Voici enfin une étude que j’ai réalisé sur l’ouvrage édité par les éditions Eyrolles intitulé <Création Typographiques > de 1985 à nos jours. Je dois vous avouer que cette étude a été menée en plein accord avec l’éditeur qui m’a laissé toutefois l’entière liberté de parole pour encenser ou désavouer son travail.
Dans l’avertissement au lecteur, Eyrolles nous prévient qu’il s’adresse avant tout aux designers débutants, ce en quoi il a raison et tort à la fois. Raison, quand il s’agit d’évaluer le travail au regard de ses qualités académiques, tort lorsqu’il s’agit de l’estimer en tant qu’œuvre documentaire relatant la somme des exemples typographiques cités.
Tort tout d’abord. Ce n’est pas la première fois que nous voyons le fonds graphique ici présent. L’éditeur hollandais Cees W. De Jong avait déjà publié un ouvrage *Graphic Design in XXe century*. Je l’avais moi-même relaté dans les colonnes de D&T ici .
Je me souviens qu’une des principales critiques soulevées concernait l’absence de Herbert Lubalin dans cette édition. Absence qu’on ne pourra cette fois repprocher dans le présent ouvrage puisque son corpus concerne la période allant de 1985 à nos jours. Sauf à considérer l’introduction historienne du livre qui remonte au début du siècle et parcourt rapidement toute la période antérieure aux années 85.
Ma principale critique de Créations Typographiques ne porte pas au contenu visuel de l’ouvrage. Cees W. De Jong nous a habitué au travers de son extraordinaire fonds iconographique à porter à notre regard les meilleurs travaux graphiques publiés dans le monde. Et s’il fallait en remercier l’auteur ne serait-ce que pour cette raison, ce serait déjà suffisant. Mais quid de l’aspect académique. Je m’adresse à des débutants designers, des étudiants donc, ou des professionnels fraîchement sortis des écoles. Je me dois donc vis à vis d’eux de procéder selon un schéma quasi scolaire, du moins pédagogique en:
introduisant
chapitrant
rubriquant
et en châpotant les articles.
Rien de tout cela. Non que le metteur en page ait conçu une architecture personnelle et originale, mais parce qu’il ya absence de tout ces outils de lecture qui permettent justement à des débutants de commencer un ouvrage à la page une et de le finir à la page 396. *Créations Typographiques de 1985 à nos jours* est un livre visible mais pas lisible. Je ne suis entré à aucun moment dans une lecture ordonnée de l’histoire, pas compris la raison de tel ou tel choix de créateur typographe. Prenons un exemple: récemment j’avais publié ici les statistiques de préférences typographiques constatées par un graphiste Tchèque. Pour le monde entier. Ces mêmes statistiques corroborent celles publiées régulièrement par Fontshop.de qui nous informe de leurs meilleures ventes, mois après mois. On aurait pu imaginer qu’une histoire de la typographie parte de constats, ceux de l’usage quotidienne. Ou bien par exemple que l’on prenne la liste de tous les fonts awardés dans le monde, on arriverait à un autre résultat, mais toujours aussi cohérent. Là rien. C’est un mélange incohérent des typos, qui jamais, ne sera, ne pourra être exhaustif sauf à prévoir une pagination de trois à quatre mille pages.
Parce que faire un livre sur la typographie, c’est évidemment, prendre le parti de montrer les alphabets et leur utilisation. Il n’y a pas secteur marketing plus mangueur de papier que celui de la typographie. Un alphabet est constitué de 26 lettres en capitales et bas de casses, plus les chiffres et ponctus. Si on veut se donner la peine on pourrait faire l’étude d’un alphabet lettre par lettre, signe par signe. Ainsi ci-dessous deux signes, esperluettes provenant d’un des plus beaux caractères d’imprimerie, le Palatino romain et italique de Hermann Zapf. C’était sans doute l’occasion pour l’éditeur quand il aborde l’article le Zapfino de montrer et pas seulement énumérer, le cheminement graphique d’Hermann Zapf qui en arrive à cette calligraphie hors normes, tellement racé et personnel à la fois. Mais c’est vrai, je le disais plus haut, la typographie est mangeuse de papier. A croire que internet et la publication électronique serait plus appropriée à ce type de publication que le papier traditionnel.
Va pour le papier. Je voudrais pas laisser le lecteur de cette note sur une mauvaise impression ;-), parce que le sujet est épineux. L’on a du mal à suivre une ligne éditoriale et l’on tombe rapidement dans la “monstration” sans discernement qualitatif. Juste parce que le sujet est spectacle tout autant qu’outil de communication. Mais attention. Vous qui feriez parti de ces débutants sans trop de référents catégoriels, ne vous désolez pas, même si vous vous perdez au beau milieu de cet ouvrage, faute de grille de lecture claire et pédagogique, il n’en demeure pas moins un must des exemples montrés, par la qualité des choix, et la diversité des styles. N’hésitez pas à nous laisser vos commentaires.
Signe de l’esperluette en Palatino italiqueSigne de l’esperluette en Palatino romain