable religion ou du moins un sacerdoce). Mais cet enseignement traverse l’Atlantique et l’on retrouve les suisses sur la cinquième avenue avec les magnifiques mise en pages du Harper’s et les travaux de Herb Lubalin.

Le programme de Bâle comportait des cours de dessin, un enseignement de la couleur, des excercices sur les volumes dans l’espace, une initiation pratique aux matériaux et outils. Des excercices favorisant l’acquisition des connaissances théoriques sur la forme et l’esthétique.

Dessins d’objets, dessin industriel et perspective, études des matériaux et la couleur sont enseignés par 26 professeurs, tous des professionnels dirigés par Emil Ruder jusqu’en 1970 et Niklaus Morgenthaler et Kurt Hauert à partir de 1971 (ces dates sont citées dans l’ouvrage en 1984, les générations de profs et directeurs ont bien sûr changé depuis).

A l’instar des professeurs du Bauhaus, ceux de Bâle transmettent l’expérience de la perception et du sensoriel dans le même temps qu’ils découpent, je dirais même qu’ils dissèquent les formes jusqu’à les réduire à leurs plus simples expressions. Le point, la ligne, les couleurs, les surfaces polygones et les volumes rectilignes et sphériques. Ceci leur permet d’aborder aussi bien les structures que leur perception dans l’espace (la perspective) ainsi que les matières (textile, métal, argile et plâtre, bois et peinture).

L’enseignement des arts appliqués est un balancier. Entre la gestalt, les formes primitives que les philosophes ont proposé comme innées et l’expérience de l’homo-faber nous tentons de jeter un pont avec nos faibles connaissances pour permettre aux futurs psofessionnels de disposer d’un arsenal de sensibilité et de technicité afin de résoudre des problèmes de la communication d’aujourd’hui.

Au fond la question de l’enseignement moderne se pose à nous tous avec une acuité grandissante: professionnels, acteurs des métiers graphiques et du design, nous sommes confrontés chaque jour à une jeunesse (étudiants, stagiaires et assistants) désireuse d’explorer les arcanes de l’interactif au détriment du papier-print. La posture professorale ne fonctionne plus comme il y a encore quelques 15 ans. On ne peut plus dire à un étudiant qu’il doit connaître les principes fondateurs d’un métier. Parce que celui-ci a tellement changé qu’il ne ressemble plus (en apparence) aux métiers du print.

Pourtant en examinant les nombreux sites professionnels d’entreprises qui rejoignent la net-économie on constate un nombre d’abberrations en croissance exponentielle. C’est que les acteurs d’aujourd’hui ont oublié des décennies de reflexes que nous pratiquions dans le monde du print. Etienne Mineur, moi-même et bien d’autres professionnels dénoncent chaque jour ces aberrations et finalement c’est bien en publiant qui le travail d’un Norman MacLaren qui celui de Joshua Davis ou d’Helen Lupton que nous tentons de faire avancer une idée. Le doute paye. Les certitudes ne sont pas de mise alors que l’on ne sait pas encore grand chose des nouvelles règles de l’ergonomie interactive. Confort d’utilisation, lisibilité, hiérarchisation de l’info, formes séduisantes et attractives, référents aux tendances mais aussi efficacité commerciale sont autant de critères pour juger, analyser, construire les écrans interactifs.

Pour y voir plus clair il me semblait judicieux de consacrer quelques notes au travail de nos prédécesseurs, ceux qui nous ont pré-cédé mais aussi cédés un savoir sensible et utile à la résolution raisonnable des problèmes d’aujourd’hui.

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Vous trouverez à cette adresse une galerie consacrée à l’enseignement de l’école de Bâle. Photos design et typo, toute reproduction interdite. Usage strictement pédagogique.

Publié dans Typographie et typographies | Commentaires fermés sur pédagogie graphique à Bâle dans les années 50-60 |

armin hofmann | l’école de bâle

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Il y a longtemps que j’ai entrepris une réflexion sur la pédagogie du design graphic et de la manière d’adapter les principes fondateurs de cette pédagogie à l’environnement numérique et interactif dans lequel les étudiants du monde entier sont plongés depuis une dizaine d’années. C’est un débat que je souhaite entamer avec les professionnels et les enseignants parce qu’à l’heure des futurs clics d’or il est plus qu’important de baliser les fondamentaux qui régissent la qualité de la création. Je voulais par la même occasion signaler le travail assez phénoménal qu’à réalisé un enseignant de l’école supérieur d’art appliqués de Bourgogne, Thierry Chancogne dont vous pouvez télécharger à l’adresse ici, l’intégralité de son cours au format pdf. Une somme qui a le mérite de balayer très large tous les champs d’investigations connus à ce jour dans le périmètre de la pédagogie des arts appliqués, et surtout de la communication. Paul Rand dans un article élogieux nous parle de la passion graphique d’Armin Hofmann sur ce site, ici. Pourquoi évoquer l’œuvre pédagogique de Hofmann? voilà une question que chacun peut se poser pour plusieurs raisons:

1. d’abord ne s’agit-il que d’une époque lointaine, du passé, ou encore de l’old story comme diraient certains de mes élèves.

2. ensuite à quoi sert de rappeler les principes qui ont régi un enseignement dont les méthodes extêmement manuelles semblent largement dépassés par l’accès direct au numérique, au motion graphisme, à l’interactif (web, multi-media, video, 3D etc.).

Lorsqu’on examine le travail réalisé à l’école du Bauhaus, il est frappant de constater combien le travail manuel était mis à l’honneur. Qu’il s’agisse de la poterie pour Gerard Marcks, Marguerite Friedländer, Theodor Bogler, ou d’Otto Lindig, ou encore du tissage pour Gunta (Stadler-) Stölzl, ou Benita Koch-Otte, ou Vincent Weber ou d’Otto Berger le chemin était long pour les étudiants du Bauhaus avant de recevoir l’enseignement des maîtres architectes comme Walter Gropius ou Ludwig Mies van der Rohe.

Il fallait encore passer par les classes de Klee ou Kandinsky ou encore de Moholy Nagy pour parachever une sensibilisation et une maturation des concepts, des matières, des structures et schémas mentaux et concrets. Je veux dire qu’à l’instar de ce qui est enseigné aujourd’hui à l’ENSAD ou dans les cours supérieurs d’Estienne, on avait déjà parfaitement intégré la nécessité de savoir d’abord dessiner, travailler la matière, analyser-décomposer les structures, connaître la lumière (photo) et maîtriser les fondamentaux des couleurs avec Johannes Itten, avant que de s’attaquer à l’essentiel du métier d’architecte, concevoir et construire maisons, immeubles et gratte-ciels.

L’enseignement d’Armin Hofmann prend donc tout son sens à Bâle dans les années 50-60. Voici ce qu’il dit en préambule de son ouvrage édité en 65 en Suisse par Arthur Niggli Ltd, Teufen AR:

Concernant les lignes :

«Le mouvement est la caractéristique propre de la ligne. Contrairement au point qui fait centre et reste statique, la ligne est de nature dynamique. Elle peut-être prolongée indéfiniment dans les deux directions, elle n’est liée ni à une forme ni à un centre. Si l’on considère cependant que la ligne est un élément fondamental, c’est seulement parce que le phénomène qui lui a donné naissance, n’est plus perceptible. Elle est un élément qui a déjà passé par un stade de croissance.»

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Voici une galerie de cet ouvrage majeure qui semble plus qu’épuisée puisqu’on en trouve que quatre exemplaires sur Amazon dans le monde entier. Bien entendu si les auteurs ou ayant droits me le demandent je retirerai de mon blog toute ou partie de ces reproductions que je ne destine qu’à un usage strictement pédagogique et non commercial.

Publié dans Typographie et typographies | Un commentaire

Roger Excoffon | Typographe et Peintre

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Roger Excoffon pour beaucoup d’entre-nous était d’abord un graphiste et typographe. Un jour, quelque temps après sa disparition un hommage lui fut rendu à l’Hotel de la Monnaie et là je vous jure que nous avons tous été plus que surpris. La presque totalité de l’exposition était consacrée à son œuvre picturale. Comment voulez-vous encore avoir confiance dans les apparences.

Les quelques pages qui suivent sont issues d’un livre-album intitulé Caractère Noël édité dans les années 60 par la Compagnie Française d’Édition d’Emmanuel Ollive (avec deux L s’il vous plait), 40 rue du Colisée, sous les auspices de la Fédération Française des Syndicats Patronaux de l’Imprimerie et des Industries Graphiques.

Il est fort probable qu’un jour je mette en ligne l’intégralité d’un ou deux de ces volumes auxquels ont collaboré à peu près tout ce qui se comptait comme typographes et graphistes de renom à cette époque (J.BASSEVILLE, G.BLACHARD, J.DEVILLERS, FRANÇOISE FUZIER, PAUL GABOR, JUSTIN GRÉGOIRE, ALBERT HOLLENSTEIN, PETER KNAPP, ALDO NOVARESE, RÉMY PEIGNOT, FERNAND BAUDIN, MARCEL BENARD, FRANÇOIS BOUCHER, JACQUES BOURGEAT, CHRISTIAN COMAL, RENÉ DESSIRIER, DICK DOOIJES, JOHN DREYFUS, ROGER EXCOFFON, GÉRARD FINEL, ADRIEN FRUTIGER, PIERRE GAUDIN, RAYMOND GID, MARCEL JACNO, ANDRÉ JAMMES, HENRI JONQUIÈRES, HENRI MASSIS, JOSÉ MENDOZA, VICTOR MERIGOT, RICHARD MONOD, RENÉ-HENRI MUNCH, RENÉ PONOT, PIERRE ROBES, JEAN ROUSSET DE PINA, HENRI STEINER, JEANNE VEYRIN-FORRER, MAXIMILIEN VOX).

La particularité de ces ouvrages, d’être de véritables livres-objet puisqu’imprimés sur au moins 10 papiers différents, par cahiers reliés-cousus, véritables portails manuels des métiers du livre qui présentent, évoquent, débattent sur tous les courants graphiques de ces années d’après-guerre. Il ne s’agit pas pour moi de nostalgie mais plutôt d’un regard vers un passé qui resurgit encore aujourd’hui à chaque détour de la création contemporaine. (un hommage aussi à un grand Monsieur de cette époque, Jean Derck alors directeur importateur des presses à cylindre d’Heidelberg en France et qui très aimablement s’était proposé d’imprimer gracieusement ces recueils qui ne font pas moins de 300 pages.

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à gauche le Choc et le Calypso, à droite le Nord et le Nord italique, caractères édités par le Fonderie Olive.

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Composition pour une couverture d’un document touristique : Italie | Air France

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Composition pour un hypnotyque | héliochromie de l’imprimerie Herbert

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à gauche composition pour un antinaupathique, à droite motif d’une couverture de plaquette sur la Provence | Air France

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en haut à droite composition pour un antigrippe

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en haut à gauche composition pour un équilibrant neurovégétatif, en bas couverture pour une palquette typographique, à droite étude d’une campagne de prestige pour une compagnie de produits chimiques

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en haut à gauche panneau décoratif pour stand de typographie, en bas étiquette pour un parfumeur, en haut à droite cartouche pour un livre d’or, en bas à droite page de publicité pour un caractère (Chambord et Vendôme)

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Page de publicité pour Air France à gauche et à droite couverture pour un programme du bal des petits lits blancs

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à gauche composition pour une thérapeutique de l’angoisse, à droite étude d’un monogramme pour l’Agence de Publicité «Urbi et Orbi»

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à gauche conditionnement pour un parfum, à droite en haut carte de vœux pour 1959, à droite et en bas graphisme pour une galerie de peinture

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à gauche une illustration extraite d’une plaquette de présentation typographique, à droite un fac-similé d’une jaquette en 3 couleurs

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à gauche de haut en bas: monogramme pour l’imprimerie des Tournelles et 2 monogrammes pour la Fonderie Olive, à droite fac-similé d’une carte de vœux en 6 couleurs et un monogramme pour les Glaces de Boussois

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monogramme pour le Salon des Techniques Papetières et Graphiques

Le cas de Roger Excoffon est celui d’un des très grands artistes contemporains. Artiste tout court: car le graphiste prestigieux – dans son genre aussi l’un des premiers – ne vient qu’ensuite.

Et cependant le graphisme est tellement son apparente raison d’être que l’on s’est habitué à ne le voir point autrement. Lui…?

Mais reprenons à la base. Entre l’école de 1925 – Cassandre, Vox, Jonquières, Salvat, Jacno – voisinant avec Paul Colin, Loupot et Jean Carlu… sans oublier l’influence de Charles Peignot – et les «nouvelles vague» du livre-club et de l’Helvétie-à-Paris: un nom se détache et fait balle, comme en affiche celui de Savignac:

EXCOFFON: nom sonore et chantant – dans les notes étouffées. Celui d’un dauphinois né à Marseille. D’un marseillais qui ressemble à un anglais. D’un britannique qui aurait l’âme d’un janséniste à la fois, et romantique.

Il est peintre. Il aime sa Provence. Le graphisme fut pour lui une vocation tardive, quasiment un devoir d’état. En moins de quinze années, la conjonction de Roger Excofon avec la Fonderie Olive a doté la France de ce qu’elle n’avait jamais connu depuis la «belle époque» de Georges Auriol et de Georges Peignot, au début du siècle: un interprète de la Lettre entièrement, foncièrement, intensément français. Exculsivement. Plus gallo-encore-que-latin, ce qui a rendu son succès international.

D’autres, de par leur hérédité, leur éducation, ont enrichi notre musique intérieure d’accents slaves, hispaniques, mittel-européens, belgisants, helvétiens. La graphie d’Excoffon fut provençale avant d’être française.

Car vivacité ne veut pas dire facilité: Roger Excoffon, l’homme de la griffe et du paraphe (plutôt que de l’arabesque) est aussi celui de la force contenue; du visage fermé, à la romaine; de l’improvisation, soit, mais vingt fois répétée.

Un saut périlleux au ralenti.

Excoffon n’a pas de règles apprises, mais une discipline de soi au sens monastique, déchirant – j’allais dire, calviniste. Ce qui lui permet d’être tout entier dans son œuvre, ce mélange d’accueil et de refus qui se résout (pour le spectateur) en une joie d’autant plus délicieuse d’avoir été difficile.

Il n’a pas pris de thèmes, comme la plupart d’entre-nous, dans les actualités successives, les vieilleries savoureuses, un excès d’érudition, ou un radar accrocheur de tous les snobismes. Pour le comprendre à fond, il faudrait le détester un peu; suivre et surprendre le cheminement de très petits motifs, mais poussés et creusés à l’extrême profondeur, peut-être à l’extrême réitération. Chaque matin, dirait-on, Excoffon, artiste scrupuleux, se réinvente selon les mêmes normes, celles qui lui sont sincères.

Le spectateur le moins averti découvrira le leitmotiv majeur du tourbillon; et celui (qui lui cède à peine) de la musique des sphères. Puis de la bataille d’angles et d’éclairs. Puis du scroll, de l’involution baroque. Le traitement de la couleur par suaves passages savants; du dessin par coups de pinceau japonais magnifié; de la surface à coups de ciseau ou de scalpel. Un arsenal mental et pictural surréaliste, mais à la manière d’un Henri Miller (auquel il fait penser) qui sans avoir lu une ligne de français devançait dans son subconscient et dans son écriture le Manifeste de 1918.

Mais d’instinct, l’auteur du Mistral, du Calypso, du Nord, a préféré cet abstrait absolu, cet art non-figuratif par définition qu’est la création et l’usage de la lettre d’imprimerie.

Tout lui est cas de conscience. S’il s’est donné à fond à l’École de Lure, c’est qu’il y sent un impératif; il a l’autocritique féconde. Malgré son amour de la chose typographique, il y touche avec la courtoisie distante, sans tendresse ni appétit, qui caractériserait un mariage de raison.

D’ailleurs est en train de lui venir la joie. Depuis quatre ans, Roger Excoffon est «entré en publicité» comme on entre en loge: avec la volonté- et aussi le pouvoir – d’engager dans une action décisive et publique les fruits d’une jeune maturité. C’est un champ clos d’expériences, un vrai champfleury, que la création et la diffusion des caractères d’imprimerie.

Du premier jet, sans avoir passé par les filières, Excoffon s’est trouvé à l’échelon supérieur du métier publicitaire: il y a pénétré par en haut comme le vin pénètre dans les bouteilles. Il a attaqué le problème de la grande publicité par la tête: non comme prétexte à concessions, mais comme moyen d’expression. De sur-expression.

Arrière les confidences du chevalet, la pénombre des Galeries, les tournemains de laboratoire… Au dur soleil de l’advertising, voici que loin de s’effacer, le talent essentiel d’un Excoffon s’exalte.

Ce qu’il n’oserait pour lui, qui intimiderait sa toile – publicitairement il l’ose. Pour le client, il a l’audace de l’audace. Heureuse. Et le public, l’homme-de-la-rue, qui comprend vite et loin, est heureux avec lui.

Louons les dieux d’avoir tiré ce peintre-dessinateur (il y en a peu) du culte du moi-seul, pour le jeter vif sur le papier agile, entre les rouleaux rapides, dilué dans l’encre odoriférente… le matériau de notre temps.

Les pages que voici sont un hommage raisonnable et raisonné – le premier – de la profession française de l’Imprimé à l’artiste entre tous en qui elle se sent grandir.

«J’imprime, oui: mais je m’exprime!»

MAXIMILIEN VOX

Ce texte est donc l’introduction des pages que vous venez de voir, qui précéde dans l’ouvrage «Caractère Noël» l’hommage de la profession à Roger Excoffon. Il est d’autant plus important et révélateur que Maximilien Vox (Monod) est à ce moment la figure emblématique de la culture typographique française. C’est entre 1950 et 1960 que Vox va lancer sa classiffication des caractères et vient de créer l’École de Lure à Lurs en Provence avec Jean Garcia et la collaboration de fidèles amis-typographes. Parmi les noms cités en début d’article nombre sont ceux qui participent de près ou de loin à ce renouveau de la typographie Française.

Un billet plus récent vous attend ici avec la suite complète de l’œuvre de Roger Excoffon. Admirable!

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Histoire des logotypes au 20e siècle

Franco Maria Ricci | Top Symbols & trademarks of the world | suite

J’avais déjà publié ici même le début d’une publication majeure dans le monde de l’édition graphique. Les enjeux pédagogiques sont de taille. J’ai déjà, dans ce blog soulevé à plusieurs reprises la difficulté à installer de nouvelles marques autant que des risques de relookages que nous voyons fleurir aux quatres angles de la planète. Ma contribution pour aussi faible qu’elle soit dans le firmament du design graphique n’a pour but que d’éveiller, montrer, analyser, comparer et se souvenir. C’est important la mémoire. Pour les logos plus que jamais. A la fois pour des raisons juridiques que marketing et j’en ai longuement parlé avec notre expert des logos Frédérique Glaize ainsi qu’avec Jonathan Munn (qui fut pendant quelques années graphic designer travaillant pour les Éditions Belin, et de pas mal d’autres éditeurs). Il était important d’agrandir le domaine visuel de la documentation des logotypes du passé. Cette édition de Franco Maria Ricci est épuisée depuis longtemps, et nous ne sommes pas nombreux à disposer de la collection complète. J’ai donc décidé de mettre en ligne les pages historiques de ce monument de travail en prenant la précaution de prévenir tout un chacun qu’à la demande des éditeurs ou d’ayants droits, je m’empresserai de retirer ces documents de mes blogs et sites. Après tout ils ont peut-être l’intention de rééditer un jour cette somme et je comprendrai alors leur démarche. En l’absence de leur réaction je maintiendrai actif cet espace pour le plus grand intérêt de mes lecteurs qui pourront ainsi cultiver leur regard, étayer leur discours et éviter parfois, souvent des erreurs comme l’on en voit de plus en plus dans le paysage actuel du branding. Et si par hasard les éditeurs ou ayant droits tombent sur mon blog ou site, je les remercie d’avance d’apporter leur concours dans les commentaires pour nous conter l’histoire de cette édition, le making-of d’un travail aussi remarquable, les difficultés qu’ils ont rencontré et le pourquoi de la non-réédition d’une œuvre aussi magistrale.

Voici quelques pages d’introduction de ce recueil suivi de l’adresse du site ou vous pourrez consulter régulièrement l’ensemble de l’édition qui sera mis à jour semaine après semaine.

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et l’adresse du site spécialement aménagé pour recevoir régulièrement les pages de ces dix ouvrages majeures.

Suite de ce billet avec la publication du deuxième volume de cette encyclopédie magistrale ici.

Publié dans Les Logos | Commentaires fermés sur Histoire des logotypes au 20e siècle

Gerard Hoffnung | musique et caricature

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Vous  penserez sans doute que je suis un peu dérangé: 1) de vous entraîner vers des visions qui n’ont qu’un très lointain rapport voire pas de rapport du tout avec le design et la typo 2) d’avoir classé cette note sous le chapitre Stanley Morison de mes billets.

Ne vous y fiez pas. J’ai découvert Gerard Hoffnung précisément à Londres lors de ma première rencontre avec John Dreyfus qui m’y avait invité pour assister à un de ces concerts mémorables organisé par les descendants de ce grand journaliste, caricaturiste et surtout grand mélomane, qui allait occuper une place à part dans le cœur des Anglais. C’était au Royal Albert Hall que se tenait ce jubilée. Foule dense des grands soirs, une attente interminable et puis brusquement une trompette rettentit sur ma gauche, silence. Puis une autre trompette de l’autre côté juste en face, et successsivement cette sonnerie de trompette se répand tout autour de nous et envahit tout l’espace circulaire de cette salle de concert si particulière, 24 trompettiste annonçaient le début du spectacle. Pour comprendre, apprécier et/ou découvrir ce qu’est un festival Hoffnung il vaut mieux vous diriger directement sur le site qui lui est consacré ici (en En) et ici (en Fr by Google translate).
Et c’est donc ce John Dreyfus si agréable, si élégant qui était à l’époque le directeur artistique et conseiller de la Monotype Corp, ayant pris la succession de Stanley Morison qui m’a initié à l’histoire de ce typographe hors du commun.

Mais pourquoi Hoffnung, parce qu’aussi bien vous pouvez remarquer depuis quelques jours un léger flottement sur mon blog, et je remercie quelques uns d’entre vous de vous être enquis de ma santé… Tout va bien, juste un peu débordé et surtout une prise de conscience de l’ampleur du travail. J’ai voulu aussi stopper le rythme effrené des publications pour ne pas tomber dans une sorte d’automatisme qui me ferait perdre fraîcheur et sensibilité. J’ai plein de notes en préparation et dans ma tête. Mais n’allons pas trop vite. Parfois le silence permet de décanter les priorités et une hiérarchie des notes nécessaires ou pas. Alors ce petit montage que j’ai fait à partir de dessins de Gerard Hoffnung pour dire combien on est seul aussi face à son public, et angoissé et transis et inquiet de la qualité des billets qu’on publie. Et parfois en colère ou déséspéré mais toujours enthousiaste et passionné. Merci mon public. Et n’hésitez pas à m’encourager, c’est mon seul salaire :-).

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