Herb Lubalin | à l'Avant Garde de la Création typographique

Pourquoi un Tribute à Herb Lubalin

C’était au printemps 2005 je crois, l’exposition de Yamamoto au Musée des Arts Décoratifs… je faisais un détour par la librairie et tombait par hasard sur un ouvrage intitulé «Graphic Design au XXe siècle» édité par Bis Publisher en 2003 (ISBN 90-6369-051-7) à Amsterdam. Les auteurs, Alston W. Purvis et Martijn F. Le Coutre ont commis ce condensé de l’histoire des Graphic Arts, quelques 470 pages sans penser qu’un jour j’allais feuilleter leur «poulet» et lever un lièvre qui va faire rire toute la communauté des graphistes du Monde entier. Ils ont tout simplement oublié de citer, que dis-je de commémorer la mémoire de l’un des plus grands (par le talent) graphic designer de l’après mauvaise guerre (comme s’il y en avait de bonnes), je veux dire Herbert Lubalin.

J’ai alors réfléchi sur la manière de rétablir un tel oubli. Lorsque j’ai créé ce blog à l’attention de mes élèves de l’école e-artsup pour leur servir d’abord de support de cours, l’idée avait germé de rédiger une suite de billets sur l’oeuvre et la spiritualité de Herb Lubalin. Pas simple comme tâche et je prie par avance les éditeurs Print et American Showcase (Snyder, Gertrude & Peckolick, Alan, 1985, Herb Lubalin: Art Director, Graphic Designer and Typographer, American Showcase Inc., New York) de bien vouloir m’excuser d’avoir ainsi dû reproduire une partie de leur éditions de 64 et de 85 (magnifiques contributions à la mémoire de Herbert Lubalin que tout un chacun peut s’il en envie trouver dans les bonnes librairies spécialisées comme Artazart ou la Hune ou encore j’imagine les rayons d’arts graphiques de toutes les bonnes Fnac) mais l’enjeu est trop important pour laisser passer les oublis après les oublis. Car ne nous y trompons pas, il s’agit de l’oubli qui tue mieux que la critique, l’indifférence qui renvoi le travail d’un individu dans les limbes de l’inexistant… alors qu’il reçut de son vivant plus de 500 récompenses internationales, pas moins et pas des moindres… (le Art Directors Club et le Type Directors club de New York, L’AIGA, l’ATYPI, le Royal Collège de London, et j’en passe il y en a 495 autres…).
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direction artistique pour le magazine EROS | direction de la photo Herb Lubalin (1962) à remarquer le bel empreint du concept par Spike Lee pour l’affiche de Jungle Fever plus de vingt ans après. _

Sommaire des billets consacrés à Herb Lubalin:

1 | ou l’histoire d’un juif new-yorkais né gaucher, daltonien et aphasique.

2 | l’un des plus brillants directeurs artistiques de New-York.

3 | Sex Spacing Typographie

4 | une méthode, une approche tactile du type-directoring

5 | son génie des lettres, des logotypes et de la mise en page

6 | Herb Lubalin: la saga ITC et U&lc

Voici la galerie de l’œuvre de Herb Lubalin qui va nous servir pour illustrer son génie tout au long de ces billets. cliquez ici

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ou l’histoire d’un juif new-yorkais né gaucher, daltonien et aphasique

Le beau-père de Herb Lubalin Salomon Kushner, se demandait ce que ferait sa fille ainée Silvia devenue adulte. De fait elle se maria avec un artiste daltonien, gaucher et complètement aphasique. Mais Monsieur Kushner était un tailleur pour hommes et pas un prophète. Il n’était pas vraiment qualifié pour prédire l’avenir. Ne pouvant deviner que Herb Lubalin allait devenir l’un des plus fameux graphic designer américain, internationalement connu et récompensé pour son œuvre, l’un des géants d’une industrie géante dont la situation reflétait la réussite économique du pays.

Herbert Lubalin, n’était pas à proprement parler autiste, mais plutôt et complètement aphasique, il ne parlait pas, ou bien par grognements, uhhghg, eherhg. Mais Herb entendait très bien, et il jouait de la musique, et surtout il aimait la typographie expressive des mots. Les mots qui faisaient sens, dont le graphisme prolongeait la sémantique pour aller projeter au plus profond de nos inconscients une image qui allait nous marquer à jamais.

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Herbert Frederick Lubalin fit ses premiers pas au milieu d’une renaissance de la publicité tôt dans la première moitié du XXe, à New York City.

A la fin du 19e siècle l’industrie de la communication aux États-Unis était essentiellement vouée à faire la part belle à quelques grandes secteurs industriels. Tout confondu les agences, moins d’une centaine, dépensaient environ 7 million de dollars pour les budgets dont elles avaient la charge.

En 1984, on recensait environ 10.000 agences de publicité et le montant de leur chiffres d’affaires atteignait 12 billion de dollars, pour faire la publicité et la promotion des ventes de la production industrielle nationale au travers des médias traditionnels, films télé et cinéma, radio et presse imprimée.

Né en 1918 d’une famille d’émigrés germanique (coté maternel) et russe (paternel) Herb fut baignée toute son enfance dans une ambiance d’amour familiale et d’expression artistique (sa mère était chanteuse et son père jouait de la trompette dans un orchestre professionnel. Membre du premier orchestre radiophonique américain. Son intérêt pour l’art fut donc bien évidemment encouragée.

Malgré ses difficultés à dessiner un paysage «reconnaissable» son talent pour dessiner des lettres et des logos fut appuyé par ses professeurs. La grande dépression des années trente laissa la famille de Herb exsangue. Et l’on décida qu’il ferait des études de médecine ou d’avocat, mais ses résultats scolaires étaient si déficients qu’il dût renoncer à «assurer» son avenir dans des métiers «rassurants» et se dirigea vers une école d’art, la Cooper Union où il fut admis avec difficulté 64e sur 64 candidats.

Ses cours de Calligraphie: (au commencement de la connaissance typographique, il y a l’amour des lettres)

On raconte que l’étudiant Herb étant gaucher, son professeur de calligraphie n’a eu cesse de l’obliger à travailler de la main droite. Tant il est vrai que l’attaque des plumes sur le papier ne pouvait se faire qu’avec celle-ci. (on a inventé depuis des plumes pour gaucher). Mais Herb avait une trop grande dextérité de la main gauche, alors il fit croire à tout le monde que désormais il travaillait de la main droite et remporta un premier prix à la Cooper pour l’excellence de son talent de calligraphe. Mais son sens de l’humour lui fit révéler le pot aux roses le jour des remises de prix, devant 500 personnes. Aphasique certes mais pas si timide.

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En sortant diplômé de la Cooper Union, il était assez naturel de commencer sa carrière comme Hand Letterer, dessinateur de titres (displays). Un métier peu reconnu dans la sphère des agences, assimilé aux roughmans, mais un métier tout de même extrêmement florissant aux États-Unis. Il faut savoir que les States, pays majoritairement protestant ou anglican sont le deuxième berceau de la calligraphie moderne. L’on dit par exemple qu’on reconnaît l’université dont est issu un étudiant au style calligraphique de ses notes. Il existe aujourd’hui plus de 1000 associations et sociétés de calligraphie disséminés sur les 49 États.

C’est plus tard que Herb conquit l’image d’un graphic designer concepteur d’idées et pas seulement de formes. Mais pour comprendre son évolution il faut rappeler le rôle joué par l’émigration des designers allemands pendant la deuxième guerre.

Dans plusieurs notes précédentes j’ai évoqué l’immense rôle du Bauhaus dans l’évolution de nos perceptions gutenbergiennes. Herb n’y a pas échappé. L’arrivée de Herbert Bayer, d’Alexey Brodovitch sur la 5e avenue, dans les magazines comme le Harper’s, Esquire, Vogue, l’apport de leur conception fonctionaliste (ou structuraliste) de la page révolutionna le regard de toute la publicité américaine. Pour la première fois l’image et la typographie ne faisait plus qu’un, pour former un message fort et évocateur. Ils révélèrent de jeunes talents parmi les photographes ou graphistes comme Richard Avedon ou Paul Rand. Herb va fréquenter tout ce milieu artistique et s’en inspirer pour parachever ses sensibilités et ses méthodes de travail.

C’est aussi la période et le lieu pour faire exploser les idées fonctionalistes du Bauhaus : un public, un produit, un message et le média adapté à la diffusion de celui-ci. Presse, Télé, Radio…

En 1945, les GI’s reviennent à la maison et commence alors la grande transformation des trente glorieuses. L’économie, dépressive des années trente, tournée entièrement vers l’effort de guerre entre 1939 et 45, se recentre sur la nouvelle économie, celle des ménages où l’homme et la femme travailleront tout autant. L’industrie de la consommation (consumérisme) peut alors frapper ses trois coups : habitat, automobile, vêtements, électroménager, audio-visuel, loisirs (et toujours l’alcool, le tabac, les armes), voyages…

Dans les agences le travail sous l’influence éducative des nouveaux talents européens, se structure, désormais le directeur artistique va travailler de concert (en team) avec le concepteur rédacteur. L’image des mots, et leur sens va de pair…

En 1945 Herb Lubalin entre comme art director chez Suddler & Hennessey, une agence de publicité médicale. Il y travaille avec un stylo à bille et 20 illustrateurs, photographes, dessinateurs de titres, compositeurs, retoucheurs qui vont suivre les concepts-tendances de Herb. C’est là que l’on va voir naître la légende Lubalin.

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Sa méthode de travail va devenir mythique. Le matin en arrivant au bureau, il commence à dessiner des roughs des pages de pubs, de catalogues ou de spots TV. Chacun de ses Type-Rough est un véritable bijou de perfection typographique, rien n’est laissé au hasard, ni les choix typos, ni les tailles (corps), ni les approches qu’ils pré maquette au dixième de millimètre. Dans l’après-midi arrivent les free lance, dessinateurs de titres, photographes, illustrateurs, à qui il distribue minutieusement leur tâches respectives. Sa capacité de travail était impressionnante, il ne s’arrêtait jamais, pour faire le tour du pâté de maison ou pour un clavardage…

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Ses maquettes-roughs étaient calés avec une précision redoutable, parce qu’il utilisait des calques pour prévoir chaque succession d’alignement vertical ou horizontal. Ses calques devinrent plus tard des véritables collectors faisant l’objet d’exposition internationales (Royal Collège à Londres par exemple). Il n’était jamais satisfait, remettant sans cesse l’ouvrage sur le métier. Ouvert aux opinions des autres, prêt à changer de design stratégie à la moindre critique positive.

Son studio verra passer les meilleurs illustrateurs et graphiste de New York : Seymour Chwast en tête (qui créa le Push Pin studio avec Milton Glaser).

La force de Herbert Lubalin réside dans la conjugaison de deux univers, le texte et l’image. Le texte devient image et l’image renforce le texte. Attitude profondément juive par la tradition talmudique et de la recherche constante de sens multivalents mais d’essence Bauhausienne dans la mesure où il ne s’agit pas tant de poser des questions que d’apporter des solutions graphiques à un message. Lubalin, c’est Gutenberg sur la cinquième avenue qui profite des technologies d’avant garde de studios de photo-lettrage comme ceux inventés par Edward Rondthaler en 1927 qui créa la première société de phototitrage (Photolettering Inc.).

De succès en succès, de récompenses en nominations, le jeune Herbert va bientôt rejoindre le Board de Suddney & Hennessy pour y assurer un rôle majeure de Directeur de la Création.

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l’un des plus brillants directeurs artistiques de New-York.

Avant d’aborder la sensibilité typographique de H.Lubalin, il m’a semblé naturel de vous entraîner vers l’univers visuel du bonhomme. Précisément à cause ou grâce à cette aphasie légendaire qui laissait son entourage dans un silence quelquefois gênant, Herb exprimait toute sa sensibilité au travers des images et des mises en pages époustouflantes qu’il commettait. Que ce fut pour la publicité (advertise) ou l’édition (publishing) ou pour la presse, Herb trouvait toujours le ton juste et décalé que nous retrouvons aussi bien dans l’œuvre d’un Woody Allen que dans la musique de George Gerschwin. Voici quelques exemples de ce travail d’analyse et de solutions graphiques.

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Typo monumentale, habillage du texte, minimaliste, l’œil est tout autant attiré par le grand que renvoyé à la lecture du texte en petit corps 11 ou 12. Un chapô en Helvetica Bold étroit pour une lecture en diagonale permet de résumer, de pitcher le texte de l’annonce. Il s’agit aujourd’hui d’un moyen graphique très répandu, mais nous sommes dans les années 50-60, bien avant la flower generation, et bien après les années russes que nous avons détaillé dans une note précédente.

On peut bien sûr rapprocher ces compositions graphiques de ceux montrés dans le Manuale Typographicum d’Hermann Zapf, parce que tous, gutenbergiens convaincus pratiquent les mêmes logiques de mises en page.

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Mais Herb vit à New York, et son travail de typographe n’est qu’un élément visuel, certes des plus prégnants, cependant il vit au cœur du commercial (prononcer en anglais) c’est à dire d’une pratique mercantile qu’Hermann Zapf n’a jamais abordé à ma connaissance. Zapf, c’était le théoricien, Lubalin le praticien. Et loin de moi de condamner l’un ou de faire l’apologie de l’autre. Ils agissent sur deux registres. Zapf aime la Lettre, et Lubalin l’adore, vous me direz la différence. Quand Lubalin, profitant des progrès de la photo-composition et du photo-titrage rapproche les lettres à l’excès pour en constituer des mots-images, Zapf balaie le style d’un revers de main : «ah ! sex spacing typography? ». Mais les deux ont raisons. La publicité et l’édition n’ont jamais fait bon ménage, et pour la raison simple que les temps de lecture ne sont pas les mêmes, la première s’adresse à vous en sachant que le temps d’une page dure quelques dixièmes de secondes, l’autre en sachant pertinemment que vous êtes confortablement installé dans un fauteuil pour déguster le texte d’un roman ou d’une revue d’art. N’empêche que Lubalin arrive à nous toucher avec bon goût et élégance.

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Bien entendu je ne vais pas vous assommer de tous les visuels et exemples de cet immense travail, vous pouvez consulter à votre aise la galerie des œuvres de H.Lubalin ici.

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Sex Spacing Typographie

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Situer l’œuvre d’Herbert Lubalin sur le plan graphique et visuel, c’est encore et encore rappeler les filiations historiques. De l’invention de la lettre en plomb de Gutenberg à celle de la lettre de lumière (photo type-setting) il va s’écouler quelques 450 ans. Le travail de Lubalin s’inscrit à ce moment précis de l’histoire de la technologie typographique.

Patrick Bazin nous dit ceci :

En 1944, enfin, Higonnet et Moiroud (deux ingénieurs français, spécialisés dans les connexions électromagnétiques) français déposent le brevet de la photocomposition qui marque la rupture définitive avec le plomb et l’avènement de la lettre de lumière.

C’est à Lyon que le premier livre en langue française est imprimé (1476), ainsi que le premier ouvrage illustré en France (1478). Au début du XVIe siècle, Lyon est avec Venise et Paris l’un des principaux foyers européens de diffusion du livre: l’imprimerie se perfectionne, la librairie prospère, les humanistes, comme Rabelais, viennent s’y faire éditer, la littérature s’épanouit.Deux siècles plus tard, Jacquard y préfigure l’informatique en utilisant des cartes perforées pour automatiser les métiers à tisser des canuts. En 1895, après avoir trouvé le premier procédé de photographie en couleurs, les frères Lumière y inventent le cinématographe. En 1944, enfin, Higonnet et Moiroud y déposent le brevet de la photocomposition qui marque la rupture définitive avec le plomb et l’avènement de la lumière. Il n’est pas jusqu’à la soie elle-même – cette trame quasi immatérielle et programmée, support d’impression et métaphore possible du continuum numérique – qui ne symbolise la passion de Lyon pour la recherche d’une inscription toujours plus agile des signes.Autrement dit, à travers l’imprimerie, la programmation, la photographie, le cinéma, la photocomposition et même l’industrie textile, une bonne partie des ingrédients qui vont converger vers le multimédia inscrivent leur polyphonie dans l’histoire d’une ville. C’est pourquoi, en tant que bibliothécaire lyonnais, je trouve si pertinente la façon dont le grand bibliographe McKenzie défend une conception délibérément extensive de la textualité: «L’étymologie même du mot «texte» confirme qu’il est nécessaire d’étendre son acception usuelle à d’autres formes que le manuscrit ou l’imprimé.Le mot dérive, bien entendu, du latin «texere», qui signifie «tisser» et fait donc référence, non pas à un matériau particulier, mais à un processus de fabrication et à la qualité propre ou à la texture qui résulte de cette technique (…) sous le terme «texte», j’entends inclure toutes les informations verbales, visuelles, orales et numériques, (…) tout ce qui va de l’épigraphie aux techniques les plus avancées de discographie» (Bazin, Patrick, «Vers une métalecture», BBF, 1996, n° 1, p. 8-15).

Herbert Lubalin, libéré des servitudes du plomb, peut enfin approcher les lettres, les déformer et quand, suprême résilience de l’alphabet, celui-ci lui résiste alors il le redessine. Ce faisant nous sommes à la croisée de deux univers de la perception visuelle, juste avant l’arrivée des Neville Brody et surtout d’un David Carson. Bénéficiant de la rupture numérique, ceux-là vont explorer la profondeur de la matière graphique en créant des couches superposées, des calques dira-t-on aujourd’hui. Mais cette technologie ne date que de 1993-1995, date à laquelle Photoshop d’Adobe a permis d’aborder une pratique multi couche des images.

Pour comprendre l’œuvre de Lubalin, il faut avoir présent à l’esprit les contraintes techniques auquel l’époque était soumis. Ses compositions, poussées à l’extrême des contrastes (qui d’ailleurs sont insupportables vues sur l’écran d’un ordinateur), les approches ultra resserrées, l’emploi systématique du principe grand-petit pour créer des champs de force donc d’intensité de lecture, et ce célèbre punctum dont parle R.Barthes, sont autant de figures de style qui se révélaient à l’époque révolutionnaire. Et en examinant chacun de ses créations, on s’aperçoit qu’elles n’ont pas pris une ride. _

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une méthode, une approche tactile du type-directoring

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Un de mes bons amis, Michel Chanaud, directeur de Pyramyd et d’Etapes Graphiques me disait un jour : «ce qui va au papier, doit venir du papier». Ce propos il me le tenait en 1991 alors que le Mac était en train d’envahir les studios, les agences et transformait en un temps record sous nos yeux les structures de production dites traditionnelles. Nous constations tous les deux une évolution assez catastrophique d’une nouvelle génération de graphistes qui évitaient le papier pour aller directement créer leurs pages à l’ordinateur. Avec le recul je modulerais ce genre de critique et, parce que notre rapport au clavier et l’écran ont évolué considérablement, et parce que les logiciels sont devenus également plus intuitifs, plus souples d’emploi, mais globalement le précepte reste assez vrai. Et pour avoir vu les story-board d’un Terry Gilliam lors d’une expo au Palais Tokyo et encore d’un David Lynch, on se rend bien compte qu’une création print ou cinéma a besoin de naître sur papier pour plusieurs raisons:

D’abord parce que la main est plus proche du cerveau que l’écran-clavier-souris, prolongements de la main. Il s’agit d’une prise en direct sur nos capacités créatives et d’introduire un interface ne peut que ralentir voir empêcher la naissance d’une idée. Bien entendu cela nécessite une connaissance des structures d’une page ou d’un écran de cinéma, un savoir-faire de dessin des masses graphiques et typographiques, mais l’exemple ci-dessus, d’un rough de Herb Lubalin démontre qu’il n’est point besoin d’en savoir tant que ça. Certes son rough est magique de précision, mais l’exécution finale révélera les inattendus de son dessin. Il n’empêche que la relation du graphiste au papier est essentielle pour faire naître un concept, une design-stratégie qui curieusement ont besoin de naître dans un certain flou perfectible. Un rough ordinateur est quasiment trop précis et n’autorise pas le «à peu près» nécessaire à faire évoluer ce concept. Je veux dire qu’il y a danger de rougher une maquette à l’écran dans la mesure où ce que nous voyons devient vite une exécution finale et nous aliène de toute possibilité de remettre en question la création, alors qu’elle est peut-être loin d’être aboutie. Ce danger, que nous connaissons aujourd’hui, les générations antérieurs, Lubalin pour exemple mais des milliers d’autres graphistes ayant fait des écoles dans le monde entier, ne l’ont pas connu. Ils entretenaient naturellement cette relation tactile avec la chose imprimée, par le fait que cela faisait partie du process de production naturel de ces époques. J’imagine que même Gutenberg, dont nous n’avons pas beaucoup de documents intermédiaires, devait s’astreindre à cette discipline tactile, ne pouvant se permettre de composer une page sans l’avoir prévisualisé auparavant sur papier.

Herbert Lubalin va pousser cet art du sketch jusqu’à l’œuvre d’art. L’ensemble de sa création est marqué du sceau de la préparation à l’extrême de ses copies de composition. Dans le process industriel de l’époque (pas si éloignée tout de même puisqu’elle a perduré jusqu’à 1989), chaque titre, chaque texte devait être transmis à l’atelier de photocomposition et de phototitrage après avoir été préparée avec minutie. Les textes devaient être calibrés, au corps près, à l’interlignage près, à la virgule près. A l’agence Delpire à Paris, un préparateur de copie, Alain Gautier ne faisait que cela, et lorsqu’il commandait des textes au fer-à-gauche, il reprenait chaque fin de ligne pour en éliminer les aberrations (articles, prépositions etc. bannies) et faisait recomposer une deuxième fois chaque pavé.
Lubalin était passé maître dans l’art de la prévision de ses maquettes, il «sentait» à l’avance le résultat final, un peu comme Beethoven qui, devenu sourd, «entendait» les notes dans sa tête.

Et du coup son œuvre se ressent d’une spiritualité bien plus forte que les créations de l’époque. D’autant qu’en France par exemple à la même époque (et encore aujourd’hui) il n’y avait pas de place pour cette fonction essentielle de Type Director. Ce faisant les créations publicitaires françaises sont assez pauvres au plan typographique. Et l’on peut déplorer que même aujourd’hui, alors que le Mac trône sur tous les bureaux de DA parisiennes, la place et surtout le temps consacré à la recherche typo des annonces et affiches reste endémique. Exception faite dans les bureaux de design packaging où l’écriture du produit et de la marque sont des acteurs essentiels de cette forme de communication majeure révélé en France par Gérard Caron. _

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son génie des lettres, des logotypes et de la mise en page
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Permettez-moi de revenir dans ce chapitre sur l’essentiel qui fait le génie de Lubalin, je veux dire son amour des lettres. On ne le répétera sans doute jamais assez, Herb n’était pas doué pour la parole, aussi sa relation avec l’alphabet frise l’obsessionnel. L’aphasie l’a plongé dans une relation amoureuse avec les signes alphabétiques qui lui permettait de s’exprimer par procuration. Logotypes, lettrages, titres de magazines ou de jaquettes de livres sont autant de moyens pour lui de dire à la face du monde qu’il n’est pas silencieux, qu’il sait même hurler ou chuchoter. Il représente dans l’histoire de la typographie le plus bel exemple d’oralité masqué-dévoilé dont parle Mac Luhan dans sa Galaxie Gutenberg.

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Lubalin entre à la Cooper Union parce qu’il rate ses exams d’entrée dans une école d’avocat. Pas étonnant, toujours l’aphasie. Et brusquement il se découvre un talent pour la calligraphie malgré son handicap de gaucher. C’est là dans le tracé élégant des pleins et déliés, dans la juste apposition des gras et des maigres, des grands et petits, d’une réflexion sur la grammaire typographique gutenbergienne qu’il va se découvrir sa véritable vocation. Et il dessine, alphabets après alphabets, avec toute la patience nécessaire à un travail monacale. Tantôt dans le silence, tantôt en écoutant du Jazz, il dit à sa main gauche de dire ce que sa bouche et sa langue ne peuvent exprimer. De ce fait il résume à lui seul tout le passage que l’humanité accomplit en quelques cinq cents ans, la transition d’une civilisation orale et tribale à une civilisation du visuel-urbain. Mais Herb a aussi de la chance.

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Parce qu’au moment très exact où son travail se met en place, le XXe siècle bascule vers la civilisation du «consommer». Il s’agit bien entendu d’un constat, et non de faire l’apologie de cette société d’après-guerre entièrement tournée vers le matérialisme, dénoncé par la suite sur le campus de l’université de Berkeley en 68. On peut tout au plus affirmer que les années 30 à 45 ont vu un monde occidental manquer de tout. Le renversement de tendance était donc historiquement inévitable. (Il suffit de voir la Chine de nos jours pour constater les mêmes modèles de comportements). Le développement industriel, vertigineux à l’excès a transformé les règles de jeux sur les marchés. Désormais on parle d’offre et de demande, de parts de marchés, de marketing et de Publicité.

Celle-ci prend son envol, convainc les clients à investir sur les marques, leur identité visuelle, sur les packagings, pour mieux vendre dans un environnement concurrentiel de plus en plus effréné.

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Un client reprocha un jour à David Ogilvy qu’il lui coûtait deux fois trop cher (il parlait de son budget publicitaire), Ogilvy lui répondit : «si l’on savait sur quelle moitié économiser, ce serait plus simple». C’est donc dans un contexte économique à forte croissance que les talents comme ceux de Lubalin vont s’exprimer. Et il n’économise ni ses efforts, ni sa peine. Commence tôt le matin, avec un café-croissant qu’il finit rarement pour autant que sa main gauche est déjà en train de «gribouiller» son carnet de croquis avec des solutions graphiques qui s’empilent jusqu’à la fin de la journée. Là les éléments d’exécution, titres, textes sont passés en commande dans les ateliers de compo, puis montés le lendemain matin en studio d’exécution (artwork). Herb profite également des derniers soubresauts d’une civilisation qui prône encore la division du travail. Ainsi chaque professionnel avec une responsabilité limitée qu’il devait exercer avec talent. Pas de place à l’amateurisme. Herb travaille avec les meilleurs (Seymour Chwast, Aaron Burns, Bob Fiore, Gerry Gersten, Irwin Glsker, Helmut Krone, George Lois, Fred Papert, Larry Muller, Sam Scali, Arthur Singer, Bernie Zlotnick)

On peut parler d’une œuvre graphique à partir du moment où l’ensemble du travail d’un artiste reflète la volonté d’un discours, d’une vision unique et d’une continuité dans sa logique de création. C’était le cas de Lubalin. Ses logos, ses papiers en-tête, ses mises en page sont toutes marquées du sceau de la plus excessive rigueur. Des artistes contemporains comme Philippe Apeloig en France par exemple ou Zuzana Licko en Californie peuvent prétendre à ces degrés de précision «au fil du rasoir» dans leur création graphique.

Voici encore quelques exemples de création de H.Lubalin :

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Comme vous l’avez entre-aperçu, juste au-dessus de la jaquette (Yes I Can) d’un livre de Samy Davis Junior, la couverture du Magazine Avant Garde. Nous y reviendrons dans le prochain billet pour aborder l’autre versant du génie de Herb Lubalin, la création de TypeFace. Cette aventure nous mènera tout naturellement à évoquer la saga d’International Typeface Corp, et son émanation la plus prestigieuse, le magazine Upper & Lowercase auquel collabora Lubalin durant 11 ans, jusqu’à son départ vers le ciel des typographes.

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Herb Lubalin: la saga ITC et U&lc

C’est en 1970 que l’une des plus grande révolution typographique des 500 dernières années est née dans le secret le plus absolu du studio Suddler & Hennessy où officiait Herb depuis déjà une vingtaine d’années. Herb, entouré de ses fidèles amis fut convaincu par Aaron Burns, expert de l’industrie typographique pour avoir suivi une filière presque identique à celui de Herb en sortant de la Newark Evening School of Fine and Industrial Arts, de créer une fonderie typographique virtuelle. De quoi s’agissait-il?

Aaron, qui a suivi un cursus identique mais qui a fréquenté les ateliers de composition de New York (The Composing Room, Inc.) sentait bien que le monde basculait vers des préoccupations de type «développement durable» dirions-nous aujourd’hui. Il sentait les choses parce qu’il pratiquait quotidiennement l’économie-marketing de la composition typographique. L’Amérique, comme l’Angleterre et l’Allemagne ainsi que les pays européens nordiques étaient des papivores ancestraux. Du fait d’une culture protestante et anglicane, moins attachés aux icones qu’aux textes (et cela se vérifie encore aujourd’hui), les journaux comptaient des centaines de pages. Les magazines donnaient à lire là où nous donnions à voir, et la typographie jouait donc un rôle énorme dans l’ergonomie de la mise en page. Burns avait remarqué que traditionnellement liés aux caractères garaldes (Garamond, Cheltenham Old, [voici le nouveau redessiné par ITC] Janson, ou transitionnels Times, Caslon, Baskerville… les textes prenaient d’autant plus d’espace que les jambages montantes et descendantes des caractères traditionnels forçaient les compositeurs à pratiquer un interlignage conséquent afin d’éviter l’imbrication de ces jambages et de rendre illisible (par les effets néfastes d’un sous-interlignage) les textes.

On a bien essayé durant quelques années à sous-interligner mais sans succès majeur. Les lois de la lisibilité, étudiés par des Bror Zachrisson, Herbert Spencer, R.Y. Walker etc. furent étudiés en laboratoire de physiologie de la lecture. On étudia les mouvements de l’oeil, la rapidité de la perception, la distance de perceptibilité, la distance de perceptibilité ainsi que notre accomodation, la fréquence du cillement (par Luckiesh et Moss) ainsi que la fatigue visuelle . L’enregistrement des déplacements oculaires donna des indications très utiles sur l’influence des paramètres typographiques sur la lecture. Et pour finir C’est François Richaudeau qui fit une synthèse de toutes ces recherches en publiant une série d’articles d’où il ressort que «l’évaluation de lecture effective est de loin, la meilleure méthode d’estimation de la lisibilité. Elle peut être exprimée soit en temps passé à effectuer une tâche donnée, soit en quantité de mots déchiffrés dans une période donnée…» (la Chose Imprimée, bibliothèque Retz).

L’industrie de la Presse était toute prête à entendre une type-stratégie qui maintiendrait la lisibilité et les styles traditionnels en privilégiant des économies de papier substantiels. Burns leur proposa un programme de re-design de tout le patrimoine typographique depuis Gutenberg à nos jours et fit part de son projet à Herb Lubalin. Pas facile à convaincre le juif gaucher, daltonien et aphasique quétait Herb. Tout au plus il dût grommeler quelques : «tu crois? c’est ce que tu penses?, ah, mouais, t’as p’te raison… et c’est là où Burns, fin psychologue et surtout un ami sincère, lui demanda de commencer par réaliser un alphabet exclusif, l’Avant Garde.

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L’histoire de ce caractère est exemplaire. Les bases en furent jetées sur calque à l’occasion de la création du logotype-titre du magazine éponyme auquel collabora étroitement Herb. La création d’alphabets originaux pour l’imprimerie fut longtemps l’apanage des imprimeurs-humanistes-fondeurs comme Christophe Plantin à Antwerpen ou d’Alde Manuce en Italie du Nord. C’est à partir du XIXe siècle, depuis l’invention de la lithographie par Alois Senefelder qui donna naissance à l’impression Offset, que l’on vit apparaître d’autres modèles économiques autour des fonderies comme Olive ou Debergny et Peignot. Le logotype d’Air France fut déclinée sous la direction de Roger Excoffon en Antique Olive et le Peignot (1937) de A.M. Cassandre est issu directement d’un caractère de titrage, l’Acier qu’il dessina en 1933. C’est ainsi que peu à peu naquit une nouvelle approche de la création des caractères. Partant d’un dessin original, un titre, un logotype le créateur en déclinait tout l’alphabet qu’il confiait à un fondeur qui allait commercialiser (d’abord en plomb, puis en caractères de photocomposition) auprès des ateliers de composition qui en étaient clients. C’était une petite industrie aux process long et fastidieux qui mettait en œuvre d’immenses talents depuis le dessinateur en passant par les graveurs de poinçons et plus proche de nous des ateliers de confection de caractères pour la photocomposition comme ceux de Debergny (sous la direction de Ladislas Mandel ou de Berthold qui connut ses heures de gloire sous la direction du docteur Günter Gerarhd Lange.

En 1970 lorsque Lubalin et Burns décident en commun de donner vie à l’Avant Garde et au programme de type-design au travers d’une société: International Typeface Corp, l’industrie de la typographie comptait environ 150 fabricants de machines (on dira imprimantes aujourd’hui) à composer/ ou à saisir du texte. Chaque fabricant draînait autour de lui entre 100 à 3000 clients essentiellement des ateliers de compostion indépendants, mais aussi intégrés dans les journaux ou l’édition. L’idée novatrice de Burns fut de leur proposer un programme de création unique et original auquel les industriels étaient invités à s’abonner. Moyennant des redevances trimestrielles, ils recevaient quatre fois par an les dessins d’une nouvelle collection de caractère. Ils n’avaient plus qu’à les photographier et à les fabriquer selon le process «propriétaire» de chacun.

Mais qu’est ce qui a poussé tous ces industriels à accepter ce programme hautement virtuel puisqu’il ne proposait que des dessins et pas un produit manufacturé prêt à la commercialisation.

C’est l’autre idée tout aussi novatrice pour ne pas dire géniale et en tous cas exceptionnelle de Burns. Créer une vague de fond, créer la demande en amont.

Il ne suffisait pas de convaincre les industriels de la presse new-yorkaise ou de Los Angeles pour provoquer une demande massive des futurs dessins d’ITC. Il fallait créer une vague de fond qui ébranlât toute la hiérarchie typographique datant de siècles de conservatisme.

Il fallait 15 ans à La Fonderie Monotype (sous la direction artistique de John Dreyfus) pour proposer une dizaine de variantes d’un Photon remarquablement conçu par José Mendoza. Désormais ITC propose 4 collections complètes (4 graisses en romain, italique et romain condensed et italique condensed) par an!. Mais pour convaincre définitivement les fondeurs traditionnels, Burns et Lubalin lancent un journal typographique Upper & lower case (littéralement Capitales & bas de casse) qui va porter la bonne parole aux quatre coins du globe. Tiré à 600.000 exemplaires, lu par plus d’un million de lecteurs, le journal pénètre gratuitement dans tous les milieux créatifs de la planète. Toutes les agences de publicité, tous les studios de graphisme du monde entier recevaient le même jour et quatre fois par an, une édition spéciale qui annonçait la création d’une nouvelle collection de caractères. La demande ne se fit pas attendre. Les fondeurs durent se plier à ce nouveau modèle économique et rapidement ils proposèrent la disponibilité des fontes manufacturées et prêtes à l’emploi dans les ateliers de composition en même temps que le journal U&lc arrivait dans les bureaux de création.

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Un jour de 1983, je croisais Aaron Burns dans une conférence ATYPI et lui demandait : mais que faites-vous des copyrights, comment protégez-vous vos caractères… sujet épineux en discussion depuis 1965 dans toutes les instances typographiques que compte notre planète. Les américains n’avaient pas souhaité signer les accords de Vienne qui donnaient une protection formelle aux caractères. Aux States seul les noms des caractères pouvaient être déposés et donc protégés. Burns me répondit : «il n’y a aucun problème, nous allons tellement vite dans la commercialisation de nos caractères que personne n’a le temps matériel de nous copier. C’est là notre meilleure défense.» Et il avait raison.

Je fais remarquer à mes lecteurs qui ont eu la patience de me suivre jusques là que nous sommes encore à quelques encablures de l’avènement du ©Postscript et de l’arrivée massive des Macintosh et de la PAO. Presque vingt ans avant. Mais le modèle était tellement moderne qu’il n’est toujours pas dépassé. Burns et Lubalin ne sont plus, ITC continue d’exister, et de proposer des fontes Postscript ou True Type ou encore plus récent Open Type pour PC et Mac. Seuls les circuits de distribution ont changé : ils vendent en direct ou bien par des revendeurs comme FontShop installé à Berlin.

Herb est tout à fait conscient quand commence l’aventure que c’est sans doute la plus grande qu’il vivra. Il s’y investit à fond. Chaque numéro d’U&lc porte la marque de son exigence typographique. Nous sommes à l’aube des plus grands bouleversments que va connaître l’humanité-lecteur-imprimeur, à l’aube d’une nouvelle ère gutenbergienne totalement virtualisé par l’arrivée d’internet, aussi bien qu’à la fin d’une épopée graphique en marche depuis le moyen âge. Lubalin ne connaîtra pas les calques de Photoshop, ni les floutages. Il ne connaîtra donc pas la liberté dont cette modernité nous a fait cadeau. Il continuera de perpétrer un style propre à tous les créateurs post gutenbergiens, jouant sur les contrastes, les juxtapositions spectaculaires, les habillages de plus en plus libérés des servitudes du plomb mais des juxtapositions tout de même. Ses pages consacrés au Jazz sont parmi les plus belles qu’il n’ait conçu. L’édition d’Upper and lower case est donc dans une filiation directe d’avec la Bible en 42 lignes de Johannes Gutenberg. Mais la vivacité de son esprit, son sens inné de l’humour, sa détermination à dire fort avec le moins de moyens graphiques possible le conduisent peu à peu à un style débarassé des lourdeurs, des pesanteurs typographiques. Il retrouve grace à Tom Carnase et Tony Stan la magie de la calligraphie, donne à Ed. Benguiat l’occasion de créer parmi ses plus beaux alphabets (ITC Benguiat, ITC Souvenir etc.). Les ITC Garamond, Cheltenham, Caslon etc. correspondent en tous points au programme que les deux complices (Lubalin & Burns) s’étaient fixé.

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Herb Lubalin et Aaron Burns ont contribué à économiser du bois d’Amazonie et de toutes les contrées boisées de la planète. Leur type-stratégie fixée au départ est devenue depuis un standard de création pour tous les alphabets de presse ou d’édition économisant de fait environ 15-20% sur le papier imprimé. Et ce dans le monde entier.

Vous trouverez en cliquant ici parmi les plus belles créations de Herb Lubalin tiré d’une édition commémorative de 1984 (éditeurs Print et American Showcase – Snyder, Gertrude & Peckolick, Alan, 1985, Herb Lubalin: Art Director, Graphic Designer and Typographer, American Showcase Inc., New York) . N’hésitez pas à vous la procurer, il s’agit rien de moins que du dernier Gutenberg d’avant l’arrivée des machines sur lesquels vous lisez actuellement cet article.

Et pour l’humour et la gentillesse de Lubalin, et pour la chaleur de la poignée de main qu’il me donna en 1978 à Londres voici la photo des papiers-toilette que ses clients trouvaient en allant se soulager.

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©peter gabor | textes et photographies: tous droits réservés | usage strictement pédagogique.

peter gabor | directeur d’e-artsup

Herb Lubalin’ story | épilogue

J’ai commencé pratiquement ce blog par la publication de cette chronique sur la vie et l’œuvre de Herbert Lubalin. Comme je le disais ci-haut le monde avait déjà complètement oublié cet immense artiste. J’ai eu la joie de découvrir qu’au travers de mon blog tous les graphistes, jeunes étudiants, professionnels du design graphic avaient redécouvert Herb Lubalin. Au point que d’un bout à l’autre du monde on utilise mes photographies de reproduction de ces œuvres pour les diffuser le plus largement possible. Un ou plusieurs groupes se sont même créés sur Facebook, et ce n’est pas le moindre, des éditeurs m’écrivent ou me téléphonent pour me demander mes photos afin de les publier dans des ouvrages graphiques où l’on oublie plus le travail de ce New Yorkais génial. Un grand merci au passage à mon père qui m’avait fait découvrir son œuvre alors que j’étais encore lycéen.

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Maximilien Vox fait le point sur les 100 plus belles typos de la Monotype

C’est très exactement en 1961 que j’ai accompagné pour la première fois Paul Gabor aux Rencontres de Lure . Il venait de rejoindre les Compagnons en y faisant une conférence en hommage à la famille Knerr, imprimeurs hongrois plus que réputés. C’est à partir de cette date que j’ai fait mes classes auprès des plus grands typographes, puisque j’y ai rencontré Maximilien Vox, John Dreyfus, Jan Tschichold, Hermann Zapf, Albert Hollenstein et j’en passe et DES MEILLEURS. Et c’est précisément Albert Hollenstein qui allait présenter la nouvelle classification de Maximilien Vox, que nous utilisons encore nombre de fois. Non que ce soit la meilleure mais elle a un goût sûr pour faire la synthèse entre les formes typographiques et la chronologie de ces formes.

L’ouvrage ci-dessous, que vous pouvez consultez en détail en cliquant sur chacune des photographies, est une sorte de réponse de Vox à Zapf qui pouvait s’enorgueillir d’avoir fait un des plus beaux Manuale Typographicum en… 1957. Mais nous ne sommes pas là pour compter les points, plutôt à les aditionner. Les 100 alphabets présentés dans ce Manuel, représentent toute l’histoire et la philosophie de la firme Anglaise. Qualité, tradition et pas (trop) de compromis. Mais nous y reviendrons lors de la fin de ma publication des pages de Stanley Morison.

Appréciez la richesse et la versalité des formes alphabétiques, ainsi que la classe d’une présentation très traditionnelle. Et de regarder plus particulièrement les blancs tournants sur chaque page pour en mesurer les codes d’élégances. Enjoy your visit sur Design et Typo.

©peter gabor | directeur d’e-artsup  

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Form+Communication | Walter Diethelm | 1974 | by ABC Verlag

Nous sommes là rendus à un moment clé de l’histoire des Arts Graphiques. Si vous avez lu l’article précédent consacré à Walter Diethelm, vous l’aurez compris l’homme est non seulement designer mais aussi éditeur et humaniste dans sa démarche universelle de tenter de faire comprendre la richesse du vocabulaire graphique. Et l’on trouvera sans doute excessif une fois de plus que je mette en ligne un vieil ouvrage presque dans son intégralité. Mais que voulez-vous, il est quasiment introuvable et ne risque même pas d’être mis à jour tant les nouvelles éditions consacrées au métier bousculent et balayent les anciens. Mais alors pourquoi une telle insistance? Parce qu’on a une fâcheuse tendance de nos jours à oublier la culture. Ce qui fonde les arcanes d’un métier vieux comme les Arts Décoratifs. Et lorsque vous découvrirez les pages (en zoomant sur chacune d’elle), vous allez juste vous rendre compte de la modernité des recherches et des solutions graphiques. La représentation digitale par exemple, ne date pas des années web 2.0 mais bien de tendances lourdes dans l’art du XXe siècle comme par exemple l’Op’Art avec Victor Vasarely ou Soto, ou encore Yvaral le fils du maître hongrois. C’est d’ailleurs à cette époque, milieu des années 60 que la Galerie Denise René (grande amie de Vasarely) commence à exposer son œuvre qui sera à son apogée puisque institutionalisé par Georges Pompidou au début des seventies. Profitez de cet ouvrage remarquable pour prendre la mesure d’une gymnastique graphique à laquelle se sont astreint des centaines de graphic designers sans l’aide aucune des ordinateurs Mac ou PC. Et du coup vous comprenez la performance et la rigueur dont ils ont fait preuve dans l’exhaustivité de leur démarche.
©peter gabor | directeur d’e-artsup

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Times New Roman by Stanley Morison | bientôt suite et fin


Cela fait déjà plusieurs années que j’ai commencé à relater la naissance du caractère Times et de la vie du célèbre typographe Stanley Morison. J’en n’ai pas encore tout a fait fini mais je peux vous assurer que ce sera bientôt fait. Avant Noël certainement. Cadeau. Assurément.

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Visual Transformation | Walter Diethelm | Le Graphisme dans tous ses états | 1982

À quoi bon répéter sans cesse la même litanie… l’art graphique n’est pas né d’aujourd’hui pas plus qu’il n’est né avec l’invention du Macintosh. Ehhhh non ce n’est pas Adobe qui l’a inventé, pas plus que Quark d’ailleurs… Ehhhh oui, on designait des logos avant l’ordinateur et on savait créer des images digitales avant même Gutenberg puisqu’on trouve sur certains bas reliefs Egyptiens de l’époque de Toutânkhamon des décors polychromes dignes du meilleur des Vasarely. Et c’est bien la leçon de choses que nous recevons en feuilletant le livre de ABC Verlag daté de 1982 sous le numéro ISBN: 3-85504-068-0. Ci-dessous vous allez trouver un extrait de la jaquette du livre de Walter Diethelm et en cliquant sur chaque image vous pourrez découvrir à une taille raisonnable chacune des pages de l’ouvrage. Patience… je n’ai pas fini de vous assassiner avec les références du passé du graphic design. Everything is Design… Paul Rand


Textes de la jaquette de l’ouvrage


Visual Transformation. Tendances créatrices dans la conception graphique, l’art la technique et /’information. Le remarquable auteur de «Emblème Signal Symbole» (trois tirages) et de «form + communication» (deux tirages), Walter Diethelm, montre dans le présent ouvrage des voies de visualisation nouvelles. Des exemples du monde entier, judicieusement choisis, illustrent le texte. Toute une série de contributions inédites du monde de la technique, des sciences, de la recherche et de la publicité, rédigées par des auteurs hautement compétents, enrichissent cette publication. Le présent ouvrage de référence apporte foule de suggestions à tous ceux qui travaillent dans la publicité et que fascinent les nouvelles voies de visual isation. ABC Edition Zurich.

Walter Diethelm, Zurich, designer et planificateur, ASG / ICTA / A.TYP.I. Ses travaux dans la conception formelle de caractères sont mondialement connus et considérés par les spécialistes comme la base de nouvelles séries de développements. Rédaction de traités sur l’histoire et la conception formelle des caractères: «Evolution stylistique des caractères d’impression», «Conception du livre moderne», «Caractères d’impression», etc. Formation: Ecole des beaux-arts, Zurich, Académie Ranson et Fernand Léger, Paris. Séjours d’étude et stages à Londres, Stockholm, Vienne, aux Etats-Unis et au Japon. Pendant 10 ans directeur artistique d’une grande imprimerie zurichoise ; puis, ouverture de son propre atelier  de conception graphique et de planification, exécution de projets intern; tionaux dans les secteurs suivants: images d’identification de séries d’édition et d’institutions culturelles, création de plus de cent affiches, en partie primées, pour la publicité commerciale et culturelle.

École polytechnique fédérale, système d’orientation pour les nouveaux bâtiments au Honggerberg, information visuelle par la couleur sur des objets de démonstration et conception d’un système d’alarme commandé par ordinateur.

En tant que créateur et exposant, participation à diverses foires professionnelles. Expositions individuelles: Landesgewerbemuseum Stuttgart, College of Printing, Londres, Art Gallery and Museum, Edmonton, University of Alberta, Canada. Ses livres «Emblème Signal Symbole» (trois tirages) et «form+communication» (deux tirages), publiés aux éditions ABC, sont des ouvrages de référence de premier ordre pour les publicitaires du monde entier et de tous les secteurs de la création artistique.


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La Com’ d'Apple en 1989 dans la revue Graphis n°259

Si vous avez jamais eu l’occasion d’allumer un Macintosh, vous avez dû avoir un petit choc en voyant au milieu de l’écran, le petit visage qui vous souriait! Un gentil petit visage radieux, bien sympathique, qui vous disait sous la forme graphique la plus simple:«C’est O.K. J’ai beau être un ordinateur, je vais vous faciliter le travail en ma compagnie».

Ainsi commençait la Pub d’Apple en 1989. Qu’en pensez-vous. À l’heure des iPad, des iPhone, des iMac 27″ et des MacBookPro super puissants, est-ce que le petit visage «bien sympathique» vous sourit toujours? Pensez-vous qu’Apple est resté totalement ou partiellement fidèle à sa philosophie d’antan. L’absence du lecteur Flash sur les mobiles et iPad d’Apple vous parait encore «tenable» comme attitude ou bien au contraire estimez-vous que désormais Steve est devenu le grand méchant loup, volant cette place privilégiée au célèbre Bill Gates? quelques questions simples qui méritent sans doute un débat.

Si vous voulez lire les pages ci-dessous, n’hésitez pas à cliquer

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Un cours magistral de Mise en page(s) par Damien et Claire Gautier | chez Pyramyd

Je reviens vers vous cette semaine avec la sortie d’un ouvrage que pour le coup je trouve absolument incontournable. Vous connaissiez tous je pense le manuel de Typographie de Damien Gautier édité chez Pyramyd: Il était sérieux, exhaustif et remarquablement bien mise en page. Depuis l’anatomie de la lettre jusqu’à son utilisation dans les moindres recoins de notre imagination, le livre rouge de D.G. était devenu le livre de chevet sinon de bureau de chacun d’entre nous lorsque hésitants nous avions quelques doutes sur l’usage et l’expérimentation d’une typographie. Il nous apprenait aussi bien à classer, qu’à interlettrer, interligner et mettre en page des ouvrages d’éditions institutionnelles ou commerciales.

Bien sûr depuis plusieurs années, environ une quinzaine, les livres sur la typographie se multiplient. Que ce fussent ceux de James Craig, ou d’Alston W. Purvis et de Cees W. de Jong, d’Ellen Lupton,  Jean-Luc Dusong, sans oublier bien sûr les manuels de Muriel Paris ou bien de Karen Cheng et encore le non moins précieux «maquette/mise en page de Pierre Duplan et Jean-Pierre Janneau» . Et parmi mes dernières publications, le Livre de Monsieur de Bracquemond et Jean-Luc Dusong édité chez Eyrolles. ou de

Trop ou pas assez, telle pourrait être alors la question à laquelle je vais tenter de répondre. Pas si simple que cela… tout d’abord parce que tous ces livres se recoupent, peu ou très largement. Mais il existe cependant une grille de lecture intéressante… la cible. Nombre d’ouvrages se contentent de s’adresser à des débutants ou des premières années d’études d’arts graphiques. Celui de Damien et Claire Gautier se situent ou en tous les cas tentent de se situer bien au-delà de cette cible un peu limitée.

C’est aussi sans doute aussi l’avantage d’avoir déjà survolé très largement le corpus typographique qui a levé les derniers freins d’aborder très librement la mise en page et la place de l’image dans l’édition, près du texte. Et là on prend un plaisir quasi sensoriel tout en mesurant le vide abyssal d’un livre qui voudrait certainement être encore plus exhaustif mais qui faute de place et de moyens financiers ne peut se compter «qu’en quelques centaines de pages» et non en milliers, comme on voudrait les voir décliner leur analyse pertinente et sensible.

Tout y passe, depuis les règles de la grille de Le Corbusier, en passant par les réflexions sur la symétrie que l’école de Bâle a su aborder dans les années 50. Damien et Claire, évoquent de même la théorie de la couleur en se référent à Johannes Itten pour le cercle chromatique, et très vite ils avancent sur le territoire de la mise en scène graphique. Les pages Fond et forme/plein et vide, ainsi que celles consacrées à la Limite/hors limite ont le mérite d’être superbement illustré. La preuve par l’exemple est sans doute la plus profitable au lecteur d’un manuel du savoir mettre en scène graphique.

Mais à peine prenons-nous le rythme de ces (re)découvertes visuelles que les auteurs reviennent aux fondamentaux, la grille, la surface, les marges etc. Et d’énoncer sinon d’égrener sans cesse les codes, les règles multiples et innombrables des rythmes permutables riches en expérience d’usage de lecteur. C’est à cette alternance que l’on mesure le travail didactique et universitaire de l’ouvrage. Car il ne s’agit pas tant d’être ennuyeux ni par trop spectaculaire que de faire un tour de piste pédagogique qui nous enrôle dans un cortège de référents, de règles, de transgressions… Et le foisonnement de ce livre est suffisamment fertile pour qu’à chaque chapitre nous y trouvions un plaisir inéffable.

Il y a encore de la place sur les bibliothèques des graphistes. Toujours, et encore plus. Mais je ne saurais que trop recommander à celui qui n’a encore rien acheté, de commencer par cet ouvrage qui a à la fois des qualités visuelles autant que de rigueur dans sa propre mise en page que des qualités rédactionnelles digne d’une thèse doctorante sur la chose graphique. Et à ceux qui ont faim d’écrire sur la chose, rassurez-vous, il y a encore tant de choses à dire…

Dans un monde où les designers interactifs deviennent pléthore et considèrent bien souvent la culture typographique comme «old school», je m’interroge parfois sur leur légèreté à mésestimer un contenu théorique autant utile au monde du papier que de l’écran. D’autant plus vrai que l’organisation des espaces de lecture n’a jamais été autant à l’ordre du jour que depuis la multiplication des i-formats (iphones, ipads etc.). Merci donc au couple Gautier d’être resté ainsi droits dans leurs bottes de graphistes, sans tomber dans la facilité d’évacuer le papier au prétexte que les supports deviennent «incidentes» à souhaits. Retrouvez l’ouvrage chez Pyramyd ici::

©peter gabor | directeur d’e-artsup, avec l’autorisation aimable de l’éditeur. Tous droits de reproductions réservés, usage strictement pédagogique.

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L’ouvrage de référence sur la Typographie
écrit par Damien Gautier pour les éditions Pyramyd.

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Top Symbols & trademarks of the world | Vol.3

Franco Maria Ricci & Corinna Ferrari | Top Symbols & trademarks of the world | suite
Voici venir le 3e Vol de la collection Top Symbols & Trademarks of the World. Le volume 2 se trouve ici . J’avais publié le 5 mai 2006 le premier volume d’une collection de 10 albums édités par Franco Maria Ricci et Corinna Ferrari en 1973. Voici aujourd’hui présenté le deuxième volume de cette somme assez incroyable par le foisonnement, la richesse des ressources et la rigueur quasi encyclopédique déployée par les deux auteurs sus-nommés.
Ce n’est pas moins de 300 pages et environ 600 trademark dont il s’agit là. La fin des marques des USA (publiés dans le premier volume) et une quantité impressionnante de marques venant du Canada. Chacun des trademarks se trouve accompagné de la nomenclature de ses créateurs: le Client, son origine géographique, son secteur d’activité, le Designer et l’Agence en charge du budget ainsi que l’année de sa création. On imagine sans peine la logistique nécessaire à ce travail à une époque où Internet n’existait pas encore, et que le Fax venait juste de naitre sous une forme artisanale qui n’a rien à voir avec les technologies d’aujourd’hui (rapidité, laser, multi-envoi etc.). Il est à parier que tout ce travail organisationnel a été effectué par courrier postal et peut-être par téléphone (j’en doute).
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Top Symbols and Trademark #VOL.3 from petergabor on Vimeo.
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Rendons donc hommage à ces deux auteurs d’avoir commencé et terminé quelques mois plus tard la publication de près de 6000 signatures d’entreprise parfaitement recensées et légendées.
Il serait parfaitement superfétatoire de ma part de vouloir analyser chacune de ces marques, travail titanesque auquel je ne me risquerai même pas. Cependant il apparait nécessaire de dégager quelques grandes lignes de cet expression graphique.
Tout d’abord qu’est ce qu’un logotype. Contrairement aux idées reçues, ce n’est ni le symbole, ni le sigle ou acronyme, très exactement il s’agit de l’écriture intelligente c’est à dire qui fait sens de la marque. Sony, Apple, Kodak, ou Wolkswagen (etc.) se sont dotés d’un arsenal de signifiants dont un logotype.
L’ensemble Symbole + Sigle + Logotype constitue un tout rassemblé sous le terme générique de bloc-marque. Sans compter des extensions de ce système lorsqu’une marque se dote d’une marque ombrelle. Nous y reviendrons.
Lorsqu’on examine à la loupe chacun de ces trademarks on constate presque toujours un certain nombre de constantes.


Une bonne marque n’est pas bavarde. Elle résume de la façon la plus simple le métier, les valeurs, l’environnement industriel et/ou le secteur d’activité de l’entreprise ou de l’institution. Il est à parier que chacune des créations ainsi rapporté a fait l’objet d’une démarche réflexive où le client et son agence/designer ont analysé de la façon la plus claire et évocatrice le message que doit délivrer la marque. On peut aussi parler de poésie de la marque, par sa simplicité minimaliste elle rappelle cette forme d’écriture cher au Japon le haiku, qui ne s’embarrasse d’aucune circonvolution verbale.
Nombre de créations se contentent d’assembler graphiquement deux ou trois lettres. Nous disons graphiquement lorsque cet assemblage subtilise au passage toute forme typographique inutile à la compréhension d’un sigle ou d’un acronyme. Ainsi par exemple le ‘RJR’ dessiné par Walter P. Margulies en 1969. Bien entendu la poésie des marques s’exprime plus évidemment dans la recherche d’un symbole significatif, c’est le cas de la marque ‘FONDA’ dessiné par Dixon & Parcels Associates.
Chacun sait qu’il faut chercher l’origine de cet art du ‘résumé’ de l’image de l’entreprise dans la symbolique des blasons, la science de l’héraldique. Mais alors que cet art remonte à l’époque antique, son propos était tout autant d’affirmer la puissance d’un seigneur à une époque où les rois tiraient leur légitimité de Dieu que de servir aux nobles artisans d’enseigne pour leur métier. Sorte d’écusson païen qui se devait de rappeler au chaland l’exercice d’une profession hautement respectable.
C’est donc le XIXe siècle, et surtout le XXe qui voyaient le développement de l’industrialisation qui donnèrent à cette forme d’expression graphique ses lettres de notoriété. Là il s’agissait de marquer des produits distribués par milliers puis par million. Là il s’agissait de publier des ‘réclames’ puis des publicités portant l’enseigne, la marque de l’entreprise.
Il existe des modes dans cet expression. Elles tiennent autant aux outils de conception (crayon, gouache, carte à gratter) qu’aux médias qui les véhiculent. Le Print et l’architecture corporate ont développé des modes dont témoigne cet ouvrage de Franco Maria Ricci. Les trademarks s’exprimaient d’abord en noir et blanc et se devaient de ‘fonctionner’ de la sorte. Sans l’aide chatoyante de la couleur. On verra que depuis près de trente ans l’arrivée d’un univers d’écran translucide (ou trans-lucide) a formatée l’expression graphique des marques en couleur, se servant à la fois de transparences et d’effets de brillance. (cf la nouvelle marque de Rank Zerox). Il s’agit sans doute d’une tendance lourde et d’une véritable rupture avec la première époque des logotypes et marques. (Bien qu’on puisse voir dans les écussons en métal les prémices de cette tendance moderne). Je vous laisse découvrir les quelques pages qui suivent.
©peter gabor | directeur d’e-artsup | tous droits de reproduction réservés. Reproductions destinées exclusivement à des fins pédagogiques.
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Le Livre Rouge «typo et culture» chez Eyrolles | Jacques Bracquemond et Jean-Luc Dusong

Sous le numéro ISBN: 978-2-212-12621-1, les Éditions Eyrolles ont publié un ouvrage des plus intéressants. Commis par Jacques Bracquemond et Jean-Luc Dusong (dont j’ai déjà évoqué une publication ici même sur Design et Typo) ce manuel s’adresse aux étudiants de première et deuxième année en Arts Graphiques ou en techniques de production. Cela ne veut pas dire qu’il ne s’adresse pas au grand public. Mais j’émettrai des réserves plus loin sur la nature même de cet ouvrage.

J’ai découvert ce livre sur le Salon du Livre dernier et l’éditeur me l’a envoyé afin que j’en fasse une analyse sur le net.

Permettez-moi tout d’abord de dire merci, à l’éditeur, qui a le courage d’aborder des «catégories» peu vendeurs sur un marché de l’édition où le numérique et le web permettent aujourd’hui au plus grand nombre de disposer d’informations et de cultures des plus vastes.

Or le modèle économique d’une «publication papier» entraîne des contraintes matérielles et financières des plus rigides. Le format, la pagination et le nombre d’exemplaires pour n’en citer que les plus importantes. Et bien sûr la qualité du papier, son grammage, ainsi que ceux de la couverture, sont également déterminants dans l’évaluation du coût d’une édition . Et puis il y a l’éditeur, ses charges de fonctionnement, ses directeurs de collection, ses structures juridiques et financières ainsi que ses bureaux de fabrication. C’est tout cela qui fait d’une telle édition une véritable prise de risque confronté à la gratuité de la culture sur le net.

Nous n’allons pas non plus comparer, ce n’est pas le lieux ici, les avantages du papier sur l’écran, bien que les livres électroniques commencent à arriver en force et vont créer de nouvelles pratiques de lecture. Le même ouvrage diffusé sur l’iPad avec une mise en page adapté pourra sans doute un jour remplacer le papier. On économisera sur les tonnages de papier, mais pas sur le coût final qui devra tenir compte du développement sous <objectif c>, des coûts de la maquette et des frais de réalisation ainsi que de la diffusion électronique. Donc on reste et on restera dans un processus à haut risque d’échec chaque fois que l’on voudra publier des ouvrages spécialisés destinés à un public restreint (à cause de la langue notamment). Le seul mot qui me vient alors à l’esprit c’est: RESPECT.

Parce qu’il existe en France aujourd’hui une culture de l’édition, véritable exception culturelle sans grandes subventions de l’État qui doit se frotter avec ses structures lourdes et expérimentées à l’avènement du tout digital sans recul sur la méthode ni sur les processus idéaux pour faire face à cette révolution économique et structurelle.

Du coup j’ai relégué la critique du livre au second plan bien que beaucoup de choses à en dire.

Je vais essayer de faire court. La structure de l’ouvrage me semble parfaite. Les chapitres vont de l’histoire de la lettre et de l’écriture vers les pratiques modernes et digitales. S’en suit un découpage logique historique et technique qui épouse l’évolution de la matière typographique, la lettre, la composition, la mise en page. Le seul bémol que j’exprimerais concernant ce manuel pédagogique tient essentiellement à ses qualités graphiques de mise en page.

Les deux auteurs restent cependant trop scolaires sur ce registre, voire d’une neutralité exemplaire. Mise en page classique, pages excessivement surchargées malgré une bonne hiérarchisation de la lecture. Les auteurs ont réalisé là un ouvrage pédagogique classique et sans ambition de concevoir une maquette raffinée, élégante et conceptuelle. C’est en me rapprochant de l’éditeur que j’ai compris le pourquoi. Jacques Barcquemond était déjà atteint d’une maladie grave lorsqu’il apporta le manuscrit aux Éditions Eyrolles. Et c’est à son ami Jean-Luc Dusong qu’il confia le soin de terminer l’ouvrage dès lors qu’il n’avait plus la force et l’énergie d’y travailler à plein temps. Ce livre est donc à la fois un testament, un modèle de courage humain face à la maladie et une œuvre pas tout à fait achevée puisque Jacques Bracquemond n’a pas eu la force de l’amender ou de le corriger à fond. Un travail d’abnégation également en ce qui concerne Jean-Luc Dusong qui s’est interdit d’ajoûter ou d’interprêter à sa façon les chapitres de l’ouvrage. Il s’est effacé et cantonné au rôle d’interprête-exécutant là où il avait le talent de faire un travail graphique plus personnel.

Du coup il est passé à coté de l’opportunité de devenir une référence en tant que telle, d’une architecture d’édition expérimentale ou créatrice. Mais franchement, je comprends l’auteur et l’éditeur dans ces conditions si particulières ne pas vouloir prendre à ce stade trop de risque.

On pourrait évidemment se demander ce qu’auraient fait Hermann Zapf, Herbert Lubalin ou encore Bradbury Thompson. Il est à parier qu’ils eussent été moins «gargantuesques» dans l’emploi des illustrations pour rester dans l’élégance de la démonstration.

Mais il s’agit là d’une critique presque facile et qui de toutes façons frise la fiction et m’arrêterai donc sur une note positive: on ne fera jamais assez d’ouvrages sur la typographie tant cette culture est essentielle à l’humanité.

Un jour, je déambulais dans les rues de San Francisco et brusquement me suis trouvé à un carrefour qui était tellement proche d’une architecture européenne, voire française que j’ai eu un instant une impression panique d’avoir été transporté par une machine spatio-temporelle sur une autre planète. Et l’instant d’après je lisais frénétiquement le nom des rues, les devantures de magasin, les journaux dans leur distributeur automatique, et me suis vite calmé… j’étais bien aux USA (Today), dans la ville aux Tramways marron et rouge-bourgogne… Me voilà rassuré, je n’étais pas à Budapest ni sur le Boulevard des Maréchaux. Pour reprendre l’expression de Paul Rand, everything is type, everthing is type.
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peter gabor
directeur d’e-artsup

 

Jacques Bracquemond 1930-2006 – Meilleur Ouvrier de France (1982), Commandeur des Arts et des Lettres (1996)
D’une famille d’artistes, formé à l’École Estienne, ainsi qu’aux Beaux-Arts de Paris et aux Arts Appliqués, Jacques Bracquemond a mené de front une carrière de dessinateur publicitaire, d’artisan artiste graveur et de professeur de dessin, notamment au lycée d’arts graphiques Initiative à Paris, où il enseignait le trait, la lettre et l’histoire de l’art. Transmettre son expérience était pour lui un devoir et une évidence.

Jean-Luc Dusong – Docteur en esthétisme, Jean-Luc Dusong a enseigné les techniques éditoriales à l’École Estienne et à l’IUT métiers du livre de Saint-Cloud. Il est actuellement professeur d’arts visuels dans l’atelier « Arts et métiers du livre » du Centre Paris Lecture. Enraciné dans la grande tradition de la typographie par sa formation de graphiste, il a consacré ses travaux universitaires aux nouvelles technologies et aux nouveaux médias. Co-fondateur de l’agence de communication Darjeeling, il est l’auteur du jeu Les dents de la pub. Plusieurs fois lauréat du Grand Prix Stratégies, il a reçu pour ses campagnes et ses films des récompenses en corporate et en conception visuelle.

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Graphisme de l’Information | DataFlow#1 | indispensable dans la bibliothèque du Graphiste

Sous le numéro ISBN: 978-2-878-11-333-4 l’Éditeur «Thames et Hudson» a édité le premier volume d’un ouvrage consacré au Graphisme de l’Information. Il a ensuite édité un deuxième volume tout aussi exceptionnel par la tenue de son contenu autant que par les textes d’accompagnement.

Pour faire court il n’est pas dans mon propos de tenter ici la moindre psychanalyse d’une société post-moderne. Cependant et c’est la vertu de genre d’édition, nous montrer un vocabulaire et une grammaire utilisés dans différentes instances économiques ou sociales pour tenter de faire «passer» la représentation de certaines «complexités» socio-économiques.

Je dis vocabulaire parce que l’école du Bauhaus nous a déjà habitué, en défrichant les arcanes du graphisme, à utiliser le carré, le cercle, les lignes, les surfaces, les contrastes, la texture, la couleur, le rythme, l’équilibre, la symétrie ou l’assymétrieet bien sûr la lumière et la variété des formes.

Je dis grammaire parce que les travaux de Claude Lévy-Strauss ont été fondateurs d’une compréhension schématisée et schématisable de la représentaion des structures humaines et sociales dans les sociétés primitives. Parce qu’aussi les travaux de Abraham Moles et de Robert Estivals dans les années 50-65 ont largement contribué à faire le pont entre ethnologie et représentations graphiques.

Nous pourrions aussi bien remonter jusqu’à Norbert Wiener, le père de la Cybernétique moderne pour illustrer ces propos. Car de quoi s’agit-il?

Ni plus ni moins que ce que Roger Thérond va nous léguer avec cette phrase célèbre qu’il eut pour promouvoir Paris-Match, «une image vaut mille mots». L’art du diagramme, ou du DataFlow se mesure à l’aune de cette phrase. Lorsqu’un schéma imprimé ou interactif, me permet de gagner du temps sur le verbe, sans rien perdre de la complexité d’une représentation, au contraire, en la mettant en valeur et en y apportant une vision «éclairée» de la réalité, nous serions dans ce cas en face d’un bon schéma.

Vous imaginez bien que ce que je viens d’énoncer peut-être totalement sujet à caution. Car qu’est-ce que la clarté, la lisibilité d’une information. Qu’est-ce qui fonde la qualité d’une structure graphique pour simplifier la complexité d’un flux de données au point de nous la rendre lisible tout en préservant les qualités premières de l’information: arborescence, hiérarchie, structure, complexité d’une trame etc. Un schéma peut raconter l’organigramme d’une entreprise, les fils inextricables d’une affaire (Clearstream), les ressources économiques d’une catégorie socio-professionnelle ou d’une miliardaire à la tête de la première entreprise de Luxe Française.

Où l’on voit la responsabilité du graphiste pour 1) digérer l’information, 2) pour la mettre en forme afin de gagner du temps sur son énoncé verbal. Je vous donne un exemple: Dans le schéma publié par le journal Le Monde relatant, tentant de relater l’affaire Clearstream, il y a des flèches partout, des intermédiaires de l’information, de décisions, des zones d’influences politiques et juridiques etc. Mais dans le coin à droite, typographié en tout petit, il y a un nom qui apparait, minuscule et insignifiant, dont part un réseau de fils mais où aucun ne revient. Il s’agit de l’ancien Président de la République, Jacques Chirac. Le graphiste-rédacteur qui a réalisé ce schéma avait-il conscience que sa représentation toute modeste se lisait presque comme une accusation juridique si l’on se donne la peine de décortiquer de gauche à droite et de haut en bas tout son schéma. Sans doute que non. Je dirais même qu’il était embarassé de ne pas savoir où placer le nom de l’ancien Président. Et l’on voit par là même l’importance d’une représentation qui prend fait et cause, qui «schématise», c’est-à-dire qui a vocation de rendre plus claire une information. 

Les enjeux sont incroyables. Manuel Lima parle de 25 petaoctets d’informations qui s’échangent sur Google par jour, 25 millions de giga octets d’infomations. Dans toutes les sphères. Politiques, journalistiques, économiques, sociales, culturelles, sportives, et bien sûr en premier scientifiques. L’infoGraphie est-il en train de devenir cet esperanto qu’appelle Michel Onfray de ses vœux. Parce que devant se comprendre dans toutes les langues, dans toutes les cultures. Je n’en sais rien, mais il me semble déjà irréversible. Le monde tel que nous le connaissons ne peut en aucune manière être réduit à des schémas simplistes. La 3D et l’interactivité apportent la réponse  à cette difficulté de LA représentation. Et nous le verrons dans les semaines et mois à venir combien celles-ci vont faire évoluer nos propres schémas mentaux qui par essence ne demandent qu’à simplifier cette information.

N’hésitez pas à cliquer sur chaque image que vous pouvez ainsi zoomer.

 

 

 


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