J’ai rencontré Soheil Azzam un jour de février dernier, (il y a deux ans de cela). Cela faisait longtemps qu’il laissait des commentaires très fouillés sur des sujets aussi variés que la calligraphie ou la mise en page, puis un jour on s’est téléphoné. Il habite en Suisse et rendez-vous fut pris pour un dîner parisien auquel assista également Jonathan. La vie de Soheil n’est pas simple, Moyen Orient puis la Suisse, et enfin la Chine. Ah l’amour, toujours l’amour en roulant les rrrr à la hongroise. Il fut pris de passion à la fois pour une femme et pour son pays, mais surtout pour la calligraphie. Après des études laborieuses helvètiques, il s’expatria qq temps en Chine où il apprit également les rudiments de la langue. Puis il revient dans la cuvette montagneuse pour y exercer finalement son métier avec une rigueur et une fantaisie enpreintes d’une très grande sensibilité. Il m’a laissé quelques pdf que j’ai traduit en galerie de son œuvre graphique et aussi des carnets de notes en vrac que j’ai photographié pour l’intérêt qu’ils témoignent pour l’entrainement constant à l’écriture et au tracé calligraphique.
Histoire vraie quoique imaginaire de Tch’eng Wang le Fou (chapitre II)
Galerie en hommage à l’œuvre graphique de Soheil Azzam
Le travail de Soheil est à fois empreint du geste pur et de l’analyse sémantique auquel il s’adonne à chaque chantier. Délicatesse, sensibilité, une sainte horreur des guimmicks à la mode, Soheil tend par son travail vers l’essentiel. Les formes utiles et le rythme d’une mise en page qui de déséquilibre en déséquilibre et retombe à chaque fois sur ses fondamentaux. Des règles de mise en pages oui, à condition d’user et d’abuser de les pervertir. A la fois graphiste, graveur, peintre et calligraphe, Soheil ne dément pas l’image que nous avons du graphiste contemporain, infiniment plus artiste qu’à l’époque des années 50 mais un souci rare pour la lisibilité, la vraie, celle qui donne envie de lire.
essais calligraphiques, carnets de notes de Soheil
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recherche de logotypes et d’image de marque, carnets de notes
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essais calligraphiques, carnets de notes de Soheil. Le travail calligraphique de Soheil n’a rien d’aussi perfectionné que celui d’un Claude Mediavilla. Cependant il est rare de voir un calligraphe partir d’une nécessité d’écriture dans la langue chinoise tout simplement pour se faire comprendre par ses nombreuses fréquentations professionnelles de Pékin ou Shangaï. Pour Soheil calligraphier n’est pas seulement donc une gymnastique gestuelle mais aussi une tentative de faire sien une langue dont la compréhension ne peut que nous échapper si l’on pénètre pas au tréfonds de la représentation du verbe. Ainsi le tracé est ici bien plus un exercice d’écriture utile et fonctionnel qu’une gesticulation gratuite et purement esthétique.
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essais calligraphiques, carnets de notes de Soheil, où l’on se souvient enfin des origines orientales de l’artiste. Tourmenté mais tellement sensible.
essais calligraphiques, carnets de notes de Soheil, où l’on comprend que le tracé de l’écriture chinoise procède de principes d’équilibre et de structuration de l’espace graphique, proches de nos règles de mise en pages occidentales.
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essais calligraphiques, carnets de notes de Soheil. Exercices réalisés sur du papier bible de 40 gramme.
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essais calligraphiques, carnets de notes de Soheil. L’orient encore.
essais calligraphiques, carnets de notes de Soheil. Mise en page en chinois. Une grille, toujours.
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Galerie en hommage à l’œuvre graphique de Soheil Azzam
Ce résumé s’achève par l’évocation de la calligraphie: c’est le point par où commencent les paragraphes, et c’est aussi celui où ils finissent.L’écriture est la part visible du langage et, de ce fait, comme tout ce qui atteint nos yeux ou nos oreilles, elle peut devenir objet d’appréciation esthétique ou matière à création artistique. Et pourtant, tandis qu’en Chine l’écriture est estimée comme un art à part entière et probablement le plus noble de tous les arts, en Occident la calligraphie n’a jamais été considérée autrement que comme un artisanat, un art décoratif incapable de saisir et de restituer toute la gamme des sentiments et des émotions qu’il nous est donné d’éprouver. Cette différence de statut ne peut manquer d’intriguer. Mais la comparaison est inégale et, pour tout dire, injuste.
Au lieu de s’étonner de ne pas trouver en Occident un art de la calligraphie comparable à celui de la Chine, il faudrait plutôt rechercher ce qui dans les deux mondes manifeste le mieux le génie propre à chacune de ces cultures, dans le domaine particulier de l’écriture et du signe. Il apparaîtrait alors que, si l’Occident n’a jamais connu un véritable art d’écrire, la Chine, de son côté, a ignoré jusqu’à un passé récent celui de la typographie, même si c’est sur son sol que cette technique a vu le jour.
Les caractères chinois sont des peintures et, soit que nous reconnaissions en eux des formes déjà vues, soit que leur mouvement suscite en nous l’ébauche d’un mouvement semblable, ils agissent sur nous comme font les peintures. L’art qui les met en scène est donc pictural par nature. De son côté, l’Occident a pratiqué la calligraphie par nécessité, mais le travail de ses calligraphes anticipait, appelait même l’utilisation des types mobiles et des caractères interchangeables: la calligraphie occidentale est en réalité de la typographie — de la typographie manuscrite.
C’est avec des signes réduits à leur plus simple expression que l’alphabet construit ses «cathédrales de papier», des briques patiemment assemblées qui feraient presque oublier leur origine manuscrite. L’art de les assembler, si l’on consent à l’appeler art, a sans doute hérité ses formes de l’écriture, mais c’est avec l’architecture qu’il paraît avoir le plus d’affinités. C’est cet art, si l’on y tient, qu’il convient de comparer à l’art chinois de l’écriture; mais ils sont incomparables. Bien qu’ils expriment tous deux l’âme humaine, ils le font chacun à sa manière: à la manière des deux moitiés d’un même cerveau.
Ainsi, ce qui passait d’abord pour une disparité inexplicable se révèle au contraire en parfait accord avec la logique que ces paragraphes ont tenté de dégager.
Tout édifice repose sur des fondations et cet ouvrage n’échappe pas à la règle. L’idée qui le fonde — qui n’est pas explicitement avouée mais que l’on trouve dans des textes qui lui sont antérieurs (Tch’eng Wang le Fou et Voiles) —, est que l’objet de nos connaissances n’est pas le monde tel qu’il est mais le monde tel qu’il nous apparaît. Autrement dit: ce que nous appelons le réel ce ne sont pas les choses qui nous entourent mais seulement le regard que nous posons sur elles. Cela implique que le mouvement de notre compréhension suive le même chemin que celui de notre appréhension, c’est-à-dire qu’il aille de nous à l’objet que nous appréhendons et non l’inverse.
Une deuxième idée, qui fait corps avec la précédente et qui la complète, est que ce mouvement d’appréhension est un geste mimétique, souvent inconscient et qui parfois même n’est qu’à peine esquissé. Un mime en nous agit en permanence, de qui dépend la conscience que nous avons de notre présence au monde. Ces deux points étant admis, tout le reste en découle.
Beau travail, qui fait plaisir à revoir! ;-)