Vous le savez, dans mes chroniques, je n’ai jamais pris parti pour ou contre un éditeur de logiciels. Tout au plus mon expérience aura permis d’apporter un éclairage, disons plus objectif, sur la dernière version d’un «soft» de plus en plus «hard» à maîtriser lorsqu’on lui demande seulement de nous aider dans nos élans créatifs.
Quark précurseur ou suiveur:
Pour ceux qui me connaissent bien, je suis avant tout un typographe qui a fondé en 73’ la maison typoGabor avec son père Paul. Et durant une vingtaine d’année œuvré à ciseler une prestation typographique au service des Agences de Publicité. Pendant cette période, bien avant l’arrivée de la PAO, on savait déjà composer des textes sur des machines de photocomposition avec des milliers de caractères différents. Mais déjà, à partir des années soixante un secteur nous échappait de façon récurante. Celui de la Presse. Parce que celle-ci, organisée en salles de rédaction avait des besoins spécifiques de flux de production et de flux éditoriaux qui mettait pêle-mêle dans la boucle les journalistes, les secrétaires de rédac. les correcteurs, les typographes-monteurs etc. Tout ceci en flux tendu de la production journalière des quotidiens ou des périodiques (hebdos, mensuels, horaires d’avion-train etc.). Lorsque Quark arrive sur le marché de la PAO, bien que ciblant d’abord le grand public des graphistes, agences et studios de production, la firme de Denver se rapproche des groupes de presse pour leur proposer un système éditorial sophistiqué. C’est de cela que nous parlerons aujourd’hui. Parce que les logiciels comme ceux de la Suite d’Adobe ont peut-être détrôné Quark dans le cœur des graphistes, il n’en demeure pas moins que le cœur de métier de Quark demeure, expert en typographie, et en systèmes de publication.
Quark a déjà une longue vie à son actif. A l’instar de certains artistes, on l’a d’abord encensé, porté aux nues avant de le faire tomber de son piédestal pour mieux le fouler au pied. Pourtant, avec sa stratégie engagée depuis quelques années, son nouveau Chief Executive Officer (CEO) qui a admis, très honnêtement, que Quark avait commis des maladresses avec ses clients, l’éditeur de Denver se refait une santé. Et l’on pourrait même avancer une certaine virginité avec la version 8 de son logiciel phare, QuarkXPress; une version plus en phase avec les besoins utilisateurs, ne prônant plus l’autarcie mais bien l’échange démocratique avec ses «frères» Adobe. Mais plus encore, il semble que Quark, conscient d’avoir «perdu» le marché du desktop (pao), se soit recentré sur une vision à plus long terme dont le dernier avatar n’est pas le moins intéressant.
Le Digital Publishing, pour relancer la Presse!
En effet, avec ce concept protéiforme du Digital Publishing, 2.0 excusez du peu, Quark se lance (et nous lance aussi) un nouveau défi: celui de créer du contenu riche, pour une diffusion non plus seulement sur le papier, non plus que sur Internet mais bien sur tous les canaux de diffusion possibles, y compris celui qui attire tant les convoitises depuis quelques mois, tel un Eldorado mythique: l’iPad. Le discours, traduit dans les faits, ce qui est notable, de Quark est trivial: nous avons l’expérience d’outils de mise en page papier qui ont largement fait leurs preuves. Aujourd’hui, en nous associant avec des développeurs d’applications dédiées, nous entendons apporter cette expertise pour offrir aux créateurs de contenus un flux de travail complet, allant de Microsoft Word à du contenu texte, image et vidéos sur terminaux mobiles. Malin de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, tant l’adage nous a appris, depuis longtemps, que le résultat était souvent une belle omelette!
Quark fait donc du Digital Publishing! Qu’est-ce à dire? Tout simplement qu’aujourd’hui, dans le flot (et non flux) d’informations qui nous inonde quotidiennement voire «instantanément» (dans un monde sans cesse renouvelé, faisons du néologisme), publier sans valeur ajoutée ne signifie plus rien. Car rien ne vous distingue du bruit que font les autres diffuseurs de contenus. Il faut donc se démarquer. Comment? En publiant mieux, plus vite, moins cher, plus riche (en contenus) et, surtout, partout.
L’IFRA qui s’est déroulé début octobre en Allemagne a permis à Quark de dévoiler non seulement la nouvelle version de sa solution de flux automatisés, Quark Publishing System, en 8.5, mais aussi son intégration avec Microsoft SharePoint. Leur communication est des plus limpides: «Grâce à l’intégration de Quark Publishing System, moteur d’une publication dynamique et collaborative, avec SharePoint, le système professionnel de Microsoft qui permet de coordonner, communiquer et partager des informations dans toute l’entreprise, les utilisateurs sont en mesure de réduire leurs frais de publication, accroître la précision et la rapidité de diffusion des informations, éliminer les redondances et publier aux formats papier, web et numérique, tout cela dans une parfaite transparence. Cette intégration s’appuie sur celle déjà réalisée par Quark entre Microsoft Word et QuarkXPress, grâce à laquelle les utilisateurs de Word peuvent contribuer et contrôler leurs contenus dans les mises en page QuarkXPress®».
Il s’agit donc pour Quark de se positionner en amont de ses solutions pour, de facto, devenir incontournable. Ou difficilement contournable. Mais quid de l’aval?
C’était la seconde annonce: Quark s’est rapproché de l’éditeur Aquafadas, spécialiste dans le domaine des applications mobiles pour les terminaux type iPhone/iPad, Android, Blackberry. Autant dire la poule aux œufs d’or (encore un retour aux fameux œufs cités plus haut)…
Grâce à ce partenariat, hautement stratégique pour Quark, il est possible pour tout graphiste utilisateur de QuarkXPress de décliner sa mise en page en version interactive par simple copier/dupliquer. Charge alors pour celui-ci d’y intégrer des vidéos, galeries photos, slide show et autres animations, le tout sans écrire la moindre ligne de code. L’export du contenu ainsi enrichi vers iPad (mais pas uniquement, vous l’avez bien compris) se fait en toute simplicité. Et si vous disposez, en outre du QPS cité également plus haut, ce flux est facilement utilisable par une multitude de collaborateurs, du «simple» rédacteur au DA, en passant par le vidéaste ou le graphiste. De là à dire que cette «simplexité» (je vous avais dit que l’on aurait du néologisme) remet l’artiste et la notion de création au cœur du processus de fabrication, il n’y a qu’un pas. Que Quark entend bien franchir; le discours d’ailleurs savamment orchestré depuis quelques temps par les représentants de l’éditeur tendent à appuyer ce constat. Foin de la technologie pour la technologie. La création, avant tout!
Ce nouvel écosystème n’a rien d’un nouveau paradigme made in Quark. C’est pourtant bien un bel et juste retour des choses que de voir, lire, écouter et regarder du «beau» contenu. Le Web a dilué la notion de création, avec ces multiplications de boutons à l’envi, ses aplats criards ou fades (au choix ou à la mode de l’instant). Les terminaux mobiles, peut-être à cause de leurs formats, plus restreints, obligent à repenser la forme aussi bien que le fond. Voire le fond de la forme. Nous sommes naturellement satisfaits d’un tel retour aux sources. Et avouez que vous n’auriez guère pensé à Quark pour en être l’un des instigateurs… En fait ce pourrait être tout le contraire: il se devait d’être évident que le pionnier de la PAO sache prendre le tournant de la publication dynamique (ou numérique voire digitale, selon les paroisses) pour apporter son expérience et son expertise. Tout porte à croire que Quark l’a bien négocié, ce virage. Il se relance dans la course. Mais pas là où on l’attendait spécialement… Tant mieux.