Avant d’aborder la sensibilité typographique de H.Lubalin, il m’a semblé naturel de vous entraîner vers l’univers visuel du bonhomme. Précisément à cause ou grâce à cette aphasie légendaire qui laissait son entourage dans un silence quelquefois gênant, Herb exprimait toute sa sensibilité au travers des images et des mises en pages époustouflantes qu’il commettait. Que ce fut pour la publicité (advertise) ou l’édition (publishing) ou pour la presse, Herb trouvait toujours le ton juste et décalé que nous retrouvons aussi bien dans l’oeuvre d’un Woody Allen que dans la musique de George Gerschwin. Voici quelques exemples de ce travail d’analyse et de solutions graphiques.
Typo monumentale, habillage du texte, minimaliste, l’oeil est tout autant attiré par le grand que renvoyé à la lecture du texte en petit corps 11 ou 12. Un chapô en Helvetica Bold étroit pour une lecture en diagonale permet de résumer, de pitcher le texte de l’annonce. Il s’agit aujourd’hui d’un moyen graphique très répandu, mais nous sommes dans les années 50-60, bien avant la flower generation, et bien après les années russes que nous avons détaillé dans une note précédente.
On peut bien sûr rapprocher ces compositions graphiques de ceux montrés dans le Manuale Typographicum d’Hermann Zapf, parce que tous, gutenbergiens convaincus pratiquent les mêmes logiques de mises en page.
Mais Herb vit à New York, et son travail de typographe n’est qu’un élément visuel, certes des plus prégnants, cependant il vit au coeur du commercial (prononcer en anglais) c’est à dire d’une pratique mercantile qu’Hermann Zapf n’a jamais abordé à ma connaissance. Zapf, c’était le théoricien, Lubalin le praticien. Et loin de moi de condamner l’un ou de faire l’apologie de l’autre. Ils agissent sur deux registres. Zapf aime la Lettre, et Lubalin l’adore, vous me direz la différence. Quand Lubalin, profitant des progrès de la photo-composition et du photo-titrage rapproche les lettres à l’excès pour en constituer des mots-images, Zapf balaie le style d’un revers de main : «ah ! sex spacing typography? ». Mais les deux ont raisons. La publicité et l’édition n’ont jamais fait bon ménage, et pour la raison simple que les temps de lecture ne sont pas les mêmes, la première s’adresse à vous en sachant que le temps d’une page dure quelques dixièmes de secondes, l’autre en sachant pertinemment que vous êtes confortablement installé dans un fauteuil pour déguster le texte d’un roman ou d’une revue d’art. N’empêche que Lubalin arrive à nous toucher avec bon goût et élégance.
Bien entendu je ne vais pas vous assommer de tous les visuels et exemples de cet immense travail, vous pouvez consulter à votre aise la galerie des oeuvres de H.Lubalin ici.
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