Parfois, vous vous demandez comment se forge un esprit caustique comme le mien. En ce début d’année que je souhaite une fois encore des plus agréables et sereines pour chacun(e) d’entre-vous, je vais vous donner une clef qui vous permettra un tout petit peu de mieux me connaître.
Né le 26 février à 10 heures du soir, d’une famille juive, j’ai été déclaré le 27 le lendemain matin né d’une famille protestante. Dans la nuit mes parents avaient reçu le certificat de baptême de toute la famille. Mon grand-père Gyula Gutman avait déjà tenté de gommer ses origines en changeant son patronyme, pour prendre celui de Gabor; ce qui ne lui a pas évité quelques temps plus tard d’être déporté avec toute sa famille. Du côté de ma mère il en fût de même, ce faisant 18 membres de la famille sont morts dans l’holocauste.
Mais on adorait la langue allemande chez les Gabor, ce qui fait qu’entre 5 et 8 ans je recevais des cours particuliers de religion réformée (tout de même minoritaire en Hongrie) et d’Allemand par la même occasion. C’est un fait, je n’ai jamais entendu mes parents prononcer un mot de haine ou de vengeance à l’égard du peuple Allemand. Ils avaient bien identifié les Nazis et le système qui en résulta comme leur principal bourreau.
J’abrège, j’arrive en France le 3 août 1957, et comme mes parents s’adoraient et qu’ils ne s’étaient pas vus depuis huit mois, ils m’envoyèrent en catastrophe dans une colonie de vacances Juive, la dernière qu’ils trouvèrent encore disposée de prendre un gamin de plus. Sur le quai de la gare, ils m’embrassèrent en me disant : «surtout, tu ne leur dis pas là bas que tu es protestant…» oui maman, oui papa… Mais de fait le petit bout de peau qui me tenait lieu de prépuce m’avait été finalement laissé puisque, converti. Alors évidemment sous la douche j’ai été la risée de tous mes petits camarades, oh le goy, oh le goy… Ok
De retour à Paris, en septembre, mes parents m’inscrivirent dans une pension cette fois protestante pour que j’assimile plus vite la langue française. Et sur le seuil de la pension: «surtout tu ne dis pas que tu es d’origine juive», euh, oui maman, oui papa…
Tout cela pour vous dire que ce genre de gymnastique intellectuelle a eu deux conséquences majeures sur ma vie. Une sainte (juive et protestante réunies) horreur du mensonge, le parler vrai étant devenu chez moi presque une obsession.
Et une propension presque maladive d’aller dénicher tous les non-dits, de lire entre les lignes, de trouver plusieurs interprétations à une même énonciation, bref de ne croire à une chose, qu’après l’avoir vérifié des dizaines de fois.
Bien entendu cet anecdote et d’autres m’ont marqué à jamais. D’avoir assisté à l’insurrection meurtrière de Budapest qui fit trois mille morts, d’être issu d’une famille martyrisée par les nazis, ont développé chez moi une passion pour la paix et l’intelligence humaine. Je ne supporte pas trop les conflits et encore moins lorsqu’ils sont fondés sur des dénis, voire des intentions de crimes ontologiques. Ainsi, lorsque George W.Bush déclara la guerre à l’IRAK de Sadam Hussein, il y eut un moment de flottement où il tenta de rallier à lui toutes les nations. vous connaissez les faits. Seuls l’Angleterre de Blair, l’Espagne et l’Italie, un peu le Japon et la Pologne et peut-être l’Australie ont rejoint son camp. Et il partit en guerre.
À l’époque Radio France avait lancé un forum pour débattre de la nécessité de cette guerre, et j’y participai quotidiennement, devinez dans quel camp! bien entendu celui de la légitimité, du dialogue, de la vérité sur les ADM. Et tous les arguments se sont lus sur ce forum. Ceux qui vous disaient que ce serait trahir l’amitié franco-américaine et l’aide qu’ils nous ont apporté durant la deuxième guerre mondiale… bref comme je publiais, chaque jour d’une plume aisée et de plus en plus caustique, un jour je reçus un mail de France-Culture : «voulez-vous participer en direct à une émission de «décalage horaire» sur le thème des débats du forum interactif». Moi: oui bien sûr. en arrivant je m’aperçus être le seul contributeur sur les 600 à peu près, à avoir accepté l’invitation. Et me retrouvais confronté dans un studio, en direct vous disais-je à Yves Michaud le philosophe qui créa les Universités de Tous Les Savoirs, qui défendait contre toute attente, l’interventionisme de George Bush. Certains de mes amis qui ont écouté l’émission m’ont dit plus tard que je n’avais pas dit trop de «conneries»;-)
Internet ce n’est pas que du virtuel : Les politiques modernes l’ont bien compris. Je me demande d’ailleurs ce que pense aujourd‘hui Yves Michaud de cette guerre en Irak. Si tous les arguments que nous (les défenseurs d’une intervention légale et légitimée) nous avancions n’ont pas trouvé écho chez lui, depuis. Une chose est sûre. George W.Bush n’a rien réglé. Cette guerre et cette occupation ont fait déjà 3000 morts chez les Américains et au moins 150000 à 200000 morts chez les Irakiens. Que la condamnation et l’exécution de Sadam Hussein, pour l’extermination de 148 villageois (dérisoire en comparaison aux précédents chiffres), ont été décidées et menées à terme sans qu’il y eut un véritable déballage historique sur ses méfaits. Que tout le monde s’accorde à dire que plus on aurait débattu de la question plus on se serait rendu compte de la co-responsabilité de pays occidentaux dans le soutien au dictateur contre les ayatollah de l’Iran de l’époque. Et puis il y eut l’affaire de Pinochet et de Castro. Tous deux morts et mourants dans leurs draps bien blancs de soie. Et rien. Deux poids, deux mesures. Il y a les dictateurs de l’Axe du Mal et les autres... qu’on tolère. Peut-être n’y avait-il pas assez de pétrole et d’intérêts géopolitiques au Chili et à Cuba?
Mais tout ceci m’éloigne de mon sujet. Le blog. Oui et non. Je me suis fixé comme ligne de ne jamais parler de politique ni de chiens écrasés dans design et typo. Cependant je me devais de vous expliquer, un peu, mes origines et ma croyance au parler vrai, mon désir de paix, d’intelligence et d’humanisme de par le monde.
Porter la bonne parole :
La typographie et le design graphique participent sûrement à la construction d’un monde meilleur parce qu’il s’agit d’un langage. Et que ce langage permet, lorsqu’il est pratiqué avec exigence et un haut niveau de professionnalisme de rapprocher les hommes, de les faire se mieux comprendre. Voilà en tous cas une des raisons de ma passion pour ce métier, et de la nécessité impérieuse que j’ai éprouvé à créer ce blog. Quant à mes fautes d’orthographes et notamment d’accords féminin-masculin vous en connaissez maintenant les raisons. De même que mon amour du bon Français. C’est un tic chez les émigrés, l’amour de la langue d’adoption ;-)
« de lire entre les lignes »… d’où la typographie ?