L’ère typo-plasticienne

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Neville Brody | l’utopie graphique à son apogée

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Le génie «d’ouvrier de la page», de Neville Brody se double d’un musicien réel ou frustré, et c’est là où nous voulions arriver au cours de cette longue (j’espère pas trop fastidieuse analyse). Parce que nous sommes à l’aube des grands changements vers la fin des années 80.
Le style des années 20, celui de Gutenberg, celui de Herb Lubalin et enfin de Brody ont ceci de commun, c’est qu’ils fonctionnent tous sur un rapport étroit de la perception visuelle et auditive.

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Dans l’image ci-dessus, on voit bien que la mise en page des textes et images contribuent à faire de la musique, du rythme. On a connu ça avec Andy Wharol, ou Lubalin aussi. La répétition des items visuels, l’organisation binaire voire militaire de la typo donnent un effet sonore aux pages. Ce n’est pas par hasard que Brody va prendre en main la destinée de magazines de Mode, ou de groupes musicaux. Il y a chez lui une expression et une sensibilité graphique qui transcende le graphisme pour nous le faire vivre à l’oreille tout aussi bien qu’à nos rétines. C’est ce que j’appellais l’expression orale-tactile de l’ère gutenbergienne. Mais là nous sommes à son apogée. Et la mode se prête formidablement à ce jeu, à ce langage. Et l’oeuvre de Brody va son chemin pendant près de 7-8 ans explorant les moindres recoins de ce vocabulaire graphique. Il traque la demi-mesure, il est un maximaliste de la page. Il suffit de voir ses mises en page de The Face ou d’Arena pour comprendre comment fonctionne ce langage. Le texte, en colonne justifiée la plupart du temps : je chuchote, ce sont les instruments qui accompagnent, les choeurs de la sacristie. Les titres, ils chantent fort, voire ils hurlent parfois, pour renvoyer à l’image qui lui calme le jeu, moderato cantabile. Les filets sont là pour faire respirer les acteurs graphiques, verticaux, ils allongent la page, la rendent monumentale (point besoin d’ailleurs de les tracer jusqu’au bout. Brody sait aussi être minimaliste, il suggère, plus qu’il ne montre quelquefois. Les filets horizontaux sont là pour assoir les visuels ou un message, ou structurer la hiérarchie. On retrouve tout cela dans la mise en page de Herb Lubalin, celle qu’il nous prodiguait avec les magnifiques Upper and Lower Case. Mais Herb était encore empreint de calligraphie, il aimait les contrastes fins, presque baroques. Brody c’est du Rock, de la musique sérielle à la Bério ou Varese ou encore Stockhausen. Nous sommes à la fin des années 80. Et tout va basculer. L’ère du Numérique arrive.

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Neville Brody dans son blues et son désarroi, ne s’en prend pas à la première cause de ses angoisses. Il ne voit que la conséquence, le résultat, pas les causes. Et si causes il y a, il n’est nullement question ici d’en constester la réalité ou les bénéfices substentiels.
Vers la fin des années 80 une révolution majeure a emporté toutes nos certitudes créant le plus grand maelstrom de progrès que l’humanité n’a connu depuis Gutenberg. Et si Jacques Attali pointe la découverte de l’amérique avec son 1492, nous pouvons en toute certitude lui affirmer que Gutenberg a plus modifié nos perceptions et le développement de la pensée universelle que dix Christophe Colomb n’auraient pu faire.

Mais en cette fin des eighties, la révolution nous arrive des Etats Unis où un certain John Warnock, président d’une petite société californienne, Adobe, va envoyer un message extraordinaire à l’humanité. «Mesdames et messieurs (nous sommes à San Francisco à un séminaire du célèbre Seybold Report, devant un parterre de 1500 professionnels de la typographie, de l’informatique et de créateurs de logiciels), nous avons décidé de rendre publique le langage ©Postscript, pour que l’humanité puisse profiter des progrès que nous engendrons. Nous vous remettons les codes sources de ce langage qui vous permettra de fabriquer des machines à encoder les textes et les images grâce à un langage universel». Et dans le même temps, avec Steve Jobs assis au premier rang de la salle de conférence, il annonce l’arrivée d’un petit logiciel, on dira un utilitaire aujourd’hui, l’ATM (Adobe Type Manager).

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Et le monde à ce moment là précis bascule dans les plus formidables changements que nous évoquions. Qu’est-ce que l’ATM pour ceux et celles qui l’ignorent. Un petit ouvrier informatique, un utilitaire qui va permettre l’affichage lissé des caractères d’imprimerie à l’écran.

Trois mois après cette annonce, pas quatre, seulement trois, les médias, les agences de publicité les professionnels du design et du graphisme se ruaient sur l’achat de Macintosh et des logiciels graphiques ©Quark X-Press, ©Illustrator, ©Photoshop, pour n’en citer que les principaux (sans oublier les ©Page Maker, Freehand etc.). Dans le même temps, les ordinateurs PC adoptaient les mêmes normes de langage pour piloter les imprimantes, et grâce aux ©Laserwriters de toute sortes tout un chacun pouvait désormais composer, mettre en page, produire, éditer etc.

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Le blues de Neville Brody, c’est celui de la dépossession de son art. Ce n’est pas un hasard que les étudiants de l’époque se sont mis tous à faire du sous Brody! Mais sans l’informatique et le ©Postscript ce ne serait pas arrivé. Imaginez la même révolution au temps des années 20. Rodchenko, immense graphiste boulimique aussi, un vrai stakanoviste de la typo, se serait vu déposséder tout autant de son art. Et vous pouvez imaginer sans peine que l’oeuvre de Vasarely n’aurait eu qu’un succès d’estime si ces moyens informatiques avaient existé au temps où Victor Vasarely faisait travailler un studio de 20 à 40 dessinateurs pour exécuter ses compositions. Un seul suffirait aujourd’hui pour produire la même oeuvre. Et encore cet oeuvre n’aurait plus rien d’unique.

Et je ferai court sur les développements ultérieurs de l’html qui nous vaut aujourd’hui de pouvoir communiquer, écrire, éditer, partager instantanément tout projet éditorial ou graphique avec l’autre bout du monde.

Brody a fait des choix de sensibilités et de stratégies dans sa carrière d’artiste. Elles correspondaient à sa culture, à sa passion pour la musique, au fait qu’il avait réussi à traduire sa mélomanie en graphic-manie.

Mais il y travaillait dur, et sans relache, et il n’y en avait pas deux comme lui. Avec l’arrivée du numérique, sa culture graphique s’est dilué dans le langage binaire universel de la planète.

Il y a sans doute de quoi déprimer ou d’enrager, outre la perte «relative» de son fond de commerce (au sens noble parce que commerce ne veut pas dire mercantilisme), il perd aussi ses repères, parce qu’il n’arrive plus à fournir de l’unique. Seuls des Picasso ou des Matisse faisaient de l’unique. Dans nos métiers graphiques nous produisons à l’infini avec des langages codés des affiches et de l’édition (print ou web), des créations qui se répètent, se benchmarquent, se mulitplient dès que quelqu’un croit avoir trouvé une nouvelle niche de créativité. Brody a curieusement été victime à son tour du progès technologique que les typographes, les musiciens, les photographes, les architectes ont connu durant ces dernières années. Et quand il dénonce la société de postproduction, il faut lire entre les lignes, il voulait sans doute dire postindustrielle. Il y a quelque chose d’attendrissant de voir que cela est arrivé à celui qui justement avait «récupéré» les codes graphiques de l’époque de l’industrialisation.

On peut polémiquer sur ses constats, lui rétorquer que chaque époque de grande révolution a vu son cortège de conséquences sociales détestables. Mais demandez aujourd’hui à un gamin comment nous vivions sans internet et sans téléphone portable et surtout sans hub… il ouvrirait grand les yeux… heuh parce que c’était comment avant? Et on ne va pas dire comme Burt Lancaster dans le Guépard, qu’il faudrait tout détruire pour pouvoir revivre comme avant.

Ce qui m’intéresse toutefois dans les propos de Neville, c’est la part d’oubli.

Il oublie de dire notamment qu’en tant qu’artiste de talent et confirmé, il a pleinement participé et accompagné ces progrès technologiques. Et nous n’entrerons pas dans les détails, mais la création de nombreux alphabets, de logos etc, demandaient des années de labeur avant l’arrivée des moyens numériques. Il oublie aussi et c’est toute modestie de sa part, parce que c’est un être exquis et jovial, qu’il a accompagné voire précédé le nouvel ère du numérique par ses nombreuses compositions picturales et plasticiennes de très grande facture. C’est loin d’être un laissé du compte de l’art et vous pouvez découvrir quelques uns de ces créations numériques là!.

Mais surtout, et c’est le coeur de mon sujet, Brody nous éloigne par son blues solitaire d’une analyse beaucoup plus fondamentale de la création de ces quinze dernières années.

L’ère typo-plasticienne.

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Neville Brody | dans l’oeil du cyclone

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Je voudrais revenir après le long texte consacré au discours de l’enfant prodigue, aux raisons du désarroi de Neville, à ce qu’il y a d’universel dans sa longue plainte et en quoi ce texte reflète bien le passage de l’utopie graphique de Gutenberg à l’ère visuel-plasticienne qui est apparu au début des années 90.

Pour rédiger cette note qui me sert en même temps de support de cours pour mes élèves en Arts Graphiques, j’ai d’abord sélectionné les images les plus représentatives de Brody dans deux ouvrages qui lui sont consacré et que vous pouvez, vous procurer dans une librairie spécialisée comme il y en a sur le canal Saint Martin ou sur le boulevard Saint-Germain, à l’angle de la rue Saint-Benoit. Vous trouverez également le site de Neville Brody ici, afin de mieux connaître le professionalisme du bonhomme, le plus génial des graphistes que j’ai rencontré après Herb Lubalin.

Le texte de Neville Brody est d’autant plus surprenant pour ceux qui ne le connaissent pas que sa production témoigne d’un véritable génie de la mise en scène graphique et typographique. On se dit en l’écoutant que c’est le discours que n’importe quel graphiste toutes générations confondus aurait pu tenir. Non, c’est Neville en personne, celui qui a révolutionné le graphisme des années 80, celui que tous les élèves des arts déco, de Créapole ou de l’Esag… se sont mis à copier avec ferveur et passion. C’est celui qui a été publié, dont les livres se sont vendus par dizaine de milliers dans le monde entier, celui qui est reçu comme le pape de la typographie dans toutes les écoles, toutes les conférences internationales.

Mais que cache tant de désarroi, quel mouche a piqué ce fondateur et entraîneur de mouvement graphique ?

Il faut pour cela remonter un peu le temps, et revenir aux grands créateurs du XXe siècle pour l’appréhender.

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Retour sur les filiations de Neville Brody

Les compositions ci-dessous sont de Rodchenko 1929-1930.

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Le stalinisme bat plein régime, Il s’agit pour les graphistes de l’époque de participer à la propagande implacable d’un système qui lamine les classes, pour créer au bout le rêve socialiste de la classe unique. L’expression graphique est forte et ne transige pas avec les ornema-lamentations de l’ancien régime tzariste. Le vocabuaire graphique emploi des alphabets linéales (bâton, ou gothic chez les américains), qui marquent la fin des didots cher au XIXe. Les filets gras jouent pour structurer les espaces selon une rythmique très étudié (remplir les blancs, souligner encadrer). Le communisme est un totalitérisme maximaliste. Le «je ne veux voir qu’une tête» du sergent recruteur se retrouve dans un style où tout est rempli de façon fonctionnelle.

Les lettres en habillage, les bandeaux de titres en noir au blanc pour renforcer l’impact sur le lecteur. On a appelé cela à tort peut-être le constructivisme. On verra à Weimar les mêmes compositions reprises par Mondrian ou Klee, et Mohoy Nagy le photographe magyar. Curieuseument il est à remarquer que ce style, s’il correspond à un régime totalitaire en Russie, symbolise pour nous en occident la montée de l’ère industrielle. Le taylorisme va se propager dans tous les rouages de l’économie, et les graphistes traduisent ce formidable «progrès social» par un style industriel. Les graphismes ressemblent à des affiches d’usine, à des modes d’emploi de machines. Ils plongent le lecteur de l’époque dans la satisfaction identitaire de faire partie du monde qui avance. Les ouvriers ont fui les campagnes et s’entassent dans les faubourgs, les usines fument et la voiture pétaradante et polluante va devenir le symbole du nec plus des classes laborieuses.

Je souligne, je surligne, j’aligne, je superpose les lettres, ou les fais se toucher au maximum. Une sorte de musique faite de touches noires et blanches. A propos de musique, Strawinski commence à révolutionner les formes d’expression et des compositeurs comme Arnold Schönberg, Alban Berg et Anton Webern, deviennent les précurseurs de la musique contemporaine, ils introduisent l’atonalité et le dodécaphonisme et arrive aussi la musique sérielle – tout un programme. Tout concorde, l’époque ampoulée de la renaissance est bien derrière, le monde moderne avance à pas de géant.

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Et nous sommes maintenant au beau milieu des années 80. Voici quelques créations de Neville Brody qui datent de ces années.

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et encore ces créations magnifiques d’alphabets qu’il a appelé, tiens… l’Industria :

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Il n’est point besoin d’être un expert en art pour voir des similitudes de style, une même façon d’organiser les espaces, une même façon d’utiliser les éléments graphiques, lettres, filets, habillages en cercle, couuleurs vives (la gouache se propage) etc.

Neville Brody est un immense artiste, de plus c’est un travailleur boulimique, il produit en quelques années ce que d’autres n’arrivent pas à faire pendant une vie entière.

S’agit-il pour nous d’entamer une polémique sur les aspects plagiaires de l’oeuvre de Neville ou plutôt de nous poser la bonne question, que s’est-il passé dans l’histoire du graphisme pour qu’il en soit revenu à l’expression picturale des années 20.

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Après la deuxième guerre, la publicité et le design modernes sont nés outre-Atlantique avec des pionniers comme David Ogilvy ou Raymond Loewy. On découvre le consommateur-client (consumérisme) et le marketing. Les investissements pubicitaires grossissent jusqu’à fonder un véritable secteur économique qui bientôt «montera» en bourse. Les artistes d’avant la guerre qui ont en France par exemple, marqué toute une époque de la douce propagande, Paul Colin, Villemot, Capiello, Carlu, Savignac et bien d’autres ne font plus recette. Désormais cela se passe chez les Directeurs Artistiques des agences. Et ils sortent des écoles d’art comme Estienne, Arts Déco, Penninghen etc.

En face d’eux ils trouvent d’autres acteurs qui vont prendre une importance grandissante, les chefs de publicité, les directeurs marketing, les directeurs financiers bien sûr. La publicité se spécialise, se crée ses codes, son vocabulaire, et pour finir produit une quantité de pages et de pages, qui, toutes sont marquées du sceau de l’efficacité commerciale. La photo publicitaire est née au milieu des années 50, après que le NewLook de Christian Dior aient aussi révolutionné la mode. Désormais on ne dessine plus, ou de moins en moins.

Les agences n’achètent plus d’illustrations mais font faire des photos. La typo s’est propagée comme technique d’expression mais pas comme un art majeure (en France particulièrement). Il faut la sagacité et la force de persuasion de grands typographes comme Hollenstein pour faire adopter en France un caractère baton comme le Hass Helvetica (le dessin original de l’Arial plagié par Microsoft qui n’a pas voulu payer des droits à la fonderie Linotype). Et j’ai connu des dizaines de Directeurs Artistiques à cette époque qui utilisaient invariablement 10 ou 20 polices de caractères alors que les catalogues des compositeurs fourmillaient de choix de dessins à l’infini. Les trente glorieuses n’ont pas toujours été en France un moment très marquant sur le plan de la créationf graphique.

C’est dans la grisaille d’un style uniforme et consumérisé que Brody va nous faire re-découvrir la pugnacité d’un graphisme construit, formaliste et symbolique. Il réivente les titres logotypés dans des magazines comme Remarque : nous devons cependant rendre un hommage appuyé à la presse magazine dans son ensemble qui a été à l’avant garde de toutes les expérimentations. Des ELLE, Vogue, Nouvel Obs, ou Actuel, sans parler de tous les magazines undergrounds ou musicaux (Rock surtout) qui à l’instar d’un Rollingstone cherchaient à nous faire partager une scénographie de la lecture débarassée des conventions publicitaires, ils ont été les derniers remparts contre l’uniformisation de la communication visuelle.

Dans l’Angleterre de Brody l’hisoire se reproduit de même, avec cependant une caractéristique plus marquante concerant le glacis typographique. Les Anglais, américains, sont des gens très sensibles à la typographie et la calligraphie. Est-ce parce que dans les cultures protestantes on attache plus d’imortance au texte qu’à l’image? De fait la tradition publicitaire anglosaxonne est beaucoup plus consommatrice de typos, de recherches typographiques, et les 26 lettres de l’alphabet sont pour eux des acteurs visuels aussi importants que l’image photographique ou dessinée.

Il sufit de voir les créations du Push Pin Studio à New York ou de Saul Bass le créateur de logotypes aussi célèbres que UNITED ou CONINENTAL ou encore de la WARNER (j’ai un faible particulièrement pour son affiche de film pour EXODUS). Sans oublier sans doute le plus prolifique et le plus marquant de ces trente années 1950-1980, Herb Lubalin ‘et nous y reviendrons). Mais, grisaille anglosaxonne il y a tout de même. Parce que les agences londoniennes sont à cette époque encore plus conservatrices et font respecter l’ordre Gutenbergien. La calligraphie, le Baskerville Old Face, le Cheltenham ou le Caslon donnent la réplique à nos Franklin Gothic ou News Gothic ou encore l’Imprinta, unique caractère que les DA de l’agence IMPACT avaient le droit d’utiliser. Ces caractères Transitionnels, dont les formes oscillent entre nos Garaldes et les Didots donnent naissance à Londres vers 1935 au célèbre Times de Stanley Morison.

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Brody finit ses études d’Art vers la fin des années 70. Il dessine plutôt bien, et a un sens aigu de la dramaturgie. Ses illustrations en témoignent.

D’abord Gutenberg, la composition de témoigne de sa rigueur et de sens de la décoration. Pricipal traits de cette composition : la mise en page en deux colonnes composés dans un fraktur (gothique) des plus lisibles et l’utilisation de relances de lecture par des initiales en couleurs (lettrines), ou voire de débuts de chapitres par des grandes initiales monumentales qui attirent l’attention comme un puctum de R. Barthes. Ses gris typos étaient parfaits (nous sommes bien là en composition avec des caractères en plomb et antimoine). Pas de lézardes ni rivières dans les textes et il se permettait le luxe de rajouter les tirets de sécables en fin de lignes en dehors de la justification. C’est aujourd’hui encore un tour de force pour beaucoup d’arriver à une telle perfection de la compo. Mais on y arrive si l’on veut bien se donner la peine de régler ses préférences dans des logiciels comme Quark X-Press ou InDesign, voire même Photoshop et Illustrator.

L’influence de Gutenberg est frappant chez beaucoup de graphistes, il a fixé à jamais certaines règles de composition. Et nous reviendrons sur les aspects phonétiques de ce style de mise en page, que nous avons commencé à traiter dans la note relative à l’oeuvre de Zapf (archives 28 septembre 2005).

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Ensuite il me semble que celui qui a le plus influencé Brody c’est justement
Herb Lubalin. Parce qu’il utilise la typo à la fois comme un décor de théatre (metteur en scène de la page) mais aussi parce qu’il a ce génie du texte logotypé, en n’oubliant pas ce sens aigu de l’architecture de la page que l’esprit rigoureux et exigeant de Brody va reprendre brillament à son compte.

Mais Brody ne pouvait se permettre d’être un sous-Lubalin, personne d’ailleurs, mais en essayant de remonter le désarroi de Neville j’ai cherché à comprendre le fonctionnement du personnage. Il me semble qu’après quelques décennies de typographie très DCBG, très Didot ou Caslon ou Baskerville ou Garamond comme il faut, il avait le besoin de revenir aux fondamentaux de ces formes, les Linéales (caractères bâtons). Fondamentaux, parce qu’on les trouvait déjà 700 avant JC sur les côtes féniciennes, que les grecs ont repris bien évidemment, et qu’il a fallu l’art lapidaire romain pour venir avec l’outil du tailleur de pierre assoir la lettre sur des patins (Incises).

Par ailleurs c’est un metteur en page et un homme de culture, il ne lui pas fallu des années pour comprendre le vide qui séparait les expressions conventionnelles de la fin des années 60-70 et la forme neo-révolutionnaire des années 20-30.

Autrement dit il a fait son casting parmi tous les styles qui avaient existé auparavent et c’est celui des constructivistes des années 20 qui fonctionnait le mieux avec ses projets, et surtout sa sensibilité. Il y a ajouté du génie. Pas un génie inventif, mais un génie de la rigueur.

Là où les Russes faisaient de l’à peu près, lui réglait les espaces, les rythmes, les textes au dixième de millimètre près (cher à Lubalin). Là où les Russes se servait de ce style pour inciter les gens à fumer, ou à travailler pour la cause juste, lui habillait des pages de mode où la futilité le dispute à la beauté plastique ou encore des pochettes de disques, qui d’un seul coup sont sorti de la pagaille des bacs à images et à typos mal réglés.

Suitesuite

 

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Le Blues de Neville Brody

En navigant de ci de là sur le net je suis tombé par hasard sur un texte publié sur le site d’Étapes Graphiques, portail incontournable des professionnels du graphisme et du design. Ce texte, écrit par Neville Brody fut lu lors d’une conférence typographique à New York en 2003. Ce n’est pas de l’actu certes, mais il éclaire finement et en profondeur le désarroi de l’un des graphistes le plus copié dans les années 80 jusqu’au début des nineties. Brody, j’en parlais en analysant le Manuale Typographicum d’Hermann Zapf, et je l’ai également évoqué en vous présentant les graphistes russes des années 20.
Nous reviendrons prochainement sur l’oeuvre de Neville, qui fut le dernier représentant notoire des graphistes dits classiques, dont l’expression typographique était encore en filiation directe avec l’invention des caractères d’imprimerie. Il fut litéralement laminé par la nouvelle expression plasticienne qui apparut avec la propagation du numérique. Et là encore nous y reviendrons en évoquant l’oeuvre de David Carson et  de ses nombreux émules. Mais voici le texte de Brody, il est sombre, très sombre. Un cri dans la nuit, plein d’angoisse, une plainte chuchotée devant un micro devant des professionnels attentifs et ébahis de tant d’audace. Il dit tout haut… vos commentaires sont les bienvenus.

New York | mai 2003

«Il n’est guère aisé de parler création de nos jours, en cette période si difficile pour tous, dans un monde si traumatisé. Il est essentiel de toujours replacer les choses dans leur contexte. Quel que soit le genre de design, ce contexte est constitué du monde et de la société qui l’entoure, et, théoriquement, qu’il sert. Dans un monde de plus en plus petit, de moins en moins diversifié, où la culture occidentale se propage partout de manière quasi incontrôlée, il est crucial de regarder au-delà de l’industrie que nous habitons, et de remarquer non seulement cette dernière, mais aussi l’influence, positive ou négative, que nous avons sur elle. Il est également vital de comprendre où et pourquoi notre progression rencontre une violente opposition, et où ce que nous considérons comme un progrès est vécu comme une incursion.

Nous avons tendance à nous concentrer sur le comment et le quoi de notre travail, alors qu’il faudrait se pencher sur le pourquoi.

Nous sommes les intermédiaires, les bonnes âmes placées entre un public et son information. Nous sommes ceux qui aident les lecteurs à se forger une opinion par la manière dont nous interprétons et présentons les idées. Nous sommes ceux qui décident de la signification d’un article et de la réaction appropriée face à celui-ci. Nous informons de l’issue, l’information étant la manière dont nous sommes informés d’un fait..

Nous nous laissons distraire par les récompenses et les créations nouvelles et surprenantes.

Nous sommes censés être les mieux informés. Nous sommes ceux qui ont un accès direct à l’information brute. Nous sommes à cheval entre deux mondes : le monde de la prépublication et le monde de sa réception, c’est-à-dire que nous sommes ceux qui traduisent les concepts invisibles dans des formes emballées, nous convertissons des pensées et des actions en images mentales et en attitudes. Dans de nombreux cas, nous contrôlons l’interprétation du monde et manipulons sa compréhension, à la manière d’un filtre. Nous prenons l’expérience du monde réel et la transformons en formule. La police que nous choisissons, la photo que nous sélectionnons et recadrons, la manière dont nous utilisons l’espace – tout cela influence notre réaction en tant que lecteurs. Un Shakespeare imprimé en Franklin Gothic 36 pts n’aura pas le même effet qu’en Garamond 10 pts.

Je me suis moi-même senti de plus en plus déconnecté de mon travail, et des raisons qui me poussent à le faire. Ce sentiment s’est étendu à d’autres domaines de ma vie, et je me suis retrouvé bataillant en quête d’un but ultime. C’est un dilemme non seulement spirituel, mais également social. J’ai du mal à comprendre mon but ultime, si j’en ai un, à comprendre le monde qui m’entoure, et à définir ma place et mon rôle là-dedans, si j’en ai un.

Je poursuis sur une base éphémère, au jour le jour, j’accomplis les choses machinalement, avec une activité en apparence de plus en plus importante, pour un rendement de plus en plus faible. Et plus le fond de ma raison d’être m’échappe, plus j’essaie de la combattre par une activité frénétique, jusqu’à ce que je sois épuisé par cet acte de non-production maniaque.

A titre d’exemple, je reçois comme tout le monde des centaines d’e-mails. Après avoir éliminé les spams et ceux qui ne m’intéressent pas, il m’en reste quand même une cinquantaine auxquels je dois répondre, ce qui prend souvent plusieurs heures par jour.

Quel est ce monde dans lequel je vis ?

Mon monde est rempli de gadgets. Mon téléphone portable me permet d’envoyer des mails, de naviguer rapidement sur le Net, de lire les journaux, de recevoir et de regarder des vidéos, d’écouter toute ma collection de disques, de vérifier mon agenda, de prendre des photos et de les retoucher, puis de les envoyer à d’autres, d’envoyer des messages textuels, de m’amuser sur des jeux, d’être réveillé, de vérifier mes comptes, de régler mes factures. Quand je l’utilise comme télécommande, je peux contrôler presque tous mes appareils électroniques. Et, accessoirement, je peux aussi parler à quelqu’un. Je regrette seulement qu’il ne me fasse pas encore le café.

J’ai l’impression d’être branché à une centaine de connexions et de tuyaux par lesquels les informations vont et viennent jusques dans mon être, comme autant de perfusions.

Je perds la notion du moi dans tout cela, toute mon existence se fragmente, et j’ai l’impression de me transformer en Hub, en une série de tubes servant à canaliser l’information à grande vitesse. Ce processus laisse peu de temps pour réfléchir en profondeur à quoi que ce soit. La pression de la réception et de la publication simultanées d’un million de messages par jour implique que la machine prend le dessus, et ce sont les données entrées et sorties qui finissent par me définir.

Ce processus signifie que les idées n’ont pas le temps de construire une grande profondeur, que les articles sont à peine étoffés avant que le besoin de les publier ne les prive d’incubation, que des concepts mi-formés sont poussés sur la place pour remplir toutes les chaînes de production. Il faut nourrir cette machine à communiquer qui est si vorace. Plus de magazines, plus de chaînes. Plus de vingt mille heures hebdomadaires d’espace de diffusion nationale à remplir chaque semaine.

Je vis dans un monde à choix multiples, à chaînes multiples, offrant des possibilités apparemment infinies, un monde dans lequel j’ai l’impression de faire de vrais choix ; mais en fait je ne fais que choisir à partir d’options présélectionnées. Je ne change pas vraiment le monde, je ne fais que le retoucher et le filtrer. Je ne change pas le message en lui-même. Le seul véritable choix qui me soit offert est d’éteindre. Ou d’allumer. Les médias personnalisés se moulent à mes goûts, dans l’espoir de me vendre plus de produits, l’imitation est la forme de flatterie la plus sincère.

Il y a tant de choix, que je m’y noie ; je me perds dans une myriade de publications, de sites Web, de chaînes de télévision, qui ne font que se multiplier encore et encore.

Je vis dans un monde qui me fait oublier l’intuition, l’instinct, l’art, le naturel, l’analogue. Un monde dans lequel mes réponses-formules et mes productions technologiques sont mécaniques, ou scientifiques, même si j’imagine faire des choix librement. Aujourd’hui, je calcule au lieu de créer. J’ai oublié comment travailler avec mes mains, modeler des choses comme de l’argile, assister à la naissance de nouvelles formes et émotions. Avant, je considérais mon travail comme un orchestre de jazz, un monde d’improvisation avertie. Aujourd’hui, je joue sur une échelle musicale basée sur le marketing.

La majorité de l’art et de la culture souffre aujourd’hui de ce que j’appelle le syndrome de postproduction. C’est-à-dire que la culture dans son ensemble est maintenant calculée, dirigée vers une réaction désirée, un résultat contrôlé. Le projet commence par la réponse, puis revient vers l’objet. Puis on calcule comment le construire. On ne se permet plus le risque de laisser une chose se passer, de risquer l’inconnu, de tenter quelque chose d’imprévisible.

J’ai l’impression de vivre dans un monde où le commerce a supplanté tout le reste ; où les rapports trimestriels gouvernent toutes les décisions ; où une campagne pour ramener des clients et les convaincre de fournir des ressources devient envahissante, comme l’est la demande que j’ai acceptée d’utiliser mes compétences pour convaincre le public d’acheter les articles de mes clients, afin de pouvoir rester dans la course. C’est un endroit où règne la peur, où on prend des décisions basées sur des critères de survie, mais où il n’y a tout simplement pas assez d’argent, pas assez de clients, pas assez de reconnaissance ou de récompenses, pour être à l’abri du besoin. Alors on réclame plus à cor et à cri, et la victime en est notre créativité débridée, le développement libre de l’esprit humain et de sa culture.

J’ai récemment discuté de cela avec Jean-François Bizot. Une transition critique a eu lieu ces vingt dernières années.

Quand j’ai commencé à travailler, je n’attachais guère d’importance au fait de gagner de l’argent ou pas. En fait, j’ai vécu presque quatre ans dans la précarité après l’université, ne sachant pas d’où viendrait mon cachet suivant. Ce qui me poussait, c’était la certitude que je prenais les bons risques, et que cela changerait quelque peu la façon de voir des gens. Je faisais partie de ce qu’on pourrait appeler une génération révolutionnaire, née dans la culture des années soixante, une génération qui croyait sincèrement que la société pouvait être remise en question et améliorée, que les artistes travaillaient pour le bien public, et que les idées étaient plus importantes que le commerce.

Cette vaste remise en question sociale était considérée comme dangereuse par les gouvernements Reagan et Thatcher, et fut vite remplacée dans la société par une machine publicitaire et de marketing qui pouvait imiter le danger sans être dangereux, afin de créer de nouvelles niches de vente. Cette politique annihilait toute véritable remise en question, dans la mesure où il est difficile de combattre un reflet. Au lieu de cela, on a introduit la culture de l’argent comme étant le but fondamental d’une "société créative". Le résultat de ceci est que tout s’est transformé en marchandise, en produits à vendre, et uniformité. Tout ce qui est risqué ne sera tout simplement pas produit, ou si ça l’est, ne sera distribué par aucune des grandes chaînes de distribution, que ce soit dans le domaine matériel ou électronique.

On a remplacé la révolution par la génération "confort et prestige", une génération incapable de prendre des risques, à la recherche de sécurité, une génération complètement déconnectée du chaos de la libération de la création.

Maintenant, dans le troisième acte de cette pièce, nous sommes dans la position de sentir à quel point notre culture est vide de sens, à quel point nos marchandises sont interchangeables et limitées, d’avoir conscience qu’il doit exister mieux quelque part, et nous ne sommes pas sûrs de devoir remplir ce vide par une guerre. Nous aspirons à une vie plus spirituelle, mais ne croyons pas à la religion. Les jeunes sentent la vacuité de leur culture commerciale, mais les voix de la révolution ne sont plus que de vagues échos dans le brouhaha assourdissant des médias.

Nous vivons dans un monde où la révolution est une campagne publicitaire pour Gap, où une moyenne de 30 % d’obèses dans la population est une norme acceptée, où le cancer de l’uniformisation a rongé notre culture.

Je vis dans un monde uniformisé, où les moyens de distribution eux-mêmes ont créé une culture prémâchée, comme la nourriture. L’acte de produire signifie que tout doit être vendu, simplifié, facilement diversifié à partir d’une même liste d’ingrédients de base. La culture, le cinéma, la musique, la littérature, l’art, le tourisme, l’architecture, les magazines pourraient tous être livrés avec une liste d’ingrédients, comme la nourriture de supermarché, avec des additifs exhausteurs de goût pour rendre la fadeur appétissante et addictive. Il n’existe plus maintenant que des différences ténues entre les produits ; les qualités uniques définissant une chose comme individuelle sont mineures, mais on les vante bruyamment. Les villes commencent à se ressembler, où que l’on se trouve dans le monde.

Ironiquement, alors qu’on crée une culture générique, on empêche les autres d’en produire des versions génériques. On empêche la fabrication et la distribution de médicaments génériques qui pourraient sauver des millions de vies dans les pays en voie de développement. On sévit contre les contrefaçons d’articles de marque dans les pays du tiers-monde où règne la pauvreté et où nos prix sont hors de portée.

On vit dans un monde si plein d’amour qu’on ne sait plus comment le trouver, si plein d’esprit humain qu’on a dû le couvrir de peinture. On vit dans un monde possédant un tel potentiel de positif qu’on choisit de vivre dans le négatif. Il n’y a que la guerre, à quoi bon ?

Je lutte pour comprendre le monde dans lequel je vis, et je ne vois plus que l’arbre qui cache la forêt, l’épicerie qui cache la ville. Mon espace a été envahi par des molécules génériques, une nanotechnologie de machines d’identikit invisibles, qui s’acharnent à brûler tout le reste : l’atmosphère qu’on inspire quand on cherche de l’air, de l’oxygène.

Nous modifions la société pour désirer certaines choses et faire certains choix inconsciemment. Ce désir est contrôlé par une sorte d’ingénierie génétique culturelle, une modification de l’ADN. Nous sommes les scientifiques qui savent quelles images, quelles couleurs, quelles polices et quels mots entraîneront des réactions clés.

Le véritable intérêt de tout ceci est que nous avons créé, pour la société et pour nous-mêmes, une palette d’alternatives et de choix très limitée, une série de cubes d’ADN homogènes avec lesquels nous construisons toute notre culture mondiale. Nous vivons dans un monde médiocre, avec tous les signaux d’alerte au rouge. Dans cette culture limitée, on aperçoit des collines et des vallées, claires et sombres, mais la palette ne comporte que 256 couleurs. Nous avons limité nos imaginations, nous les avons habillées avec la même garde-robe, et avons oublié comment regarder au-delà. Le monde oscille entre haute et basse résolution, entre possibilités infinies et 72 dpi.

Nous avons oublié que nous pouvions transgresser les règles, je veux dire les transgresser pour de vrai. Nous ne faisons que varier ce que nous avons déjà, au lieu de laisser de nouvelles choses arriver ou entrer dans notre vocabulaire. Nous avons oublié comment embrasser le chaos et faire confiance au hasard. Nous avons oublié comment avoir confiance en nous, et nous avons perdu le courage d’être vraiment différents. Nous avons oublié de respecter les autres cultures et les autres races, et qu’elles peuvent nous apprendre des choses, et nous ne savons tout simplement pas comment nous arrêter de leur imposer nos propres cultures et notre façon de voir le monde. Et nous ne comprenons pas que les autres puissent rejeter la nôtre, surtout quand nous avons largement rejeté toutes les autres ou les avons intégrées dans nos propres palettes limitées.

L’art et le commerce ne se mélangent pas aujourd’hui. Le plus petit dénominateur commun, la limite de vente et d’attrait maximale, est l’objectif. Cela rend tout homogène, moyen, médiocre. On réagit en criant, ou en choisissant un morceau de territoire sensible à faire sien. Alors on choisit le bleu, ou un cercle, ou le grunge, ou M, et on le crie pour avoir l’air différent. Ou on choisit les voitures, le sport, les jardins, ou la drogue.

Il en est de même des marques. A la base, il n’y a que peu de différences entre Starbucks, Nike, Virgin, Ford, Macdonald’s. Là encore, peu de diversité à l’intérieur d’une palette d’expression et d’imagination limitée, mais portée bruyamment et fièrement. Dans ce Matrix de l’imagination, il n’y aura jamais de vraie révolution, et toute véritable différence est détruite comme un véritable ennemi.

Vous allez me dire, quel rapport avec la création graphique ? Aujourd’hui, la caractéristique essentielle de la création est son interchangeabilité et le peu de vrais risques qui sont pris. La qualité de la création est extraordinairement élevée, les normes de fabrication incomparables, et le savoir-faire superbe. Mais, d’une façon ou d’une autre, on a une sensation de déjà-vu. On admire les normes esthétiques et techniques, mais on se retrouve comme vides, ou blasés.

Vous voyez, nous sommes bloqués dans un enclos de peur. Peur que nous ne survivions pas, peur de perdre notre emploi, peur d’être attaqués, peur d’être différent, peur de critiquer ouvertement notre propre gouvernement ou ses actions, peur de l’échec, peur de la peur. Cette anxiété sourde et constante dans laquelle nous vivons tous est épuisante, c’est une expérience déshumanisante. Pas étonnant que nous ayons peur d’élever la voix.

Il nous faudra pourtant l’élever, la voix. Nous le devons à nous-mêmes et à la société que nous servons, de briser les règles et essayer quelque chose de nouveau. Nous devons saisir le risque, le danger, les pensées situées au-delà de la palette des pensées de base. Nous devons ouvrir les portes, recevoir le monde au lieu d’en être les simples diffuseurs. Nous devons embrasser la technologie qui permet à nos messages d’être changés, au lieu de fournir des options prédéfinies. Nous devons embrasser une alternative au Hollywood de nos vies, aller au-delà de la "AOL-Timewarner-Disneyisation" de nos mondes

En d’autres termes, nous pouvons utiliser d’autres termes. Nous pouvons parler d’amour de notre prochain, d’opportunité, d’apprentissage et d’éducation. Nous pouvons aider à utiliser nos outils à éduquer, au lieu d’imposer. Nous pouvons rompre la spirale

Nous devons apporter une nouvelle, une véritable signification à cette expression, "pensez différemment", et voir ce qu’on peut faire de vraiment différent.

Pour répondre à la question – titre de cette conférence – "Et maintenant ?", tout ce que je peux dire, c’est que je ne sais pas. Mais si nous ne déchirons pas les plans, nous ne le saurons jamais. »

Etapes

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Grand Palais, et lisibilité du Noir au Blanc

Merci Philippe de m’avoir attiré dans ce guet-apens, et voici le site officiel du ministère de la Culture qui nous donne les infos utiles sur la construction et la scénographie.
Réflexion, la fascination des cathédrales: un jour j’ai entendu ou lu je ne sais plus, Edgar Morin peut-être, ce qui nous fascine dans les vitraux des cathédrales, la lumière incidente qui vient directement frapper nos rétines. Cela fonctionne de la même manière avec le tube cathodique ou catholique. Bombardement d’éléctrons de nos yeux et un peu comme quand nous regardons le soleil, nos yeux ne peuvent plus s’en détacher. Fascination hypnotique, la télévision jouerait donc le même rôle que les vitraux des églises du Moyen Âge qui attiraient et fidélisaient les «fidèles». Médiamétrie content.
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En typographie nous obtenenons le même résultat avec un texte composé en Noir au Blanc. Puisque nous ne lisons pas les lettres mais leur contreforme, là c’est l’inverse, obligés de lire le blanc, nos rétines sont agressées par la finesse du blanc des lettres. Presque illisibles. Technique pour rendre un texte noir au blanc plus confortable à la lecture : aténuer le contraste en colorant le blanc des lettres en gris clair ou dans une couleur camaïeux clair sur fond sombre. On récupère immédiatement une grande lisibilité.

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quelques fautes de frappe se glissent parfois dans ce blog consacré à la typo et au design, ça m’est insupportable, mais malheureusement je ne les vois qu’une fois publiées. Je vous demande de m’en excuser. Et pour les notes passées et pour les notes à venir.

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Grand Palais, dernier jour

visite libre, c’est magnifique, pédagogique, spectaculaire, dythirambique…dinausoresque… Salon des artistes, le lieu s’expose tout seul, à nu, à vif. La lumière appelle les oeuvres à venir s’illuminer, le son est parfait. Wagner, Debussy et j’en passe. Bravo pour le design sonore. Si quelqu’un sait qui a fait la scénographie, n’hésitez pas à me laisser un post.

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SNCF un logo dyslexique

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Je choisis mes titres pour résumer ma pensée, quelquefois long, là, très court.

Pourquoi dyslexique? Les orthophonistes vous en diront beaucoup plus que moi sur cette affection qui touche un grand nombre de personnes. S’agit-il seulement de confondre la gauche et la droite, ou de faire des fautes d’orthographe, ou de se précipiter dans des explications sans finir une phrase, les symptômes sont nombreux.

Le nouveau logo de la SNCF relève d’une stratégie de communication mûrement pensée, par des équipes de travail au sein de la compagnie de chemin de fer et au sein de l’agence Carré Noir. Nous savons tous comment ça fonctionne. De briefs en débiefings, semaine après semaine le projet évolue. Maquettes après maquettes, de validations en validations, personne ne prend, ou ne prend plus beaucoup de risque, et cela pourraît faire l’objet d’une note future concernant la dilution des responsabilités graphiques dans notre système économique. Nous sommes en tous cas loin d’une époque pas si lointaine, où les chefs d’entreprise, grands timmoniers de leur capitaux décidaient des orientations stratégiques de comm. propres à faire progresser leur entreprise.
C’est ainsi, et en préambule que je prendrai cette précaution de ne condamner personne pour avoir laissé passer ce logo contre toute logique de stratégie de communication.

Voici le débriefing de l’agence Carré Noir:

La couleur: un dégradé qui va du carmin au vermillon, fruit de «beaucoup de travail», a permis de créer la rupture, et d’exprimer l’innovation et la capacité créatrice de l’entreprise.

La forme: elle exprime pour certains un matériel roulant, pour d’autres un objet aérodynamique ou encore un livre ouvert, ou tout simplement une forme abstraite.

Un graphisme: «très dans la culture de la SNCF, ces quatre lettres dessinées en lien expriment la fluidité et le confort dans la relation entre Public et Salariés. Ce monogramme venu confirmer le nom d’une grande entreprise a été créé en CAPITALES pour ne pas céder avec des bas de casses (minuscules) à une expression trop originale ou rigolote. Elles s’enchaînent avec un lien entre elles pour qu’on sente qu’SNCF est un tout, de façon qu’à l’intérieur de ce bloc marque, on ait ce qu’on appelle un logotype.»

L’analyse:

L’histoire des logos tout d’abord:

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Celle-ci témoigne de l’histoire socio-industrielle de notre pays. Vous trouverez un excellent résumé de la saga des logos de la SNCF ici.
Vous y voyez la représentation graphique du sigle SNCF et non du monogramme, vocable à l’usage expresse des personnes physiques et non morales (définition du sigle ici) qui correspond bien à la transformation industrielle de notre pays. De sigle en forme d’attribut de métiers on est passé à une écriture de plus en plus dépouillée de la typographie utilisée. Signe des temps sans doute, et puisqu’on parle de convivialité et de confort relationnel entre acteurs usagers et acteurs salariés, les dessins du TGV.
On est bien passé en 1947 par une représentation graphique proche de l’héraldique, et Michel Disle co-fondateur de Carré Noir nous explique le rôle que jouent ces signifiants dans la construction des identités visuelles modernes. Puis Roger Tallon intervient dans les années 80 sur le logo et la charte graphique de la SNCF alors qu’il venait de travailler sur le TGV.

Mais voici venir le nouveau logo du TGV :

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En cherchant un peu, nous trouvons des similitudes avec une expression graphique chère au public nostalgique d’un temps idéal, l’art nouveau…

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et encore…

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C’est à ce moment de l’histoire qu’intervient la création du nouveau logo SNCF.
Celui-ci comme on le voit s’inscrit parfaitement dans la filiation des tracés ci-dessus. Mais il ne s’agit pas tant de dire j’aime ou j’aime pas, que de se poser la question si les quatres lettres du sigle-monogramme de la SCNF n’auraient pas été dessinées dans un style plus proche du métro parisien, donc aujourd’hui de la RATP que celui d’une entreprise dont la principale activité, le transport interrégional et international (thalys), riment avec puissance et vitesse. Nous ne voyons ni puissance dans ces quatres lettres, ni vitesse.

Le style fonctionnerait beaucoup mieux avec l’image d’un métro parisien de papa.

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S’il s’agissait de réfléchir au logo de la RATP, nous en serions pour nos frais. Un cercle londonien vert pour ne pas froisser la Sa Majesté, et pour affirmer les valeurs modernes et consensuelles de l’écologie et du développement durable, et un tracé de la Seine en forme de visage plutôt féminin… une typo en Peignot italisé, c’est tout.

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Tout ceci pour dire que nous sommes ici à contrario d’un logo de la Société Nationale des Chemins de Fer Français.
Et le Bloc-marque, en forme de matériel de roulement… là encore décalage entre le discours et le résultat. De forme aérodynamique nous n’en voyons pas, tout au plus un profil de TGV taillé à la serpe au lieu d’être tracé comme un geste calligraphique et élégant. En son temps Roger Excoffon en charge de la communication d’Air France avait innové en conférant à la compagnie, d’un geste aérodynamique et brossé à la Mathieu, une forme dont l’élégance et le pouvoir évocateur remplissaient parfaitement leur mission. Communiquer sur la modernité et l’alchimie d’une entreprise.

Des idées d’avance, sans doute. Des caractères liés pour évoquer la relation clients-salariés… un code couleur violacée pour exprimer l’innovation… Nous rappellerons simplement que cette gamme carminée-rouge nous provient directement de la mode des années 70. Happy Flower, Happy génération.

Nous avons commencé cette étude par un titre, un logo dyslexique, parce qu’il me semble qu’entre la typographie métro-art nouveau du sigle et la forme très peu aérodynamique du bloc-marque, nous sommes plus proches d’une identité vieillote pour la RATP des années 70 que pour la SNCF des années 2005 et plus.

Les non-dits d’une nouvelle identité:
Lorsque qu’une société de cette importance change son identité visuelle, avec toutes les déclinaisons qui s’imposent, elle envoie un message fort aux acteurs économiques et socios du pays… aux usagers, aux salariés, aux partenaires et fournisseurs, aux clients internationaux susceptibles d’acheter savoir-faire et technologie.

La nécessité d’une nouvelle identité ne faisait pas de doute. Nous en convenons. l’ancien, marqué par un style pop, fashion jeux olympiques de Mexico commençait à dater. La flèche surmontant le sigle ne correspondait sans doute pas aux innovations et technologies d’avant garde «du matériel roulant» d’aujourd’hui.
Et en examinant le travail de Carré Noir, au travers du site magnifique et novateur qu’ils ont réalisé, on voit bien qu’il ne s’agit pas simplement de créer un logo, un bloc marque mais de changer la communication, de l’adapter aux nouveaux enjeux d’un environnement commercial qui risque en cas de privatisation partielle ou totale de changer les mentalités profondes de l’entreprise et sa relation avec les clients. Nous sommes sans doute dans une phase de transition et de préparation à de grands mouvements stratégiques. Cette identité, malheureusement installée pour un certain temps, peut-être pour 10 ans ou plus est loin de fédérer tout l’appareil messianique qu’un logo doit porter (pour ne pas dire véhiculer). Vos commentaires sont les bienvenus.

et vous trouverez plusieurs suite à ce billet dont celle-ci:

SNCF, le logo en situation sur un immeuble haussmannien

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de design & typo

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Et la typo?

J’y reviens très vite. SNCF, TGV, analyse d’une nouvelle identité, formes, couleurs, typos, histoire d’un logo etc. (voici la note définitive : SNCF : un logo dyslexique)

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Où l’on voit que la Bible de Gutenberg est tout aussi moderne qu’une composition de Rodchenko ou d’Hermann Zapf

La planche ci-dessus provient d’une publication sur le web de la British Library. Que nous montre-t-elle?
Depuis l’invention de l’alphabet phonétique avec sa prodigieuse expansion due à l’invention de Johannes Gutenberg, le caractère plomb, conférant la mobilité au caractère donc sa capacité à être «re-distribué» et réutilisé pour d’autres publications, notre approche visuelle n’a pas bougé d’un pouce (sans faire de jeu de mot à l’égard de la typographie). Une page composé de haut en bas, bi-dimensionnelle, avec des colonnes de textes, des titres, des lettrines, des filets gras ou maigres, de la couleur pour souligner une lettrine ou un mot, il s’agit là de ce qu’appelle Marschall Mac Luhan d’une conception tactile-orale de l’espace par opposition à une conception visuelle et synthétique. Les compositions de Rodchenko s’inscrivent dans la même logique spatiale. Titres, textes, chapôs, lettrines, et surtout surtout, par l’utilisation des jeux de contrastes. C’est bien plus tard avec l’arrivée de la télévision, de l’image éléctronique que notre regard va se transformer par l’usage des transparences et des superpositions.

Notre perception s’est depuis lors modifiée. De phonétique et tactile, elle est devenue visuelle et tridimensionnelle. L’art plastique est né de ces profonds changements. Nos modes de pensée sont dès lors profondément influencés, par une dé-structuration de l’espace et du temps. Le zapping, n’est pas seulement un phénomène technologique facilité par les télécommandes de nos appareils, mais aussi une réalité spirituelle. Cette révolution de nos modes de perception due en grande partie à la télévision mais aussi aux expressions qui en découlent, à l’enchevêtrement des images, des effets spéciaux, à la mise en surbrillance de l’information a failli nous faire oublier nos anciens modes de pensée, linéaires et orales. Curieusement et pour des raisons historiques sans doute, Mac Luhan n’a pas été, n’a pas pu vérifier, ni anticiper sur les conséquences de l’autre invention la plus importante de ce début de XXIe siècle, internet (la lettre, toujours mobile mais devenue virtuelle et cybernétique).
Parce qu’il aurait été certainement très surpris de voir que ce média finalement est plus proche de Gutenberg que la télévision ou le cinéma. On y redécouvre la lecture, voire même l’écriture partagée et transgénique, pardon transversale. Forums, blogs, journeaux en lignes, bref il s’agit d’un retour à 180° sur l’expression tactile-orale.

Les audiences perdues par la télévision au profit de la lecture-écriture sur le web sont des signes qui ne trompent pas. Et curieusement ce sont les générations les plus jeunes qui participent activement à ce retour en force vers l’écrit virtuel.
Il ne faut pas voir dans mon discours une condamnation quelconque des médias «traditionnels». Mais juste un constat un peu amusé de la manière dont les médias influencent nos modes de perception et donc de communication.

J’ai créé ce blog en vue d’analyser la plus finement possible au fil des notes la manière dont les communicants d’aujourd’hui situent l’expression de leur travail. Publicité, communication corporate, identités visuelles, packaging sans parler du design et de l’architecture sont autant de champs d’expression qui utilisent des codes visuels pour «situer» la relation entre les acteurs économiques et socios. Une affiche pour une pièce de théatre et une affiche pour un opérateur de téléphonie n’ont rien de comparables, en ce qu’elles s’opposent non seulement sur les contenus mais aussi sur la structure des signifiés. La première s’adresse à notre capacité à se questionner, à poser du sens sur les choses. Une affiche de théatre nous plonge dans l’imaginaire tactile de notre vie, alors que par opposition une affiche pour violet, ou FFR ou encore Vouygues Telecom ne s’adresse qu’à nos modes de références catégorielles, identitaires et sociales. Cherchez le sens, il n’y en pas en dehors de la raison économique. Deux expressions typographiques et graphiques à l’opposé donc et nous chercherons à pointer sans dénigrer ces expressions pour permettre aux uns aux autres, à moi même de construire une grammaire de la perception.
Qui a dit sur le blog de Pierre Assouline que les blogs étaient une forme de thérapie. Je crois que c’est au grand bonheur de ses lecteurs lui-même.

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Au commencement de la rupture, il y eut les années 20

L’analyse du Manuale Typographicum d’Hermann Zapf nous a amené à tracer des filiations entre les courants graphiques et de marquer le point de rupture à la fin des années 80. Qui soit dit en passant furent des années de nostalgie forte envers les syles dépouillés et constructivistes des années 20.

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En Russie Rodchenko et le poète Maïakowski, mais Malévitch aussi en peinture, introduisirent l’art productiviste. De l’autre côté du Danube en Allemagne, la République de Weimar va voir naître le Bauhaus, dont l’architecte Walter Gropius fut la figure de proue. Mondrian, Klee, Kandinsky, Marcel Brauer et les nombreux élèves de cette prestigieuse école (de vie aussi) qui aissaimèrent vers l’europe puis les EU à cause des persécutions révolutionnèrent profondément l’architecture et toutes les expressions graphiques et plastiques. Oscar Niemeyer ou Le Corbusier par exemple pour ne citer qu’eux, mais les architectes de de la Sears Tower de Chicago ou des grattes-ciel de San Francisco leur doivent tout autant leur sensibilité et leur logique de réflexion. Plus près de nous un Jean Nouvel adepte des formes pures, élancées pleines de transparences et de surfaces travaillées, ne renierait certainement pas cette filiation. La guerre nous a probablement privé en France des effets immédiats de ce grand courant fondateur. L’antigermanisme des français ayant mis entre parenthèse toute idée d’innovation architecturale et graphique jusqu’u milieu des années 70. Le Design à la française de ces années n’était qu’un effet de mode assez risible comparé aux avancées du Design aux EU ou plus près de nous au Danemark, Hollande, Norvège, Suède et bien sûr en Allemagne. Il a fallu attendre un génial Philippe Starck et le courage de ses éditeurs pour qu’enfin l’on découvre une autre forme de pensée, et que l’on se raccomode avec des idées datant de ces années 20. En graphisme il y eut le même courant dont le jeune père fondateur Neville Brody fut le fer de lance en Angleterre (cf.The Face).

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Les reproductions de cette note proviennent d’un livre des Editions du Chène, édité en 1987 sous le nom de : La Pub en USSR dans les années 20. L’auteur, Mikhaïl Anikst, a recencé là les plus belles réalisations de l’époque et surtout les plus représentatives d’un style en soulignant parfaitement l’adéquation entre style et signifié. (voir ici les pages les plus spectaculaires)

Mais dans une note prochaine je reviendrai sur les téléscopages entre ces styles, la filiation avec Gutenberg et le moment précis où la rupture se fera entre le tactile-oral gutenbergienne et le coloré-plasticien d’un David Carson qui a sa manière marqua la fin ou le commencement de ce qu’on a appelé la période post-industirelle.

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