Comme je vous l’annonçais hier, voici une histoire de la Production Graphique que j’ai repris de l’excellent ouvrage (si ce n’est le meilleur depuis toujours) de James Craig.
De passage à Paris il y a quelques semaines, je lui en ai demandé l’autorisation et pour m’aider il m’a envoyé la deuxième édition qui comprend les débuts du Desktop Publishing communément appelé et mal à propos la PAO.
Voici donc une première partie qui recouvre la composition manuelle (au composteur), le titrage avec les machines Ludlow et la composition mécanisé avec les Linotypes et Monotypes.
N’hésitez pas à cliquer sur les images pour les voir dans une taille tout à fait lisible.
Avertissement au lecteur: toute reproduction est formellement interdite. Usage strictement pédagogique.
gravure du XVIII montrant un compositeur typographe debout devant une casse de plomb
presse à épreuve
fabrication d’encre, d’après une gravure chinoise Ve siècle
fabrication du papier
pupitre de graveur
un «type», un caractère en plomb mobile. Où l’on voit la lettre en relief sur le «Talus», l’encoche devant, servait au «typo» à reconnaître le sens de la lettre, qui est fondue à l’envers sur le talus.
des morceaux de plomb, sans aucun relief, servant juste d’espaces entre les mots ou les poncutations
la moindre interlettrage si aisée aujourd’hui nécessitait de composer des espaces physiques entre les lettres. Un blanc est donc un signe, que les compteurs de «traitement de textes» continuent encore à comptabiliser.
des espaces-lignes, en cuivre pour séparer les lignes (surinterlignage) ou paragraphes (espaces après). La hauteur de ces lingots est évidemment moindre que celle des lettres, ainsi ils ne touchent pas le papier lors de l’impression. (il me semble me souvenir que cette hauteur est approximativement de 23mm). L’épaisseur des filets se mesure en points Didot ou Pica chez les anglo-saxons. Toujours d’actualité sur nos supers Mac ou PC.
un em est l’équivalent de notre cadratin en France. Il est égal au carré de la hauteur du corps, ce qui fait qu’il est proportionnel à chaque dimension de la composition. Aujourd’hui encore ces mesures sont en vigueur dans les logiciels les plus notoires, Quark X-Press, InDesign, PageMaker etc. Le cadratin est subdivisé en unités, c’est ce qu’expliquent les schémas ci-dessus.
Le «composteur», cette règle métallique que tient le compositeur, dans laquelle il glisse les caractères en les lisant à l’envers. La vitesse de composition dite manuelle pouvait atteindre en moyenne 1300-1500 signes à l’heure. Cette vitesse ne tient pas compte du temps qu’il fallait pour ensuite, après le tirage des épreuves, à «redistribuer» les lettres dans les casses.
une casse californienne
une presse à épreuve moderne (aux alentours des années 50)
la «Forme» de composition. Les lignes étaient maintenues par des lingots serrés avec une clé, pour résister à la force des presses à épreuve.
voici la forme et la clé qui sert à resserrer les lingots faisant bordure.
une presse à épreuve plus moderne. Rapidité, précision et régularité de la pression en sont les principaux atouts. Il servait dans des ateliers de composition à façon. Certains de ces ateliers avaient encore le vent en poupe dans les années 60-70, comme Deberny& Peignot au 14 de la rue Cabanis en face de l’hôpital Sainte-Anne.
une composition corrigée avec les signes typographiques et ci-dessous le résultat, une fois recomposé le texte en tenant compte des indications du correcteur.
les signes anglo-saxonnes de la correction typographique et leur équivalent français.
la machine à composer Linotype inventée en 1886 par Ottmar Mergenthaler à Baltimore. Elle fut suivi de près par l’InterType développée vers 1911. Ces machines composaient non des lettres mais des lignes, litéralement des Line-of-Type, fondus d’un bloc. Puis les bloc-lignes étaient montés sur le «marbre», une table métallique où l’on pouvait «tacquer» correctement toutes les lignes. La partie gauche de la machine est la fondeuse. L’on peut imaginer les émanations d’antimoine que respiraient les typographes clavistes de l’époque. On ne parlait pas encore de santé professionnelle, ni de risques majeures et les maladies comme le «saturnisme» étaient bien souvent tournés en ridicule, traités au canons de rouge pour oublier les souffrances physiques.
un paragraphe en lignes-blocs sortis d’une Linotype
schéma de fonctionnement où l’on voit que le «magasin» qui contient les matrices des lettres laissent filer celles-ci au fur et à mesure de la composition. Une fois que ces matrices ont servi à fondre une lettre elles remontent dans le magasin.
cliquez pour mieux découvrir les détails, bien que je les ai rephotographiés ci-dessous, vous avez là une idée assez claire du comment «ça marche».
un «linotypiste» pouvait composer en moyenne environ 12000 signes à l’heure. Vitesse syndicale dans la Presse quotidienne qui se servit de ces machines jusqu’au début des années… 1980 (exemple Le Monde)
voici la machine Monotype inventée en 1887 par Tolbert Lanston à Washington DC. Il donna son nom à la société au nom éponyme bien connue encore aujourd’hui, d’autant qu’ils ont racheté la plupart des grandes fonderies de caractères (Stempel-Linotype, Berthold, Agfa, Letraset, ITC etc.). Monotype, parce que cette machine composait les lettres individuellement contrairement à la Linotype. De fait il y avait un clavier qui asservissait une bande perforée lors de la frappe, et cette bande alimentait ensuite une fondeuse-composeuse équipée de «matrices» de caractère qui allait permettre la fonte du plomb. Voir ci-dessous. Vous pouvez découvrir ici la naissance de cette machine et l’aventure de la création typographique qui entoure la mécanisation de la typographie.
Matrice Monotype de lettres en creux, pour fondre les lettres qu’on allait ainsi récupérer dans l’ordre de la composition, et remonter ensuite sur un «marbre» de mise en page.
la fondeuse Monotype
des caractères fondus avec des espaces négatives pour une approche plus équilibrée (kerning).
machine à composer des titres en plomb: le Ludlow
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