Figaro | une design-analyse de la nouvelle maquette (1)

Pour rédiger cette note il m’a fallu préparer comme à l’habitude une documentation de référence que nous pourrons consulter en parallèle tout au long de l’article, en voici l’adresse.

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En consultant cet album de référence, vous pourrez feuilleter le journal sans être obligé de déplier les  370×500 mm (format fermé) de ce quotidien. Vous pourrez sans doute remarquer que ce format n’a pas vraiment changé à 2-3 millimètres près.

Nicolas Beytout, le nouveau patron du journal nous donne une assez bonne description des changements intervenus à l’adresse ici. Une petite vidéo où il nous explique les points suivants :

  1. Pourquoi et comment conçoit-on une nouvelle maquette?
  2. En quoi cette maquette répond-elle à l’attente des lecteurs?
  3. Quels sont les points clés de la nouvelle formule?
  4. Cela induit-il une autre manière de concevoir l’actualité
  5. Y-a-t-il d’autres évolutions prévues pour le Figaro?

Il constate tout d’abord ce que nous savions tous, l’érosion du lectorat des quotidiens. Il ne nous en donne pas vraiment les raisons, et surtout il ne fait aucune référence à la concurrence rude des gratuits (metro et 20 minutes qui se sont taillé une véritable part de marché sur ce segment de la presse). Pour autant il souligne la nécessité de construire un journal pour deux sortes de lectorat, ceux qui ont le temps de lire, en profondeur l’ensemble d’une actualité, et ceux qui à l’instar de la télé ou d’internet zappent «picorent» l’information, et dont il faut canaliser l’attention par des entrées, des brèves, des éditoriaux qui leur permettent de se relancer en lecture ou au contraire de zapper intelligemment dans le journal.
Une chose est certaine, Nicolas Beytout prend ses lecteurs au sérieux et leur propose une nouvelle formule qui telle une maison leur offre des pièces à vivre-lire avec des places immuables afin de capter l’attention et de les fidéliser sur des rubriques qu’ils peuvent retrouver d’un jour sur l’autre.

Analyse:

Le Titre-Logo et la Une.

Lorsqu’on aperçoit le journal en kiosque, plié comme sur la photo ci-dessus, on découvre un titre logotypé en bleu au blanc. Très tendance comme l’on dit certains de mes confrères. Bleuisation de la presse aussi bien papier qu’internet. Problème : avant de lire le titre mes rétines sont attirés par un cartouche rectangulaire bleu anonyme. Autrement dit je lis comme nous l’avons déjà indiqué, les contreformes bleus et non la typo du titre qui vient après quelques millisecondes juste après. Ce n’est pas gênant si le Figaro était dépositaire de la couleur bleue et des rectangles au format du titre, mais dès lors que n’importe quel autre journal peut logotyper son titre en blanc sur fond bleu, cela banalise considérablement un titre qui par ailleurs représentait une image forte et au plan formel et au plan de la mémorisation (taux de mémorisations) des lecteurs. Quand on prend le risque de déconstruire la mémoire d’un titre autant la redessiner et proposer une nouvelle forme graphique et typographique qui la remplace avec force et conviction. L’enfouissement de l’ancien titre dans ce cartouche bleu signe un véritable escamotage de ce qui fait le fond de commerce de la Une d’un journal, son titre, canal-historique. Le designer de presse Jean Bayle, a fait un travail remarquable. Cela ne fait de doute pour personne. Mais la Une pose un autre problème. Le journal plié, le titre presque escamoté par un bandeau banalisé, la perception que je reçois dans un kiosque, c’est l’absence de perception. Je veux dire que ce qui fait qu’un journal ressemble à un journal, les codes de la presse d’information quotidienne ont été gommés. Un «pauvre» titre en police Minion maigre (ce n’est pas une blague de collégien mais un excellent caractère dessiné par le très talentueux Robert Slimbach, deux colonnes de texte et une photo couleur excellente de notre premier ministre. Ça ne ressemble pas à la Une d’un journal, qui démarre sur un titre fort, qui engage le lecteur sur un édito et un visuel choc. Pour ma part j’ai plus le sentiment de nous retrouver dans une page d’ouverture d’un rapport d’entreprise (très sage cependant) que dans une ambiance de Presse Quot. Et de fait lorsqu’on s’attelle à créer la Une d’un journal fut-ce Le Figaro, on doit toujours tenter de concentrer l’essentiel du journal sur la moitié supérieure de la Une, seul espace visible en kiosque.

Kiosquejourno

De fait quand on déplie la Une, elle commence prendre les allures d’un quotidien, par la présence de brèves sommérisés qui nous renvoient comme à l’habitude dans les pages intérieures.

Globalement la Une est remarquablement sobre, sans doute trop, dire qu’elle en élégante, non par le choix des typos et des manques de contrastes évidents qui diluent l’attention du lecteur. Seule événements de taille : la photo. Une direction très Libé, ou dossier du Monde, N.Beytout fait de l’excellent benchmarking en ce domaine et il en a parfaitement le droit s’il estime que ses parts de marché sont à gagner sur les concurrents directs. (J’en doute et nous y reviendrons).

Réponse en temps réel à Estève Gili : Voici effectivement un bleu sur lequel nos rétines peuvent glisser sans s’impliquer. Nous reviendrons sur cette affaire de la perception, et on pourraît presque se poser les questions de fond : Nicolas Beytout a-t-il été chargé de «fossoyer» Le Figaro, ou bien est-il si BCBG qu’il ne sait plus ce qu’est un noir et blanc… Plus que des gris ! Mieux que le Frankfurter Allgemeine. Sur la crise de la presse allemande, un excellent article nous invite à réfléchir, et en ce qui concerne Le Figaro, il est dommage que l’étude de l’environnement concurrentiel n’ait pas conduit les animateurs de ce projet à se poser la question éternelle… comment faire pour élargir un lectorat et non de se restreindre à servir la soupe à une clientèle qui dans les trente dernières années a vieilli comme vous et moi, mais enrichi en moyenne plutôt 10 fois plus que la moyenne nationale. Mais j’y reviendrai dans mon analyse.

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0 réponse à Figaro | une design-analyse de la nouvelle maquette (1)

  1. Camille, Delphine et Claire dit :

    Nous sommes des élèves de 1èreES, et dans le cadre du TPE (une production à rendre en épreuve anticipée du bac) nous travaillons sur la une de grands journaux : Le Monde et Le Figaro.
    Depuis plusieurs semaines nous nous penchons sur cette nouvelle mise en page, et nous en sommes arrivées aux mêmes conclusions que vous. A savoir que l’image prenait une place très importante, le journal plié, c’est la première chose que l’on voit de l’article et seulement après le titre. Il est vrai que voir si peu d’information sur la une plié est un désavantage. En comparaison du Monde (qui présente 3 colonnes), la une parait alors plus pauvre (bien évidemment cela s’éfface une foi le journal déplié).

    En réaction au commentaire, nous nous sommes appérçu seulement ce soir de la présence de la maxime de Beaumarchais (nous travaillons dessus depuis 3 semaines) juste sous le nom du journal. Nous connaissions son existence, mais plongées dans nos recherches nous n’y avions pas fait attention. Il est vrai que nous ne sommes que d’humbles 1ères, mais il me semble que cela est bien dommage de ne pas valoriser plus une maxime si bien choisie.

    En ce qui concerne le choix de la couleur, la remarque est très juste, le bleu calme le regard mais efface une quelconque dynamique (belle éffort pour la bande orange, mais insuffisant!). Nous avons fait des recherches sur la signification de la couleur bleu (il faut bien aller jusqu’au bout :-) ). Et il s’avère que le bleu (symbole de la mer et donc de découvertes) nous pousserais à la connaissance, c’est à dire à la compréhension, bon point pour un journal.

    Enfin, un grand merci a vous et à votre analyse qui nous ont permi d’ouvrir les yeux sur certains point et de prendre du recul sur d’autres!

    Merci encore,
    Trois élèves de premières qui bossent qui bossent et qui aimeraient voir le bout du tunnel…