Typo Fondereries Indépendantes | suite |

 

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Qui a dit que les typographes sont des gens sérieux. Pour avoir connu les sourires doux-amers de John Dreyfus, les éclats de rires d’Edward Benguiat qui me racontait que chaque année il prenait son petit bi-moteur (il avait servi comme pilote dans la Royal Air Force durant la deuxième guerre) pour aller fêter l’anniversaire de ses quatre ex-femmes, aux quatre coins des Etats-Unis. Les fous rires des Lursiens réunis autour de Roger Excoffon, Mathieu, le peintre, Massin et Ionesco, George Benson le parano, Justin Grégoire l’instit resté un gamin, François Richaudeau, Blanchard et les autres, j’ai pu me rendre compte et me faire une certitude: les typographes ne sont pas des gens sérieux. Et tant mieux. Only Love Is You, était la chanson fétiche d’Albert Hollenstein et l’art psychédélique faisait son entrée fracassante sur les bancs d’une école de Lure que le père fondateur (Maximilien Vox) survolait de son regard bon enfant.

 

Donc cette fonderie House dirigé par Chris Gardner et Ken Barber n’est pas tenu par des gens sérieux, mais je retrouve avec ces deux «guys» l’esprit même du phototitrage qui régna durant une trentaine d’années à partir des années 60. De fait, il y avait bien une industrie de la typo à l’époque. Tenue par les grandes Fonderies institutionnelles: Stempel (aujourd’hui Linotype), Berthold, Monotype, Scangraphic, Compugraphic (racheté par Agfa plus tard) et aux States, Harris, Alphatype etc. Mais les process de fabrication des caractères (pour la photocomposition) étaient terriblement onéreux et j’y reviendrai un jour prochain dans une note plus technique). Les plaquettes diatronic de Berthold étaient constitués d’un pack comprenant la fonte elle même, une plaquette de 6cm x 12cm qui comprenait en négatif tous les glyphes d’un alphabet latin, reproduits en corps 8, qu’on pouvait photocomposer jusqu’en corps 20, et… agrandir photographiquement jusqu’à une taille respectable de 20cm sur la capitale. Le pack comprenait en outre un bloc de chasses qu’on devait introduire comme un disque dur amovible dans un rack sur la machine diatronic de photocomposition. C’est ce bloc de chasses qui donnait les informations à la machine pour qu’elle compose le Times New Roman avec les bonnes approches propres à CE caractère.

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Le prix d’achat en 1975 du Times New Roman chez Berthold était de 3700 F c’est à dire 564,06 euros pour une seule graisse, en romain. Si l’on voulait composer avec le Times Italique, il fallait racheter un autre pack qui coûtait le même prix. Et il n’y avait pas de promo à l’époque si l’on achetait 100 caractères. La raison du prix exorbitant de ces procédés tient en un mot. Photocomposition. Les laboratoires de mise au point des supports de compo, associés aux studios de dessin, aux ingénieurs élelectro-mécaniciens et au designers des machines employaient chez Berthold environ 3500 salariés d’une très haute compétence technologique. Autant dire que le process était tellement coûteux qu’un fabricant sérieux ne pouvait se permettre d’éditer un caractère fantaisie au risque de le voir utilisé que par une poignée de fous furieux de la typo. Pas rentable. Voire dangereux, économiquement et … socialement.
Le phototitrage était donc le refuge de la création typographique. Parce que les process de fabrication d’une fonte étaient divisés par 500. et que l’on pouvait sans grand risque passer d’un dessin d’alphabet à la production d’une fonte exploitable sur une phototitreuse. Lors les ateliers comme Hollenstein, Face photosetting, typoGabor en France ou Ronné Bonder, Photolettering Inc à New York pouvaient développer des programmes de création très riche et varié.

C’est avec le PostScript© d’Adobe et les courbes vectoriels de Pierre Bézier que la typographie a pu faire le saut dans le XXIe siècle. Cassant tous les process traditionnels, un auteur-dessinateur d’alphabet pouvait exécuter ses propres dessins sur l’écran de son Macintosh réduisant tous les intermédiaires classiques à zéro. Plus besoin de photogravure, de support pour les caractères qui deviennent juste des soft, plus besoin de technologies d’essais. Les prototypes d’un alphabet s’essaient directement sur la machine où ils sont dessinés. Etc. Le temps de production à l’époque de la photocompo, d’un caractère typo devait être d’environ quatre à six mois, mais cela demandait la collaboration d’une centaine d’intervenants directs ou indirects (je pense à l’usinage des plaquettes dont le Dr Böger avait été le grand spécialiste en suisse et qui avait fondé Scangraphic.

Le temps de production d’un alphabet postscript descendait à quelques semaines voire quelques heures (sans compter le dessin bien entendu) dans le cas de caractères de titrage fantaisies. Et une seule personne pour en assurer la production. Vous imaginez sans peine le nombre d’emplois qui ont été détruits dans les métiers de la typographie au début des années 90. On peut dire historiquement que la typographie a été le premier secteur industriel touché par le numérique.

Tout ce discours un peu pédago pour vous permettre de replacer la production de cette petite fonderie dans le paysage moderne qui a balayé des siècles de process gutenbergiens. Pour aussi me permettre de vous inviter à découvrir leurs fontes sans arrière pensée, parce que s’ils ne valent pas les grands classiques que vous utilisez quotidiennement, ils ont leur utilité pour le choix qu’ils vous donnent lors d’une mise en page de magazine ou de pages de marketing direct. Là où il faut toujours parler plus fort que fort et plus fort que le titre voisin. (je ne partage pas cette logique mais je constate qu’elle est incontournable chez les VPCistes ou les sites WEB de merchandising).

 

 

Voici quelques typos que j’ai glané sur leur site, je suis curieux de voir ce que vous en pensez?

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