Le Point.fr se relift chez e-artsup

J’aurais pu aussi bien intituler ce billet par «Mise en page | typographie | grilles | presse quotidienne | principes fondateurs»

Tout d’abord le prétexte à cet article… Le Point.fr se relift chez e-artsup.

Oh ne croyez pas qu’il s’agit d’une commande. De fait il ne s’agit que d’un exercice graphique que j’ai donné à nos étudiants de quatrième année mais que nous avons essayé d’entourer d’un certain nombre de précautions. Tout d’abord le brief, puis le caractère professionnel des projets des étudiants.

Ayant contacté la rédaction du journal en ligne du Point, c’est très gentiment qu’ils ont accepté de venir se déplacer dans le «bunker» underground, véritable laboratoire expérimental de e-artsup. Brossé le contexte d’un site en-pleine croissance, confronté comme tous les sites à une évolution rapide, à forte demande participative des lecteurs. Plusieurs milliers de commentaires chaque mois témoigne de l’interactivité croissante d’une presse en ligne qui cherche ses marques, son modèle et ses principes fondateurs.

Le présent article n’a pas pour vocation de résumer ici, ni le brief, ni tout le travail de benchmark que nos étudiants sont en train de réaliser. Ils sont en plein «taf», bouillonnant d’impatience de montrer leur travaux, mais la séquence des corrections s’avère longue et fastidieuse. Première étape des rendus, juste avant les vacances de Noël, puis suivra une séquence d’ajustements et de réglages durant tout le mois de janvier pour enfin présenter devant l’équipe du Point, dans leurs locaux les projets les plus intéressants avec un Jury constitué par des professeurs de notre école, Chrisitian Dubuis Santini, Benoît Drouillat, qui nous a également rejoint sur un cours de webdesign, moi-même ainsi que les acteurs principaux du journal en ligne, Directeurs Artistiques (Gabriel Jorby) et les responsables marketing et la direction technique et éditoriale. Et tout d’abord permettez-moi de souhaiter bonne chance aux élèves qui sont les véritables héros de cette histoire.

Mais revenons à l’essentiel. Les fondations.

Bien sûr qu’il existe nombre de blogs, de sites, de tutos qui nous renseignent sur la nécessité de construire des grilles de mise en page. Quelques exemples:

http://tutorialblog.org/grid-systems-in-web-design/

http://dev.opera.com/articles/view/grid-design-basics-grids-for-web-page-l/

http://ldbglobe.fried-rice.net/blog/post/2008/04/22/Web-Design-/-Structuration-en-grille

http://www.alistapart.com/articles/settingtypeontheweb

http://nettuts.com/html-css-techniques/which-css-grid-framework-should-you-use-for-web-design/

Nécessité d’une grille pour le Print en presse quotidienne:

C’est Josef Müller Brockmann qui a jeté les bases d’une explication détaillée sur le sujet.

L’histoire des grilles de mise en page se confond aisément avec celle de la mise en scène typographique depuis l’invention de l’alphabet moderne par les phéniciens quelques 700 ans avant JC.

Johannes, le grand Gutenberg, inventeur de la lettre mobile et «inter-active» en plomb et antimoine, utilisait déjà deux colonnes dans sa bible en 42 lignes au XVe siècle. Sans doute que les imprimeurs avaient saisi assez tôt la nécessité de renvoyer le lecteur à la ligne lorsque la ligne dépassait quelques 40 signes. De fait les études sur le confort de la lisibilité donnent un variable assez large, cela va de 30-40 signes jusqu’à quelques 60 caractères par ligne. Ce qui correspond en somme à la largeur d’une colonne unique dans un courrier composé en corps 12.

Le développement des formats de la presse, bien plus gigantesques que ceux du livre ont posé rapidement le problème de l’organisation des pages. Non seulement pour des raisons de confort pour la lecture mais également pour la gestion des espaces pour la Réclame, puis plus tard de la Publicité. L’organisation en colonne est donc née fin du XVIIIe siècle, alors que Marat immergé dans sa baignoire ensanglanté participait à la naissance de la presse révolutionnaire (l’Ami du Peuple).

À l’heure où je vous parle cette organisation n’est plus contestée et participe non seulement à la qualité de la lecture des journaux, mais également et paradoxalement à une codification, à une architecture sémantique de la mise scène de la presse quotidienne. Autrement dit, lorsqu’un journal se crée, ou se relift, il n’est pas seulement de bon ton de l’organiser en grille et colonne, pour faciliter sa lecture, mais de lui donner une forme graphique qui l’installe dans le paysage codifiée d’une presse séculaire.

Vous invite donc à découvrir ces quelques “extracts” des pages de l’ouvrage de Josef Müller Brockmann qui nous expliquent le fonctionnement et la structuration d’une page (d’édition ou de presse), livre que je ne saurais que trop vous recommander de vous procurer sur les sites d’Amazone ou de l’éditeur. Brockmann prend le contre-pied d’Hermann Zapf, qui explique par l’exemple et une pratique de l’édition héritée de la plus grande tradition. Ici, le graphiste-professeur, d’origine suisse énonce les règles strictes et quasi mathématiques de l’organisation d’une page. Architecture et architexture comme je l’ai déjà souligné plusieurs fois cohabitent pour ordonner et donner à lire… (suite du billet dans la journée).

L’intérêt de cet ouvrage est d’aligner page après page, de manière exhaustive les variations de structures verticales et horizontales, de montrer comment les blancs doivent dans chaque cas s’organiser, et surtout d’insister sur la texture typographique qu’engendrent les solutions de découpage. Corps et interligne sont au centre de ces réflexions pragmatiques… vous réduisez la colonne, le nombre de signe par ligne doit suivre homothétiquement donc le corps doit diminuer. L’interlignage de même, participe de la lisibilité des colonnes et Brockmann donne les clés de ces variations.

La Presse quotidienne aux USA dans les années 87’

Ne serait-ce qu’à titre historique et sociologique, il était intéressant de «ramasser» ici un catalogue des Unes de journaux de ces années vintage. Où l’on voit que les préoccupations étaient déjà les mêmes et les ressorts de l’actualité fonctionnaient sur le même modèle… actus, scandales, people, politique, économie, crachs et rebonds, inexpliquées, irrationnels et pourtant déjà…

Mais au-delà de cet inventaire d’évènements aussi hétéroclite, on voit peu à peu se dessiner le contour d’une presse à plusieurs visages. Presse People et Mode comme le Fashion Dallas, presse d’actus Large Public à l’image du Detroit Free Press ou du  Dallas Times Herald. Une presse économique et business avec un BUSINESS et aussi bien une presse sportive que des pages sports, éco, people, sciences dans chaque grand quotidien. 

Les codes: 

Amusez-vous un jour à comparer la taille des titres imprimées dans les tabloïds GP et les Quotidiens généralistes Large Public avec celle des journaux économiques et d’analyse politique. Elle varie avec le tirage… proportionnellement. Idem pour le choix des typos. Sérifs voir Humanes pour les journaux sophistiqués, Sans Serifs, bien compacts pour les journaux à grande diffusion. Moins d’image pour les premiers, iconographies choisies méticuleusement pour satisfaire à l’exigence de lecteurs cultivés, images imposantes et spectaculaires pour les deuxièmes. Moins de texte bien entendu. Le CSP est passé par là pour rythmer une lecture adaptée au niveau social et culturel du lectorat.

Pour résumer, j’ai choisi délibérément d’illustrer mon propos sur le relifting du Point.fr par ces vieux journaux papiers pour plusieurs raisons.

La première c’est que la marque lepoint.fr incarne une identité existante, celle d’un magazine hebdomadaire fondé par Claude Imbert qui d’emblée s’est située dans la filiation des grandes revues intellectuelles françaises. Périodique hebdomadaire, qui se proposait de décrypter et d’analyser les évènements de la semaine en prenant la hauteur nécessaire à la compréhension des sujets traités. Lectorat CSP+ et ++ s’il en était. Un lectorat qui occupe une place privilégiée dans la société française, pouvoir politique et financier.

Et le magazine papier traduit bien la sophistication de ce positionnement qui avait son équivalent quotidien avec Le Monde et Le Figaro. Et l’on connaît bien le portail du Monde.fr, de même que son original, le Guardian ou El Païs. On constate tout de même que les grands quotidiens en ligne sont tous en train de redécouvrir les vertus du code graphique des journaux «papier». Les colonnes. Un titrage clair et équilibré, des textes correctement composés (ici publiés). Et tout cela se gère aujourd’hui avec quelque réussite grâce à la maîtrise des flux et des CSS. Finalement quel est l’enjeu?

Le redéploiement des médias:

Cela fait trois ans que je publie des notes d’analyse sur l’évolution des médias d’information. Affirmant qu’internet avait accompli une révolution «à l’envers», du retour vers la lecture, le texte. Imaginez! Qu’un Marshall McLuhan ait pu dire dans les années 60 que la télévision allait remplacer le livre et le papier, pour inventer l’expression alternative d’une galaxie Marconi en opposition à la Galaxie Gutenberg. Et voilà que grâce à la révolution numérique, la typographie vectorielle, les courbes de Bézier, la mise en page à l’ordinateur et la retouche photo directement sur des écrans à 600 euros, la publication via internet vient d’achever cette révolution.

Des heures de télévision remplacés par des heures d’internet (une étude a démontré que les jeunes de 18-25 passent 4 heures dorénavant sur internet, c’est autant en moins, vautrés devant la télé). Et du coup, les Pages défilent. Des millions, des centaines de millions, des vidéos aussi, de la musique… mais aussi des forums, des commentaires, des blogs. et la Presse en ligne…

Gutenberg, c’est à dire, le caractère ultra-mobile, Signifiant du Signifiant de l’alphabet phonétique, revient en force et les yeux de nos jeunes se réhabituent à lire là, où auparavant il n’y avait plus de place que pour les images.

C’est à ce moment précis de l’analyse que nous nous devons de nous interroger sur l’avenir de la presse en ligne, ses rapports avec la télé et l’ensemble des acteurs web (blogs, forums, réseaux sociaux), ainsi qu’avec le papier. Ses modèles économiques et ses bonnes pratiques.

La presse est malade, dit-on. Certains même, Reporters sans Frontières et Mediapart s’en sont fait l’écho, disent qu’elle en grand danger de perte d’identité démocratique. Mais si l’on se réfère à quelques experts en la matière, une des causes de la défection de cette presse quotidienne en France particulièrement, viendrait d’un manque de respect du lecteur.

Je ne sais pas ce que c’est que ce manque de respect sur les modèles print de la presse Quot. Parle-t-on de la qualité des papiers des journalistes, du manque d’investigation et de l’approximation des infos? Veux-t-on dire que cette presse là est en train de devenir une sorte de fil AFP en continue, tel un prompteur qui débiterait les mêmes infos d’un bout à l’autre des systèmes de diffusion.

Alors certes, l’information parallèle, alternative, celles des blogs de spécialistes par exemple, prendrait une part importante du marché des lecteurs. À cela il faudrait rajouter les sites agrégateurs de news alternatives comme rezo.net (http://rezo.net/) qui donnent à lire des flux entiers d’infos que jamais vous ne verrez publié dans une presse dont les pratiques correspondent à une éthique, des règles de vérifications des sources etc.

L’hebdo du Point a donc décidé de créer il y a quelques années son portail de presse quotidienne. La question que nous avons débattu avec les étudiants d’e-artsup tourne autour de l’identité du site, de ses rapports avec le lectorat du magazine, et de ce que le site incarne en terme de territoires de l’information. Il était fondamental de décrypter les symptômes de ce qui nous semblait une erreur de positionnement.

Relifter le Point.fr consistait donc d’une certaine manière à revenir aux fondamentaux d’une marque d’information sérieuse, crédible et sophistiquée qui s’adresse à une catégorie de lecteurs au fait des superficialités des news et qui désirent en savoir d’avantage. Qui désirent s’informer pour prendre des décisions fondées non sur le bruit ambiant, mais sur une véritable intelligence ambiante. C’est donc un travail autant de réflexion sur la nature d’un portail que sur ce qu’il incarne et ce que les lecteurs en attendent.

J’espère sincèrement que nos étudiants seront à la hauteur de ce défi et vous tiendrai informé dans les semaines qui viennent de l’avancement des travaux.

Voici quelques extraits de l’ouvrage de Josef Müller Brockmann





































 
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ressources pédagogiques pour les étudiants d’e-artsup.

























































































































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0 réponse à Le Point.fr se relift chez e-artsup

  1. Une vraie mine d’or d’inspiration et de contenus didactiques. Je me demande si mes camarades de classe auront l’idée de passer par ici.

    Merci M’sieur Gabor !