Avertissement aux lecteurs, j’ai rédigé cette note sans avoir lu les derniers commentaires concernant ma note précédente. Si certains des items sembleraient se confondre avec ces comments, ce serait purement fortuit et par ailleurs plutôt rassurant.
En examinant le portail de Libé, ma première impression est négative. Puis, je regarde, je décompose, en dizaines de petits morceaux de codes, de vocabulaire graphique. Je regarde la hiérarchisation de l’info, la structuration et les codes graphiques qui l’implémentent.
Pardonnez-moi d’avance d’être aussi exhaustif dans l’énumération des filets, cartouches et autres ingrédients de la cuisine graphique de ce portail, mais je suis sûr que pour l’analyser, il fallait dépasser le niveau général pour entrer dans un décompte analytique.Que constatez-vous? Dans l’ensmble du portail, le contenant prime sur le contenu. Le lecteur est envahi par une pléthore de graphismes dont le but avoué ou pas, est de sur-signifier l’entrée de Libé dans le Web 2.00.
Cartouches, pictos en tous genres, Multimédia, Vidéo, Son, Chat, Forum, Dépêches etc. viennent s’étaler dans notre champ de vision au point de nous transformer en fashion victim du web 2.0. Certes, on ne peut que féliciter la rédaction du journal fondé par Jean-Paul Sartre d’avoir su prendre le tournant de l’internet interactif. Mais de là à le transformer en «homme sandwich» du web il y avait un cap à ne pas franchir.
Pourquoi ces critiques?
Il me semble utile de rappeler qu’un portail on-line de presse reste avant tout un lieu de lecture journalistique, où l’info prime sur le reste. Nous avons longuement évoqué ces questions à propos de la refonte du Monde Papier, et rendu un hommage particulier à l’effort louable de la division du Monde Numérique. Qu’est ce que je reproche à Libé? d’avoir oublié les lecteurs et ce qu’ils viennent chercher à l’adresse de Libération.fr. La plupart des habitués du papier aimait ce journal pour l’écriture, le papier qui sentait bon l’encre, les photos, noir et blancs de Christian Caujolle (Agence Vu) qui ont rendu célèbre la ligne éditoriale du journal le plus atypique de la presse française. Libé a inventé un ton impertinent, une illustration photographique d’une qualité très au dessus de la moyenne et la mise en scène décalée de Claude Maggiori (tendance mode-élégance) qui a permis au journal de se démarquer de toute la concurrence. Alors je comprends bien que nous sommes confrontés à l’impossibilité de traduire exactement le papier en mise en scène-écran. Le format n’est pas le même. Et on est encore loin du moment où nous pourrons tous lire un journal électronique dans un format tabloïd, ce qui au demeurant permettrait presque de faire doublon avec le papier. Mais Internet c’est aussi autre chose. L’interactivité n’est pas un vain mot. Lire, écouter, voir, débattre, envoyer à ses amis, commenter, publier ses photos sont autant de «features» que le www2 permettait de résoudre.
On peut toutefois imaginer un Libé on-line qui rappelle les qualités du papier. Il suffit de diminuer l’importance graphique des gimmicks de l’interactivité. Diminuer le nombre croissant des filetages, et le mélange malheureux des filets noirs, rouges, oranges, noir et rouge, avec ces cartouches bistres au goût douteux. Simplifier, épurer, et surtout, surtout afficher des belles photos noir et blanc qui font la qualité du journalisme de Libération. Ce devrait être un portail exemplaire où l’info devrait primer, et devrait s’architecturer intelligemment, où le texte devrait redevenir primordial accompagné sobrement et élégamment par des photos noir et blanc d’une qualité intransigeante. Avec du Blanc aussi pour rythmer l’ensemble. Autrement dit, tout ce que Maggiori a inventé pour le Papier pourraît être décliné sur le web. Sans renoncer bien entendu à toute l’interactivité nécessaire et possible.
Cela demande de remettre à plat toute l’architecture de l’information, de hiérarchiser les rubriques et les articles. De décider de simplifier les codes graphiques à l’extrême, condition exacte de l’élégance original du Libé subconscient. D’installer les appels à l’intercativité sobres et presque intuitives et non comme des trompettes de la gloire (je pense notamment à ce picto avec un haut parleur pour le son podcasté. Too much, too much). Allez, je m’arrête là et vous laisse continuer cet inventaire de contradictions et d’étalages inutiles du savoir-faire des DSI et consorts de Libé. J’espère que Monsieur E.de Rotchild lira cet article, parce que je n’ai qu’un souhait, c’est de voir Libé sortir du marasme où il s’est enfoncé depuis près de 14 ans,
à peu près à la date où Serge July avait décidé de faire passer son journal à une pagination de folie. 80p au lieu des 40 habituels, entraînant les comptes du journal dans le rouge pour plus d’une décennie.
Voici ingrédiant par ingrédiant tout le vocabulaire graphique de Libération onzeweb. (je ne montre pas cependant les pages photos des lecteurs de libé, un des scandales photographiques les plus insupportables (question relative aux droits et à la qualité à la sélection). Pages web photo par ailleurs où j’ai cherché désespérément de pouvoir cliquer pour revenir «à la home». Pas moyen. Complètement absurde.
catégories-intros-chapôs-interactivité
catégories-séparateur-rubriquage
filets oranges, rouges, noirs, noirs et rouges, que de variété dans les séparateurs
pictos vieillots, sans intérêt et prétentieux
vignettes photo illisibles, devraient être recadrés et agrandi au maximum dans l’espace du cadre
les +, commentés, envoyés… que d’orgueil graphique pour déclarer l’interactivité que tout le monde trouve naturel de nos jours. Rubriquages en couleur orange, illisible même en gras.
pictos complètement décalés par rapport au style général du site
Typos des rubriques tout CAPS ici en Trébuchet, alors que le reste des rubriques est typographié en Caps et BdC. On s’y perd dans la hiérarchie des rubriquages. Et on oublie simplement que la première des hiérarchie, est l’ordre d’apparition des acteurs sur une scène.
Le titre de l’article se trouve presqu’au même niveau d’importance que la rubrique = confusion
La fenêtre des dépêches, ils défilent trop vite
catégories-intros-chapôs-presse-trad
Les éléments qui suivent sont à peu près les seuls qui fonctionnent bien dans l’ensemble du portail.
Ces ascenseurs (plutôt dépassés) pour défiler les entrées d’articles ? hétéroclites. On s’y perd. «Pourquoi comme ça et pas comme ça. Un troupeau de Bonaparte passe dans le désert, l’empereur s’appelle Dromadaire, il a cheval caisse et des tiroirs de course…» (Paroles de J.Prévert).
Les deux figures ci-dessus représentent à-peu-près les seuls mise en pages sobres et correctes de l’ensemble du portail. À l’exception des pictos de l’interactivité (cf légendes précédentes).
Même impression négative au premier contact. Les blocs publicitaires ne sont pas plus agressifs que ceux de l’Express, mais ils me semblent plus présents. Evidemment, la visite du site n’est pas gratuite et il faut bien que quelqu’un paye, mais c’est quand même gênant. Pour le reste, les problèmes sont les mêmes: abondance d’informations, absence de hiérarchie, absence d’intention peut-être (quelle est la part d’automatisme dans ces pages?), et finalement absence de personnalité: si je cache le logo je ne sais pas sur quel site je me trouve. Nos sentiments se rejoignent et je ne crois pas utile de refaire une analyse point par point comme j’avais fait pour l’Express. La trêve de Noël est finie et je ne suis plus tout à fait maître de mon temps.