On peut faire dire ce qu’on veut aux images, parfois volontairement, parfois de façon fortuite.
En l’occurence examinez bien les deux photos ci-dessous. Issues du même original de Philippe Warrin, photographe de Sipa. Elles ne disent pas la même chose. Celle publiée par Le Monde, tronquée, délavée enlève toute consistance au personnage du Président de la République Française. Le Drapeau lui-même est abrégé de son patriotisme et laisse la vedette aux étoiles (jaunes) de l’Europe. Quant à l’humour subliminal de Philippe Warrin qui a voulu faire un parallèle entre l’ovale de la bibliothèque et celui du bureau présidentiel de la Maison Blanche, complètement gommé (l’humour et l’ovale). Plus grave me semble-t-il, les bras coupés, c’est un homme tronc que nous donne à voir Le Monde, autant dire un homme handicapé. Non que je ne respecte pas cette catégorie d’hommes et de femmes, qui se battent souvent mieux dans la vie que les êtres dits normaux, mais l’image d’un Président handicapé me gène, politiquement et humainement. Je ne suis pas un Sarko-maniaque, juste un graphiste soucieux du sens de ce que l’on met en page. Et du sens, ce genre de photo est supposée en délivrer.
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photo paru aujourd’hui 27 mai dans le Monde.fr
Contrairement à son confrère Libération a fait paraître une photo «intégrale» dont les densités sont respectées.
De gauche à droite et de haut en bas, la bibliothèque: elle apparaît dans son ovalité, clin d’œil au bureau de George Washington et de Lincoln. Les deux drapeaux sont toujours là mais, celui de la France reprend une existence majestueuse et poétique. Sarkozy est bien le Président des Français. On peut bien entendu gloser en imaginant là un désir d’avenir européen, Sarkozy un jour Président de l’Europe, pourquoi pas. Mais en attendant il pose à côté d’un drapeau tricolore dont les couleurs, leur équilibre, donne du sens au patriotisme de la photo.
La main gauche du Président, est bien là. Prêt à signer des ordonnances et décrets, mais prêt à l’action, c’est sûr, on ne peut en douter. Libération avec Christian Caujolle (Agence Vu) a une longue tradition d’éditing photographique. On peut les taxer d’être à gauche, à droite de la gauche extrême, à gauche du centre-droit, mais on ne peut les taxer d’être à droite. Et pourtant ils respectent une photographie. Pour ce qu’elle est une œuvre artistique à part entière. Un bon point pour Libé. Un avertissement sans frais pour Le Monde ;-)… un SR qui a mal fait son travail. D’autant plus révélateur que le titre de l’article porte en lui le germe de ces erreurs d’éditing: «Une photo présidentielle, version people». Pas grave, mais dites-lui de lire cet article. Il (ou elle) le mérite bien.
Bonne réflexion sur l’image, et comment conserver ou détruire une oeuvre photographique…
Je suis étudiant-graphiste, et j’ai déjà eu affaire à des photographes professionnels, et je sais à quel point il est contrariant de voir un travail si réfléchi détruit à la mise en page ou l’impression (… ils font leurs courses dans un supermarché ? Ils ne savent pas que des photographes travaillent derrière les clichés qu’ils reçoivent ?)
Je suis “choqué” qu’on puisse se permettre de telles libertés.
Le format n’est même pas conservé : un portrait d’un homme debout au format paysage… on croirait une photo de vacances devant les chutes du Niagara…