PAS TOUS LES GENS QUI BRÛLENT DES LIVRES SONT DES CRIMINELS

L’autre jour j’ai écouté notre ministre Jean-Michel Blanquer s’indigner de voir des enseignants jeter des livres et des cahiers à terre. Comment? – des symboles de notre civilisation jetés à terre, voire brûlés? insupportable image! A t-il répondu. Le journaliste de lui rappeler que c’était un peu l’image de Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Absolument dit le ministre. Insupportable image. Un crime contre la mission première de l’enseignant.

J’ai fermé mon écran 15“ et j’ai réfléchi. Patiemment j’ai essayé de détricoter ce que je venais d’entendre et de voir. Pas simple car l’image est forte et a priori le ministre pourrait avoir raison. • Alors revenons au roman de Bradbury et au film qu’en a tiré François Truffaut. L’auteur, le cinéaste décrivent un monde dans lequel les livres ont été bannis, interdits avec obligation de regarder la TV et de jouer à des jeux interactifs entre téléspectateurs. Plus un livre sur la Planète, ou, en tous cas dans un lieu, un pays imaginaire. Des pompiers-flics chargés de brûler le peu de livres que l’on trouvait ici ou là, souvent sur dénonciation de voisins ou de la famille. (Orwellien)

La scène mémorable du film montre une dame qui avait conservé toute une bibliothèque et qui ne voulant pas abandonner ces pages imprimées si précieuses s’est sacrifiée dans un Autodafé sur l’amas de livres que les pompiers venaient d’arroser d’essence. Image terrible nous renvoyant aux images de sorciers, de religieux, de chrétiens, de Jeanne d’Arc mais aussi au bonzes qui se sacrifiaient pour convaincre l’Amérique d’arrêter la Guerre au Vietnam. Napalm et autres images encore. Apocalypse Now et la petite fille qui court pour échapper aux flammes. Mais dans Fahrenheit 451 la dame ne s’échappe pas. Elle brûle devant les pompiers interdits. Paralysés par le sacrifice ultime. • Le papier brûlerait à la température précise de 451 degrés Fahrenheit. C’est à dire à très exactement 232,778 degrés celsius.

Pourquoi ai-je le sentiment profond que le ministre a «enfumé» le journaliste et donc les internautes-citoyens-spectateurs inertes devant leurs téléviseurs?

Parce c’est très exactement l’inverse qui se passe ici et maintenant. Les mouvements sociaux peuvent êtres qualifiés de tout ce que vous voulez. Y compris de conservateurs. Puisque en somme les classes sociales à l’exception des plus fortunés et des mieux lotis voudraient conserver des acquis donc le résultat de conquêtes sociales durement arrachés aux forces de l’Argent. Ils inventent donc des luttes et des symboles de luttes pour faire passer des messages d’alerte au démembrement de ces acquis. Les chanteurs de l’opéra, les danseuses des ballets nationaux, les avocats jetant leurs robes et les médecins abandonnant leur fichiers Excel pour se consacrer aux soins des patients.

L’autodafé des livres et cahiers pour choquant qu’il soit, correspond bien au même type de symboles d’un métier dévalorisé, où je ne connais pas un enseignant qui ne souffre pas des contraintes du nombre, de la souffrance et de l’angoisse des élèves eux mêmes, et des distances de transports et des incertitudes de leur affectation. Sans compter de la faiblesse des salaires en début et milieu de carrières.

Alors si on suit ce raisonnement et ces constats ne devrions-nous pas arriver à l’exact opposé de l’interprétation du ministre?

C’est précisément en brûlant ces livres et cahiers que les opposants à la réforme des retraites donnent l’alerte de l’imminence d’un monde où l’éducation serait tellement dévalorisée que les citoyens n’auront plus l’esprit solide et clair pour penser l’avenir de chacun. En brûlant le précieux papier de Gutenberg les enseignants alertent des dangers d’un monde à venir sans une éducation de qualité pour tous. Et que par conséquent l’attitude offusquée du Ministre relève d’une certaine manière de la tartufferie la plus exécrable. On peut imaginer que dans ce gouvernement Macronien tous les ministres sont permutables.

Mais je connais un peu Monsieur Blanquer et me demande pour qu’elle raison cet honnête homme ne fait pas un geste aussi clair que fit Nicolas Hulot? Il y a un temps pour le service « au bien public ». Et un temps pour tirer les conséquences d’un gouvernement qui ne juge son travail qu’à l’aune de l’abolition de ce qui fait l’attractivité réaliste de la France. Ses services publics et bien sûr sa merveilleuse géographie et ce corps social si envié dans le monde entier, notre administration.

Monsieur Jean-Michel Blanquer je vous en conjure ne donnez plus votre caution à ce gouvernement qui, au lieu de faire, défait la France.

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