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La décision
BRUXELLES (Reuters) – Le groupe allemand de vêtements de sport Adidas a remporté devant la justice européenne une victoire dans la défense de son logo à trois bandes contre les imitations de marques concurrentes.
Mais la Cour de justice de l’UE, qui a rendu jeudi un arrêt très attendu, laisse aux juridictions nationales le soin de déterminer si le consommateur peut être induit en erreur lorsqu’il achète un produit sur lequel figure un logo similaire.
Adidas est titulaire de marques figuratives constituées par trois bandes verticales parallèles qui sont apposées latéralement sur des vêtements de sport et de loisirs, et dont la couleur contraste avec la couleur principale des vêtements.
La firme allemande a porté plainte devant la justice néerlandaise contre les sociétés Marca Mode, C&A, H&M et Vendex, qui commercialisent également des vêtements sur lesquels figurent deux bandes parallèles dont la couleur contraste avec la couleur principale des vêtements.
Adidas a fait valoir qu’il y avait risque de confusion pour les consommateurs, tandis que ses concurrents ont invoqué « l’impératif de disponibilité » par lequel les bandes seraient des signes qui doivent rester disponibles à tous. La Cour suprême des Pays-Bas a demandé aux juges de Luxembourg de l’aider à interpréter le droit européen et ces derniers ont, pour l’essentiel, donné raison à Adidas.Certes, ont-ils dit, le titulaire d’une marque ne peut interdire à d’autres fabricants l’usage d’indications descriptives au nom de « l’intérêt général » qui consiste à laisser certains signes « disponibles à tous ».
Mais ce principe doit être appliqué « pour autant qu’il en soit fait un usage honnête » et qu’il n’existe pas de risque de confusion dans la perception du public, qui ne doit pas être induit en erreur en pensant qu’il achète un produit Adidas.« Le simple fait que le public concerné établisse un lien entre les deux suffit », expliquent les juges européens.
Il reste toutefois une marge d’appréciation. « Le juge national doit vérifier si le consommateur moyen peut se méprendre sur l’origine des vêtements de sport et de loisirs sur lesquels sont apposés des motifs à bandes aux mêmes endroits et avec les mêmes caractéristiques que le motif à bandes d’Adidas, à la différence près qu’ils sont composés de deux et non de trois bandes », ont-ils précisé.
Le souvenir imparfait
Plusieurs évènements conjoints et croisés m’ont décidé de publier cette note. D’abord je voulais depuis longtemps faire un billet sur la Couleur et l’idée selon laquelle on puisse ou non déposer pour une marque un coloris ou un jeu de couleurs (dégradé ou pas). J’ai donc contacté Frédéric Glaize du blog Musée des Marques pour l’interviewer sur ce thème assez chaud tout de même. Puis j’ai reçu dans la foulée un mail de l’un de mes clients qui me transmet un document des plus intéressants qu’il résume ainsi:
Aux confins du cerveau, dans les zones inextricables où s’entremêlent les mémoires (mémoire visuelle, association des émotions et des images,…), les scientifiques tentent par tous les moyens de comprendre les mécanismes qui initient des comportements. Très schématiquement résumé, c’est l’un des thèmes de l’étude originale qu’ont menée les chercheurs des universités canadiennes Duke et Waterloo. Ils ont réussi à démontrer qu’une exposition, même extrêmement brève (30 millisecondes), au logo d’une marque, influençait l’esprit. Par exemple, l’exposition au logo d’IBM conduit à des idées conventionnelles et «utilitaires» (lorsqu’on l’associe à une brique, le sujet imagine tout de suite l’utiliser comme «presse papier» ou «butée de porte»). Alors que le logo d’Apple amènera plutôt l’imagination à «penser différemment» (ça tombe bien, puisque «think different» est justement la signature de la marque) : associé à la même brique, le logo d’Apple conduit à des idées plus nombreuses et plus inattendues (ou plus saugrenues ?), comme «l’attacher aux pieds de mon co-locataire et le précipiter dans un lac profond».
Voici le document PDF en anglais des chercheurs des universités Duke et Waterloo .
Encore faut-il que les marques aient remarquablement travaillé leurs logotypes. Pour qu’en cas de contrefaçon les juges n’en retiennent qu’«un souvenir imparfait». C’est le terme utilisé par l’Office communautaire des droits de la propriété intellectuelle, l’INPI européen (siège à Alicante en Espagne).
Le juriste que j’ai interrogé, Frédéric Glaize (Le Petit Musée des Marques) m’a donc expliqué qu’il suffit lors d’un procès en contrefaçon que le «souvenir imparfait» d’un logo corresponde à la contrefaçon pour que le juge puisse décider de l’infraction. Bien entendu chaque juge a sa propre conception du souvenir imparfait.
Cette attitude provient de plusieurs études qui ont été menées lors d’expertises. On a fait notamment plancher des populations tests, pour dessiner de mémoire des logotypes aussi connus que ceux d’Adidas, de Nike, d’Apple, de Carrefour etc. Bien entendu les dessins étaient tous diffférents pour chaque logo. Il en ressortait cependant des constantes maladroites certes, mais que les juges ont défini par «souvenir imparfait». Et voilà qu’un terme aussi approximatif devient un instrument de mesure, là où nous autres designers aurions tendance à faire mesurer la longueur d’onde d’une couleur ou bien à faire se superposer deux calques présumées originales et provenant de la copie contrefaite.
Je ne pense pas que cela contredise l’étude des chercheurs des universités canadiennes. Bien au contraire. Mais cela montre aussi que quelque soit les efforts de perfection que l’on déploie pour exécuter avec rigueur un logotype, une marque, le souvenir en sera toujours imparfait. On pourrait en revanche affirmer, que plus la marque sera exécutée avec précision et rigueur, plus ce souvenir risque d’être clair et nette. Autrement dit c’est précisément parque que nous travaillons sur l’irrationnel mémoriel des «receveurs» que les «émetteurs» sont tenus de paufiner à la perfection leur message. Mais ça on le savait déjà. :-).
Cela dit, cette étude montre également que nous travaillons sur des symboles et… l’inconscient du public, bien plus que sur des formes anecdotiques. C’est donc à la qualité de ce souvenir imparfait que l’on peut mesurer la qualité de notre travail.
Ce qui a fait dire à l’un de mes amis récemment que le nouveau logo de la SNCF correspondait parfaitement au stimulus mémoriel qu’on en attendait. Pas faux, même si nous pouvons en être déçus. Je lui ai bien entendu répondu que si la marque avait été mieux travaillée dans sa forme, le résultat eut été encore plus pregnant. C’est bien de tout miser sur le «carmillon», mais est-ce suffisant? En tous cas à creuser. Il fut un temps où dans les phases du travail, on présentait les premières créations de marque en noir et blanc pour passer à la mise en couleur seulement après validation de cette première étape. Une méthode imparable pour décider d’une forme graphique, devant porter symbole et sens. Désormais révolue, cette méthode n’est plus du tout pratiquée. On présente les créations en couleurs dès les premiers rendez-vous.
Mais qu’en est-il des couleurs?
Deutsche Telekom et Red Bull ont déposé la couleur magenta et la combinaison bleu-argent à titre de marques, interdisant leur utilisation non autorisée aux États-Unis et en Europe. (Des couleurs interdites à l’écran). Bien entendu cela a donné une levée de boucliers pour venir défendre le Magenta, assez désopilant bien sûr, mais pas inintéressant. Plus récemment j’ai pu entendre que la SNCF aurait déposé le «Carmillon» ce fond de dégradé mauve-vermillon qui sert comme décor au logo de la SNCF.
Et encore plus récemment puisque cela date de cette semaine: après la couleur mauve de Milka, Cadbury tente de déposer une couleur Purple, celle de ses décors d’emballage.
La discussion reste ouverte (et j’attends vos commentaires et précisions). Au fond elle porte sur plusieurs thèmes que l’on peut résumer ainsi: une marque est constitué de formes et de couleurs. Elle s’adresse sur le registre de l’activité de la marque à une clientèle plus ou moins large selon le type de produit.
Peut-on déposer une couleur sans l’associer à la forme de la marque ainsi qu’à son branding (déclinaisons archi-packaging-communication)? Peut-on interdire à toute autre marque l’utilisation d’une couleur, dès lors que son champ d’action ne recouvre absolument pas celui de la marque qui revendique cette couleur? Qu’est-ce que ce «souvenir imparfait» et l’approximation qu’il soulève au regard de la multiplication des identités visuelles. Comment déterminer la contrefaçon en partant d’un concept aussi large et subjectif tant il dépend du juge de décider tout seul de ce qu’est la ressemblance à ce «souvenir imparfait»? et de ce qu’est un public à l’inteligence et culture moyenne.
Dans les domaines de la typographie une telle approximation n’eut pas été possible car rien ne ressemble plus à une Garalde qu’une autre Garalde et nombre de dessins se seraient fait retoquer sur ces bases là. Heureusement que la typographie obéit à d’autres règles, droits d’auteur, brevets sur les logicels, droits sur la marque (le nom) etc. La musique idem, est sans doute mieux et plus clairement protégée.
Vous l’aurez compris il s’agit d’une discussion à tiroir. Vous en fermez une, dix autres s’ouvrent en même temps. Mais il s’agit de faire avancer les choses. D’aider les juristes, les designers et le public à mieux comprendre ces phénomènes de société. N’hésitez pas, commentez et argumentez surtout. La seule manière d’en sortir avec un peu de sérieux.
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Synchromy-Norman McLaren (1971)
Adobe serait-il obligé un jour d’ajouter à ses boîtes de dialogues, nuanciers, et sélecteurs de couleur, des avertissements pour couleurs déposées et interdites! Une fiction ou une réalité future?
Un grand merci à Frédéric Glaize sans qui je n’aurais pas pu avoir les idées aussi clairement colorées…
Les trois images ci-dessous pour illustrer les propos que Soheil nous a aimablement posté dans les commentaires.
très belle source d’inspiration, merci pour cette porte ouverte créative.