Ange Díaz n’est plus!
Et voilà, une fois de plus je découvre à l’occasion d’un reportage un musicien que je ne connaissais absolument pas. Hier soir, oui dimanche, le New Morning a ouvert ses portes à l’une de ses soirées les plus mythiques en hommage à Anga Díaz, qui vient de s’éteindre à l’âge de 45 ans à Barcelone. D’autres pourraient beaucoup mieux vous en parler. Non que je n’aime pas le jazz, la percu ou la musique en général, au contraire. Mais j’ai trop honte de ne pas avoir connu de son vivant cet homme exceptionnel. Artisan modeste, artiste à part entière, culture classique et carrière fulgurante. Sur le blog de Samizdjazz, vous trouverez un premier billet des plus émouvants, avec un lien-video pour aller voir jouer Anga dans une formation avec Magic Malik. C’est apparemment CitizenJazz qui a annoncé la mauvaise nouvelle en premier suivi de peu par RFI et France Culture. Batteur On-Line, et Wikipedia en parlent également en des termes plus qu’élogieux. Le maître des cérémonies hier soir n’était ni plus ni moins que l’inénarrable Rémy Kolpa Kopoul de Radio Nova. Est-il besoin de présenter ce personnage incontournable des scènes world et jazz parisiens qui égrène au fil de ses contributions une passion pour la musique latine et plus spécialement depuis quelques années pour la musique afro-brésilienne. Et…
…vous qui êtes parmi mes fidèles lecteurs, et qui, à juste titre vous demandez parfois, mais qu’est ce qu’il nous em…bête avec ses photos de scène… nous on vient pour voir de la typo, du graphisme, du design… je vous répondrais qu’après tout ce lieu n’est qu’un blog. Je vous épargne déjà mes états d’âme perso, mes opinions politiques, mes colères quotidiennes contre les bruits des sirènes de police ou des klaxons d’embouteillage sous mes fenêtres ;-). Je me suis juste découvert une passion pour la photo de scène il y a environ cinq ans et c’est plus fort que moi. Je vous rassure, je n’en vis pas et c’est donc un exercice de style totalement «bénévole» qui me donne la joie de pouvoir capter des émotions et des énergies insoupçonnables. Un entraînement aussi parce que les conditions de prise de vue lors d’un concert sont proches de celles d’une épreuve sportive pour ne pas dire de temps à autre d’un champ de bataille, tant les mouvements de foule sont irrationnels et parfois d’une violence rare (cf. mes photos de la Bastille pour Brésil-Brésils).
Alors le New Morning, parlons-en :
Au passage j’adore le logo de cette salle. Les dents de scie sur le «N» ne sont pas sans rappeler les frises d’Amérique Centrale ou même de certains masques africains, témoignant ainsi des choix de la programmation de ce lieu qui a fêté voici peu sa jeune vingtaine. Peut-être que j’aurais rapproché les lettres un peu plus pour donner encore plus de puissance à l’écriture du logo… passons. Le site n’est pas trop mal fait même s’il manque un peu de cohérance et d’interactivité. Seul vrai repproche, il n’est pas mis à jour quotidiennement, ce qui fait que lorsqu’un concert est annulé vous l’apprenez mieux sur le portail de la Fnac que directement à la source. Re-passons…
Hier soir il y avait la foule des grands soirs, les quotas de sécurité avaient explosé, plus de cinq cent invités et passionnés qui se pressaient à la petite porte métallique. A l’intérieur, un véritable hammam. Suis arrivé trop tard pour voir Omar Sosa, et suis parti avant la fin… heureux, mais sans regret, tant les conditions pour la photo étaient difficiles… J’ai pu tout de même voir jouer quelques-uns des Childo Thomas, Dee Nasty, Baba Sissoko, Puntilla, Stéphane et Lionel Belmondo… Une qualité de son cubain et jazzistique rarement atteinte.
Pour revenir à la photo, une fois de plus je m’interroge… je balance régulièrement entre le noir et blanc et la couleur. S’il ne tenait qu’à moi, je ne ferais plus que du noir et blanc. Voici quelques exemples (que je commenterai ensuite) :
D’abord un peu de technique: appareil D200, objectif 80/200 2,8ƒ, exceptionnellement flash SB800 (orientation indirecte avec diffuseur) tant les conditions d’éclairage étaient mauvaises hier soir. ISO100 pour diminuer au maximum le grain (pixel je sais ;-). Réglages en mode manuel entre 5 et 8 de diaph). Prise de vue en RAW).
Bien que le D200 soit muni d’un mode N et B, je l’utilise toujours en process couleur, ce qui me permet de faire d’abord un équilibrage des chromies. C’est seulement après que je passe en mode Noir et Blanc (dans Photoshop) pour ensuite repasser en mode RVB. C’est un moment crucial. Car dans 90% des cas on doit refaire une prise des noirs pour approfondir les ombres et le modelé. Sauvegarde en tif des photos retouchés (tout en gardant les RAW sélectionnés).
Lorsque je «vais à l’impression», c’est à dire que je prépare mes photos pour le pre-press, je fais mes séparations avec photoshop avec un réglage perso qui me donne une «couche» de noir faible.
Précision suite à un email que j’ai reçu, cette courbe de séparation n’est évidemment valable que pour une impression sur un papier couché moderne et en trame 175. Ce qui représente tout de même 80% des cas que je traite pour mes clients. Bien entendu s’il fallait «préparer» une quadri pour un papier journal ou les pages jaunes, la courbe devrait tenir compte du papier (engraissement des points) ainsi que de la linéature plus faible (entre 75 et 133). La chaîne graphique ne souffre pas d’à peu près… mais les imprimeurs donnent dans ce cas et volontiers les paramètres nécessaires à la préparation des fichiers d’impression.
Une fois la séparation validée, là encore il faut vérifier les contrastes. Bien que mes photos soient hyper équilibrées (je fais la chasse en permanence aux couleurs non imprimables), il faut là encore refaire une prise de noir, le cmjn ayant tendance à aplatir les écarts de densités. Ces techniques je les apprises il y a fort longtemps ;-) en photogravure tradi… où l’on savait déjà parfaitement qu’une séparation (CMJN) n’était jamais qu’une interprétation d’un ekta (RVB) . Bien des chromistes étaient à cet époque des artistes refoulés ;-)
J’en reviens donc à mon interrogation première. Pourquoi je préfère le Noir et Blanc:
La plupart du temps je cherche à exprimer les émotions, l’intensité d’une énergie, la concentration des interprètes, la couleur me perturbe parce qu’elle anecdotise la photo. Le noir et blanc permet d’en dégager l’essentiel. La couleur joue un rôle paradoxal (et je parle de photos de reportage et non de mode ou de pub), elle banalise, factualise (barbarisme), et au lieu de traduire toute la poésie de la scène elle nous envoie un message d’une pauvreté déplorable…: voici ce qui était… comme si vous y étiez. Mais justement elle ne vous laisse aucune place à votre propre imaginaire, elle remplit toutes interstices de votre mémoire visuelle, ne faisant que rajouter une image de plus et encore et encore une de plus. Je ne me permettrai jamais de comparer la qualité de mon travail à celui d’un Salgado que j’admire profondément, ou d’un Capa qui photographiait le débarquement ni encore à celui d’un James Natchwey photographe humaniste s’il en était…
Mais l’on voit bien dans leur démarche la nécessité de figer l’essentiel. Et non l’anecdotique. La guerre, toute guerre est tragique. La couleur vous la rend supportable. Mais je divague. Une scène de jazz n’est pas un front de combats. Et pourtant, et pourtant, il s’agit bien d’artistes qui se battent contre eux-même, contre leur trac, leur fragilité, le débordement de leurs émotions. Et la couleur de la peau de Stéphane ou Lionel Belmondo, on s’en foût… ce qui m’importe c’est juste de capter l’intensité de leur jeu. Un jour Robert Doisneau me disait: si ton cadrage est bon… ta photo est bonne. Oui une bonne photo doit supporter le noir et blanc… et là on ne peut pas tricher avec les artifices d’un éclairage de scène, où le rouge, le violet, le vert viennent encenser l’artiste, comme si, comme si une lumière blanche eut été trop pauvre…
J’ai vu pas mal de scènes dans ma vie, et parmi les plus beaux éclairages je n’en retiendrai que quelques salles, comme le Divan du Monde, ou le Théatre des Champs Élysées, ou encore cette petite scène du centre culturel d’Enghien les Bains ou j’ai eu le plaisir de photographier la Familia Miranda… Le Triton aussi, pas mal… Las Malenas, un très beau souvenir (et de musique et d’éclairage)… Bref je pourrais gloser ainsi encore pendant des heures sur la question et je préfère vous laisser la parole. Je suis sûr que vous avez vos opinions sur la question.
Et puis il y a la réalité. Les lecteurs de magazines ou de journaux veulent voir la vie, la vraie, en couleur. Alors de temps en temps je sacrifie à cette attente et je laisse mes photos dans leur état colorés. La mort dans l’âme ;-)
Galerie des photos de la soirée New-Morning consacré à Anga Díaz… en couleur ;-)
Biographie d’Anga Díaz :
Miguel ‘Angá’ Díaz
Biographie (envoyée par Claire Hénault de Planète Aurora) merci Claire.
Congas, percussions, compositeur, arrangeur
Angá Diaz est le nom artistique de Miguel Aurelio Diaz, né en 1961 à San Juan y Martinez dans la province de Pinar del Rio, à Cuba, région connue pour sa tradition rumbera. Né dans une atmosphère musicale, d’une mère clarinettiste et d’un père saxophoniste – dont il tient son surnom – , ‘Angá’ commence à jouer très jeune. À 10 ans, il obtient une bourse pour intégrer l’Ecole Nationale des Arts de Pinar del Rio, où il démarre sa formation académique à la percussion.
En 1975, alors âgé de 14 ans, il part pour étudier la percussion classique à l’Ecole Nationale d’Arts de La Havane (ENA). Là, au premier jour de son arrivée, il rejoint le groupe Treceto, avec lequel il se produira sur scène tout au long de ses études. En parallèle, Angá travaille régulièrement sur les bandes son de film cinéma et télé, composées par le pianiste José Maria Vitier. C’est là qu’il commence à jouer avec son héros, le maître de conga Tata Guïnes et le batteur Guillermo Barretto.
En 1978, le groupe Treceto est reformé sous le nom de Bus Trece (Opus 13). Angá qui vient de finir le collège, entame sa carrière professionnelle avec le groupe, avec lequel Ii passera 9 ans.
C’est en 1987 qu’il rejoint le groupe Irakéré, dirigé par le pianiste Chucho Valdès.Irakéré a été le pionnier du latin jazz à Cuba et leur influence reste immense. C’est là que Angá perfectionne son jeu aux 5 congas et qu’il se voit offrir l’occasion de tourner dans les plus grands festivals internationaux, d’y travailler avec des artistes comme Al di Meola, Chick Corea ou Billy Cobham.
Il restera 7 ans avec Irakéré avant de se lancer dans sa carrière solo. En 1994, il enregistre avec Tata Guïnes ‘Pasaporte’, qui gagnera à Cuba le prix EGREM (équivalent d’un Grammy), en tant qu’album de l’année 1995.
Il part alors donner des cours, notamment à l’université de Stamford en Californie et de Banff au Canada. C’est en 1995 qu’il s’établit à Paris, partageant son temps entre Cuba et la France.
C’est aussi à cette période qu’il commence à travailler avec Steve Coleman.
En 1996, il rejoint le groupe de Roy Hargrove en tournée et pour l’enregistrement de l’album ‘Havana’ (vainqueur d’un Grammy) lors du Festival International de Jazz de La Havane. La même année il enregistre ‘A toda Cuba le gusta’ Afro Cuban All Stars, mené par Juan de Marcos Gonzalez, à l’origine de l’explosion de la musique cubaine à la fin des années 90. Cet album réunissait déjà les meilleurs musiciens, toutes générations confondues.
En 1997, il enregistre ‘Opening of the way’ avec Steve Coleman, puis part l’année suivante avec lui en tournée au Sénégal et en Inde, ce qui lui permet de jouer et enregistrer avec les musiciens locaux.
En 1999, il enregistre ‘Dinstincto Diferente’ avec Afro Cuban All Stars, ainsi que l’album ‘The Sonic records Language of Myth’ avec Steve Coleman & Five Elements.
Parallèlement, il produit une vidéo de cours ‘Angá mania’ (sélectionnée comme vidéo de l’année 2000 par le magazine Drum). En 2000, il enregistre ‘A lo Cubano’, du groupe Orishas, ainsi que l’album ‘Chanchullo’ avec Ruben Gonzalez (nommé aux Grammy) et suit le pianiste en tournée.
En 2001, c’est avec le génial contrebassiste Cachaito Lopez qu’il enregistre ‘Cachaito’, sélectionné partout comme album de l’année. 2003 : Angá s’établit cette fois à Barcelone. Et travaille dans la foulée pour ‘Buenos Hermanos’ d’Ibrahim Ferrer (objet d’un Grammy Award et d’un Latin Grammy award), ainsi que pour ‘Mambo Sinuendo’ avec Ry Cooder & Manuel Galban (Grammy Award), puis en 2004 pour ‘Flor de Amor’ d’Omara Portuondo (nommée pour les Grammy 2005) et enfin pour ‘Buena Vista Social Club présente…Guajiro Mirabal’.
Depuis 2004 il tourne régulièrement avec Omar Sosa, en tant que soliste invité.
Enfin, 2005 est l’année de son couronnement, avec la réalisation de son premier album solo, ‘Echu Mingua’, chez World Circuit.
Et je voudrais aussi spécialement remercier Rémy Kolpa Kopul (RKK) pour m’avoir envoyé un mail plein d’émotion et de m’avoir aidé à légender les photos. (je ferai un addedum bientôt).