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Je choisis mes titres pour résumer ma pensée, quelquefois long, là, très court.
Pourquoi dyslexique? Les orthophonistes vous en diront beaucoup plus que moi sur cette affection qui touche un grand nombre de personnes. S’agit-il seulement de confondre la gauche et la droite, ou de faire des fautes d’orthographe, ou de se précipiter dans des explications sans finir une phrase, les symptômes sont nombreux.
Le nouveau logo de la SNCF relève d’une stratégie de communication mûrement pensée, par des équipes de travail au sein de la compagnie de chemin de fer et au sein de l’agence Carré Noir. Nous savons tous comment ça fonctionne. De briefs en débiefings, semaine après semaine le projet évolue. Maquettes après maquettes, de validations en validations, personne ne prend, ou ne prend plus beaucoup de risque, et cela pourraît faire l’objet d’une note future concernant la dilution des responsabilités graphiques dans notre système économique. Nous sommes en tous cas loin d’une époque pas si lointaine, où les chefs d’entreprise, grands timmoniers de leur capitaux décidaient des orientations stratégiques de comm. propres à faire progresser leur entreprise.
C’est ainsi, et en préambule que je prendrai cette précaution de ne condamner personne pour avoir laissé passer ce logo contre toute logique de stratégie de communication.
Voici le débriefing de l’agence Carré Noir:
La couleur: un dégradé qui va du carmin au vermillon, fruit de «beaucoup de travail», a permis de créer la rupture, et d’exprimer l’innovation et la capacité créatrice de l’entreprise.
La forme: elle exprime pour certains un matériel roulant, pour d’autres un objet aérodynamique ou encore un livre ouvert, ou tout simplement une forme abstraite.
Un graphisme: «très dans la culture de la SNCF, ces quatre lettres dessinées en lien expriment la fluidité et le confort dans la relation entre Public et Salariés. Ce monogramme venu confirmer le nom d’une grande entreprise a été créé en CAPITALES pour ne pas céder avec des bas de casses (minuscules) à une expression trop originale ou rigolote. Elles s’enchaînent avec un lien entre elles pour qu’on sente qu’SNCF est un tout, de façon qu’à l’intérieur de ce bloc marque, on ait ce qu’on appelle un logotype.»
L’analyse:
L’histoire des logos tout d’abord:
Celle-ci témoigne de l’histoire socio-industrielle de notre pays. Vous trouverez un excellent résumé de la saga des logos de la SNCF ici.
Vous y voyez la représentation graphique du sigle SNCF et non du monogramme, vocable à l’usage expresse des personnes physiques et non morales (définition du sigle ici) qui correspond bien à la transformation industrielle de notre pays. De sigle en forme d’attribut de métiers on est passé à une écriture de plus en plus dépouillée de la typographie utilisée. Signe des temps sans doute, et puisqu’on parle de convivialité et de confort relationnel entre acteurs usagers et acteurs salariés, les dessins du TGV.
On est bien passé en 1947 par une représentation graphique proche de l’héraldique, et Michel Disle co-fondateur de Carré Noir nous explique le rôle que jouent ces signifiants dans la construction des identités visuelles modernes. Puis Roger Tallon intervient dans les années 80 sur le logo et la charte graphique de la SNCF alors qu’il venait de travailler sur le TGV.
Mais voici venir le nouveau logo du TGV :
En cherchant un peu, nous trouvons des similitudes avec une expression graphique chère au public nostalgique d’un temps idéal, l’art nouveau…
et encore…
C’est à ce moment de l’histoire qu’intervient la création du nouveau logo SNCF.
Celui-ci comme on le voit s’inscrit parfaitement dans la filiation des tracés ci-dessus. Mais il ne s’agit pas tant de dire j’aime ou j’aime pas, que de se poser la question si les quatres lettres du sigle-monogramme de la SCNF n’auraient pas été dessinées dans un style plus proche du métro parisien, donc aujourd’hui de la RATP que celui d’une entreprise dont la principale activité, le transport interrégional et international (thalys), riment avec puissance et vitesse. Nous ne voyons ni puissance dans ces quatres lettres, ni vitesse.
Le style fonctionnerait beaucoup mieux avec l’image d’un métro parisien de papa.
S’il s’agissait de réfléchir au logo de la RATP, nous en serions pour nos frais. Un cercle londonien vert pour ne pas froisser la Sa Majesté, et pour affirmer les valeurs modernes et consensuelles de l’écologie et du développement durable, et un tracé de la Seine en forme de visage plutôt féminin… une typo en Peignot italisé, c’est tout.
Tout ceci pour dire que nous sommes ici à contrario d’un logo de la Société Nationale des Chemins de Fer Français.
Et le Bloc-marque, en forme de matériel de roulement… là encore décalage entre le discours et le résultat. De forme aérodynamique nous n’en voyons pas, tout au plus un profil de TGV taillé à la serpe au lieu d’être tracé comme un geste calligraphique et élégant. En son temps Roger Excoffon en charge de la communication d’Air France avait innové en conférant à la compagnie, d’un geste aérodynamique et brossé à la Mathieu, une forme dont l’élégance et le pouvoir évocateur remplissaient parfaitement leur mission. Communiquer sur la modernité et l’alchimie d’une entreprise.
Des idées d’avance, sans doute. Des caractères liés pour évoquer la relation clients-salariés… un code couleur violacée pour exprimer l’innovation… Nous rappellerons simplement que cette gamme carminée-rouge nous provient directement de la mode des années 70. Happy Flower, Happy génération.
Nous avons commencé cette étude par un titre, un logo dyslexique, parce qu’il me semble qu’entre la typographie métro-art nouveau du sigle et la forme très peu aérodynamique du bloc-marque, nous sommes plus proches d’une identité vieillote pour la RATP des années 70 que pour la SNCF des années 2005 et plus.
Les non-dits d’une nouvelle identité:
Lorsque qu’une société de cette importance change son identité visuelle, avec toutes les déclinaisons qui s’imposent, elle envoie un message fort aux acteurs économiques et socios du pays… aux usagers, aux salariés, aux partenaires et fournisseurs, aux clients internationaux susceptibles d’acheter savoir-faire et technologie.
La nécessité d’une nouvelle identité ne faisait pas de doute. Nous en convenons. l’ancien, marqué par un style pop, fashion jeux olympiques de Mexico commençait à dater. La flèche surmontant le sigle ne correspondait sans doute pas aux innovations et technologies d’avant garde «du matériel roulant» d’aujourd’hui.
Et en examinant le travail de Carré Noir, au travers du site magnifique et novateur qu’ils ont réalisé, on voit bien qu’il ne s’agit pas simplement de créer un logo, un bloc marque mais de changer la communication, de l’adapter aux nouveaux enjeux d’un environnement commercial qui risque en cas de privatisation partielle ou totale de changer les mentalités profondes de l’entreprise et sa relation avec les clients. Nous sommes sans doute dans une phase de transition et de préparation à de grands mouvements stratégiques. Cette identité, malheureusement installée pour un certain temps, peut-être pour 10 ans ou plus est loin de fédérer tout l’appareil messianique qu’un logo doit porter (pour ne pas dire véhiculer). Vos commentaires sont les bienvenus.
et vous trouverez plusieurs suite à ce billet dont celle-ci: