Life 2.0 | typographie et constats urbains d’un bloggeur solitaire

Et ne croyez surtout pas, que j’ai arrêté mon blog :-)

Juste une respiration que je me suis octroyé durant quelques temps. Pour retrouver l’envie, le désir de publier qui de temps à autre peut s’assécher. Et du coup l’on se rend compte et du chemin parcouru et de la béance de ce qui reste à découvrir et partager. N’y voyez aucun signe de dégoût ni de ras-le-bol, seulement un principe de réalité.

D’autres priorités qui s’enchevêtrent et bousculent les emplois de temps, puis le questionnement… peut-on s’occtroyer le droit de respirer? Et la réponse fuse: oui bien sûr, puisque seul le plaisir doit dicter le bloggeur, et non une quelconque course à l’audience. Il faut savoir être gentil avec soi-même si l’on veut durer, si l’on veut perdurer.

Il faut accepter son rythme à soi, et de ne pas regretter d’être seul, bien que j’ai interrogé quelques amis pour savoir s’ils avaient envie de devenir contributeurs sur ce blog. Pas de réponse ou des réponses négatives. Il est vrai que je suis exigeant. Que je n’aime publier des notes qu’à la condition expresse qu’elles sachent susciter des questions, décanter et analyser les non-dits ou les dénis de l’information. Qu’elle soit graphique, typographique ou tout simplement visuelle.

Alors bien entendu je repose la question: y a-t-il quelqu’un parmi mes lecteurs qui seraient tenté par une co-écriture, une co-publication de notes, sans aucune contrainte de quantité ni de régularité? Juste une seule, un «dogme», celui de publier des infos graphiques en les décryptant. Besoin donc de re-publier mais aussi de partager l’aventure. Les réponses sont bienvenues ici dans les commentaires, ou tout simplement par mail: peter.gabor/AT/gmail.com.

À propos de cette vidéo, la bande sonore en est particulièrement bien soignée avec une reprise-remix de la musique d’Exodus. Très intéressant.
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À la mémoire des enfants de la «guerre» | dessins collectés par Alfred et Françoise Brauner

Il y a les quatorze juillet et les projets d’Union pour la Méditerrannée, le Darfour et le CPI qui tente de mettre fin à une situation des plus désastreuses. Le Tibet sans doute et des centaines de lieux sur cette planète, où encore et encore on assassine et réduit à néant des vies humaines. Et ce n’est pas nouveau, et cela se mesure en siècles voire en millénaires. Les enfants ont été de toutes les guerres les témoins innocents des exactions et des crimes contre l’humanité, témoins d’abord de la mort de leurs parents et des proches, puis des amis et des habitants de leurs villages et quartiers.

Françoise et Alfred Brauner ne sont plus. Décédés respectivement en 2000 et 2002 pour Alfred à l’âge de 92 ans, ils ont passé leurs vies de médecins pédopsychiatres à venir en aide aux enfants de la Guerre.

J’ai rencontré Alfred en 2001 avec deux amis, Brigitte et Christian, et nous devions créer un site-hommage relatant les quelques 200-300 planches de dessins que le couple a collecté ça et là, depuis la Guerre d’Espagne en passant par le Vietnam et le Cambodge. Le Dessin est un moyen sûr pour affranchir l’enfant des traumatismes subis. Naviguant entre autisme et aphasie et peur , ces victimes, très jeunes, évoquent avec force et précision des situations intolérables pour chacun d’entre-nous.

Mais il faut aussi avoir lu quelques ouvrages de Boris Cyrulnik pour comprendre comment cette expression graphique intervient dans le processus de résilience indispensable au deuil, c’est-à-dire à la digestion des traumas.

Cyrulnik a je crois inventé cette expression Résilience que chacun interpète à sa façon. En écoutant Alfred Brauner lors de nos entretiens en 2001 et quelques conférences de l’éthologue Boris Cyrulnik j’ai fini par comprendre que l’expression recouvre en fait deux concepts: 1)Réslier et 2)Relier.

1) il s’agit de résilier la douleur, la souffrance intériorisé, et surout les angoisses produites par des situations extrêmes

2) de relier le Ça des traumatisés de la Guerre, c’est-à-dire ce tout formé par le psyché et le corps et ce qu’ils produisent au plus profond de nos inconscients. Des images (imago), des représentations (inconscient) de notre être. Je ne suis ni médecin, ni psychanaliste, mais je constate avec vous en regardant ces planches dessinées comment un tel processus est rendu possible par la graphie, le tracé et les couleurs sur le papier.

Le dessin et le graphisme comme un signe de l’autisme ou de l’aphasie. 

Durant mes premières années d’enseignement, j’avais déjà constaté ce paradoxe, pas mal d’élèves, en mise en page ou dessin, épprouvaient quelques difficultés d’expression orale. Dire qu’il s’agissait d’autisme, non sans doute pas. Mais de formes d’aphasie, oui. Les qualités graphiques bien souvent témoignaient du refoulé de ces élèves et de leur rapport au corps. (cf. l’hommage que j’ai rendu à Herb Lubalin, autre aphasique notoire).

J’avais par exemple constaté un lien étroit entre l’équilibre des mise en pages et le maintien corporel de leurs auteurs. Mais on s’éloigne du sujet. Et je vous prie de m’en excuser.

Donc j’étais tout simplement en train de classer quelques archives (CD-Roms) qui trainaient sur une étagère lorsque j’ai retrouvé ces dessins. Me suis bien sûr demandé ce qu’ils sont devenus. Rien trouvé sur le Net à part une bibliographie épuisée et datant au mieux des années 93.

Voici quelques liens sur Amazone ici et .

Bien entendu ces images jamais parues en couleur, sont exclusives et je les publie en © Droits Réservés. Je cite cependant un sous-titre du livre écrit par Françoise et Alfred Brauner «J’ai dessiné la Guerre» qui mentionne: «À la mémoire des enfants dessinateurs, victimes innocentes des événements. Leurs réalisations désormais appartiennent à l’humanité.». J’espère en tous cas que les héritiers de ces deux médecins exceptionnels les mettront un jour en ligne avec tout l’appareil pédagogique nécessaire pour en comprendre le sens et les signifiés sous-jacents. Une entrée sur Wikipedia serait la bienvenue.
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Surtout, surtout! ne jugez pas ces dessins sur leur aspect esthétique. Les enfants, survivants des camps, survivants des champs de désolation n’ont que faire du «beau»/«pas beau». Et il s’agit bien de dessins d’enfants qui ont vu et vécu, et non de nos charmants bambins de l’école maternelle qu’une institutrice sans doute militante, ferait «plancher» après avoir montré des documentaires de télévision. D’ailleurs chacune de ces images devrait être légendée, commentée par un psychologue-pédiatre afin d’évacuer les aspects esthétisants de ces couleurs bien vives.

























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Solitude de la Tour Montparnasse, beauté ou laideur?

Regardez bien ces deux photographies, l’une que j’ai prise du dixième étage d’un immeuble du XIVe arrondissement et l’autre, commise par un photographe anonyme à New York, mais dont j’aime infiniment la simplicité et un point de vue presque analogue au mien… enfin si l’on peut considérer que le 40e étage d’un skyscraper est l’équivalent d’un dixième niveau parisien. Mais le sujet n’est pas là.

Nous sommes à l’aube de toutes les révolutions en ce début de XXIe siècle. Révolutions des énergies, de l’agroalimentaire, des organisations humaines et geopolitiques, et, en conséquence de tout cela de changements radicaux à venir dans le paysage urbain des prochaines années. Il est tout à fait possible que les politiques accompagnés de leur sherpas et experts urbanistes arrivent à la conclusion de redéployer la construction verticale des cités voire celle de notre bon vieux Paris. Encore que notre Paris d’aujourd’hui n’a plus grand chose à voir avec celui d’il y a seulement cinquante ans. Mais là n’est pas la question du jour.

Je voulais évoquer avec vous la question de la verticalité parce qu’elle va soulever dans très peu de temps des polémiques à n’en plus finir dans tous les journaux, et sur tous les médias. Et oui, point n’est besoin d’être un expert pour deviner que notre bon Maire de Paris (mais pas seulement lui) va être confronté aux nécessités d’économies d’énergies, et de proposer des solutions de logements sociaux aux normes «durables» et que le coût de traitement de ces types de logements baisseront d’autant qu’elles seront construites dans la verticalité.

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Mais parlons un peu de paysage.

Je n’ai jamais aimé la solitude de La Tour Montparnasse.

Je l’ai vu se construire. J’y ai vu comme beaucoup une similitude avec le parallélépipède de «2001 l’Odyssée de l’Espace», comme un objet céleste déposé délicatement en plein milieu de Paris, en France, sur la Planète Terre perdu au milieu des galaxies.

J’y ai rendu visite à des clients qui avaient élu leur siège au 52e étage, J’y ai bien entendu dîné un jour pour apprécier, comme n’importe quel bourge un peu beauf, la vue «imprenable» de la ville de Molière. Mais je n’ai jamais compris pourquoi cette tour est restée seule érection dans le Ciel de Paris (excepté bien entendu la Tour Eiffel que j’exclus de mon histoire parce qu’il s’agit d’un monument à la gloire de la modernité et non d’une construction à vocation immobilière.)

En vérité cette tour n’est absolument pas laide, d’abord parce qu’elle est unique est donc joue un rôle référentiel hors du temps. Cependant a contrario il y a quelque chose qui m’a toujours dérangé dans cette solitude. Absolument pas son aspect érectile et phallique, mais bien plutôt l’obscénité de sa solitude. Cette Tour est seule et ne renvoie à rien sinon quelques références au film de Kubrick. Et encore. Cette solitude s’exprime avec simplicité, car sa figuration ne se joue pas seulement dans la hauteur mais aussi dans la coloration sombre qui dénote sur la «couleur parisienne» dans l’ensemble assez grise. Et puisque seule, cette Tour, sans contrepoint, sans contre champ, sans rythme ni musicalité, elle finit par installer voire instiller au paysage parisien un silence galactique.

Il suffit de regarder la photographie de New York juste en dessous pour comprendre mon sentiment. Là il y a multitude de hauteurs qui se concurrencent tels les hommes luttant pour le pouvoir suprême, les immeubles se causent et se racontent leur histoire de hauteurs, de matériaux, de crise financière et du jazz et des films de Woody Allen… On peut écouter une musque de Gershwin sur ce paysage de skyscrapers, je ne vois que Satie ou peut être Bartók pour dire le drame de notre Tour Montmoderne, Montparnasse, Parnasse… Et je vous cite Baudelaire qui aurait pu appartenir au mouvement parnassien:

Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre
Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.

Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris ;
J’unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j’ai l’air d’emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d’austères études ;

Car j’ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !

J’aime Baudelaire. Qui n’aime pas Baudelaire? Il y a *Beau* dans un nom prédestiné à la musique de l’âme. Et il dit au fond si bien ce que j’ai tant de mal à exprimer. Cette Tour Montparnasse ne racconte rien du tout, elle est silence et muette, et nous nargue de son intelligence massive. Elle n’est pas laide, o non, elle est juste morte, simplement, de n’avoir jamais eu à répondre de son existence dans le miroir d’autres verticalités qui eussent du normalement l’accompagner. Voilà le défi qui attend nos urbanistes et notre bon Maire, celui de redessiner un Paris un peu plus bavard.

Le quartier de la Défense

le hasard y tisse les mailles d’un paysage qui prend vie parce qu’il racconte l’ambition *très* mesurée des hommes.

© photographies peter gabor

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“Car le beau n’est que le premier degré du terrible…”

Légende de la photo: voici la chaumière qui accueillit notre couple présidentiel, lors de vacances 2007 qui ont écarquillés les yeux du monde entier. Il y a un mot pour désigner ce genre de chose: c’est “somptueux”. Quand on le lit en Américain, soit “gorgeous”, on est édifié, cette fois-ci sans équivoque, et même sans regret sur le sens de la chose et du mot. Inscrivez Gorgeous sous cette photo, en Baskerville Stempel corps 36, et vous n’aurez pas besoin d’autre légende. Quand même! N’y-avait-il donc personne pour dire à notre petit Nicolas que l’Amérique coloniale a produit quelques unes des plus simples, et par conséquent des plus “somptueuses” maisons de l’histoire de l’Occident? Mais il est possible que leurs propriétaires, les Cabot qui ne parlent qu’aux Lodge qui ne parlent qu’à Dieu, aient refusé de parler à notre service des voyages présidentiels. Nous savons maintenant pourquoi Nicolas a épousé enfin la fille des Finzi-Contini, ou des Bruni-Tedeschi, (je ne sais plus, …) C’est pour faire son éducation.

Roger Kleman m’a transmis ce texte qu’il résume lui-même par: «de la prétention des riches à s’approprier la beauté sans savoir ce que c’est…». Qui est Roger Kleman? non ce n’est pas un personnage fictif bien qu’il ait figuré comme psy dans une série de film-tv de Volkswagen… mais ça c’est une autre histoire. Un autre jour… peut-être.

Il y a très peu de temps, une vingtaine d’années peut-être, une affiche articulait, pour les yeux des Parisiens, sans mâcher ses mots, avec une simplicité impérative, «Là est le beau». On ne savait pas si l’endroit, , ainsi désigné était l’affiche elle-même. Ce n’était, bien entendu qu’une feuille de papier sans aucune épaisseur, sans aucune profondeur perspective, à travers son cadre rectangle d’aluminium. Ou bien le Beau était-il dans l’illustration, cette grosse maison harmonieuse et blanche, dans le ciel d’un bleu grec, ou bien encore était-il dans la revue, «Décoration Internationale», qui payait et qui signait l’affiche ?

J’ai encore quelques numéros de la revue. C’est vraiment bien. Chaque double page est superbe, les images sont incorruptibles. En feuilletant, un trait froid a couru sur mon doigt. Je me suis coupé sur la porcelaine du papier glacé ! Comme je suçais, sans rancune, mon sang a joué le rôle de la madeleine, et j’ai retrouvé une sensation, une image, une rencontre.

Je connaissais le directeur artistique. Un garçon branché. Dans les années 70, il portait une salopette. Tout son corps s’avançait sans crainte. Je revois l’émail de ses dents, ses yeux bruns et ses cheveux noirs. Plus tard, il savait ce qu’il voulait. Il avait appris avec Jacques Séguéla une forme de brutalité maligne et simple. Son métier était effectivement, pensait-il, de délimiter sans trembler le beau et le moche. D’un côté de l’affiche, à l’endroit, Là, le beau. Et à l’envers de l’affiche, pas Là, mais par Ici, ailleurs, tout autour, passée la frontière du papier, et jusqu’à l’horizon estompé par la fumée des banlieues, le moche.

Au fond, je ne lui donnais pas tort. Il était payé pour ça, et le plus cher possible, par des gens qui avaient les moyens. Il était censé avoir du goût à leur place. C’étaient des clients sérieux, qui ne cherchaient ni preuves, ni définition. Qui ne voulaient pas se prendre la tête. Car ils payaient cash pour obtenir l’adresse du Beau.

En effet, la nature du Beau, ce qu’est le Beau, n’est pas la question des CSP/Plus. La proximité spirituelle ou idéelle du Beau et du Bien leur est indifférente. Ce qu’ils veulent savoir, c’est où on le trouve. Dans quel magasin. Sur quel site. Ils veulent qu’on leur dise : «Là est le beau». Quand notre Président, rêvant devant une annonce, murmure «Elle est belle, cette Rolex», il parle d’un objet accessible, non pas à cause de son prix, certes pas, (puisqu’ils peuvent se le payer, le Beau ne fait pas peur aux bourges,) mais grâce à sa place, derrière une vitrine blindée, dans l’Empyrée des chronomètres.

Bon, on est toujours le parvenu de quelqu’un. Il n’est pas nécessaire d’être maire à Neuilly ou à Levallois. Il y a partout des maires, et des notables. Là et Ici. Si j’en crois, du moins, les nouveaux paysages de l’Entre Deux Mers.

Notez qu’ils ne veulent pas être raffinés, enfin pas au départ, mais seulement posséder le raffinement. Ils veulent d’abord avoir. Et ensuite, en prime, un jour, à la génération d’après, être.

Depuis, j’ai eu l’occasion de regarder des tas de maisons. Dans des magazines qui ne s ‘appelaient pas «Décoration Internationale», mais, plus gentiment, Mon Jardin Ma Maison, ou bien, La Maison de Marie Claire. Et dans des prospectus.

En général, le Beau, comme argument, était exclu. Il n’était pas Là. Les maisons sont femmes, et plus subtiles: Charmante. Lumineuse. Hyper-confortable. A vivre. De rêve. Chaleureuse. Luxueusement simple. Allurée. Délicieuse. Mignonne mais modeste.

Car Beau sans périphrase, BEAU entièrement en capitales, et au masculin, qui est le sexe du concept, c’est un mot trop cher, trop beau, et trop raide. C’est un mot terrible, qui fait peur. Les ouvriers, les employés et même «les professions intermédiaires» se tiennent à distance du Beau. Ce n’est pas un mot pour la ménagère de moins de cinquante ans.

Donc, les pauvres, «les sales pauvres». Pour les gens qui n’ont pas les moyens, non seulement pratiquer le beau absolu est un problème, mais aussi y penser. La plupart des gens veut bien perdre un peu de temps, mais pas plus, pour savoir si son achat est suffisamment beau, ou pas. Le globalement beau malgré son prix, est suffisant. Beau aux yeux de leur voisin. Assez beau pour eux. Beau pour ce que c’est. Relativement, raisonnablement beau. Beau avec un adverbe. Mais beau, de toutes façons, avec un tout petit b, un b bas-de-casse. Donc : pas l’idée platonicienne du Beau. Pas l’essence du Beau. Seulement, pour chacun un petit morceau de beau.

La conséquence, c’est qu’aucun de ces morceaux de beau ne peut être semblable aux autres. Chaque morceau de beau est différent du morceau voisin. Mais pourtant en concurrence avec lui. C’est pourquoi «A chacun son goût» est un précepte qui va bien aux pauvres. C’est un proverbe pour gens ordinaires.

Car, en plus, les pauvres, eux, doivent, contrairement à ce qui se dit, décider, choisir eux-mêmes. Les riches ont des carnets d’adresse, ils connaissent les bons endroits. Les pauvres ont des catalogues. Ils doivent longuement feuilleter. Ce qu’ils peuvent se payer, il faut qu’ils l’assument. Par conséquent, toute la question est de savoir quel choix on leur propose. Quelle est l’étendue du segment sur lequel ils se déplacent, entre épouvantable, raisonnablement moche, et pas vraiment moche. Quelle éducation artistique on leur donne. Quelle décision on leur permet. Quelle exigence on leur accorde. Quelle est leur marge de manœuvre.

On tourne en rond. Avec ces quatre mots, Là est le Beau, on n’en finirait jamais de rêver. C’est si riche que les expressions viennent toute seules. Une incontestable réussite publicitaire.

Je ne connais personne qui, s’y promenant, au contact d’une incontestable réussite architecturale, n’ait fini, dans le délai d’une génération par donner raison au temps et au génie. Quand je me promène devant Beaubourg, je n‘entends jamais un vieil habitant du quartier ronchonner contre les tubulures. En revanche je connais des tas de braves gens d’ici*, qui, parce qu’ils ne l’ont pas régulièrement sous les yeux, trouvent que cette usine-là s’est d’elle-même expulsée de tout jugement esthétique.

Je connais par ailleurs un architecte, un grand type maussade, avec une bouche un peu floue, qui prétend que les gens «ne peuvent apprécier Piano, (l’architecte de Beaubourg, NDLR) puisque, quand il fait lui-même du Piano, avec les circulations apparentes, on le lui refuse.» Sancta simplicitas! Il dit qu’il n’est qu’un plagiaire, et il s’étonne qu’on fasse la différence entre une création originale, qui finira toujours par imposer son geste, et une copie qui n’a pas pu se payer une véritable inspiration. Car l’inspiration empruntée fabrique presque toujours un dessin confus ou sec.

Je ne sais pas si les dessins de mon architecte sont médiocres, mais je commence à avoir une opinion sur sa personne. Et je sens un malaise en supposant qu’il travaille pour les gens ordinaires.

Dans la devise de notre république à nous, mon petit mot favori, voyez-vous, c’est égalité. L’élitisme pour tous, (une revendication d’Antoine Vitez, elle aussi un slogan, assez rythmé et lapidaire pour faire une affiche…) c’est ce qui est, de loin, le plus difficile. Une architecture rapidement classique pour chacun. Peut-être que Là serait le Beau véritable. Il n’y aurait rien d’aussi rationnellement beau que du beau pour tout le monde. Et Là serait, dépensons un mot simple, et terrifiant lui aussi, la véritable Vertu.

Roger Kleman, Neuffons, en Guyenne.
(avec l’aimable autorisation des Cahiers de l’Entre-deux-Mers.)

* Neuffons, en Guyenne, précisément

Le Beau ne se dit pas, il s’énonce telle une légende à la Roland Barthes: Charmante. Lumineuse. Hyper-confortable. A vivre. De rêve. Chaleureuse. Luxueusement simple. Allurée. Délicieuse. Mignonne mais modeste.… l’intérieur de la chaumière qui accueillit le couple présidentiel l’été dernier.

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Gutenberg ça s’écrit comment?

Eh oui on écrit en France plutôt Johannes, mais outre Rhin on aurait donc tendance à suivre la volonté personnelle du Maître *Ich Johann Gensefleisch der Junge genant Gutenberg*Alors pour vous être agréable à tous je suis allé chercher plusieurs orthographes possibles : «Jehan Guthenberg», «Ioannes dit Bonnemontagne» [Bonnemontagne se dit Gutenberg en allemand], «Juncker Hansen von Guten berck», Poème de Hans Foltz, chirurgien, barbier et imprimeur à Nürenberg (ca 1470), «Johannes Gutenberg Zumiungen» Chronique de Matteo Palmieri (1483), «Joannes Gutember» Chronique de Bossius Donatus (1492), «Joannes Genssfleisch» Panygérique de J. Herbst de Lauterbourg (1494), «Cutembergus» Chronique de Baptista Fulgosus (1494), «Johannes Gutenbergk» Epithoma Germanorum de Jacob Wimpheling (1505), «Johann Güttenbergk» Dédicace d’un Tite-Live de Ivo Wittig à l’Empereur, «Jo. Gutenberg», pierre apposée sur la maison du Mayençais par Ivo Wittig (1506)…

C’est évidemment ce dernier que je préfère, Jo Gutenberg… un air de Boris Vian et nous voilà au cœur du sujet: 1492 une découverte en masqua un autre. Le livre de Jacques Attali, en tous cas sa couverture, est symptomatique en l’espèce. Les intellectuels juifs méditerranéens occidentaux préfèrent les découvertes touristiques aux explorations du psyché. Ainsi Freud n’aurait pu naître en Tunisie ni au Maroc (je blague).

Mais du coup, en 1992, quand intelligemment Jacques, l’un des conseillers de l’hypra-président, en 1992 donc, date anniversaire o combien symbolique, cinq cent ans tout de même, je découvrais avec stupeur, moi qui était aux premières loges de l’avènement du caractère numérique, le Postscript, l’absence totale dans l’espace public d’une quelconque référence à Gutenberg. Cinq cent ans en 1992… c’est déjà loin, et ne veut rajouter qu’une chose, ceux qui opposent Gutenberg au monde de l’écran se mettent “le doigt dans l’trognon” jusqu’aux sinus… par delà le plomb et l’antimoine, l’invention de Johann, c’est la mobilité… or le monde digital n’a fait que surmultiplier cette mobilité. Il s’agit d’un concept moderne qui concerne aussi bien l’introspection que l’exploration géologique comme me disait un jour un représentant de l’ordre Républicain et de la Circulation, qui croyait que la capitale de la Hongrie était Bucarest… Je ne suis pas un Géologue se défenda-t-il. Mais grâce à Gutenberg il en connaissait le mot.

Cette question de mobilité est d’autant plus intérressante qu’on retrouve quasiment au même siècle une invention tout aussi importante, la Banque. Commença à circuler en Europe les lettres de change, les chèques modernes, et cette proximité n’échappa pas aux fondateurs du Musée de l’Imprimerie de Lyon, puisqu’ils y *adjoindre* celui de la Banque. Il se trouve au 13 rue de la Poullaillerie à Lyon, ça s’invente pas, et sa visite s’impose tout autant sinon plus que celui de Plantin à Antwerpen. J’ai eu la chance de visiter cette Bible en 42 lignes à Maïnz et peux vous dire que son enfermement dans une salle dont la porte métallique fait bien un mètre d’épaisseur (apprx) est tout à fait contraire à l’esprit du Maître. C’est ce que Umberto avait déjà mis en livre dans le Nom de la Rose… allez j’arrête là et vous souhaite à tous une excellente soirée sur vos écrans gutenbergiens. (un grand merci à Christian qui m’a donné l’occasion d’écrire ces quelques lignes de commentaires sur l’un de ces billets).

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Les courbes de Pierre Bézier ont redessiné le monde (reloaded)

Plus que jamais, à l’heure de tous les dangers d’une économie qui s’emballe, d’une crise qui pénètre toutes les couches de la société (économique, politique, sociale et scientifique) il est utile de rappeler un process, celui de la naissance d’une technologie qui révolutionna notre monde plus peut-être que le chemin de fer ou la relativité d’Einstein.

A l’heure aussi où je suis passablement débordé, voici l’un des billets que j’ai eu le plus de plaisir à vous faire partager. En attendant, prenez soin de vous.

The curves of Pierre Bézier redrew the world (google translate from french to english)

Le contexte historique entourant l’invention de Pierre Bézier

Il y a eu Picasso, le cubisme, et les tranchées de 14-18, les poilus des deux côtés de l’Europe, puis le silence des armes et les millions de morts que les mères ont pleurés.

Il y a eu les années folles, et le jeudi noir de Wall Street en 1929, le télégraphe, et le téléphone, les millions de déshérités arpentant les campagne américaines, la pauvreté, et la désolation, «des souris et des hommes» de Steinbeck. La prohibition et les gangs aux Etats Unis, et la montée du Nazional Socialisme en Allemagne. La nuit des longs couteaux puis l’Europe sombrait dans l’horreur de la deuxième guerre.

Encore des millions de morts anonymes ou pas, une guerre de plus en plus technologique, précédé par les bombardements de Guernica et les essais d’armement sous l’Espagne de Franco.

Il y a eu le 6 juin 44 mais aussi Hiroshima et Nagasaki, le plan Marshall, et la reconstruction. Staline à l’est envoyait des millions d’innocents dans l’Archipel du Goulag que Soljénitsyne fit découvrir au reste du monde. L’Amérique à l’ouest se battait contre la Corée, puis prenant la place des Français, envahissait le Vietnam ravageant une région de culture ancestrale.

Il y a eu les guerres, utiles et surtout inutiles, la paix froide que l’on appela guerre froide pour ne pas s’y tromper, la décolonisation tragique de l’Afrique, l’apartheid et les combats pour les Droits de l’Homme .

Il y eut la succession des révolutions technologiques, la cybernétique inventée par Norbert Wiener et le bleu de Klein, la télévision noir et blanc, puis couleur, l’industrie qui s’affranchissait de la main de l’homme en créant les machines outils programmables. Il y a eu l’aviation civile équipée de moteurs à réaction, les chemins de fers électrifiés, les records de vitesse de la BB 9003-9004 , les fusées de Von Braun inventeur des V2, la guerre du Vietnam toujours, et la marche d’Amstrong sur le sol lunaire.

Berkeley et la révolte des étudiants de Stanford, mai 68 et la liquidation de l’héritage des idéologies marxistes. La paix mais aussi la guerre industrielle entre les continents américains et européens, puis chinois et japonais. Le pourrissement de la guerre entre Israël et les Palestiniens, le terrorisme faisant des centaines de victimes, aveuglément. Sans aucun discernement.

La paix toujours mais des tensions économiques de plus en plus fréquentes entre les pays occidentaux et ceux qu’on appelait sans complexe le Tiers Monde… aujourd’hui les pays émergents. Euphémisme politiquement correct, aujourd’hui le Nord et le Sud s’affrontent sur la question essentielle de la gestion des matières premières, zinc, cuivre, minerais, pétrole, sucre, café, céréales, et l’eau, et l’eau. Autant de questions vitales dont débattent les organisations internationales pour tenter, qui de garder la main qui de la reprendre.

Il y a eu la première guerre de l’Irak, la création du réseau 3W et l’interconnexion de la planète, et l’attaque des Twin Towers puis, la deuxième guerre de l’Irak, les morts, le terrorisme toujours aveugle, et une guerre technologique de plus en plus privatisée.

L’invention de Pierre Bézier (1955-1960) est à replacer dans cette perspective de choc de la modernité qu’elle a pour partie engendré dans les années 80-90.

Tout au commencement des travaux de Bézier, le souci de l’ingénieur sorti de SupElec était, comme l’indique cette lettre publiée ci-dessous*, de répondre à un besoin de productivité et d’exacte calcul des formes et des surfaces industrielles dans le monde de l’automobile.

Il a fallu tout de même attendre 35 ans après son invention pour que la conjonction de plusieurs innovations provoquent le plus grand choc de civilisation qu’on ait connu depuis l’invention de Gutenberg (1492)

La miniaturisation des composants électroniques et la séparation du monde du hardware et du software furent chronologiquement les deuxième et troisième facteurs de cette révolution.

La séparation des mondes du hardware et du software

Je n’apprendrai qu’aux plus jeunes d’entre vous qu’avant cette séparation les fabricants d’ordinateurs éditaient leur propre logiciels. IBM, Bull (Honneywell) Burroughs, Olivetti, Siemens se spécialisaient dans ce qui fondait l’invention de l’informatique moderne, les machines de gestion. Stocks, comptabilité, actions, échanges financiers etc. Les banques étaient déjà à la fin des années 60 les plus gros consommateurs d’informatique. Venaient juste derrière eux les industries qui fabriquèrent des machines-outils et des contrôleurs de production. Les PME du secteur tertiaire n’ont découvert l’informatique que relativement tard, vers les années 70. Mais de cette époque on peut retenir une constante, chaque ordinateur vendue par un fabricant ne pouvait fonctionner qu’avec les logiciels dudit fabricant… et bien souvent écrits sur mesure pour le client.

Dans le secteur de la composition typographique, Moiroud et Higonnet inventèrent les premières machines automatisés dès 1949. L’industrie de la photocomposition était née. Elle devint si prospère qu’on compta jusqu’à plusieurs dizaines de fabricants sérieux de machines à photocomposer qui vendaient à travers le monde, leurs appareils, mais aussi leurs logiciels et surtout leurs polices de caractères qui étaient usinées pour fonctionner exclusivement sur leurs machines. Ainsi lorsqu’un atelier achetait des machines Bobst Graphic, ou Linotype, ou encore Compugraphic, il ne pouvait se servir que des fontes fabriquées par ledit fournisseur.

Nous vivions encore dans un monde divisé et donc protégé. Les deux Pierre, Schaeffer et Henry à l’Ircam faisaient de même. Ils utilisaient des instruments électro-acoustiques dédiés pour écrire et jouer de la musique contemporaine expérimentale, et les ingénieurs de Dassault dessinaient des circuits imprimés avec des ordis et des logiciels vendus par le même fabricant spécialiste de DAO ou CAO. La liste est longue, pour n’en citer encore qu’un, celui des compagnies d’aviation et de chemins de fer qui pour leurs usages respectifs utilisaient des parcs de matériel informatique ultra-sophistiqués mais complètement dédiés à leur métier.

L’invention de Pierre Bézier n’a en soi rien bouleversé dans notre économie moderne pour la bonne raison que ce sont les deux autres facteurs d’innovation (miniaturisation et séparation entre hardware et software) qui furent déterminants à l’explosion technologique que nous connaissons aujourd’hui.

Allan Turing est le père officiel de l’invention du premier ordinateur. On lui attribue nottamment l’invention d’une machine à décrypter et casser les codes secrets de la machine Enigma dont se servaient les navires de guerre Allemands durant la deuxième guerre mondiale… Une vie au service de la science et des valeurs démocratiques pour finir par être condamné par la justice anglaise pour crime d’indécence (homosexualité) lui valut d’être déchu socialement et il finit par se donner la mort en mangeant une pomme empoisonné au cyanure… C’est pour rendre hommage à l’inventivité et au martyr de cet homme qu’Apple a dédié sa marque de la Pomme à Allan Turing… (la pomme et les couleurs de l’arc en ciel du mouvement homosexuel).

Linotype et Adobe s’associèrent pour mettre au point une photocomposeuse-flasheuse (une traceuse dirions-nous aujourd’hui) qui était non plus pilotée par un ordinateur dédié mais par un Macintosh acheté dans la boutique du coin. Ce Macintosh était vide. Vendu sans autre logiciel que MacPaint ou MacWriter, les plus fortunés s’achetaient déjà Word de Microsoft qui entre-temps avaient développé leur propre OS ne fonctionnant que sur des plateformes PC. Ça changera.

Adobe à l’époque ne commercialisait que quelques logiciels comme Illustrator par exemple et on trouvait un autre fabricant qui se mettait sur la ligne de départ, Quark, qui fournit le logiciel de composition bien connu. Le premier X-Press, ne permettait même pas de faire chevaucher plusieurs blocs de textes ou d’images. On était dedans ou dehors. La société Aldus lançait le très grand Page Maker ainsi que Free Hand le concurrent d’Illustrator, et quelques autres fabricants se spécialisaient dans la mise en page de formulaires, FrameWork etc. Un survivant que beaucoup avaient apprécié ne cesse de revivre de ses cendres, je veux dire RagTime… etc.

J’oublie volontairement les nombreux softwares, open source ou expérimentaux qui viennent chevaucher ces logiciels phares du grand marché. Mais ils existent.

Tout ceci ne pouvait pourtant pas fonctionner sans l’apport de deux autres inventions majeures où l’on va retrouver enfin notre ingénieur français.

Les polices de caractère vectorielles et le langage Postscript

Les polices de caractère vectorielles et un langage de description de page, une sorte d’html sans hypertexte et uniquement 2D, le PostScript. Inventeur? John Warnock président d’Adobe. Celui-ci eut le génie d’intégrer les courbes de Pierre Bézier dans son langage de description de page et de ce fait fabriquait les premières fontes vectorielles postscripts de Type III. Nous sommes en 1988, à la veille de la révolution évoquée ci-dessus.

Quelques mois plus tard, nous sommes en septembre 1989, Adobe décide de rendre publique son invention (en renoncant principalement à son brevet), le langage Postscript, ainsi que les sources logicielles des polices de Type I qui pour la première fois dans l’histoire de l’informatique permettait grâce à un petit utilitaire Adobe Type Manager, de lisser les compositions à l’écran (wysiwyg).

Voilà. La Révolution est alors en marche (d’autant que Microsoft modernisait son système d’exploitation Dos pour créer l’équivalent de celui d’Apple avec Windows) et nous sommes, typographes du monde entier, aux premières loges pour constater les effets ravageurs de l’évènement, témoins impuissants d’une formidable désagrégation du tissu industriel et social initié par ces inventions. Nombre d’entre nous se souviennent que durant quelques mois, l’on crut dans le petit monde de la communication s’être simplement débarrassé des ateliers de la composition typographique qui réalisaient livres, journaux, campagnes de publicité etc. On déchanta.

En à peine quelques vingt quatre mois, le monde de l’image basculait également et avec, les nombreux professionnels de la retouche, du tirage, et de la photogravure et même de l’imprimerie qui passait aux technologies du CTP (plaques offset directement insolées à partir des fichiers sans passer par l’étape du film offset).

Puis ce fut au tour du Son, qui s’affranchissait des tables de montages analogiques hors de prix, puis celui de la vidéo et du cinéma. Mais si ce n’était que tout le secteur de l’entertainment qui était touché, aucun souci.

Les mêmes agences qui triomphalement s’étaient affranchies des sociétés de typographie, voyaient leur client, les annonceurs s’équiper et faire des pré-maquettes sur Power-Point, enfermant les briefs dans un cadre de plus en plus «borné», délimité. De même que la population des graphistes s’affranchissaient des agences de comm. pour s’installer dans l’indépendance et offrir leurs services de PAO.

De fait les langages postscript et HTML ont concouru à la création d’internet et d’un coup l’informatique de masse interconnectée en réseau a renversé toutes les habitudes professionnelles et domestiques en l’espace de quinze ans. Détruisant sur son passage des millions de petits emplois devenus inutiles parce que permutables sur les consoles de travail de toutes les entreprises. Dactylos, assistant(e)s, secrétaires furent les premiers touchés, puis les techniciens spécialisés, qui virent leur travail récupéré, laminé par la formidable puissance informatique. Les standardistes, et guichetiers disparaissent bien après que le dernier poinçonneur des Lilas… ait troué le dernier billet de métro. Les voyagistes et les compagnies de transport remplacent les hygiaphones par des machines à débiter les billets, quand ce n’est pas tout simplement Internet ou les téléphones mobiles qui prennent le relai de la transaction.

Symptômes d’une destruction sociale annoncée

Vous qui lisez ce billet, si vous êtes webdesigner ou bien développeur ajax, flash ou expert des langages web, cet article ne vous parle pas forcément. Vous vous sentez sur la crête de la vague, protégé et pulsé par la révolution high tech… mais ne vous y trompez pas, la société est un tout, bien plus complexe, et la capillarité des crises qui se succèdent peuvent à leur tour vous atteindre.

L’économie des sociétés occidentales vivaient sur le concept de la trinité des secteurs économiques. Agricole, Industriel et Tertiaire… intelligemment rebaptisée le secteur des services.

Nous n’apprendrons rien en affirmant que le premier s’est modernisé, intensifié, et régulé au contact des organisations européennes et mondiales. Quotas, interventionnisme et subventions ont «ramassé» ce secteur en la vidant de la substance populaire qui le composait jusqu’au milieu des années cinquante. Sans travail ni perspective ces masses se sont engouffrées dans le deuxième secteur, industriel… les trente glorieuses, où les années de reconstruction ont illuminé l’industrie l’éclairant du phare de la modernité. La voiture, les équipements ménagers, la construction de maisons individuelles, le high tech ont tiré les classes moyennes vers le haut, dans un paysage économique en croissance à deux chiffres.

Mais la mondialisation s’installait dès les années 70. Le Made in China ou Taïwan ne date pas d’aujourd’hui mais des accords de Bretton Woods, qui élargirent le champ des échanges internationaux abaissant les barrières de protection entre états du monde entier. Dans le même temps le troisième secteur, celui des services connaissait une progression économique sans précédent.

Ce qu’aucun politicien, ni aucun parti politique en France ne vous a jamais dit clairement c’est que ce secteur des services, son dynamisme, et sa légitimité tiennent entièrement au dynamisme et aux excédents des deux premiers. Dès lors que l’industrie se désagrège et que l’agriculture voit sa part sociale diminuer drastiquement, celui des services se trouve privée d’un socle solide (sans compter que ce dernier pratique également depuis quelques années les mêmes tendances à la délocalisation [off shore] que l’on connaît avec l’industrie).

Certains pays comme l’Allemagne ou l’Angleterre ont mieux résisté pour la bonne raison qu’ils n’ont pas sacrifié leur secteur industriel. En France, depuis la mort annoncé des mines de charbon en passant par celui des industries de l’acier, les «experts» et politiques ont laissé se détruire petit à petit d’abord de grands pans des gisements industriels puis cela s’est propagé aux PME de l’industrie qui ne pouvaient pas résister à la concurrence étrangère. Le maître mot des années 80, la croissance externe, les rachats-fusions ont fini d’achever le tableau de cette désagrégation qui connaît son punctum dans l’avènement d’un capitalisme financier en lieu et place de celui d’un patronat d’entrepreneurs, capitaines d’industries motivés et parfois (pas toujours) éclairés.

La France a cru longtemps et cette croyance est loin d’être effacée, que le tourisme pouvait pallier la balance des paiements, pensant pouvoir exploiter à l’infini la manne d’une richesse naturelle, littoraux, montagnes, forêts, vieux campaniles et clochers de cocagne, cathédrales pour touristes et cars-musées-fast-food transformant le pays en un immense luna park quatre étoiles. Oui mais… ce secteur n’est pas infaillible, et il dépend beaucoup des limites de la capacité d’accueil et de la conjoncture internationale. Un cours de l’euro trop fort et ce sont les français qui rendent leurs «pièces» aux américains et non l’inverse. Une météo catastrophique comme cette année, et la récolte touristique se met en berne provoquant un trou d’air dans la balance financière.

La révolution informatique dans ses immenses bienfaits a bien créé des métiers très qualifiés, informaticiens, développeurs, spécialistes de l’écran, flasheurs-artistes etc. Mais sociologiquement il s’agit d’une population très très limitée eu égard à tout le secteur tertiaire pris dans sa globalité. Et lorsque cette même informatisation généralisée provoque l’effondrement salarial de tout le secteur des services, ce ne sont pas quelques dizaines de milliers de postes qualifiés qui pourront en sauver les emplois. D’autant qu’avec cette montée en puissance de la qualification, les niveaux de salaires ont été de même alignés vers le bas.
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Quelques pistes de réflexion ?

Crise financière, industrielle et révolution technologique, concourent donc à un choc planétaire contre lequel un système aveugle basé sur le seul profit immédiat ne peut en aucun cas apporter de solutions viables. Un ami a fait récemment l’analyse de la défaite de la gauche, publié dans Marianne… le texte appelle à une refondation intellectuelle de la gauche. J’ajouterais juste à cette analyse brillante la nécessité d’une réflexion sur le rôle de l’État face à l’absence dans le système économique de régulateurs de flux sociaux-économiques où les multinationales jouent les profits à court terme se défaussant sur les États pour réparer les destructions massives de l’emploi et du tissu social. Pierre Bézier n’a sans doute jamais imaginé les retombées négatives de son invention dans une conjoncture socio-économique défavorable à l’emploi de même que Einstein n’a jamais voulu Hiroshima.

En conclusion il n’est pas question de militer, pour un retour en arrière, ni pour la confiscation de la modernité, mais pour une régulation des flux économiques qui mettent l’intérêt du collectif au premier rang des préoccupations des politiques. Les révolutions technologiques doivent servir et non asservir l’humanité, et partant si les courbes de Bézier pouvaient servir d’exemple et d’outil pour «remodeler» une philosophie de l’action publique, ce serait d’affirmer une fois de plus que la politique, c’est prévoir et non subir.

Extraits de la lettre de Pierre Bézier adressée à Christophe Rabut en novembre 1999 (année de son décès)

Monsieur et cher collègue ,

Les questions que vous m’avez posées sont nombreuses et je vais essayer de ne pas me perdre dans des méandres superflus. Madame de Sévigné, qui n’était guère mathématicienne, écrivait un jour à sa fille « pardonnez-moi ma toute bonne, mais aujourd’hui je n’ai pas eu le temps de faire court« . C’est une phrase que l’on devrait graver sur certains frontons, auprès de celles que l’on emprunte à Platon.

D’abord, je dois préciser que j’ai été formé aux Arts et Métiers Promo 1927 en vue de devenir ingénieur mécanicien -c’était une vocation héréditaire-, que j’ai passé ensuite un an à SupElec (Promo 1931) et que mon comportement en est resté imprégné. Cela peut expliquer dans une certaine mesure ma façon de raisonner et de réagir.

1. Formation au Service des Méthodes Mécaniques de Renault

En 1933, la crise de 1929 n’était pas terminée ; après mon service militaire, j’ai été embauché par Renault comme ajusteur-outilleur ; je suis ensuite passé au bureau d’études des outillages, qui faisait partie du service des méthodes.

Ce service avait à choisir, à concevoir et à mettre en oeuvre les moyens de production des pièces mécaniques ; toutes les surfaces qui nécessitaient une certaine précision étaient des plans, des cylindres ou des cônes, c`est à dire qu’il suffisait de droites et de cercles pour les définir ; seule exception : les flancs des dents des pignons, mais ils étaient taillés par des machines spécialisées qui les engendraient grâce à des combinaisons cinématiques appropriées. Les limites étaient exprimées en millièmes de mm car les tolérances étaient de l’ordre du centième, et parfois moins. Les contestations avec les contrôleurs portaient en général sur un ou deux millièmes et, dans l’argot de l’atelier, l’appareil de mesure, palmer ou comparateur, était appelé « juge de paix ». Pas besoin de commentaire.

2. Les Méthodes de la carrosserie en 1960

Au contraire, pour la carrosserie, tout baignait dans un flou artistique ; le styliste était l’arbitre ; son jugement ne pouvait être que subjectif et variait parfois avec le temps ; on ne demandait à personne d’avoir des connaissances mathématiques, exception faite des dessinateurs, qui étaient de vrais acrobates de la descriptive ; leurs instruments étaient des gabarits, des pistolets, des lattes flexibles, des compas à pointes sèches et des réglets gradués.

Les plans étaient médiocrement précis, et l`on citait le cas d’une voiture, pas plus laide qu’une autre d’ailleurs, dont les deux flancs différaient entre eux de plusieurs millimètres : pour l’esthétique et l’aérodynamisme, c’était sans importance, mais en cours de fabrication il n’en allait pas de même ; entre des pièces qui auraient dû s’assembler bord à bord il restait parfois des vides de plusieurs millimètres qu’il fallait combler avec de la soudure à l’étain, et cela coûtait cher.

Schématiquement, lorsque l’on étudiait un nouveau véhicule, le procédé classique était d’abord de charger un styliste de tracer plusieurs croquis entre lesquels on faisait un choix puis de modeler des maquettes en cire à l’échelle 1/8 au 1/10 ; ensuite, en plusieurs étapes, on en tirait un plâtre en grandeur nature qui était soumis au jugement d’un aréopage constitué par la Grande Direction , le Style, le Service Commercial et différents conseillers supposés qualifiés ; quand, au bout de plusieurs mois, et après maintes retouches et modifications, un accord était atteint, le bureau de dessin étudiait chacune des pièces intérieures de la caisse ; il fallait, pendant ce temps, tenir compte des impératifs de la fabrication : emboutissage, soudure, peinture, sellerie, fixation des organes mécaniques, assemblage général, entretien et réparation ; on construisait plus tard un maître-modèle dans un matériau assez stable, acajou ou résine organique, qui servait de référence pendant toute la production du véhicule, mais sa précision n’était pas parfaite et même, avec le temps, pouvait parfois subir une distorsion, ce qui est fâcheux pour un étalon.


3.Schéma d’un projet.

I1 y avait dans cet état de choses quelque chose de choquant pour un mécanicien habitué à une rigueur sans concession ; il me semblait qu’il faudrait parvenir à utiliser une définition indiscutable, exempte de distorsion et facile à communiquer, établie par le styliste lui-même et transmise ensuite sous forme numérique à tous les groupes, y compris les sous-traitants et les fournisseurs, intervenant dans le processus, depuis le styliste jusqu’au contrôleur opérant à la sortie de la chaîne de fabrication, et même aux ateliers d’entretien du réseau des agents et des concessionnaires.

4. Émergence de l’ordinateur et des machines à commande numérique.

L’ordinateur, apparu dans l’industrie vers 1950, travaillait naturellement en priorité pour les services administratifs ; quand il lui restait du temps, et c’était rare, il exécutait en mode différé quelques travaux à la demande des services scientifiques ou techniques.

Sa rapidité de calcul nous semblait fabuleuse ; en 1955 sont apparues aux USA les premières machines-outils à commande numérique ; au début, c’était pour effectuer de point en point des perçages, des taraudages et des alésages ; plus tard on est passé au fraisage suivant des droites, puis des arcs de cercle ; cela suffisait aux mécaniciens et l’on pouvait même placer bout à bout des arcs de cercles ou, grâce à Chaïkin, de paraboles pour imiter d’autres courbes. Bref, il n’était plus insensé de songer à s’attaquer au problème du tracé des carrosseries.

5.Tracé des courbes par déformation du référentiel.

Le tracé de courbes était la première étape à franchir, car ce sont les courbes dites « de construction » qui servent de guide pour représenter les surfaces ; les gens de métier les nomment ligne de ceinture, ligne de carre, ligne de bas de jupe, etc. ; ce sont des courbes gauches et il faut plusieurs projections pour les définir, en assurant leur compatibilité. Il n’aurait pas été bon de les constituer en mettent bout à bout beaucoup de petits arcs de cercle ou de paraboles parce que toute modification n’aurait pu être que locale alors qu’il fallait, au contraire, conserver l’allure générale de la courbe à corriger et que l’altération soit répartie progressivement sur toute sa longueur ; il était impératif de réduire au minimum le nombre des arcs à juxtaposer ; on a donc inscrit dans un cube une courbe dite « de base », de forme bien adaptée, et l’on a pensé à déformer celui-ci pour en faire un parallélépipède (PPPD) , autrement dit on lui a fait subir une transformation linéaire ; pour définir celui-ci, au lieu de donner une origine commune aux trois vecteurs-unités du PPPD , on les a mis bout à bout ; la forme du polygone ainsi constitué évoque vaguement celle que prendra la courbe de base après avoir subi la même transformation.

A première vue, il semble moins logique de déformer tout un référentiel plutôt qu’une seule ligne, mais il faut considérer que l’on a besoin, dans la suite des travaux, de modifier l’ensemble d’un tracé composé de plusieurs arcs de courbes et qu’alors il sera plus simple de le faire d’un seul coup en agissant sur leur espace commun plutôt que sur chacun séparément.

Plus tard, on a pensé aussi qu’au lieu d’effectuer seulement une transformation linéaire, on pourrait imposer au cube une distorsion générale, au pris d’un accroissement de la quantité des calculs qu’entraînerait l’usage simultané de trois paramètres.

6. Choix de la courbe de base. Fonctions f.

J’avais choisi comme courbe de base, c’était une idée de mécanicien, l’intersection de deux quarts de cylindres circulaires (Fig. 1) ; l’ordinateur aurait développé les fonctions harmoniques pour calculer les points courants ; mais les opérations se sont compliquées dés que l’on a voulu utiliser des référentiels ayant plus de trois dimensions ; l’emploi des fonctions algébriques s’est alors naturellement imposé.

En son origine (0,0,0), la courbe de la figure 1 est tangente à Ox et osculatrice au plan xOy ; en (1,1,1), sa tangente est parallèle à Oz et son plan osculateur à yOz ; si l’on imagine qu’un point la parcourt à vitesse constante, l’on conclut que les vitesses de ses projections sur les trois arêtes a1 , a2 et a3 du pppd sont représentées par les diagrammes de la Fig.2, la solution la plus simple étant constituée par trois fonctions cubiques f1, f2 et f3 , et la représentation du point courant a la forme .

Le livre de HERMES Courbes et Surfaces contient quelques détails sur les calculs correspondants, d’ailleurs bien élémentaires, ainsi que la forme générale des fonctions f pour toute valeur de i ce qui s’est vite montré nécessaire. Un exemplaire de la thèse soutenue en 1977 a été remis aux archives du CNRS ; peut-être même y en a-t-il un dans la bibliothèque de votre INSA.

I1 ne m’avait pas semblé nécessaire de donner un nom aux fonctions°f, car j’étais persuadé qu’elles avaient déjà un état-civil ; or j’avais dû, pour des raisons diplomatiques plutôt que scientifiques, adresser quelques notes explicatives à différents personnages de rang élevé de la Régie afin de les tenir par déférence au courant de mes activités, si peu qu’ils y aient pris intérêt.

7. Parrainage

Les choses prenaient un certain développement, mais les fonctions n’ayant pas à ma connaissance de patronyme officiel, j’ai cru judicieux de leur trouver au moins un parrain, ce qui leur conférerait une certaine respectabilité ; j’ai donc attribué leur invention à un professeur virtuel à qui j’ai donné pour nom Durand et pour prénom Onésime, afin d’éviter une homonymie susceptible d’engendrer une action contentieuse.

L’honorable Professeur Durand a donc été connu dés 1965 chez Renault ; ses fonctions ont été citées alors au CNAM et dans des congrès aux USA ou en Europe ; vers 1970 sur proposition de Mr Soubrier, de l’ADEPA ,le nom d’UNISURF a été adopté pour le procédé ; pas une seconde je n’aurais imaginé que mon patronyme, figurerait un jour dans des textes sérieux, pas plus que je ne songe aujourd’hui à le voir un jour gravé sur le socle d’une statue, pour le moins équestre, érigée sur la place de mon village.

Les Américains m’ont fait le grand honneur, depuis les années 1975, d’employer mon nom dans leurs communications, mais je ne saurais fournir une date plus précise. Comme, en France, cela ne se décerne guère qu’à titre posthume, beaucoup de gens ont des raisons de penser que je suis définitivement décédé. Un peu de patience !

8. Fonctions de Bernstein

Comment est-on passé des fonctions f à celles de Bernstein ? Tout simplement, mon camarade Riaux m’a fait observer que les sommets du polygone, selon qu’ils étaient l’origine ou l’extrémité d’un de ses côtés, intervenaient deux fois dans le calcul du point courant ; les différences entre deux fonctions f successives sont les fonctions de Bernstein, dont les propriétés sont bien plus utiles que celles des fonctions f ; par exemple, la forme d’une courbe est invariante par rapport aux changements d’origine, c’est à dire aux translations et aux rotations.

A titre anecdotique, je vous signale que Bernstein était un ancien élève de SupElec, où i1 m’a précédé exactement de trente ans, et qu’il a inventé ses fonctions pour établir des courbes d’espérance de vie pour une compagnie d’assurances.

9. Généralisation.

Tout ce que je vous ai écrit jusqu’ici concerne le tracé des courbes mais mon intention était, dès l’origine, d’aller bien au delà, et d’essayer de faire avancer un peu l’ensemble du problème de la conception et de la fabrication de la carrosserie sans laisser subsister la moindre part d’une méthode périmée. Ensuite, passer des courbes aux surfaces n’a été qu’un exercice d’algèbre élémentaire.

I1 n’était pas besoin d’avoir beaucoup d’imagination pour penser que les pièces mécaniques seraient justiciables de la même méthode , tout comme les coques de bateaux et les voilures d’avions, mais c’étaient alors là des idées si hétérodoxes qu’il valait mieux ne pas les révéler ; j’avais déjà, en d’autres occasions, épouvanté de hauts dirigeants par des initiatives aux principes desquelles ils ne pouvaient guère rien comprendre, et dont la réussite n’avait pas calmé la frousse rétrospective ni absous mon non-conformisme ; je suis resté à jamais à leurs yeux l’affreux jojo anar ou le mouton noir, entouré de quelques énergumènes de son espèce.

10. Doctrines

D’autres entreprises ont pensé, de façon plus raisonnable ou plus réaliste, c’est un peu la même chose, que ce serait déjà un grand progrès que de mesurer les coordonnées 3D d’une grosse quantité de points situés sur une maquette, puis de définir ensuite une surface qui les contiendrait ; cela rappelle les courbes de régression, les réseaux de Delaunay , la méthode de Bôse, etc.

Naïvement, j’ai cru au contraire qu’en mettant un moteur sur un char-à-bancs cela ne ferait jamais une automobile, mais qu’il fallait « essuyer le tableau » et repartir de zéro. Pardonnez-moi si j’emploie sans modestie la première personne du singulier, mais je crois que si j’ai apporté quelque chose de valable dans le développement de la CFAO, c’est d’abord ce simple point de vue, dont l’hétérodoxie a convaincu à l’époque tous les gens dits sérieux, et prudents jusqu’à la couardise, que j’avais complètement déraillé de la voie tracée par leurs prédécesseurs. Je passe sur certains jugements qui auraient mérité son attribution si Monsieur Nobel avait prévu de créer, parmi les autres, un Prix de la Stupidité.

11. Equipement prototype.

Dès 1965, les travaux théoriques étaient assez avancés et j’étais certain que la solution était valable mais, pour convaincre les tenants de la tradition, il aurait été indispensable de disposer d’une machine à dessiner de 8m x 2m, d’une machine à fraiser de faible puissance (0,5 kW) pour tailler des blocs de mousse de polystyrène, avec des courses de1,5m x 1,2m x 0,8m , et des avances de 2 m/min , ce qui semblait irréalisable à l’époque. De plus, pour travailler en mode conversationnel, il serait indispensable de disposer en permanence d’un ordinateur de puissance modeste, ce qui était contraire, en 1960, à la pratique admise ; il faudrait enfin bâtir un logiciel rudimentaire.

Le budget correspondant était évalué à 3MF et la Haute Direction montra les bornes de sa confiance en limitant son montant à 600 kF , à charge pour moi d’aller ailleurs tendre la sébile ; par chance, le projet inspira confiance à la DGRST qui m’accorda 1,5 MF ; le reste fut prêté par un constructeur d’ordinateurs qui prêta 900 kF, car l’idée de multiplier les ordinateurs de petites dimensions lui parut bonne à encourager.

Les problèmes devenant plus complexes, nous sommes passés à des référentiels non-linéaires qui permettent de tracer une courbe de paramètre w sur une surface définie par deux paramètres u et v , c’est à dire, par exemple, de tracer une échancrure de passage de roue dans une aile déjà déterminée, ou de modifier la totalité d’une caisse sans avoir à corriger séparément les surfaces élémentaires qui la composent.

Vous voyez, cher Monsieur, que tout cela est simple et se ramène à quelques notions banales, sans aller au delà d’un peu de calcul vectoriel et matriciel. Pourquoi, en 1960 des chercheurs de l’industrie aéronautique ne l’ont ils pas trouvé du premier coup ? Je crois qu’ils ont été intoxiqués par l’idée de reproduire un modèle plutôt que de commencer en créant directement une forme et en l’affinant peu à peu ; je suppose que le problème posé par Citroën à Jean de la Boixière (SupElec) et à Paul de Casteljau (Norm Sup), tous deux ingénieurs et mathématiciens, était aussi de traduire numériquement une maquette faite à la main.

Si l’on veut considérer tout cela d’une façon plus générale, on peut dire que vers 1960, beaucoup de mécaniciens étaient encore peu renseignés sur tout ce que l’électricité pouvait leur apporter comme moyen de mesure, de calcul, de servo-commande, de distribution de force et de puissance. Quand j’ai fait mes premières armes dans l’industrie mécanique, c’était peu après 1930, son emploi dans les machines-outils se limitait à celui des moteurs asynchrones, des relais magnétiques et des interrupteurs de fin de course pour portes d’ascenseurs ; c’est vers 1935 que l’on m’a laissé, et avec réticence, utiliser l’automatisme séquentiel pour remplacer embrayages, crabotages, encliquetages et vérins hydrauliques.

Le cahier des charges que je m’étais proposé en 1960 avait pour avantage d’être fondé sur une expérience que j’avais acquise en exerçant la plupart des métiers qui jouent un rôle dans la carrosserie : usinage, fonderie, électricité, électronique, tracé, soudure, dessin, ajustage, contrôle ; j’avais aussi conservé et développé quelques connaissances en mathématiques au delà de ce que l’on enseignait aux élèves des Arts et Métiers en 1930 ;1a curiosité n’est pas toujours un péché capital.

Quand on veut dessiner une machine-outil, ce qui fut mon métier de base, on se forme d’abord une image de ce qu’elle devrait être ; ensuite, la définition finale s’élabore par permutation entre tracés, calculs et essais ; depuis vingt cinq ans, les mécaniciens et les électriciens collaborent dés 1e début de la période de conception ; plus tard, les philosophes, les psychologues et les organisateurs professionnels ont trouvé un nom pour cette pratique : c’est l’ingénierie simultanée.

La théorie des espaces paramétriques est maintenant largement connue et enseignée ; voir l’une des épreuves de math du concours des Grandes Ecoles en 1999. La littérature est abondante ; les idées de base que j’ai essayé d’exprimer sont peut-être moins répandues, mais je crois qu’elles résisteront bien à l’érosion du temps.

Cela m’intéresserait de savoir comment mes réponses ont répondu à votre demande car dans l’exercice de mon métier, qu’il ait été civil ou militaire, j’ai toujours attaché beaucoup d’importance au rôle de la pédagogie. Ne dit-on pas que notre époque est celle de la communication ?

Bien cordialement.
P.Bézier

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vous n’imaginez pas tout ce que Pierre Bézier peut faire pour vous

I. Présentation des courbes de Bézier

1. Exemple introductif avec trois points de contrôle.

Fixons trois points M0, M1 et M2 non alignés.

On nomme : A1 barycentre de M0 (1-t) et M1 (t) ;

A2 barycentre de M1 (1-t) et M2 (t) ;

M barycentre de A1 (1-t) et A2 (t) ;

a. Détermination vectorielle ou calcul barycentrique.

Nous pouvons écrire : (avec O un point du plan)

donc (1)

(1-t)²+2t(1-t)+t²=1+t²-2t+2t-2t²+t²=1

donc le point M est le barycentre de {M0 , (1-t)² ; M1 , 2t(1-t) ) ; M2 , t²}

On remarque que les coefficients des points Mi sont de la forme :

pour est le coefficient binomial.

On pose

L’indice 2 de indique le degré du polynôme dont la courbe est donné par (1) .

On a ainsi : M barycentre de {M0 , ; M1 , ; M2 , }

Si ces travaux scientifiques vous intéressent vous pouvez continuer de les lire sur le site suivant

de même que sur le site de Christophe Rabut ici

concept-car Twingo (Renault), où l’on voit la précision et l’élégance des tracés qui n’ont pu être usinés qu’avec l’aide de machines outils intégrant les formules des courbes de Pierre Bézier.

Un grand merci à Christian et Marie pour la relecture. S’il subsiste des fautes, elles seront corrigées dans les jours prochains. Et aussi un grand merci à mes fidèles lecteurs pour la patience de supporter mes posts terriblement longs. Et si vous désirez commentez, n’hésitez surtout pas.
Première piste pour les commentaires… si le tableau brossé semble négatif, il existe d’autres voies de sorties de crise… La recherche… devenir un des pays les plus novateurs de la planète… mais cela nécessite un plan Marshall de la recherche et du développement… Lorsqu’on songe qu’en 1999 à l’enterrement de Pierre Bézier, tous les PDG des grandes firmes automobiles étaient présent mais point de représentant notoire de la République Française, cela en dit long sur la capacité de l’espace public de prendre en compte les priorités de la recherche. De même, Moiroud et Higonnet, les deux inventeurs de la photocomposition, ont dû à l’époque se tourner vers l’industrie américaine pour diffuser leur révolution technologique.
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Disparition de François Fejtö, journaliste et historien d’origine hongroise

©AFP/FERENC ISZA

Une fois n’est pas coutume, je m’associe à l’hommage que rend le Blog des Mardis Hongrois à ce témoin centenaire d’un siècle de la Hongrie d’avant, pendant et après le communisme.

“D’un siècle à l’autre, François Fejtö aura tout vécu, étudié, analysé, transmis de cette Europe au milieu de laquelle il était né, le 31 août 1909, et qui sera passée de l’ère des empires au morcellement des nationalités, puis à la division Est-Ouest, avant de se retrouver réunifiée au milieu de la tragédie des guerres yougoslaves. Journaliste, écrivain, historien, philosophe, François Fejtö a fait comprendre à des générations cette Europe centrale que les Européens de l’Ouest avaient tendance à méconnaître ou à négliger. Il est mort lundi 2 juin à Paris. Il était âgé de 98 ans.”
Lire la suite de l’article paru dans Le Monde du 3 juin 2008

 

Dates clés

31 août 1909
Naissance à Nagykanizsa (sud-est de la Hongrie)

1949
Rédacteur en chef adjoint de l’Agence France Presse.

1956
La Tragédie hongroise (réédition chez Horay).

1988
Requiem pour un empire défunt (Lieu commun).

2005
Dieu, l’homme et son diable (Buchet-Chastel).

Budapest 1956
La Révolution
Photographies d’Erich Lessing
Textes d’Erich Lessing, François Fejtö, György Konrád
et Nicolas Bauquet
(et une chronique sur Design et Typo ici)

2 juin 2008
Mort à Paris.

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Yves Saint Laurent | la Transgression comme éthique de La Création


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Logotype d’Yves Saint Laurent conçu par A.M. Cassandre. Évocation d’élégance, de créativité, de féminité; inclassable…C’est la grande patte d’un artiste complet, déjà «designer» dira Michel Disles.

Biographie d’Yves Saint Laurent

Yves Henri Donat Mathieu-Saint Laurent est né le 1er août 1936 à Oran en Algérie où il passe sa jeunesse.
En 1954, à l’âge de 18 ans, il s’installe à Paris où il suit des cours de dessin à la chambre syndicale de la haute couture pendant trois mois.

Maison Christian Dior

Christian Dior, le couturier qui a inventé le NewLook en raccourcissant les jupes des femmes d’environ 20-25cm (1945-1947)

Yves Saint Laurent est remarqué en 1955 par le couturier Christian Dior qui l’emploie comme assistant modéliste.En 1957, il est âgé de 21 ans à peine lorsque Christian Dior meurt. Il lui succède à la tête de la maison Dior où il connaît le succès avec la présentation de sa première collection  » Trapèze « . L’homme d’affaires Pierre Bergé entreprend de gérer sa carrière à partir de 1958 mais est mobilisé sous les drapeaux. À son retour, Marc Bohan a pris sa place auprès de son ami.

Lire la suite sur Wikipedia ici

Vintage Fashion Newreels 1960s

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Yves Saint Laurent, 1962

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Coco Chanel parle de l’élégance

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Yves Saint Laurent: ELLE magazine

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Yves Saint Laurent, tout terriblement

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L’œuvre d’Yves Saint Laurent a aussi bien sa place sur les corps au plastique parfait des femmes que dans le musée de la Mode, alors pourquoi pas sur le blog d’un graphic-designer qui pense que la création est forcément transversale et touche à tous les domaines. Je ne me suis pas privé d’évoquer le travail de Serge Lutens ou d’analyser la mise en page des magazines de Mode. Alors pourquoi devrais-je considérer qu’en la matière l’œuvre d’Yves Saint Laurent échapperait aux champs d’investigations de Design et Typo. (1) (2) (3)

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale les créateurs de mode se sont ouvert au monde du graphic design. Preuve en est aussi bien chez Christian Dior que Givenchy ou Ted Lapidus ou encore et bien évidemment Kenzo et Jean-Paul Gaultier sans oublier un des plus passionnés de graphisme Paul Smith. Il suffit de feuilleter les magazines sur le site de l’Officiel, pour s’en convaincre. Lignes parallèles ou croisés, trame à points façon Roy Lichtenstein. Le graphisme du Bauhaus, mais aussi la peinture cubiste de Picasso ou encore l’architecture de l’espagnol manière Gaudi ont pesé lourd sur les épaules frêles des manequins défilant d’un pas incertain sur les podiums des avant-premières.

Parce que la force créatrice des couturiers c’est aussi cela, nez au vent, sentir l’air des tendances et des désirs des femmes, traduire avant tout le monde une structure et des matières qui vont habiller les soirées mondaines et faire dire à tous ces corps, livrés aux ciseaux et points de couture, la sensualité et l’élégance du jour et de l’heure exacte, une Mode, qui arrête le Temps l’espace d’une saison.

Yves Saint Laurent a été l’un de ceux-là. Et sans doute l’un des plus brillants parce que sa sensibilité exacerbée, son exigence jamais satisfaite ont donné naissance à une représentation parfaite de l’Idéal de Mode qui ont inspiré par la suite tous les Tom Ford des générations futures.

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détail d’un tableau de Roy Lichtenstein


© photographie Christophe Moustier (1996)

Les pages ci-dessus et ci-dessous proviennent du site de l’Officiel de la Mode que nous avons déjà évoquées dans un billet précédent.

Les magazines de Mode ont tenté de suivre la créativité des artistes couturiers sans jamais les égaler, sauf peut-être à l’époque brillante des Harpers et de Vogue qui ont bénéficié de l’apport des Brodowitch et plus tard des Neville Brody (The Face) .

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© Photographie André Rau | Fondation Pierre Bergé

Juste un clin d’œil en montrant cette affiche du film de Robert Altman: «Prêt-à-Porter» qui brossa l’un des tableaux les plus vitriolesques du petit monde de la Mode. Un film secondaire certes mais au regard sans concession sur un système qui fait et défait le Temps de la Mode.

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Steve Shehan, Loy Alain Ehrlich et Didier Malherbe au Triton

Retour sur ce mois de mai qui fut prolixe en travail, et en soirées musicales. Le Hadouk Trio, à Romainville dans le cadre du festival Unis-Sons93 co-organisé par le Triton avec les trois compères Steve Shehan, Loy Alain Ehrlich et Didier Malherbe:

“Les routes de Didier Malherbe et Loy Ehrlich se sont croisées pour la première fois dans les années 70, lorsqu’ils officiaient respectivement dans Gong et Crium Délirium et partageaient les scènes des grands festivals hippie… Après avoir poursuivi chacun de leur côté leurs explorations planétaires, ils ont uni leurs destinées au milieu des années 90 sous une bannière créée à partir des noms de leurs instruments de prédilection : le hajouj, basse des Gnawas du Maroc, et le doudouk, hautbois arménien. Le duo est devenu trio avec l’adjonction du percussionniste américain Steve Shehan, et depuis une décennie le Hadouk Trio enchaîne les concerts et les albums : Shamanimal (1999), Now (2002), Utopies (2006) et Baldamore (2008). Entourés d’un instrumentarium aussi riche que fascinant, les trois musiciens proposent un voyage musical puisant dans les traditions les plus diverses, mais résolument moderne et personnel…”

Didier Malherbe sax soprano, flûtes, doudouk, ocarinas, clarinette alto
Loy Alain Ehrlich hajouj, kora, awicha, n’goni, claviers
Steve Shehan djembé, congas, derbouka, hadgini, sanza, balais…

Photographies au Nikon D200, priorité vitesse, ISO en fonction de la lumière. Développement RAW dans la suite Adobe CS3 avec optimisation sous Photoshop CS3. (petit astuce en RAW, se servir du curseur Lumière d’Appoint pour déboucher les zones d’ombres), et toujours remonter la luminosité pour pouvoir baisser ensuite l’exposition… la façon la plus correcte pour donner la «bonne matière» à la carnation des visages.

Écouter un extrait du trio Hadouk ici

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Mai 68 à la Galerie Anatome | Entre Révolte et L’imaginaire de la Révolte

Je ne vais pas réécrire l’histoire. Ni le temps, ni la vocation, juste quelques réflexions personnelles. On a tout dit sur mai 68, ses origines, ses lignes de force, la trame d’une narration qui commence dans les dortoirs des jeunes étudiantes de Nanterre, interdits aux garçons (le mouvement du 22 mars démarre là) jusqu’au grand rassemblement Gaulliste du 31 mai 68 qui vit déferler sur les Champs Élysées environ un million de sympathisants au Général pour dire leur ras le bol de la «chienlit».

Entre temps il y eut les pavés et pas forcément la plage. La contestation, le réveil à un monde qui se mondialisait grâce d’abord aux médias (village global de McLuhan). La révolte enfin d’une génération qui en avait marre de se taire, de ne pas parler, de ne pas avoir le droit de rêver. La sociologie dans tout cela. Elle explose. Les syndicats? débordés. Les partis politiques? submergés. Les clivages sont là, les ouvriers des usines, les déshérités, les laissés pour compte des trente glorieuses… mais la révolte vient des jeunes, souvent bourgeois, qui n’ont que l’utopie au porte voix, des idées, de l’imagination à ne plus vendre… enfin pour lors.

Parce qu’après, ils vont se rattraper, rentrer dans le rang et mettre à «profit» leur talent de manipulateurs, à leur tour. Les laissés pour compte sont restés, et vont devenir légion, d’abord avec le premier choc pétrolier puis, avec la montée d’une mondialisation en marche doublée de la révolution technologique de l’informatique et du numérique et aujourd’hui avec le troisième choc pétrolier, qui risque d’être quatre fois que dis-je dix fois plus ravageur socialement que les deux précédents.

Hier sous les lambris de la coupole du Théatre de l’Odeon une invitée surprise à un débat animé par Laure Adler.

L’alternative | changez la vie, donc transformez son mode d’emploi. (slogan relevé rue Rotrou)
Où est la révolte aujourd’hui, comment s’exprime le refus, la résistance, la recherche d’un autre monde. Plateau d’invités, animé par Laure Adler et Jade Lindgaard et diffusion de documents audiovisuels de l’Ina, avec Philippe Artières, France (auteur de 68, une histoire collective), John Jordan, Grande-Bretagne (créateur de « Reclaim The Streets« ), Naomi Klein , Canada (auteur de No Logo et de La stratégie du choc). (cf. photos au bas de ce billet).

Bien entendu le temps fort de ce débat fut l’intervention de Naomi Klein qui vient de sortir aux éditions LEMÉAC/ACTES SUD la traduction Française de son ouvrage, la Stratégie du Choc (The Shock Doctrine). Il faut bien entendu resituer N.Klein dans la mouvance d’un Noam Chomsky et des altermondialistes. Il paraît que les nouveaux combats se situent là. Oui pourquoi pas, sans doute. À mondialisation il faut bien répondre mondialement… Et les idées de Naomi Klein, adepte de ce que les médias ont tant repproché à notre Marion Cotillard nationale, la théorie du complot, ne sont pas dénuées d’originalité et de pertinence. Elle s’explique fort bien dans différentes conférences que vous pouvez visionner sur YouTube ici.

Une lutte sans merci entre les forces du néolibéralisme conservateur qui chercheraient à privatiser l’Etat, et les progressistes alters… qui alertent, dérangent et bousculent les forces conservatrices pour promouvoir une planète solidaire et propre. Interrogée, Naomi Klein n’est pas sûre du tout de l’issue de ce combat inégal. Mais l’intervention de John Jordan qui invite sur la scène de l’Odéon des artistes et les créatifs des agences de pub à arrêter immédiatement de produire pour le compte du «système» a fini par me convaincre qu’une fois de plus «ces intellectuels là» n’ont pas compris grand chose aux enjeux de notre société. Jean Pierre Dupuy (fondateur de l’Agence Dupuy) avait été de même hué dans l’amphi Richelieu de la Sorbonne en mai 68 pour avoir osé monter sur la tribune et prendre la défense du métier de publicitaire.

Et puis il y a eu ce document de France 5, un reportage sur les activistes antipub qui militent pour voir les affiches se réduire à un format 50X70 en lieu et place des 4X3 actuels. Et je sentais la colère monter. Quoi? Est-ce le format le plus important, ou bien le contenu. Bien sûr qu’il y a pléthore de publicités qui manipulent, qui mentent, qui créent des besoins là où nul n’a besoin. Que ce soit dans l’alimentaire & boisson, dans les biens d’équipements, les voitures, les vêtements etc… Et on pourrait imaginer des débats sur ce que serait une éthique publicitaire qui prendrait en compte l’entre deux des rêves et de la réalité —sociale.

Si mai 68 a été la fin d’une époque aux USA (cf. Naomi Klein) et le début d’une époque pour nous autres Français c’est bien parce que le curseur n’était pas placé au même endroit. Les étudiants de Berkeley demandaient qu’on mette fin à la guerre du Vietnapalm… alors que les étudiants de la Sorbonne voulaient —rien de moins— refaire le monde. Et ils l’ont refait. Ils l’ont même certifié conforme ISO 9002.

Mais du débat d’hier soir, et des déclarations de Principe du Parti Socialiste, comme de la revendication libérale du maire Bertrand Delanoë un concept sociologique a été totalement occulté. Celui de classe et de conscience de classe. On lutte désormais pour préserver la Planète… les mariages entre sexe, pour la parité homme-femme, pour la promotion du commerce équitable et des produits bio. Mais de classe on ne parle plus. Je ne suis pas particulièrement communiste, ni trotskyste mais enfin j’ai eu l’occasion de lire quelques ouvrages, Hegel, Marx, Engels… et il me semble que depuis que le monde est monde il y a eu des exploités et des exploitants… Et qu’il s’agirait tout au moins de remettre de l’éthique dans tout cela, puisque les dérives libérales conduisent la Planète à la catastrophe.

Vous l’aurez compris je n’ai fait qu’effleurer des sujets qui nous prendraient des heures de débats-commentaires, des précisions, une lexicologie, un corpus à définir. Commentez cependant, vous êtes le bienvenu.


Chronologie des événements de mai 68, document INA


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Assemblée Générale des ouvriers de Renault

Quelques photos reportages d’actus d’il y a quarante ans. Photos d’archives.

À la Galerie Anatome, une exposition exceptionnelle des affiches réalisées par le collectif des Beaux Arts de mai 68. Œuvres pour la plupart anonymes, Elles furent déposées in-extremis à la BnF, qui depuis les expose «au compte gouttes».

Et un livre éditée par les éditions Alternatives sous la direction de Michel Wlassikoff qui nous a fait le plaisir de commenter chaque affiche lors d’une présentation réservée aux pédagogues.

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Mai68,l’affiche en héritage.Michel Wlassikoff
envoyé par pointgmagazine. – Futurs lauréats du Sundance.

Et sous la coupole du Théatre de l’Odéon, un débat hallucinant sur ce qui reste de l’imaginaire de la révolte de mai 68.

Laure Adler anime le débat avec Naomi Klein, John Jordan, Philippe Artières etc.

En quittant le Théatre, je rattrape l’un des protagonistes de la tribune (je préfère lui laisser l’anonymat) qui enfourchait sa moto BMW 1200 RT rutilante, et je persiflais: dites-moi, c’est tout de même curieux qu’à aucun moment vous n’ayez prononcé le mot classe sociale? il me regarde le regard méchant: «mais cher Monsieur, ça n’existe plus les classes, depuis la fin de la classe ouvrière… (sic).»

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