interview réalisé par peter gabor rewrité par Guillaume Bardèche :
Entre le 10 et le 13 mars, les murs de l’école ont été recouverts par les photographies de l’exposition réalisée par les étudiants de 4e année d’e-artsup à la suite d’un workshop d’une semaine sur « la photo et la narration » dirigé par Diana Lui , photographe et artiste.
Parmi les travaux exposés figure celui de Gaëlle Poisblaud, étudiante de la filière « concept » de l’école. Gaëlle a réalisé un reportage intitulé « Muses et massues », sur le thème du jonglage contemporain. Ses photographies en noir et blanc, qui, à la manière de Rodtchenko, sont marquées par les contrastes de lumière et la rigueur géométrique de la composition, font également éprouver au spectateur les sensations de l’espace et du mouvement.
Interview avec Gaëlle, qui nous explique le secret de cette belle réussite
Pourquoi « Muses et Massues » ?
J’ai redécouvert le jonglage il y a quelques années, et j’assiste depuis régulièrement à des spectacles. Dans le jonglage contemporain, la relation que peuvent entretenir les jongleurs avec leurs massues m’a particulièrement marquée. C’est une relation très intime, les jongleurs vivent littéralement avec leurs massues : pendant la semaine, ils s’entraînent, le soir, ils vont voir des spectacles de jonglage, et le week-end, ils vont aux rencontres de jongleurs qui se retrouvent pour des compétitions. On pourrait aller plus loin en disant que la massue est un peu comme un prolongement du corps du jongleur, dont elle représente quasiment un membre supplémentaire. C’est pourquoi l’idée m’est venue de choisir comme thème de mon reportage artistique l’histoire de cette relation particulière entretenue entre un jongleur et sa massue. J’ai choisi de photographier deux jongleurs, dont l’un est complètement autodidacte et l’autre vient d’une école de cirque.
Quelle différence entre le jonglage traditionnel et le jonglage contemporain ?
La principale différence est que, dans le jonglage contemporain, on accepte la chute. La chute est même un des éléments forts, et est source d’émotion dans le travail du jongleur. Le jonglage contemporain est transverse et intègre des éléments empruntés à d’autres arts : à la musique, au théâtre. Dans certains cas, le jonglage devient même un spectacle non plus à voir mais à écouter, la massue émettant un son particulier quand on la fait tomber. Le jonglage est tout comme la danse une manière d’apprivoiser l’espace. Il m’est arrivé de me mettre sous le jongleur pour pouvoir photographier les massues en train de retomber, et d’être alors envahie par une sensation de vertige qui doit être partagée par le jongleur au moment de leur chute, mais qu’il faut savoir dépasser. Certains jongleurs présentent leur jonglage comme du jonglage graphique. Derrière le jonglage, il y a tout une philosophie de vie, exprimée à travers les figures récurrentes de la chute et du rebond.
Que t’a apporté l’enseignement suivi à e-artsup dans ton travail ?
Principalement un regard sensible sur les images. L’image parle à la sensibilité et permet de décrire un moment dans son intensité. J’aime particulièrement l’une des photographies que j’ai prises sur laquelle l’on voit le jongleur le front posé contre sa massue, un peu comme s’il entretenait une relation intellectuelle avec elle. En effet, je trouve que cette photo exprime bien l’intensité du rapport existant entre l’artiste et son instrument. Une autre photographie, dans laquelle la massue se situe dans le prolongement du bras de l’artiste qui la tend, exprime bien le caractère fusionnel de cette relation.