La planche ci-dessus provient d’une publication sur le web de la British Library. Que nous montre-t-elle?
Depuis l’invention de l’alphabet phonétique avec sa prodigieuse expansion due à l’invention de Johannes Gutenberg, le caractère plomb, conférant la mobilité au caractère donc sa capacité à être «re-distribué» et réutilisé pour d’autres publications, notre approche visuelle n’a pas bougé d’un pouce (sans faire de jeu de mot à l’égard de la typographie). Une page composé de haut en bas, bi-dimensionnelle, avec des colonnes de textes, des titres, des lettrines, des filets gras ou maigres, de la couleur pour souligner une lettrine ou un mot, il s’agit là de ce qu’appelle Marschall Mac Luhan d’une conception tactile-orale de l’espace par opposition à une conception visuelle et synthétique. Les compositions de Rodchenko s’inscrivent dans la même logique spatiale. Titres, textes, chapôs, lettrines, et surtout surtout, par l’utilisation des jeux de contrastes. C’est bien plus tard avec l’arrivée de la télévision, de l’image éléctronique que notre regard va se transformer par l’usage des transparences et des superpositions.
Notre perception s’est depuis lors modifiée. De phonétique et tactile, elle est devenue visuelle et tridimensionnelle. L’art plastique est né de ces profonds changements. Nos modes de pensée sont dès lors profondément influencés, par une dé-structuration de l’espace et du temps. Le zapping, n’est pas seulement un phénomène technologique facilité par les télécommandes de nos appareils, mais aussi une réalité spirituelle. Cette révolution de nos modes de perception due en grande partie à la télévision mais aussi aux expressions qui en découlent, à l’enchevêtrement des images, des effets spéciaux, à la mise en surbrillance de l’information a failli nous faire oublier nos anciens modes de pensée, linéaires et orales. Curieusement et pour des raisons historiques sans doute, Mac Luhan n’a pas été, n’a pas pu vérifier, ni anticiper sur les conséquences de l’autre invention la plus importante de ce début de XXIe siècle, internet (la lettre, toujours mobile mais devenue virtuelle et cybernétique).
Parce qu’il aurait été certainement très surpris de voir que ce média finalement est plus proche de Gutenberg que la télévision ou le cinéma. On y redécouvre la lecture, voire même l’écriture partagée et transgénique, pardon transversale. Forums, blogs, journeaux en lignes, bref il s’agit d’un retour à 180° sur l’expression tactile-orale.
Les audiences perdues par la télévision au profit de la lecture-écriture sur le web sont des signes qui ne trompent pas. Et curieusement ce sont les générations les plus jeunes qui participent activement à ce retour en force vers l’écrit virtuel.
Il ne faut pas voir dans mon discours une condamnation quelconque des médias «traditionnels». Mais juste un constat un peu amusé de la manière dont les médias influencent nos modes de perception et donc de communication.
J’ai créé ce blog en vue d’analyser la plus finement possible au fil des notes la manière dont les communicants d’aujourd’hui situent l’expression de leur travail. Publicité, communication corporate, identités visuelles, packaging sans parler du design et de l’architecture sont autant de champs d’expression qui utilisent des codes visuels pour «situer» la relation entre les acteurs économiques et socios. Une affiche pour une pièce de théatre et une affiche pour un opérateur de téléphonie n’ont rien de comparables, en ce qu’elles s’opposent non seulement sur les contenus mais aussi sur la structure des signifiés. La première s’adresse à notre capacité à se questionner, à poser du sens sur les choses. Une affiche de théatre nous plonge dans l’imaginaire tactile de notre vie, alors que par opposition une affiche pour violet, ou FFR ou encore Vouygues Telecom ne s’adresse qu’à nos modes de références catégorielles, identitaires et sociales. Cherchez le sens, il n’y en pas en dehors de la raison économique. Deux expressions typographiques et graphiques à l’opposé donc et nous chercherons à pointer sans dénigrer ces expressions pour permettre aux uns aux autres, à moi même de construire une grammaire de la perception.
Qui a dit sur le blog de Pierre Assouline que les blogs étaient une forme de thérapie. Je crois que c’est au grand bonheur de ses lecteurs lui-même.