L’utopie graphique selon Hermann Zapf

Quelques idées en vrac:

On me demande d’être plus précis sur ce que c’est qu’une grammaire, des codes d’élégance, un rythme, l’emphase.

Voici quelques notes dans le désordre sur lesquels je reviendrai en détail au gré de ce voyage typographique.

On peut distinguer deux grandes périodes dans l’histoire du graphisme avec des fluctuations et des interpénétrations de l’un vers l’autre tout au long de cette histoire.

1 La période constructiviste & graphique, que nous nommerons l’utopie graphique
2 La période plasticienne et picturale.

Curieusement l’utopie graphique a commencé avec l’invention de l’écriture phonétique se servant de quelques lettres d’alphabet, 32 lettres pour l’écriture cyrillique par exemple et 26 pour l’écriture latine.

Durant une période qui va de 700 av JC jusqu’à la fin des années 70 du XXe siècle, l’histoire de l’imprimerie et des écritures typographiques va correspondre avec une expression graphique essentiellement construite autour de la lettre. Notre perception rétinienne s’est modifiée et notre pensée s’est adaptée à l’abstraction des lettres phonétiques contrastant avec une pensée antique exclusivement visuelle pendant les périodes summériennes ou égyptiennes.

Signes_hyerogliphes_1La pensée, la conscience, la perception et les modes de communication en ces temps d’avant les 26 lettres grecques, étaient profondément influencés par une écriture symbolique où chaque mot, chaque phrase étaient exprimé par des ideogrammes. D’une certaine façon on peut dire que la pensée était encodée en image et qu’au moment de déchiffrer cette écriture, l’esprit devait réencoder les images en sons. C’est dire la compexité et le niveau intellectuel nécessaires à ces époques pour accéder à la diffusion de la mémoire. Et nous passerons sur les aspects sociologiques qu’impliquait une telle complexification (société hiérarchisée à l’extrême, société de type verticale etc.).
L’arrivée de l’écriture grecque, copte et plus tard latines, voient un changement radical dans l’encodage de la pensée, et par extention de sa diffusion et de son partage. Les idées, la pensée, encodées directement en signes phonétiques, se déchiffrent désormais «en toute oralité». Accélération vertigineuse du process et par voie de conséquence évolution radicale de la pensée.

L’utopie graphique est née avec l’alphabet, et c’est bien la télévision et l’informatique qui ont permis à notre pensée d’évoluer et de revenir vers une pensée proto-antique, visuelle et synthétique.
Rupture et quasi-retour vers une époque où l’image était le véhicule principal du langage.

Pourquoi utopie graphique? Parce que le XXe siècle voit l’apparition des plus grands changements dans la pensée. Tout d’abord le constructivisme russe, puis le Bauhaus, avec pour voisins picturaux le cubisme. L’oeuvre d’un Paul Renner réinventant l’écriture phénicienne avec le Futura en 1924, et celui bien plus tard d’un Herb Lubalin qui parachève cette période phonétique par un style typographique qui touche les sommets de l’expression graphique, sont des témoins majeurs du formidable chemin parcouru depuis la Grèce antique. Cette utopie-graphique n’est ni plus ni moins que la recherche d’une perfection à la fois dans les tracés et l’organisation des signes alphabétiques sur la surface du papier. Quand j’évoquais la notion de grammaire, de codes d’élégance ou d’emphase, cela prend tout son sens avec l’oeuvre d’un Herb Lubalin ou du PushPin studio, de typographes comme Eric Gill ou Tom Carnase.

Hermann Zapf dans son Manuale Typographicum recence en réalité tout ce grammaire et ce vocabulaire graphique. Et c’est en cela qu’il constitue une expérience majeure. C’est que dans l’histoire de la typographie, jamais on a exploré avec autant de finesse toutes les richesses d’expression de ces vingt six lettres.

Tout d’abord le choix des textes.

A lire seulement son Manuale, Zapf rend compte de l’énorme richesse de la pensée typographique, des textes de Victor Hugo, Stanley Morrisson (le dessinateur du Times), Frederic Goudy, Jan Tschichold et bien d’autres explorent les rapports de la forme et du fond, montrent qu’il existe bien une «conscience typographique inconsciente», dès lors que l’oeil lit des lettres, tout en voyant des formes. Mais nous savons bien aujourd’hui que l’oeil ne lit pas des lettres, même pas des syllabes comme on l’a pensé longtemps, nous lisons des fragments de textes, des mots, des morceaux de lignes, notre pensée achève un mot avant même d’avoir atteint la fin d’une ligne, et saute parfois la fin d’une phrase anticipée. Les grands lecteurs connaissent bien tout ce processus, mais encore fallait-t-il que des experts comme Zacchrisson ou Richeaudeau se penchent sur cette phénoménologie qu’est la lecture. Zapf donc nous renvoie à ces auteurs puis, il nous dit au travers de chacun des textes, voilà une manière de dire cela. Chacun des textes se voit attribué d’une mise en forme différente, avec pour seul souci, la perfection de son organisation.

Comment s’articule cette grammaire.


Le choix d’une mise en page :

prenons par exemple la planche consacré au texte de Maurice Audin. Fils de Marius, conservateur du musée de l’imprimerie à Lyon, imprimeur, c’était un homme érudit, un penseur de son métier. Hermann Zapf n’a pû s’empêcher de lui faire un clin d’oeil en organisant son texte autour d’une casse symbolisée. La finesse de HZ consiste à styliser cette casse, pas de la reproduire. Même Mondrian dans ses magnifiques tableaux typographiques n’avait pas osé aller jusque là. Juste des carrés réguliers, avec une lettre d’alphabet dans chaque case. Un filet vertical pour attirer l’oeil du lecteur sur le texte, qui, petit (corps 8,5 ou 9) composée en italique renvoie à l’auteur en ce que celui-ci avait fait évoluer un code typo de Fournier pour la dépoussiérer et la rendre plus simple, donc en italique pour inscrire ce texte comme une citation de Maurice Audin. Un filet horzontal pour clore et une signature en capitales pour dire toute la filiation de cet imprimeur avec la typographie traditionnelle. Remarquez que le prénom est composé également en capitales. Pas un horrible Maurice AUDIN cher à nos formulaires administratifs modernes qui mélangent avec vulgarité ces deux modes de composition. Parce que HZ fait parti des gens qui composent soit tout en bdc soit tout CAPS, soit en CAP et bdc. s’autorisant juste l’usage des petites caps quand il mélange plusieurs modes.

Le choix des caractères :
HZ utilise ici une garalde, sans doute un Garamond de chez Claude Garamond, caractère représentatif d’une longue tradition typographique datant du XVIe siècle. Ce caractère, symbole de l’érudition et de la diffusion du caractère mobile en plomb (Gutenberg), issu de l’Alde de Manuce, montre encore une fois la détermination de HZ de coller à l’auteur par l’utilisation d’une typo qui exprime sa pensée.

Les titres :
ici il n’y en a pas. C’est volontaire. De fait l’illustration de la casse symbolique tient lieu de titrage et renvoie directement au sujet du texte et à l’esprit de l’auteur. Pourquoi surcharger quand on peut faire simple.

Les lettres :

tout au long de ce Manuale Typographicum, Hermann Zapf va utiliser l’alphabet. C’est son sujet principal. D’abord parce qu’il est lui même un immense créateur de caractère et que son talent obsessionnel va jusqu’à être capable d’écrire en garamond corps huit avec un stylo bic (je l’ai vu faire) recréant avec sa pointe bic les pleins et déliés du garamond. Ensuite parce que cet ouvrage sans peut-être qu’il le sache lui-même marque le début de la fin d’un processus que l’oeuvre d’un David Carson va achever de déstructurer. Mais nous en reparlerons.

Les chiffres :
ici pas de chiffres, oubli ou volonté, il n’est pas toujours clair dans ses choix. Je croyais que cela avait un rapport avec la modernité des textes ou des mises en page, ce n’est pas le cas. En tous cas, ces formes mathématiques, complètent très souvent ses compositions.

Les filets :
Hermann Zapf utilise les filets avec parcimonie, et délicatesse.
Dans la composition de Maurice Audin les cases ne se ferment pas, ce sont des suggestions de cases. Juste pour que le regard distingue la structure, l’oeil du lecteur fermera inconsciemment les jonctions. Quant aux deux filets horizontal et vertical, il sont plus que présents, ils constituent de fait un cadre non fermé à la pensée d’Audin, suggérant un entourage qui s’il avait été fermé en faisant le tour complet de son texte aurait allourdi et enfermé cette pensée dans un finitude très désagréable.
Zapf prolonge la pensée de l’auteur en laissant planer une ouverture sur d’autres idées, d’autres concepts.

Les espaces-blancs :
le gris typo tout d’abord. Une fois de plus, et on le voit tout au long de cet ouvrage, Zapf soigne la régularité d’une composition (qui n’en déplaise à Catherine Zask qui prône l’accident de lecture comme moyen de relancer celle-ci), afin de rendre fluide la caresse de l’oeil sur le papier. Tout au plus pourraît-on déplorer la petite césure en ligne 2 que nous aurions sans doute aujourd’hui évité en jouant sur les approches-lettres et les approches inter-mots. Mais Zapf n’est pas un idiot. C’est un perfectionniste. On ne joue pas avec les approches (parce qu’il aurait pu, la technique du plomb le permettait déjà), on respecte les traditions, donc on coupe, puisqu’en mode justifié c’est la règle. Pas plus de tois coupes à la suite. C’est tout, c’est tout.

Les ponctuations :
Zapf utilise le moins possible de ponctuations dans ses compositions. Sans doute pour ne pas allourdir celles-ci mais aussi pour donner plus d’importance à celles qui restent. Je me souviens d’une composition de Herb Lubalin qui mettait en face sur deux pages opposés au format tabloïd deux des plus longues phrases de la littérature mondiale : la création du monde selon la Bible traditionnelle de l’ancien testament et une phrase de James Joyce d’Ulysse ne portant aucune ponctuation jusqu’au point finale. Stectaculaire. C’est dire aussi que les rédacteurs très souvent surchargent (moi le premier) en croyant faciliter la lecture (et en même temps c’est bien utile pour faire respirer le lecteur, en croyant encore à une vieille idée selon laquelle nous pononcerions les mots dans notre esprit. Ce n’est plus le cas depuis longtemps – évolution de la pensée moderne oblige).

Les blancs tournants :
L’oeil ne lit pas les fomes mais les contre-formes. Tous les créateurs de caractères le savent bien. Dans la composition de Maurice Audin Hermann Zapf ne départit pas de cette vérité. Il installe notre vision binoculaire avec un équilibre parfait des blancs tournants autour des lettres dans les cases, autour du texte de Maurice Audin, de sa signature. Et il y a là comme une magie d’harmonie qu’on croit facile mais qui a du demander des heures de mise au point pour atteindre cette perfection. La régularité de ces blancs, confère une apparence de neutralité au texte qui pourtant parle du triomphe de l’alphabet de l’irrésistible poussée des théologies et de vérités universelles. C’est dans le calme obtenu par cette équilibre que le lecteur aborde des textes de la plus haute portée.

Les contrastes (gras-maigre, grand petit) :
ici pas de jeux de contrastes, on pourraît même dire que Hermann Zapf a voulu gommer tout accident autre que les deux petits filets gras même pas achevés. Volonté de privilégier la lecture comme moyen d’érudtion plus que de propagande. Ce n’est pas un texte ni vendeur, ni prosélyte, Juste une réflexion. Un raccourci de réflexion. Alors pas de gras, ni de maigre, juste un peu d’italique pour «authentifier» la pensée de l’auteur. Zapf utilise abondamment les contrastes dans d’autres compositions, mais c’est toujours en vue de faire dire, de faire un focus sur une idée ou une belle forme. Jamais par un souci de pure esthétique. C’est en cela que l’utilisation de ces contrastes relève d’une grammaire et non d’une figure de style.

En conclusion :
Hermann Zapf est le proto-typographe parfait, il a recencé les moyens, lu avec attention les textes avant de les mettre en page, analysé et compris le sens de chacun d’eux, compulsé le catalogue de caractères (polices) de la fonderie Stempel, éditeur de l’ouvrage, pour utiliser la bonne police avec le bon texte.
Il a su créer une harmonie du signifiant-signifié grâce à une maîtrise de son art porté au plus haut niveau d’élégance et de sobriété. Ne pas en dire plus qu’il ne faut mais le dire bien.
En cela Hermann Zapf est en filiation directe avec les humanistes et moralistes du quatro cento.

Dans une prochaine note je développerai la rupture entre la typographie en tant qu’une utopie graphique et la typo-peinture-plasticienne.

NB – je publie cette note sans aucune relecture, je corrigerai les fautes de frappe et/ou d’orthographe dès que j’en aurai le temps. Je vous prie par avance de m’excuser des désagréments d’autant plus criants que notre sujet est la typographie et donc beaucoup la langue elle-même.

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Hermann Zapf vous connaissez tous

Bien sûr, vous ouvrez votre PC ou votre Mac et vous regardez dans la listes des polices dont vous disposez. Le Palatino, c’est lui, l’Optima aussi, les vignettes bien sûr qui portent son nom et il en a dessiné tant d’autres dans les années 50 de l’autre siècle, pour la fonderie Stempel devenue Linotype, puis pour International Typeface Corp, les Zapf Chancery et j’en passe. J’ai eu le bonheur de l’interviewer dans les années 80 pour mon magazine de typo. Il nous a reçu dans une demeure blanche, carrée comme posée sur le gazon près d’une forêt de Darmstadt. Très Bauhaus, de grandes pièces très hautes, qui tournaient autour d’un patio au centre de la maison. Transparences intérieur-extérieur, tapisseries médiévales au murs. Nous l’avons intérrogé sur ces créations, ses projets, ses activités pédagogiques, et sur ce qu’il pensait de la typographie publicitaire qui avait bousculé les habitudes du «labeur» chez les compositeurs. Les approches serrées? Ah, sex typography… c’est tout dire. En partant il nous a dédicacé un livre sorti de sa bibliothèque : le Manuale Typographicum. Édité par Stempel en 1954, cet ouvrage dont voici quelques pages choisies, est une oeuvre majeure, tant pour la leçon de lisibilité que par l’expérimentation typographique. Les calligrammes d’Appolinaire (amoureux de la poésie pardonnez-moi) sont à côté un gentil amusement.

Lisibilité: Hermann Zapf a du se mettre à la tâche vers la fin des années 40. Ah oui j’oubliais de vous dire un détail important, à cette époque pas de Mac, pas d’ordis, pas de postscript ni d’html. Juste du plomb de chez monsieur Gutenberg et encore sans doute, composé manuellement (parce que la Lino et la Mono se sont répandues très lentement) avec des composteurs, des casses, et des blancs qui pesaient leur poids d’antimoine. Zapf travaillait alors à l’ancienne, maquettes papier, dessins, réalisation des compos en atelier et remontage des épreuves «couchés» sur la table avec la règle, l’équerre et le T. Regardez la page suivante:

Presse magazine, pub, généraliste ou corporate (ça n’existait pas encore) tout est là. La grammaire, titre-chapô, le texte superbement composé (interlignage très spectaculaire et agréable), jusqu’à la signature qui met une touche d’élégance finale à l’article (regardez le filets gras, élégants jusqu’à l’extrême parce qu’ils ne se touchent que dans les angles). C’est moderne parce qu’il joue avec l’inversion des interlignes, serrées jusqu’à se toucher pour le titre, doublés, triplés pour le texte, on se croirait dans une page de Vogue ou du Harper’s Bazar.
Ce Manuel est une aubaine pour nous tous qui travaillons dans l’édition ou la com. Parce qu’il inventorie toute la grammaire des possibilités de mettre en page, tout en gardant comme priorité la lisibilité. La typographie d’édition a ses codes, voici une page magnifique, simple, mais qui pourraît aussi fonctionner pour les fiches cuisines de Elle. Hermann Zapf est un type-designer mais aussi un orateur hors pair. Il donnait à l’époque de l’interview des cours chaque mois au Massachusetts Institute, c’est dire qu’il savait aussi bien communiquer par la parole que par le dessin. Et cette oralité chez lui se ressent dans la logique de ses mises en page. La typographie c’est un instrument comme la musique, qui a ses codes d’emphase (les titres en caractère gras ou en gros corps), ses rythmes -les blancs et noirs- ses articulations. Pour faire simple je dirais qu’il a poussé cette langue organisée par 26 lettres dans ses derniers retranchements. Mais avec une élégance et une finesse rarement atteintes. Dans l’exemple ci-dessus le titre est en gros corps, donc pourquoi faire gras. Il nous enseigne la simplicité par ses choix radicaux. Combien de fois j’ai entendu des clients qui voulaient grossir, grossir et engraisser et engraisser leur titres, à trop hurler (et on revient à cette notion d’oralité) on n’entend plus rien.

Et à feuilleter ces quelques cent pages de démonstration magistrale on s’aperçoit qu’il a touché à tous les styles, et bien avant Neville Brody il faisait du Brody.

Et si vous lui demandez de vous réaliser un Flyer pour du Rap Alternatif il vous fait ça.

On pourraît rester des heures à visionner ces (ou ses) pages. J’ai juste trouvé intéressant de mettre à dispo de mes élèves ainsi que des visiteurs du Blog une aventure graphique qui tant par sa rigueur que sa richesse expérimentale nous montre que tous les styles de composition sont possibles, à condition de respecter le lecteur dans un paysage de profusion de mots et d’images.

NB. la planche d’ouverture de cette note, est un véritable tour de force. Entièrement réalisée en composition-plomb, elle a du demander au moins 2-3 jours de travail à un ouvrier typographe (avec les nombreuses corrections en aller-retour). Essayez de réaliser cette composition aujourd’hui avec InDesign ou Quark, je vous assure que vous y passerez entre 4 à 8 heures encore, en respectant bien entendu la même exigeance de perfection.

Merci Monsieur Zapf pour cette leçon de choses et votre immense modestie.

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Un logo sans son

Retour sur le sigle d’une banque.

Je vous propose une méthode simple, vous lisez le logo… L C L , non ce n’est

pas La Chaine de l’Info ! Le Crédit Lyonnais… C’est à croire que les groupes de travail chargés de valider les concepts créatifs sont tous aveugles ou analphabètes… Et je ne serai pas le premier à crier : « mais le roi est nu ». Le premier L vaut pour un article, et c’est là me semble-t-il une hérésie dans le concept. Qu’est ce qu’on attend d’un sigle, sinon de proposer une lecture rapide et facile à mémoriser d’un logotype parfois long et indigeste. Société Nationale des Chemins de Fer… SNCF, ils n’ont pas dit SNDCDF… les articles sont faits pour être oubliés dans les sigles. Et pourquoi pas LCGT ou LCA ou encore LCIEC [pour le Crédit Agricole et le Crédit Industriel et Commercial].

Crédit Lyonnais : CL ou LCL ?
La création d’une identité visuelle commence par une réflexion sur l’identité tout court. Serait-il possible que les gens du Crédit Lyonnais se soient crus trop pauvres avec deux lettres initiales au lieu de trois ? En conséquence de quoi, on prend le risque de brouiller le son dans les yeux du public et des clients. Et je reviens à cette idée de l’alphabet phonétique que nous a laissé Marshall McLuhan, alphabet de 26 lettres, sans lequel nous n’aurions ni connu Gutenberg et le caractère mobile, ni internet et le caractère ++ mobile, voire virtuel.
La pensée moderne a fait un saut vertigineux à partir du moment où la langue des hommes a pu être écrite par une représentation phonétique, et prétendre qu’un sigle n’est qu’une image est un contresens.

Le logo d’abord un son …
C’est d’abord un son, une suite de sons. LCL, j’ai beau chercher dans le signifiant du premier L, il n’a aucune valeur symbolique comparé au deuxième L du Lyonnais… donc dilution du sens. Et je ne critique pas la disparition de l’image figurative du roi des animaux, pas plus que du cartouche en forme de cachet d’aspirine. [tendance France Télécom]. Tout au plus, une pensée émue pour l’infographiste qui a créé l’animation de ce cartouche avec le petit reflet qui vient souligner le sigle là…. Quoi ! c’est pas la première fois qu’on part de l’image télé pour aller vers de l’image print…

Oui, c’est grave…
Sauf à considérer qu’un sigle, une marque sont destinés à pérenniser une identité sur du mobilier d’archi corporate, et que fabriquer 1000 ou 2000 enseignes n’est plus une opération anecdotique, pas plus que d’imprimer des fonds de chéquier ou des en-têtes et des mailings… On vient dans le lourd, le solide. Alors finalement est-ce bien grave ?
Ne suis-je pas en train de couper des cheveux en 8 ? A bien considérer cette nouvelle identité visuelle, sincèrement je crois que c’est grave. Tant du point de vue de la stratégie du concept, que de celui de la forme.
Le résultat est plus que jamais de l’ordre de l’anecdotique. Le contraire de ce qu’on attend d’un logo et d’une identité forte et pérenne. Il faudra sans doute beaucoup d’investissements de comm. pour faire entrer dans le crâne du public-client la nouvelle image. C’est le genre de plaisanterie que les PME-PMI ne peuvent se permettre aujourd’hui… parce qu’un sou est un sou…
N’est-ce pas messieurs les banquiers?

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