Télévision vs Internet | les symptômes de la maladie

Cette semaine, France Télévision a basculé vers un modèle qui exclut à nouveau la publicité aux heures de grande audience.

Lorsque le Président Sarkozy a annoncé le projet de supprimer la manne publicitaire de France Télé chacun a pu penser en toute logique qu’il s’agissait encore une fois de privilégier quelques amis du PAF privé sans chercher à analyser les causes profondes de la situation. Et je constate, pour avoir assisté au Théâtre de la Colline à un débat (Mediapart et Reporters Sans Frontières) des plus intéressants sur la liberté de la presse et des principes démocratiques qui la fondent, que les discours s’éparpillent et ne recouvrent pas les réalités économiques et les bouleversements auxquelles sont confrontés les chaînes de Télévision.

Et pourtant je vous donne un seul chiffre: désormais, les jeunes de 15-25 passent environ 4 heures quotidiennes devant internet (dont seul Facebook une cinquantaine de minutes à raison de 8 connexions par jour {sources Médiamétrie}). Il est bien évident que le temps où un jeune s’affalait devant son écran de télé avec coca-bière et burger pendant toute une soirée est loin derrière.

Les bascules d’audience se font de plus en plus vite selon les tranches d’âges et sans doute que celles qui se situent au delà des 60 ans et plus seront les derniers touchés par cette lame de fond.

Mais globalement entre l’atomisation du paysage audiovisuel due à la multiplication des chaînes et l’arrivée massive d’internet haut débit (2002) on tient les causes essentielles de la désaffection des audiences télé. Je dis sans doute, parce qu’à Design et Typo il n’y a pas d’expert, seulement une veille critique et lucide des tendances lourdes de notre environnement visuel.

Et ces tendances on a pu les voir arriver en masse dès lors que la télévision a cherché à imiter les pages internet. Regardez les écrans ci-dessous. Le rôle prépondérant que jouent les bandeaux, les prompteurs d’infos qui défilent, pendant que le présentateur égrène les nouvelles du soir.

Les gens de la télé ont compris la richesse des pages écrans d’internet. Ils cherchent désormais à en utiliser les ressorts, en faisant défiler un flux (presque du RSS) continu de news dans des bandeaux qui se superposent à l’image principale. Bloomberg (voir la vidéo ci-dessous) avait déjà initié cette scénographie depuis plusieurs années, mais là, les télévisions du monde entier s’y mettent. Croyant, sinon stopper l’hémoragie d’audience, en tous cas donner l’illusion au téléspectateur qu’il est devant un écran interchangeable entre l’internet et la télé. Oubliant seulement que ces jeunes dont nous parlions tout à l’heure ouvrent les flux de télé avec VLC et travaillent leurs cours en même temps qu’ils regardent une fenêtre de Desperate Housewives (et ici) et qu’ils chattent sur MSN ou Skype, tout en consultant leurs messages sur Facebook.

Parce que les jeunes aujourd’hui, c’est «quand je veux et où je veux», réalité que la télévision ne pourra satisfaire que le jour où les chaînes seront diffusés en streaming sur les iPhones et consorts.

Du coup les tabous ont sauté. La mesure d’audience devient de plus en plus difficile tant l’interactivité des écrans devient difficile à mesurer. On ne parlera plus de zapping mais d’Ultra Mobilité, pour un monde Ultra-Moderne. La typographie sur vos écrans de télé, c’est très bien, mais vous comprenez mieux désormais qu’elle est aussi le symptôme curieux d’un retour vers l’écriture et, l’alphabet, qui, revient en force dans notre paysage visuel. Et c’est à ce stade précis que je ne suis pas tout à fait d’accord avec les analyses que font les Edwy Plennel de la situation présente. La démocratie sort grand vainqueur de ce bras de fer entre les deux mondes. Parce que là ou le caractère Ultra-Mobile de Gutenberg revient dans l’espace télé-visuel de nos écrans vous pouvez être sûrs que la critique et l’analyse ne sont pas très loin.

Tout cela les experts qui conseillent notre Président ont du l’anticiper, ils savaient parfaitement qu’internet était dans sa phase de conquête majeure et définitive. Ont-ils voulu préserver le gâteau des amis du Président? peut-être. Mais les chiffres commencent à parler et le «Privé» de se poser déjà comme les victimes in fine de cette avalanche de mutations. Et l’avenir? me direz vous.

On ne consommera plus jamais la publicité comme avant. Le téléspectateur pouvait zapper lorsque les pages de pub envahissait son écran télé. Mais sur Internet, il peut programmer son navigateur pour éviter d’être agressé. Ou tout simplement ne pas cliquer pour faire jouer une vidéo. Les ergonomes comme Amélie Boucher (Ergonomie web chez Eyrolles) ont déjà avancé dans les études de comportement et des recommandations de bonnes pratiques pour les annonceurs qui veulent investir l’espace interactif.

Il est à parier que l’esprit Marketing Direct qui nous agresse depuis près de vingt ans a vécu. Désormais les annonceurs vont devoir jouer avec les internautes et non leur imposer leurs produits. Ceux qui auront compris cela investiront sur la qualité graphique, la scénographie et l’interactivité des publicités de demain. Et au final notre paysage commercial changera sous la pression d’une audience devenue majeure, adulte et autonome. Un monde parfait en somme…

©peter gabor | directeur e-artsup.

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