Kodak, un acteur essentiel du monde numérique
Ceux qui essaient de relier la simplicité spartiate voire l’appauvrissement du nouveau logo de Kodak avec la fin des entreprises liées à l’argentique en sont pour leur frais. Contrairement à Ilford ou Leica respectivement fabricants de papiers photo et d’appareils argentiques aux renoms mythiques, Kodak n’a jamais pris de véritable retard de positionnement sur les nouveaux marchés du numérique. Sans doute confrontés à la migration trop rapide d’un monde révolu, ils ont eu plus de difficultés à surmonter qu’un nouvel arrivant sur ce marché (Sony par exemple, qui a l’avantage de ne traîner aucune casserole financière). Mais Kodak a participé activement, voire contribué à développer le monde numérique. On oubliera pas qu’ils furent les premiers à proposer des boîtiers reflex à 12 voire 20 millions de pixels adaptables avec objectifs Nikon.
Et la visite des sites ci-après, démontre à l’évidence qu’ils prennent une part plus qu’active au développement du tout numérique, sur toute la chaîne graphique (appareils photo, traitement de l’image, photogravure, pre-print [avec les CTP] et digital proofing [Approval, Creo etc.]).
Site officiel de Kodak
Capteurs Kodak : nouveau record de résolution
Ceux qui essaient d’expliquer la simplicité spartiate du nouveau logo et l’abandon de l’enseigne (écusson dirait Michel Disle | co-fondateur de Carré Noir) par l’effondrement des marchés de l’argentique, en seront pour leur frais. Parce que Kodak est résolument moderne et actuel. Bien sûr, les amoureux de l’argentique dont je suis peuvent tous regretter une époque où l’on voyait l’image se révéler dans le fond de nos bacs à développement, où l’on faisait du masking sous l’objectif de l’agrandisseur pour <ouvrir> tel partie de l’image trop peu exposée. La relation même au temps du travail sur l’image permettait une réflexion, une gestation des idées, des concepts photographiques et je ne saurai que recommander la visite d’une exposition qui prendra fin la semaine prochaine à la BNF, celle de Sebastião Salgado, qui reste un des derniers grands représentants de la pratique traditionnelle. Immense, émouvant.
Vous croyez que je m’éloigne du sujet, alors qu’au contraire, j’ai le sentiment de poser les jalons d’une réflexion qui prend acte de l’histoire et du présent de l’entreprise.
Voici une étude technique comparative de l’ancien et nouveau logo de Kodak (cliquez sur l’image):
(cliquez sur l’image ci-dessus)
Ce qu’on retiendra de cette comparaison ce n’est pas tant le changement du logotype de Kodak, petit subterfuge pour moderniser l’écriture avec sans doute un défaut majeur, la fermeture du <a> dont la contreforme est tellement réduite qu’elle risque de se boucher une fois réduite, et je suis bien certain que la firme fera faire un dessin d’exécution spécialement adapté aux grandes réductions (ce ne sera ni la première ni la dernière fois que l’on fournira à une marque deux dessins). Non ce qu’on retiendra c’est sans doute l’abandon de l’écusson carré en forme de K rouge sur fond jaune. Cet écusson était particulièrement réussi parce qu'<à plusieurs entrées>. L’on pouvait autant y voir un <K> qu’une lentille d’objectif, une image projetée, agrandie, bref tout ce qu’on demandait à une marque s’occupant de photographie, un symbole efficace, intégrant un logotype. Alors il y a ceux qui ont remarqué très justement que le logo Kodak dans l’ancienne version était peu lisible, voire trop réduite et que le nouveau logo, débarrassé du symbole sera plus présent dans les inscriptions (produits, communication). Mais c’est oublier que Kodak a toujours fait vivre leur logo aussi bien avec que sans l’écusson. Si l’on regarde les boites-pellicules, ou les inscriptions sur les appareils-photo, seul l’écriture était utilisée… Alors je suis assez d’accord avec ceux qui disent qu’il faut attendre la charte pour juger au final de ce nouveau logo. Il est certain que les deux bandes jaunes sont parfaitement inutiles, si l’on songe à l’utilisation <marquage produit>, et d’ailleurs ils disparaîtront. Quant aux packagings, on verra. Il n’est pas sûr du tout que la charte les inclut. Ce que l’on peut simplement conclure à ce stade c’est deux choses:
1) était-il nécessaire d’abandonner l’ancienne enseigne Kodak?
2) le nouveau logo <écriture rouge encadré des filets jaunes> correspond-il à l’image que Kodak devrait donner de ses innombrables activités Grand Public et Professionnel sur le marché photographique.
À la première question je répondrai par un trait d’humour. Kodak n’a jamais été très pointilleux sur le rappel de leur enseigne. Ce qui fonde la marque Kodak curieusement c’est l’association du rouge et jaune, codes couleurs reprises dans la nouvelle écriture. L’abandon de l’écusson, qui rappelle pour bon nombre d’entre-nous l’ancien univers argentique, au-delà de l’aspect un petit peu traumatisant, ne peut avoir qu’un effet bénéfique à terme. Kodak fait la rupture avec l’ancien monde et nous montre qu’elle (l’entreprise) est présente plus que jamais sur les nouveaux marchés. Auraient-ils du réinventer un nouveau symbole. Peut-être trop tôt. Et ceci pour arriver à la réponse 2.
Les nouveaux marchés de Kodak ont un contour incertain. La place de Kodak est floue, dans un environnement numérique dont les comportements se déplacent sans cesse. Les acteurs, les technologies, les comportements d’achats se dessinent chaque jour sous nos yeux de professionnels ébahis. Sur internet on nous propose des services de labos en ligne. A la Flac ou rue Mongalet on nous propose des machines personnelles pour interfacer nos appareils photos avec de petites imprimantes qui tiennent sur la table du salon. Le secteur des arts graphiques, est vivement concurrencé par le Grand Public. Ainsi sur un Marché aussi fluctuant, aussi incertain, une design strategy d’identité visuelle ne pouvait ni prendre trop de risque de rupture (conservation de la marque, des codes couleurs), ni proposer un nouveau symbole qui risque d’être à proprement parler démodé par le marché, et les technologies sans cesse remises en question. (nanotechnologies, capteurs organiques etc.).
Le nouveau logo de Kodak tient plus d’une étape de transition prudente que d’une volonté de marquer un territoire qui au reste est déjà marqué, codifié et occupé par cette firme plus que centenaire.
A propos de l’abandon de « l’écusson », qui peut être perçu comme une boîte ou tout du moins une forme à dominante rectangulaire, j’ai relevé que Betty Noonan (Director of brand management and marketing services chez Kodak) a déclaré :
« We want to break out of the box, in a lot of ways ».