notes précédentes :
La Typographie selon Edward M. Gottschall | intro
Les Peintres et les Lettres | préface d’Alain Korkos à Typographic Communications Today
Graphic Design 20th Century | typographie approximative
Typographic Communications Today (1) | Le Wlassikoff
Typographic Communications Today (2) | du plomb au numérique
Typographic Communications Today (3) | Edward M.Gottschall
Typographic Communications Today (4) | Edward M.Gottschall
Typographic Communications Today (5) | Edward M.Gottschall
Les caractères typographiques ont cette particularité de pouvoir insuffler un supplément d’âme à un texte, à un message. Par leurs formes, leurs dessins traditionnels ou modernes, empattements humanes ou garaldes ou encore mécanes, par le contraste des pleins et déliés et la sensibilité du tracé. Par la lisibilité intrinsèque de l’œil d’un «a» ou d’un «e» et «u», mais aussi et surtout par la manière de composer un texte, tantôt serré, tantôt relaché, les lettres sont porteurs d’un message supplémentaire tout comme les gestes d’un mime comme Marceau ou la voix chuchotante d’un Jacques Weber. La typographie d’un texte c’est comme le timbre d’une voix, rocailleuse ou bien chantante, masculin ou d’une sensible féminité, elle offre au lecteur une dimension visuelle et sensible qui transfigure inconsciemment la teneur du texte.
Et Edward M.Gottschall nous donne à voir les différentes typologies des caractères du XIXe jusqu’à 1969. Il les détaille comme vous pouvez en lire un bref résumé en anglais et s’arrête à cette date symbolique de 1969, date de la création d’International Typeface Corp, où le monde de la création gutenbergienne va basculer vers un renouveau à la fois esthétique et marketing.
Tout le monde se plaignait des gravures de poiçons du XIXe trop léchés, trop maniérées, et nonobstant les travaux herculéens de William Morris, des esprits modernes comme Stanley Morison ou Frederic Goudy, mais aussi Jan Tschichold ou Eric Gill se sont rebellés pour apporter connaissance historique, sensibilité et renouveau à la fabrication des types qui allaient nourrir les composeuses mécaniques (Monotype et Linotype ou Intertype).
Ce qui de fait allait devenir une révolution ininterrompue tout au long du XXe siècle, la possibilité d’imprimer des textes sans aucune altération du dessin typographique. Déjà avec la composition mécanique, mais ensuite avec la photocomposition puis le flashage d’une typographie vectorielle, jamais depuis Gutenberg on a connu une telle fidélité dans la reproduction des alphabets. Les passionnés comme Morison ou Béatrice Warde l’avaient bien pressenti. Une aube nouvelle s’ouvrait, et à la qualité graphique et à l’inventivité.
Ci-dessous le classement des caractères (selon Gottschall, mais aussi et on peut le dire selon le système américain en général).
Voici détaillé de façon très claire les 4 étapes de la révolution technologique qui amena le Monde à entrer dans un espace Gutenbergien à l’échelle planétaire.
Cette référence à Gutenberg qui inventa le «type» mobile en plomb vers les 1492 à Mayence est devenu chez moi une habitude voire un tic ou un toc. Ce n’est pas du tout ce que vous croyez. Je ne rêve ni d’un monde ancien, ni ne fait l’éloge du plomb vs les lettres de lumière (auj. le Laser), mais j’y reviens sans cesse parce que la plus grande invention chez Gutenberg ce n’est pas le support lui-même, mais bien plutôt la mobilité du caractère qui cessa d’être figé pour la première fois dans l’histoire de l’humanité dans un mot, dans une page.
Un caractère en HTML n’est ni plus ni moins la même chose. Mobile, interchangeable, répétable et remplaçable. Et toute la culture du 3W de nos jours lui doivent cette invention universelle.
4 générations de photocomposeuses se succèdèrent entre 1957 et 1988 :
1) photo/optique: le principe que l’on trouve dans l’invention de la Lumitype de Moiroud et Higonnet fut décliné jusqu’à 1980 par l’ensemble des fabricants de machines à photocomposer.
ci-dessus un disque de caractère Lumitype. Fabriqué par Deberny et Peignot, par un atelier qui comprenait une cinquantaine de techniciens, il donna naissance nottament au caractère Univers d’Adrien Frutiger. L’atelier de fabrication était dirigé par Ladiszlasz Mandel auprès de qui Albert Boton fit ses premières classes.
Ci-dessous une machine à photocomposer Berthold «Diatronic». Vitesse de frappe et flashage des lettres photomécaniques 8000 caractères heure. Montés sur une minuscule plaquette les caractères où les lettres étaient reproduites en corps 8 étaient composables jusqu’en corps 20. La perfection même. On pouvait encore agrandir photographiquement les lettres jusqu’à 200 mm sur la Cap sans trop d’altération des formes.
Chef de studio chez Berthold: le docteur Langhe
Le claviste typographe ne «voyait» que les 8 derniers signes qu’il frappait sur une petite fenètre de display électronique.
Une machine comparable de chez Compugraphic (devenu par la suite Agfa-Compugraphic)
Toujours une photocomposeuse de la première génération (1975). Les lettres frappés par le claviste, mises en mémoire tampon pour la valeur d’une ligne, une fois le retour ligne validé, le computer calculait les blancs à distribuer entre les mots pour justifier la ligne, et la machine «flashait» la ligne. (ces répétitions de mots m’exaspèrent mais indispensables pour comprendre le fonctionnement ;-)
2e génération) à partir des années 70 les systèmes permirent de composer les lettres capturés sur des écrans CRT (Cathodic Rayon Tube). Le tube était minuscule, il ne laissait passer qu’une lettre à la fois. Mais la vitesse de défilement de ces lettres électronique passa de 8000 caractère heure à près de 30.000. On commeçait à entrevoir la possibilité de recomposer des annuaires de téléphones et des horaires d’avions sans être obligé de recomposer à la main chaque ligne.
3e génération) les lettres étaient directement «générés» par un tube cathodique pour être projetés sur le support film. Cette fois plus de mouvements mécaniques. Le flux de flashage devznait régulier et l’on entrait progressivement dans la virtualité typographique la plus totale.
4e génération) associé à des ordinateurs puissants, la technologie des photocomposeuses s’approche de ce que l’on connaît aujourd’hui. Les textes composés par des clavistes. Mises-en mémoire. Corrigeables sur des écrans dédiés et re-composables à l’infini.
1989: le Postscript) Il ne manquait plus qu’une dernière invention, mais Gottschall n’y fait pas vraiment référence, bien qu’il l’entrevoit (voir figures ci-dessous), l’invention des courbes vectorielles qui allait alléger le «poids» des caractères virtuels, qui au lieu d’être définis par des dots (des pixels si vous voulez) étaient «décrits» par un contour vectoriel qui comprenait à peine quelques dizaines d’informations mathématique. (courbes de Bézier). On pouvait enfin entrer dans le monde de la vitesse et de la miniaturisation des machines (Laserwriter etc.)
L’ouvrage de Gottschall est à ce titre exemplaire. A cause sans doute de sa culture et des moyens d’édition sans limite comme je le disais dans une des premières notes le concernant, il peut développer le thème des révolutions technologiques avec à la fois une précision et une exhaustivité rares. Il va donc détailler l’anatomie des caractères, Les technologies de composition, et surtout toutes les solutions graphiques que ces inventions vont pouvoir générer.
Chapître XII: Bits, Bytes et Design Typographique.
Revisitation de la Presse, des graphiques,
et… entrée en scène du rôle d’ITC, de Lubalin dans le paysage typographique mondial. Mais il est à noter à cet instant que jamais l’ouvrage d’Edward M.Gottschall ne devient une homélie en l’honneur d’ITC. Il sait garder ses distances afin d’atteindre à cet objectivité universelle qui fait de son œuvre d’historien bien plus qu’un catalogue d’autopromotion.
Otto Storch pour McCall’s
Travaux de Weingart
April Greiman | Los Angeles
California Institute or the Arts poster
California Institute of the Arts view book
suite de l’article demain ;-)