Typographic Communications Today | Edward M. Gottschall | reloaded

Les mois d’été sont l’occasion de réviser et re-publier des articles déjà publiés. Et là, comme pour quelques autres chapitres, nécessité fait loi. Pourquoi?

En l’occurence lorsque nous avons publié ces chroniques voici un an, cela a bien pris une à deux semaines avec un découpage chronologique qui place les derniers écrits en premier. Ce faisant, et c’est le principe des blogs, lorsqu’une «histoire» se décline sur plusieurs jours, il faut être très courageux pour remonter la chronologie exacte qui pourtant correspond au véritable timeline de la publication. C’est donc presque une œuvre utile et nécessaire de temps à autre de réorganiser ce genre de billet pour les remettre dans l’ordre et permettre ainsi aux visiteurs de «dérouler» sans accroc toute la publication.

Le point de vue de Gottschall est d’autant plus intéressant qu’il couvre une période de la fin du XIXe jusqu’à la date d’édition de l’ouvrage, 1989. La veille de la troisième guerre mondiale (typographique j’entends). Il est également d’autant plus enrichissant (en reprenant le commentaire de Catherine Guiral) que l’ouvrage met en perspective constante à la fois l’évolution historique des idées et mouvements atistiques, ainsi que les évolutions technologiques qui permirent aux arts graphiques de connaître une des plus grandes révolution culturelle et technique jamais constatée depuis Gutenberg.

Je ne dis pas que c’est la première fois que l’on aborde l’histoire des arts graphiques de la sorte. La civilisation de l’écriture de Roger Druet en est un exemple saisissant. Mais alors que R. Druet concentre tout son effort d’érudit sur les mouvements typographiques, Gottschall lui survole la question en n’oubliant jamais l’essentiel, la culture des hommes qui ont marqué ces années de braise d’une typographie finissante pour certains, et naissante pour d’autres

Lorsque Edward M.Gottschall s’attaque à «son histoire» de la Typographie et des Arts Graphiques, il se trouve rapidement confronté à plusieurs écueils, dont pour n’en citer que quelques uns:

• définir son périmètre ou corpus
• le volume (format et pagination) qu’il compte y consacrer
• le découpage
• les illustrations
• une difficulté majeure: le marketing de l’édition

Et je commence par la fin. Gottschall était n’oblions pas l’un des trois fondateurs d’ITC. Lubalin et Burns en tête. Il était un peu l’ingénieur, le financier, le logisticien de cette entreprise d’édition de caractères qui connut un des succès les plus fulgurant dans le monde extrêmement fermé des Fondeurs de caractères. La raison en fut comme je l’ai déjà expliqué dans mes articles consacrés à Herb Lubalin , que pour la première fois dans l’histoire de la typographie, la création des polices était déconnecté de l’industrie des fabricants de supports de composition.

ITC, d’emblée se positionnait comme un éditeur de caractères et non comme un fabricant. Ce qui lui vaut aujourd’hui encore d’avoir conservé une modernité structurelle puisque son modèle économique n’a souffert d’aucun vieillissement depuis près de 36 ans, tout de même un record de longévité dans un monde des industries graphiques qui connut des bouleversements saisissants.

Mais lorsqu’il s’attaque à l’écriture de cet ouvrage Gottschall est confronté à un frein immense. Celui d’être d’emblée taxé d’écrire un livre à la gloire d’ITC. Une sorte d’autopromotion marketing qui viendrait s’ajouter aux nombreuses publications des Upper & Lower Case et catalogues divers que la firme distribuait gratuitement de par le monde. Et du coup s’est posé pour lui tout un tas de questions d’ordre éthique, financier, marketing et, et méthodologique.

Pour balayer les arguments des détracteurs il décida tout d’abord du corpus:

L’évolution croisé des trois domaines historiques :

• la forme des caractères depuis la fin du XIXe siècle, avec tout de même un chapître entier consacré à une classification très «américaine» des caractères,
• l’évolution des technologies de composition qui influent considérablement sur les formes typographiques ainsi que sur leur créativité
• l’évolution graphique de la mise en scène de la typographie au cours du XXe siècle en prenant pour point de départ la fin toujours du XIXe.

Et puisque problème d’éthique il y avait, et que Gottschall n’était lié à aucune contrainte économique aucun frein financier parce qu’ITC nagait alors en plein succès faisant des profits plus que confortables, il décida de consacrer et l’espace nécessaire (no limit) pour le format (260×360 fermé) et le nombre de pages (voire de cahiers) qu’il fallait pour racconter «son» histoire de la Typographie.
Au total il publiera 250 pages tiré sur un simili chromomat ou job classique en 135 gramme.

Pour les connaisseurs il respectera jusqu’à la superposition des alignements typographiques des pages recto-verso pour éviter le moindre cafouillage due parfois à la transparence des papiers.

Pour ce qui est des illustrations, Gottschall prendra tel Kissinger l’avion à Kennedy Airport et fera au moins deux tours du monde pour aller à la pêche aux images. Il n’avait pas trop le temps Gottschall. Devait déjà avoir plus de soixante ans et, sans internet pour communiquer. Avec un crédit quasi illimité, et la nécessité de boucler le dossier en quelques mois pour pouvoir prendre sa retraite, il a engagé tous les moyens nécessaires à la collecte des illustrations.

Son premier chapître : Many Faces of Typographic Design n’est qu’une mise en bouche avant l’entrée véritable. Il y étale en long et large la prolifération typographique pointant à la fois l’ordre et la confusion qui alterne dans cet art (en parlant de la scénographie).

Seul clin d’œil à Herb Lubalin en ce début d’ouvrage…

Le deuxième chapître: évolution et révolution depuis Constable à Kandinsky.

Là nous entrons dans le vif du sujet puisqu’il fait un rapide retour en arrière sur l’histoire de l’art pour venir en fin de compte légitimer avec l’apparition de l’Art Nouveau (Mucha, Grasset, Will Bradley) l’introduction de la typographie dans les arts plastiques. Un peu léger tout de même, surtout après avoir lu l’introduction d’Alain Korkos à cette série de billets. Mais il fallait bien démarrer son ouvrage.

«L’Art Nouveau s’inspirait de boucoup d’influences: Les illustrations de livres de William Blake, la calligraphie Japonaise, les dessins incurvées de Van Gogh, les ornements Celtiques, le style rococo ainsi que les aplats colorés chers à Gauguin»…
Et il en arrive enfin à citer le Belge Henri Van de Velde qui fut appelé par le Grand Duc de Saxe en 1902 pour réorganiser l’institut des Arts Appliqués avec les Beaux Arts de Weimar. Sans doute anticipant ainsi sur la future fondation du Bauhaus par Walter Gropius.

Une composition futuriste de F.T.Marinetti, 1919.

Et il aborde la naissance du mouvement Dada avec l’écrivain hongrois Tristan Tzara qui à l’instar des artistes contemporains épprouvait la nécessité de déconstruire les canons de l’esthétique traditionnelle en réaction aux pesanteurs d’un monde ancien qui refuse la modernité.

à gauche Carlo Carrà (1914), à droite George Grosz, une couverture pour le magazine Der Blutige Ernst (1919).

1912, Duchamp (l’image est ici couché à 90° à gauche ;-), Nue descendant un escalier.

Kurt Schwitters, 1927, un projet d’alphabet phonétique.

1917, Calligrammes de Guillaume Appolinaire et à droite, 1923, Ilya Zdanevitch. 40 polices étaient au moins utilisés dans cette composition. (1 police à cette époque correspondait non seulement à un dessin mais aussi à un corps donné).

Wassily Kandinsky, 1934, huile et sable sur toile. Guggenheim, New-York.

Toujours Kandinsky, 1923

Mark Rothko; 1950

Jackson Pollock, 1950

El Lissitzky réalisa ces pages pour le «Voice» en 1923: des mots à voir sans être entendus. Cette phrase de Lissitzky me renvoi à mes écrits sur l’utopie graphique que j’avais publié au début de ce blog. (Voir les articles consacrés à Hermann Zapf et Neville Brody). Il s’agit ici d’un recueil de poème ou le graphiste a conçu un index alphabétique qui se lit comme les touches d’un piano.

Piet Mondrian, une composition de 1929. Gottschall lie une relation avec l’artiste Vilmos Huszar qui dessina le titre (juste à côté de la figure de Mondrian) pour le De Stijl.

Piet Zwart, mises en page. Introduction des diagonales, des cercles et des courbes géométriques.

1924, H.N.Werkman

Un prospectus dessiné par Laszlo Moholy Nagy pour le Bauhaus.

Caractère Universal dessiné par Bayer, 1925, de même que les mises en page ci-dessous (1923)

Où l’on voit (1952) que Bayer s’est libéré des contraintes géométriques pour un «free style» plus organique. Publicités corporate pour le Western Man.

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Gottschall aborde ici dans son Chapitre IV l’influence dominante du Bauhaus. Lorsque je regarde aujourd’hui cette mise en page d’Herbert Bayer pour le Harper’s Bazaar, je me dis tout de même, quel courage, quelle témérité ces artistes ont du déployer pour imposer une grammaire graphique aussi mathématique. Bien entendu on me dira qu’avec l’industrialisation et l’émergeance des villes sur les campagnes il était «naturel» de retrouver dans l’expression graphique et artistique (le cubisme), une nouvelle structuration des espaces d’information et publicitaires. Sauf qu’ils ont été les précurseurs, les premiers. J’imagine sans peine le degré de personnalité qu’ils ont dû atteindre pour combattre toutes les inerties de l’époque.

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Affiche par Jan Tschichold, 1937. Dynamique, toute en bas de casses (minuscules), l’espace blanc est utilisé comme un élément graphique à part entière.

Tschichold a fait parti du Bauhaus avec Walter Gropius et donc suivit tous les préceptes modernes du constructivisme conceptuel. Mais il prit du champ lorsqu’il comprit l’impossibilité d’épanouir son goût pour la calligraphie et les lettres anciennes. Sans doute pour cela qu’il dessina très tardivement le Sabon. Son texte dans «Die Neue Typographie» lui valut d’être accusé de vouloir créer une typographie antigermanique par les Nazis. Fuite en Suisse. Etc. Le livre de Gottschall est à ce titre exemplaire parce qu’il mêle à la fois l’histoire des grands mouvements avec des citations-interviews des artistes. Très vivant.

Qu’est ce qu’une grille? Le concept nous dit Gottschall existait déjà chez les moines Boudhistes Zen. Il fut redécouvert au XXe par les architectes comme Le Corbusier (Le Modulor) et mis en pratique par Herbert Bayer, Max Bill et Richard Paul Lohse.

Aujourd’hui l’utilisation des grilles s’est considérablement banalisée par le fait même des Softwares de mise en page qui d’emblée, à l’ouverture d’un document vous proposent de subdiviser les pages en colonnes et marges. Mais en ce début du XXe il s’agissait d’une véritable aventure-réflexion sur la manière d’organiser les espaces d’information (Journeaux, catalogues, rapports) et de publicité.

La chronologie (le Timeline) de Gottschall est relativement simplificatoire (?). Début du siècle; l’avant-guerre (14-18 et 39-45); l’après-guerre; les révolutions technologiques; les révolutions visuelles (typographie, illustration, photo, graphisme) qui s’étendent jusqu’à l’écriture de l’ouvrage. Mais il est magnifiquement documenté, un vrai plaisir didactique et tout simplement visuel.


Nous sommes là déjà dans le Chapitre VI: Clareté et Systèmes de Grille. La typographie suisse triomphe. Bien entendu nombre d’artistes comme Tschichold venaient d’Allemagne et du Bauhaus qui avait insuflé cette rigueur architecturale.


Chaque problème posait la nécessité d’inventer une grille adaptée. Ci-dessus des affiches de concert réalisés par Josef Müller Brockmann pour le Tonhalle Gesellschaft de Zürich.

espaces géométrisés, découpés, en colonnes, en cercles concentriques, flux de lecture agréable et rythmé, sobriété des moyens, couleurs pastels avec aplats noirs… organisent les messages pour le plus grand confort du lecteur. Les artistes, de plus en plus confrontés aussi à l’émergeance d’une société de consumérisme, où les espaces économiques et culturels entrent en compétition permanente. Cela dit Gottschall relève aussi les conflits naissants avec des artistes désireux de s’affranchir de ces rigueurs trop protestantes. La rebellion s’organise.

Je dois vous avouer qu’à ce stade il me faut faire quelques parallèles et notamment avec l’ouvrage de Wlassikoff que d’aucuns me reprochaient par commentaires interposés (et non publiés parce qu’anonymes ;-) de ne pas avoir suffisamment critiqué. L’œuvre d’historien de Michel Wlassikoff est en tout point exemplaire sauf qu’à vouloir isoler l’histoire des arts graphiques française du reste du monde il a fait forcément très court sur l’affaire du Bauhaus. Voire même sur la rebellion qui s’en est suivi, de même que la révolte des artistes contre la rigueur suisse est passée à la trappe. Au fond Michel Wlassikoff passe directement de l’Art Nouveau au DaDa et à ce qu’il appelle les Avant Gardes avec Cassandre, Carlu, Colin (les Trois C comme aimait le dire Paul Gabor ;-). Mais Brodowitch ne s’arrêta qu’un court moment en France préférent s’exiler à New-York, quant à Cassandre tout le monde connaît ses origines russes. M.W. par une sorte de chauvinisme mal placé, fait mine d’ignorer les pesanteurs du conservatisme Français d’une époque où tout ce qui pouvait venir de l’est (Allemagne, Russie) était taxé de fascisme ou de stalinisme. J’en reviens au Gottschall

Nous sommes ici dans le chapitre VI: Clareté et Systèmes de Grille. Ci-dessus un Prospectus pour Kobler & Co conçu par une classe d’Alfred Willimann à Zurich en 1953. Décomposition des fonds colorés.

Où Gottschall nous explique le way-off de l’émigration du style suisse-made (Max Bill, Richard P. Lohse). Et c’est la Revue Neue Grafik auquel ils collabolèrent qui exporta leur style vers la France, l’Italie et l’Angleterre.

Affiches pour le tourisme Suisse (1930 et +) par Herbert Matter. Rapports grandissants entre photo et typo. Etroite relance de l’un par l’autre.

A gauche brochure pour Thecla conçu par Anton Stankowski (1934), à droite travaux personnels du professeur Schneidler. Typographie et Calligraphie.

Style Bauhaus par Ladislav Sutnar (1929)

1947 Publicité par Max Huber dans le magazine Domus, à droite Max Huber toujours, 1943

Gertsner marie typographie et photogrammes à la Moholy-Nagy.

Alexey Brodowitch s’exila à New-York où il fut accueilli à bras ouverts et put développer toutes les idées modernes du Bauhaus dans les magazines de Mode. Il enseignait, travaillait sans relache avec les plus grandes publications en vogue et commençait une longue collaboration avec Richard Avedon (photographe) et Truman Capote (écrivain).

Au chapitre VII de Typographic Communications Today, Gottschall aborde au fond le sujet qui pose débat et dont l’ouvrage de Michel Wlassikoff ne fait pas vraiment état. En un mot, la succession des deux guerres mondiales à poussé les meilleurs architectes et graphic designers à traverser l’Atlantique. Et là, sans aucun état d’âme, puisque l’heure était à l’expansion économique libérale, ces artistes se sont fondus dans l’expression la plus populaire, la publicité. Edward M. Gottschall ne critique absolument pas le cantonnement du graphisme moderne en Europe aux champs culturels, mais il montre par les innombrables exemples comment cette modernité put s’intégrer, dans un pays à l’économie o combien libérale, à l’expression de l’Advertisement.

Une brochure pour les chaises Knoll par Herbert Matter (1956)

Les deux repros ci-dessus: de Cipe Pineles.


à gauche une couverture pour le magazine «Direction», à droite une adaptation du célèbre dessin de Cassandre par… Paul Rand.

Box pour G.H.P. Cigar Co, 1957 Paul Rand

Couverture de livre, 1951, Paul Rand

Paul Rand adorait faire «bouger» la typo, mais jamais gratuitement et sans raison.

Les «Inspirations Westvaco» par Bradbury Thompson.

L’un des plus influents graphic designer des 60 dernières années fut sans doute ce génie de la construction primaire. Né à Topeca dans le Kansas en 1911, il devint l’un des chefs de file les plus importants du mouvement graphique américain. C’est entre 1939 et 1961 lorsqu’il prit la responsabilité du design (designer-editor) des Inspirations Westvaco que son génie «explosa» litéralement. Créant des alphabets (The Mono Alphabet, l’Alphabet 26) Brad Thompson relifta de nombreux magazines dont Mademoiselle.

William Golden inventait l’identité corporate. Pour ceux qui ont suivi mes notes précédentes souvenez-vous, c’est lui qui recruta Lou Dorfsmann à la CBS. Nous sommes ici dans les années 40.

1954, toujours William Golden

1954, William Golden pour la CBS

Les caractères typographiques ont cette particularité de pouvoir insuffler un supplément d’âme à un texte, à un message. Par leurs formes, leurs dessins traditionnels ou modernes, empattements humanes ou garaldes ou encore mécanes, par le contraste des pleins et déliés et la sensibilité du tracé. Par la lisibilité intrinsèque de l’œil d’un «a» ou d’un «e» et «u», mais aussi et surtout par la manière de composer un texte, tantôt serré, tantôt relaché, les lettres sont porteurs d’un message supplémentaire tout comme les gestes d’un mime comme Marceau ou la voix chuchotante d’un Jacques Weber. La typographie d’un texte c’est comme le timbre d’une voix, rocailleuse ou bien chantante, masculin ou d’une sensible féminité, elle offre au lecteur une dimension visuelle et sensible qui transfigure inconsciemment la teneur du texte.

Et Edward M.Gottschall nous donne à voir les différentes typologies des caractères du XIXe jusqu’à 1969. Il les détaille comme vous pouvez en lire un bref résumé en anglais et s’arrête à cette date symbolique de 1969, date de la création d’International Typeface Corp, où le monde de la création gutenbergienne va basculer vers un renouveau à la fois esthétique et marketing.

Tout le monde se plaignait des gravures de poiçons du XIXe trop léchés, trop maniérées, et nonobstant les travaux herculéens de William Morris, des esprits modernes comme Stanley Morison ou Frederic Goudy, mais aussi Jan Tschichold ou Eric Gill se sont rebellés pour apporter connaissance historique, sensibilité et renouveau à la fabrication des types qui allaient nourrir les composeuses mécaniques (Monotype et Linotype ou Intertype).

Ce qui de fait allait devenir une révolution ininterrompue tout au long du XXe siècle, la possibilité d’imprimer des textes sans aucune altération du dessin typographique. Déjà avec la composition mécanique, mais ensuite avec la photocomposition puis le flashage d’une typographie vectorielle, jamais depuis Gutenberg on a connu une telle fidélité dans la reproduction des alphabets. Les passionnés comme Morison ou Béatrice Warde l’avaient bien pressenti. Une aube nouvelle s’ouvrait, et à la qualité graphique et à l’inventivité.

Ci-dessous le classement des caractères (selon Gottschall, mais aussi et on peut le dire selon le système américain en général).

Voici détaillé de façon très claire les 4 étapes de la révolution technologique qui amena le Monde à entrer dans un espace Gutenbergien à l’échelle planétaire.

Cette référence à Gutenberg qui inventa le «type» mobile en plomb vers les 1492 à Mayence est devenu chez moi une habitude voire un tic ou un toc. Ce n’est pas du tout ce que vous croyez. Je ne rêve ni d’un monde ancien, ni ne fait l’éloge du plomb vs les lettres de lumière (auj. le Laser), mais j’y reviens sans cesse parce que la plus grande invention chez Gutenberg ce n’est pas le support lui-même, mais bien plutôt la mobilité du caractère qui cessa d’être figé pour la première fois dans l’histoire de l’humanité dans un mot, dans une page.

Un caractère en HTML n’est ni plus ni moins la même chose. Mobile, interchangeable, répétable et remplaçable. Et toute la culture du 3W de nos jours lui doivent cette invention universelle.

4 générations de photocomposeuses se succèdèrent entre 1957 et 1988 :

1) photo/optique: le principe que l’on trouve dans l’invention de la Lumitype de Moiroud et Higonnet fut décliné jusqu’à 1980 par l’ensemble des fabricants de machines à photocomposer.

2e génération) à partir des années 70 les systèmes permirent de composer les lettres capturés sur des écrans CRT (Cathodic Rayon Tube). Le tube était minuscule, il ne laissait passer qu’une lettre à la fois. Mais la vitesse de défilement de ces lettres électronique passa de 8000 caractère heure à près de 30.000. On commeçait à entrevoir la possibilité de recomposer des annuaires de téléphones et des horaires d’avions sans être obligé de recomposer à la main chaque ligne.

3e génération) les lettres étaient directement «générés» par un tube cathodique pour être projetés sur le support film. Cette fois plus de mouvements mécaniques. Le flux de flashage devznait régulier et l’on entrait progressivement dans la virtualité typographique la plus totale.

4e génération) associé à des ordinateurs puissants, la technologie des photocomposeuses s’approche de ce que l’on connaît aujourd’hui. Les textes composés par des clavistes. Mises-en mémoire. Corrigeables sur des écrans dédiés et re-composables à l’infini.

1989: le Postscript) Il ne manquait plus qu’une dernière invention, mais Gottschall n’y fait pas vraiment référence, bien qu’il l’entrevoit (voir figures ci-dessous), l’invention des courbes vectorielles qui allait alléger le «poids» des caractères virtuels, qui au lieu d’être définis par des dots (des pixels si vous voulez) étaient «décrits» par un contour vectoriel qui comprenait à peine quelques dizaines d’informations mathématique. (courbes de Bézier). On pouvait enfin entrer dans le monde de la vitesse et de la miniaturisation des machines (Laserwriter etc.)


Ci-dessous une machine à photocomposer Berthold «Diatronic». Vitesse de frappe et flashage des lettres photomécaniques 8000 caractères heure. Montés sur une minuscule plaquette les caractères où les lettres étaient reproduites en corps 8 étaient composables jusqu’en corps 20. La perfection même. On pouvait encore agrandir photographiquement les lettres jusqu’à 200 mm sur la Cap sans trop d’altération des formes.

Chef de studio chez Berthold: le docteur Langhe


Photocomposeusediatro_1

Le claviste typographe ne «voyait» que les 8 derniers signes qu’il frappait sur une petite fenètre de display électronique.

Une machine comparable de chez Compugraphic (devenu par la suite Agfa-Compugraphic)


Cg_compuwriter

Toujours une photocomposeuse de la première génération (1975). Les lettres frappés par le claviste, mises en mémoire tampon pour la valeur d’une ligne, une fois le retour ligne validé, le computer calculait les blancs à distribuer entre les mots pour justifier la ligne, et la machine «flashait» la ligne. (ces répétitions de mots m’exaspèrent mais indispensables pour comprendre le fonctionnement ;-)

L’ouvrage de Gottschall est à ce titre exemplaire. A cause sans doute de sa culture et des moyens d’édition sans limite comme je le disais dans une des premières notes le concernant, il peut développer le thème des révolutions technologiques avec à la fois une précision et une exhaustivité rares. Il va donc détailler l’anatomie des caractères, Les technologies de composition, et surtout toutes les solutions graphiques que ces inventions vont pouvoir générer.

Chapître XII: Bits, Bytes et Design Typographique.

Revisitation de la Presse, des graphiques,

et… entrée en scène du rôle d’ITC, de Lubalin dans le paysage typographique mondial. Mais il est à noter à cet instant que jamais l’ouvrage d’Edward M.Gottschall ne devient une homélie en l’honneur d’ITC. Il sait garder ses distances afin d’atteindre à cet objectivité universelle qui fait de son œuvre d’historien bien plus qu’un catalogue d’autopromotion.

Otto Storch pour McCall’s

Travaux de Weingart

April Greiman Los Angeles

California Institute or the Arts poster

California Institute of the Arts view book

Servir le message, dit Gottschall, est une approche payante (littéralement) du design graphique et typographique. Il cite les articles de Weingart dans Graphis qui souligne l’opposition des graphistes inféodés à l’école Suisse et ceux qui ont cherché par la suite à innover…

…Odermatt et Tissi, Hanz Rudolph Lutz, Emil Ruder, Piet Zwart, Karl Gertsner, Jan Tschichold, El Lissitzky et bien sûr Wolfgang Weingart soi-même.

à gauche et à droite Odermatt et Tissi

à gauche et à droite Odermatt et Tissi

Odermatt et Tissi

Odermatt et Tissi 1985, affiche d’expo pour le Type Director Club de New York

Odermatt et Tissi à gauche cinq alphabets, à droite une pub pour un journal

Ordre et organisation pour un tabloïd zürichois par Gottschalk & Ash International.

Gisela Cohrs, West Germany, 1984. Expression puissante du «manuaire» faisant irruption dans une composition typo.

Mendell & Oberer à Munich combinent des images fortes avec des typos expressives mais très lisibles.

Il y a chez Edward M.Gottschall une telle fascination pour l’histoire qu’il nous raconte et surtout dé-montre, qu’il en vient parfois à se mélanger dans les ordres chronologiques. Ou alors et c’est une autre hypothèse, il cherche à rapprocher les styles d’hier et d’aujourd’hui ce qui en soi n’est pas inintéressant non plus… ici, ci-dessus nous sommes dans les années 50 avec Olaf Leu, page de gauche et pour U$A, puis Anton Stankowski en 1928, 1929, 1948, 1957, 1962-64 pour tous les autres design de la page droite.

Parfois la calligraphie individuelle, belle et unique convient mieux à une créa.
A gauche pricipalement Friedrich Neuegebauer, Autriche. Quant à la page de droite, elle est entièrement consacrée aux créations de Carré Noir de l’époque Michel Disles, Gérard Caron, Albert Boton, Gérard Saingt. Nous sommes au début des années 80. La pub, les logos, ça se soignaient comme dirait mon cher Albert avec sa voix douce et plein de miel, son Montecristo coincé sous sa moustache Napoléon III.

Une Affiche de Paul Ibou pour le ministère de la culture néerlandaise.

Square letters dessinées par Paul Ibou (nous sommes dans les années 60)

Gottschall visite tous les pays européens, ici la Finlande, l’Espagne, l’Italy avec des noms comme Ben Bos, Gert Dunbar, Jose Pla-Narbona (pour la planche du bas au milieu à droite)

Une série de Posters pour un Jazz Festival par Errki Ruuhinen, 1985-87
les caractères se libèrent de contingeances de la composition traditionnelle et l’on revient presque qux fondamentaux DaDa.

Viktor Kaltala

Suède: John Melin & Anders Osterlin en 1961 pour le Modern Museum.

En haut à droite, José Pla-Narbona, Espagne. Où l’on voit les tendances lubaliniennes se décliner avec des accroches typos puissantes

et ici une série pour Olivetti par Walter Ballmer

ici des pubs Viking Line par l’Art Director, Lasse Liljendahl, Suisse

José Pla-Narbona, Espagne

Giovanni Pintori pour Olivetti en 1948

Walter Ballmer Italy

Walter Ballmer Italy

Alfieri et Lacroix, 1964

Albe Steiner pour Alfieri & Lacroix, 1960

1959, Franco Grignani, Italie, idem en 1955 à droite

Albe Steiner Italie

Albe Steiner Italie

1978, 1975, 1981 Italie, par Bruno Montguzzi

Ici Gottschall aborde le graphisme Tchèque. C’est dire qu’il a fait le tour de la «vieille europe» pour faire ses emplettes de références et que l’ouvrage se ressent de cette universalité.

Et l’auteur revient sur les «années russes» qui fondèrent l’autre pendant du Bauhaus en Europe.

Ici Malevich, 1914

Le bonhomme typo c’est Yuri Bazhanov, 1977, à droite la composition structurée de Maxim Zhukov (book designer)

Dans ce sous-chapitre Gottschall aborde la diversité du graphisme russe durant les années 60-80

où l’on voit bien l’influence des Milton Glaser, Saul Bass et Takenobu Igarashi bien sûr

Voici les dernières pages de cet ouvrage majeure de Edward M.Gottschall. J’ai sauté depuis le début de ces publications un certain nombre de pages que vous retrouverez dans une galerie complète (adresse à la fin de cet article). A la fois pour des raisons d’économie d’espace sur le blog, mais aussi parce que dans la galerie les images sont traités à une taille légèrement supérieure et donc infiniment plus spectaculaire. Je ne saurais que trop vous recommander d’aller y jeter un coup d’œil. Je profite aussi de cette dernière note pour vous inviter à me poser des questions ou me demander des précisions sur des légendes et origines qui pourraient manquer tout au long de ces huit articles. Pour être précis, il suffit de m’indiquer le nom du fichier qui comprend un numéro d’ordre, facile ainsi de retrouver l’image en question ;-)

Je voudrais aussi apporter ici les quelques critiques mineures sur cet ouvrage (en fin d’article) qu’il ne manque pas de susciter. Et ce dans le souci d’une objectivité puisque je n’ai pas hésité à comparer le travail d’historien de Gottschall à celui de Jean-Luc Dussong et de Michel Wlassikoff. (cf en fin d’article)

Nous sommes là toujours dans le chapître XIII: Many Faces of Typography Today

Gottschall voyage dans tous les pays et y collecte les travaux «locaux» ce qui lui permet de construire un panorama international des styles graphiques. Ici Hong Kong (Henry Steiner), l’Iran (Morteza Momayez), Israël (Dan Reisinger), Brésil (Oswaldo Miranda).

Les travaux de Miran pour le magazine Raposa (Bresil) où l’on voit les influences de Lubalin puisque cet artiste a créé un studio en joint venture avec Herb Lubalin.

Yusaku Kamekura (Japon) Ces travaux ici s’échelonnent entre 1954 et 1983

à gauche Kabuki No Hakken, à droite une affiche de Morisawa photo typeset par Ikko Tanaka (idem pour l’affiche ci-dessous 1972).

Kazumasa Nagai dans les années 80.

1958, Ikko Tanaka, influencé par la Neue Graphik qui s’épanouissait en Suisse. Affiche pour The Fifth Sankei Kanse Noh.

Pentagram, John McConnell, 1985

Posters designé par Mervyn Kurlansky partenaire de Pentagram (1972-1980)

deux affiches pour les transports Londonien par Tom Eckersley

deux affiches pour les transports Londonien par Tom Eckersley

Saul Bass pour l’affiche du film Exodus.

Tout de même, quelques travaux de Herb Lubalin. Mais on voit tout au long de l’ouvrage de Gottschall la parcimonie avec laquelle il distille l’œuvre de Lubalin voulant surtout éviter de succomber à la fascination que celui-ci exerçait sur toute son «équipe».

Herbert Lubalin pour la CBS et Upper & Lower Case (U&LC)

Saul Bass pour l’affiche du film d’Otto Preminger, Anatomy of a Murder (à gauche)

Lubalin toujours pour Upper & Lower Case

Dans une harmonie parfaite entre les roues d’un vélo et le Futura Light, une illustration pour le magazine Woman’s Day par Gene Federico.

Gene Federico (1980’s)

Robert P.Smith (1963), Aaron Burns (1959), Doanald Egensteiner (1960), Dan Friedman (1974-1980) etc.

L’œuvre de Lou Dorfsman

Bob Farmer pour ITC et Otto Storch, George Lois, Seymour Chwast, Jacqueline Casey

Seymour Chwast

Seymour Chwast

Alan Peckolick pour Pushpin Peckolick à Wiesbaden (Allemagne)

Massimo Vignelli pour Knoll

Mo Lebowitz (page gauche), Massimo Vignelli (sur la page de droite)

ciquez ici pour voir les 300 diapos de la galerie complète

© Tous droits de reproduction réservés. Usage académique, strictement réservé à l’enseignement et la pédagogie dans les arts graphiques. ©Design et Typo, 2006.

notes d’introduction :

Les Peintres et les Lettres préface d’Alain Korkos à Typographic Communications Today

Graphic Design 20th Century typographie approximative

Typographic Communications Today (1) Le Wlassikoff

Typographic Communications Today (2) du plomb au numérique

Un bref résumé de ce qu’est le mouvement DaDa

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