Frankfurter Allgemeine | new design | changement ou continuité?

Voici deux ans j’avais abordé la question épineuse de l’évolution de la presse quotidienne… (1), (2). Comparé déjà le Figaro, le Monde, Libération et puis j’avais cité l’exemple de ce grand journal Allemand le FAZ (Frankfurter Allgemeine Zeitung) qui avec une mise en page sur six colonnes, extraordinairement austère puisque les images en étaient absentes faisait figure d’un monastère au milieu d’un doux «bordel» organisé dans les autres supports de la presse Quot. Mais c’était il y a deux ans, et les choses évoluent vite en ces temps, rudes où partout dans le monde les patrons de Presse se posent la question de leur avenir face au modèle économique 1) du gratuit, 2) de l’information en ligne.

Les sénateurs s’y collent de même, un article dans le Monde daté du 10 (hier) octobre révèle que les sénateurs se sont réunis en commission (Théodule) pour je cite :

“Les sénateurs sont partis du constat que «  la presse quotidienne est en danger », confrontée à la baisse continue des recettes et au maintien de coûts de production élevés. Autant d’éléments qui font de la presse quotidienne nationale (PQN) un secteur peu rentable. La concurrence est farouche, notamment avec l’arrivée des quotidiens gratuits, et les éditeurs doivent bâtir une stratégie sur le numérique.”

Mon dieu, ça fait un bail que la Presse Quot est en danger en France et pas seulement… Les difficultés de cette presse remonte aux années 60 lorsque déjà les tirages commençaient à décliner. Mais il est vrai que de reflux lent et persistant on est passé à une véritable débâcle…

«La baisse continue des recettes…» entendez par là la concurrence du village global des médias McLuhanien, c’est à dire électroniques… Radio, Télé, Internet, et évidemment bientôt, aujourd’hui, les mobiles…

«Le maintien des coûts de production élevée…» là il faut lire entre les lignes… Les coûts de production de la Presse comme de l’ensemble des métiers de l’Edition ont été divisés par 3 ou 4 depuis 15 ans. L’arrivée des process de production du numérique a grandement profité à l’industrie de la Presse… économies sur la circulation du «papier» qui passe directement du journaliste, au SR et sur l’ordinateur de la salle de montage de la maquette pour finir sur l’ordinateur qui va amalgamer les pages (imposition) et les graver au laser sur les plaques offset des rotatives (plus de films).

Systèmes éditoriaux efficaces qui au final ont bien changé (et réduit) le métier d’une époque où l’on allait «au marbre» pour contrôler une dernière fois les «morasse» sortis fraîchement de la presse à épreuve… Oui les coûts de production aussi bien à la typographie (du plomb au numérique) que sur les rotatives et la distribution des données pour l’impression en Presse Régionale ont été lourdement divisés par 3 ou 4…

Les seuls coûts (et encore) à être restés constants, ceux de la rédaction, des journalistes aux dirigeants se recyclent depuis quelques années (l’arrivée du haut débit) dans les compléments internet de cette presse quot. Se faisant, on peut aussi supposer que le modèle économique futur n’est pas si «impossible» ou «intenable» que cela. Reste bien sûr les droits associés à l’écriture des papiers, et à définir leur circulation maîtrisée en terme juridique et comptable. Mais l’on ne s’en fait pas trop. Les experts et syndicats sauront trouver les bonnes formules…

Si donc on ne devrait pas trop s’en faire sur les coûts, on peut alors s’intérroger sur la Vente des journaux quotidiens. D’aucuns disent qu’elle est liée au prix exorbitant, 1,50 euros en moyenne, et de proposer qui, des subventions, qui, des baisses vis à vis des étudiants… mais cela se pratique déjà. Dans bon nombre d’écoles, des journaux comme Libération ou Le Monde sont soit distribués gratuitement soit vendus avec des prix au rabais importants. Cela ne conforte pas le modèle économique mais empêche la désaffection au média.

Il faut je crois se pencher sérieusement sur cette maquette du Frankfurter pour comprendre les ressorts d’un maintien sinon d’un redéploiement de la presse écrite.

Composé déjà sur six colonnes avant le relooking et toujours sur six colonnes après, on ne distingue guère beaucoup de différence et ce n’est certes pas la suppression des filets verticaux séparateurs qui fondent une révolution visuelle.

L’éditing des titres et inter-titres gagne en contemporanité avec un mode de composition en «fer à gauche», et une force typographique nettement plus visible (mais pas plus lisible), ce qui confère à l’ensemble un rythme graphique plus marqué par les oppositions des valeurs de noir des titres et du gris des textes. Ces derniers toujours composés toujours avec autant de minutie ne laisse pas de m’enchanter par leur gris maîtrisé et l’on reconnaît bien là, la sensibilité typographique allemande qui ne supporte pas trop les lézardes et autres rivières chers à nos quotidiens français.

En conclusion ce qui fondait la notoriété principale du journal de Frankfurt, la longueur des articles, le peu de cas des relances de lectures, l’impression générale «qu’il faut y aller», «qu’il faut se tartiner de la lecture laborieuse» parce que rien n’est prévu pour une lecture rapide «en diagonale» de cette presse, qui traite les sujets «au fond» et pas dans la précipitation d’une actualité en devenir permanent, cette impression générale donc reste constant.

Plus intéressant l’introduction de la photographie dans la nouvelle maquette.

Photographie en couleur, grosse légende au-dessus pour certaines, longue légende en-dessous pour la plupart. On pourrait se demander si cette nouvelle maquette n’est pas un artefact tant l’arrivée de ces icônes ne change pas grand chose à l’essentiel. Parfois heureux, parfois cependant terriblement mal venu tel à cette page ci-dessous où l’on introduit des témoignages avec les portraits des protagonistes à la manière d’un micro-trottoir digne du Parisien… La qualité de la formule se vérifiera dans le temps. Si comme Libération, le Frankfurter Allgemeine saura choisir les bonnes photos qui feront progresser le sentiment de vérité et d’actualité alors le pari sera gagné… mais cela passera par une culture de l’image tel qu’un Christian Caujolle l’a su porter au firmament avec les photographes de l’Agence Vu… ou bien on se contentera des banales images d’un Reuter ou d’un AFP (mille pardons pour les exceptions qui confirment la règle) qui risquent plus de polluer le papier que de la rendre plus noble.

Au fond l’évolution du FAZ est symptomatique d’une presse écrite qui se cherche. Dans la rupture et dans la continuité.

Dans la rupture, parce qu’il est difficile d’ignorer que le monde des lecteurs puisse indéfiniment se passer d’illustrations, d’images et d’une iconographie qui alimente, enrichit et relance les sujets traités.

Dans la continuité, parce que face à la montée quotidienne en puissance des portails de l’information, la presse écrite ne peut rivaliser avec l’ubicuité d’une info présente sur tous les écrans, de la télé à l’internet. Il ne lui reste donc plus qu’à s’amender sur l’essentiel. La capacité de cette presse écrite à assumer sa différence. Ces longs papiers permettent de traiter les sujets «au fond». De développer les opinions opposés, de fouiller et d’alimenter des investigations et enrichir la prise de recul à une info toujours plus brûlante, toujours plus immédiate.

Le papier a cet atout sur l’écran, un atout phénoménologique.

La lumière réflexive sur le papier journal, provoque ipso-facto une mise à distance qui redonne au lecteur son pouvoir critique, sa capacité à lire entre lignes, une posture d’acteur de sa propre consommation de l’info. Au contraire de l’écran, qui fascine d’entrée de jeu par le bombardement d’électrons et qui enveloppe le lecteur dans une sorte de rapport de dépendance physiologique: lecteur->ordinateur->lumière cathodique->fascination et donc par voie de conséquence paralysie de certains centres nerveux dont le citoyen a nettement besoin pour prendre de la hauteur et la distance nécessaires chers à un Montaigne qui aimait à se faire «son idée à lui» sur ce qu’il lisait. Le Papier Journal est, et reste une garantie pour le maintien d’une démocratie d’opinion diversifiée et non manipulée par le monde des écrans et à ce titre le Frankfurter avec ou sans images reste fidèle à cette conception noble du journalisme qui demeure la seule posture pour que ce format survive au maelström, au tsunami, des infos on-line et des journaux télé en flux continu… (I-Télé, LCI, BFM etc.). Un grand merci à Manuel Voss de la Rédaction du Frankfurter Allgemeine que j’ai contacté par téléphone et qui m’a envoyé aussitôt les quelques pages PDF que vous pouvez découvrir ci-dessous avec donc en premier l’ancienne formule du FAZ avant reformatage

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L’ancienne formule du FAZ

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La Une de la nouvelle formule
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