Voici deux pages du catalogue «specimen» de la fonderie Deberny et Peignot, consacrées au lancement de cette série mythique d’Univers qui fut sans doute une des premières production «marketing» dans le monde de la composition dite froide (photocomposition). Cette série fut mise au point sous la direction d’Adrien Frutiger par deux typographes émérites: Albert Boton et Ladislas Mandel. Ils ont été le fleuron des caractères Lumitype et ont remporté un succès à la fois commercial et d’estime dans toute profession des Arts Graphiques. (Avec mes remerciements à Michel Wlassikoff qui a eu la gentillesse de me passer ces documents).
C’est sur le site de Linotype que vous trouverez toutes légendes de ces photos… ce serait vraiment incorrect de ma part de ne pas vous y renvoyer…
Linotype, tribute to Adrien Frutiger.
Juste quelques souvenirs personnels. J’ai eu l’occasion de rencontrer Adrien à de nombreuses occasions, puisque aussi bien à Lure dans le cadre des Rencontres Internationales de Lurs en Provence qu’à son bureau de la rue Cabanis chez Deberny et Peignot du temps où Charles Peignot présidait encore cette société malheureuse, qui n’a pas eu les moyens de développer la première photocomposeuse (Lumitype) inventé par deux ingénieurs Français, Higonnet et Moiroud. Je l’ai rencontré aussi assez souvent dans les assemblées générales de l’ATYPI, à Paris, Berlin, Bâle, Oxford, Hambourg.
Indirectement aussi, parce que Ladislas Mandel disparu depuis peu était un ami de la famille et qu’il dirigeait l’atelier de réalisation de Deberny et Peignot… que Ladislas nous a parlé longuement des méthodes et théories de la lisibilité chères à A. Frutiger.
J’ai même une anecdote cocasse: un jour, en 1993, j’ouvre une des polices, l’AVENIR dessiné par Adrien pour Linotype. Et o surprise, l’italique était en en réalité un romain penché. Déformé électroniquement. J’appelle aussitôt Adrien dans son atelier, et il me répond très gentiment que «oui, Linotype voulait qu’il dessine la série des italiques de cette police». Chose qu’Adrien pour des raisons paléontologiques se refusait. Une chose est le marketing dans l’industrie de la typo, une autre les racines culturelles qui normalement devraient nous interdire de dessiner une linéale (type Europe, Futura) en italique. C’est assez contraire à l’origine des tracés des phéniciens. Mais commerce oblige, Adrien, me dit-il, avait donné l’autorisation à Linotype de déformer son caractère afin de proposer une famille complète, toutes les graisses, en romain et italique.
Je crois que par la suite cette erreur avait été corrigée, et que soit Adrien lui même, soit le bureau de dessin de la firme allemande sous le contrôle du Maître, ont fini par produire un dessin tout à fait honorable de l’AVENIR en ital.
Voilà, que dire, sinon vous renvoyer sur tous les sites qui relatent la vie, et l’immense œuvre de ce typographe suisse qui ne s’est jamais départi de sa gentillesse, de son goût pour les formes bien construites. Une sorte de Jean Sébastien Bach de la typographie bien tempérée qui n’a jamais oublié que la première fonction d’une typo est de véhiculer un message, un texte. Le plus lisiblement, de loin (typos pour les aéroports de Montréal) comme de près. Son Frutiger restera une des linéales les plus alternatives lorsque vous hésitez entre un Futura, trop géométrique, ou un Helvetica trop neutre, ou encore un MetaPlus, presque trop moderne. Son travail sur le caractère Frutiger s’apparente à celui d’un Eric Gill, qui sut allier tracé originel, et construction rigoureuse.
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