Arrobase ou Arrobe | l’origine du signe @ [at]

J’ai trouvé cette étude des plus complètes sur le site de http://hapax.qc.ca/ . Je prie les auteurs de ce billet de m’excuser car j’ai fait un petit copier coller où j’ai essayé un peu de remettre leur texte en ordre de lecture. Cela dit je trouve vraiment intéressant de rappeler que ce signe ‘@’ nous vient du XVe siècle. Preuve s’il en faut qu’Internet depuis le début fait référence à Gutenberg. En ce sens les administrateurs du web ont repris la tradition moderne des acteurs de la photocomposition d’utiliser la terminologie typographique établie de longue date. Le débat est ouvert, n’hésitez pas à poster vos commentaires.

Pourquoi l’ISO/CEI 10646 appelle-t-elle le signe @ une arrobe ?

Résumé: pour les gens pressés

Parce que c’est le nom traditionnel français de ce caractère, comme l’attestent plusieurs sources typographiques.

L’arrobe — une mesure de poids

L’arrobe est un terme bien attesté en français, il désigne une unité de poids espagnole (cf. le Trésor de la langue française informatisé) :

AROBE, ARROBE, ARROBA, subst. fém.
Ancienne mesure de poids (variant de 11 à 15 kg) et de capacité (valant de 10 à 16 litres), encore usitée en Espagne, au Portugal et dans plusieurs pays d’Amérique latine.

PRONONCIATION ET ORTHOGRAPHE
1. Forme phon. : [aR?b].

2. Forme graphique. : Robert, s.v. arobe avec un seul r renvoie à arrobe avec 2 r., Larousse encyclopédique enregistre parallèlement arobe, arrobe ou arroba; Quillet 1965 arrobe ou arobe.

3. Histoire : arrobe dans Dictionnaires de l’Académie. 1798-1878, Littré arroba ou arobe dans Complément du dictionnaire de l’Académie de 1842; arobe ou arrobe dans Bescherelle 1845, Guérin 1892 et Petit Larousse 1906; aroba ou arroba dans Larousse du XIXe siècle et Nouveau Larousse illustré.

Étymologie et Histoire

Première attestation : en 1555, métrologie arrobe « mesure espagnole de poids » (J. POLEUR, traducteur de l’Histoire naturelle et générale des Indes… de l’Espagnol Oviedo, fo 45 vo ds R. ARVEILLER, Fr. mod., t. 33, p. 300. : « les navires vont en Espagne chargés de sucre : car l’Arrobe vault icy un ducat ou moins, et est fort bon »;

Emprunté à l’espagnol arroba « mesure de poids », attesté dep. 1088 (sous la forme arrobo; arroa en 1194, arroba en 1219, d’après COR.) et qui avait aussi le sens 2 (cf. 1607, C. OUDIN, Tesoro de las dos lenguas francesa y española ds GILI t. 1). Le fait que le mot apparaît en français. dans un texte traduit de l’espagnol confirme cette étymologie. L’espagnol arroba est lui-même emprunté à l’arabe. al rub’ « le quart » (v. FEW t. 19, s.v. rub’).

Origine du symbole @

Selon la publication « Ligatures, typographie et informatique », Jacques André, Adolf Wild, rapport de recherche n°2429, décembre 1994, INRIA :

Le nom le plus fréquemment employé est « arobas ». Ce nom vient d’une confusion que nous expliquons de la façon suivante: les traducteurs qui ont voulu faire imprimer des manuels techniques où apparaissait pour la première fois ce signe ont du s’adresser à un imprimeur qui leur aura sorti un catalogue de fondeurs français. On y voit effectivement un caractère qui a à peu près la même graphie que @, qui s’appele arobas, mais qui correspond à quelque chose de complètement différent : c’est le symbole d’une ancienne unité de poids et de capacité encore usitée en Espagne et au Portugal (arroba, équivalent à 12 à 15 kg ou 10 à 16 l), dont le vrai nom français est d’ailleurs arrobe ou arobe. Le mot provient de l’arabe ar-roub signifiant « le quart ».

L’@ sert à noter l’arrobe

zz

Le signe @ sert depuis des siècles à représenter l’arrobe dans les documents espagnols comme l’atteste le document ci-dessus écrit en 1775.
Exemples de @ utilisés pour désigner l’arrobe (1775)
Exemples de @ utilisés comme abréviation de l’arrobe (1775)
Extrait d’un cahier d’anecdotes du couvent de l’Ordre des religieuses déchaussées de la Très Sainte-Trinité, fondé en 1598 à La Roda, lieu-dit de la province d’Albacete en Castille — collection de l’auteur.

La 12e édition du Diccionario de la lengua castellana de la Real Aca­demia Española comprend une série d’abréviations courantes parmi lesquelles on retrouve « @ arroba, @@ arrobas ». L’usage devait être assez commun puisque ces abréviations se retrouvent dans l’Enci­clo­pedia Espasa de 1909.
Arrobe — le nom français du signe @

Jean-Pierre Lacroux signalait dans le Vademecum du typographe de Dumont : arrobe dans la composition française et faisait remarquer :

Et y a encore des experts pour prétendre que l’arrobe espagnole n’a aucun rapport avec @

Le symbole du réal est très intéressant. J’attends avec impatience l’experte explication de l’arabesque par un accent grave…

Dans une autre communication, le regretté Jean-Pierre Lacroux nous faisait parvenir l’image ci-dessous et ce commentaire :

Tiens, en voici une, extraite de la Composition typographique (1948) d’Henri Leduc. Elle est intéressante, car c’est un bricolage qui montre que ce caractère est absent des polices françaises MAIS qu’il est indispensable de le reproduire dans un manuel de composition… ailleurs que dans un chapitre consacré à la composition de l’espagnol…


Arrobe dans composition française

L’ISO/CEI 10646 utilise le mot arrobe

Par rapport à la version française de l’ISO 8859-1, la version française de l’ISO/CEI 10646 a rétabli le nom typographique traditionnel français de plusieurs caractères. Outre le nom d’arrobe, préféré au « à commercial » de l’ISO 8859-1, l’ISO/CEI 10646 nomme

le signe & une PERLUETTE (avec comme synonymes non normatifs esperluète et esperluette). Le nom de «et commercial» attribué par l’ISO/CEI 8859-1 n’est guère satisfaisant puisque cette ligature a bon nombre d’autres emplois.

et…

Le signe reprend le nom de PIED-DE-MOUCHE (avec comme synonyme non normatif fin de paragraphe). Le nom «symbole alinéa» attribué par l’ISO/CEI 8859-1 n’est, d’une part, pas le nom traditionnel (cf. Théotiste Lefevre, Guide pratique… (1883), p.116) et il se confond facilement, d’autre part, avec le signe paragraphe (§) qui désigne parfois également les alinéas…

Arrobe au Bulletin officiel

Le Bulletin officiel du 8 décembre 2002 a entériné le terme arrobe pour désigner le signe @ :

arobase, n.f.
Domaine : Informatique/Internet.
Voir : arrobe.

arrobe, n.f.
Domaine : Informatique/Internet.
Synonyme : arobase, n.f.
Définition : Caractère @ fréquemment employé dans les adresses de courrier électronique pour séparer le nom identifiant l’utilisateur de celui du gestionnaire de la messagerie.

Note :

1. @ est à l’origine le symbole de l’arroba (de l’arabe ar-roub, « le quart »), ancienne unité de capacité et de poids espagnole et portugaise. Ce sigle est également utilisé dans les langues anglo-saxonnes, dans des formules telles que « tant de tel article @ tant l’unité ». Dans ces emplois, il est appelé « a commercial », et son tracé, identique à celui de l’arroba, résulterait de la ligature de l’accent grave avec le « a » de la préposition française « à », autrefois d’usage courant dans le commerce international.
2. Lorsqu’une adresse est fournie oralement, @ se dit « arrobe » alors qu’il se dit « at » en anglais.

Équivalent étranger : at-sign.

Et enfin, si l’Oxford dictionary le dit…

À la question « Quelle est l’origine du @ et a-t-il un nom correct ? », le site des Dictionnaires Oxford répond :

It is usually known as ’the at sign’ or ’the at symbol’, which is good enough for most people. It is sometimes called ’commercial a’, and occasionally by the French name arrobe or arroba.

Vous qui venez de découvrir ce blog, ne ratez surtout pas l’article de ce lundi 4 juin 2007 consacré à la Fondation, œuvre culte du début des années 80 d’un collectif de 18 artistes qui se sont réunis pour travailler ensemble durant très exactement un an.

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  1. De A à Z j’ai agité les lettres, y compris le W et le K, pour le plaisir de voir couler avec tumulte, élévation, harmonie ou éclat chacun de mes mots. Que ce fleuve fût constitué d’eau claire ou qu’il charriât d’épais morceaux de carottes, toujours la soupe fut à la hauteur du festin attendu. La Poésie pour credo, l’ivresse pour moyen, les mots pour flacon. Six-cents fois en ces lieux j’ai servi avec le zèle de ma plume, le zeste de ma peau et le reste de mon citron cette maîtresse amère, sans coeur et infiniment délicate que tout oiseau digne de ce nom nomme avec tremblements : LITTERATURE.

    Ai-je parfois failli ? Certes. Quelques mots ont pu s’envoler pour aller s’égarer entre midi et quatorze heures. Oubliez ces papillons trop légers, admirez plutôt ces champs d’enclumes, ces espaces semés de fer, de cloches et de statues issus de dessous mon chapeau. Mes personnages ont souvent eu des voix d’airain, des sabots aux pieds, des bras comme des glaives, des rêves de marbre, des vies pitoyables, des trépas glorieux.

    J’ai égratigné le Ciel de ma pointe d’acier, répandu dans des sillons vierges mon encre noire, chatouillé le nez des muses. La puissance de la plume…

    Que reste-t-il de ces drôleries ?

    J’ai toujours clamé avec hauteur et gravité, désinvolture et frivolité que finalement la littérature, ça n’est rien du tout. Ou alors juste une fumée qui passe, une rosée qui s’évapore, un parfum qui compte pour du beurre, une tartine de vent. Ce qui est déjà énorme pour une simple affaire de mots.

    Mais voilà : de A à Z je n’en ai toujours pas fini avec les lettres et leurs soixante, six cents, six mille miettes.

    Raphaël Zacharie de Izarra