La première fois que j’ai vu Mônica sur scène, ça devait être à l’Européen il y a bien une quinzaine d’années. Elle m’avait déjà enchanté pour faire partie de cette lignée de femmes exceptionnelles comme Ella Fitzgerald ou Beth Carvalho mais en la retrouvant hier soir sur la scène du Café de la Danse j’ai été littéralement cloué sur mon séant jusqu’à oublier parfois mon appareil photo. Suis un piètre chroniqueur musical, surtout lorsque je songe à la voix de Maurice Culaz qui rettentit brusquement au détour d’une de ses chansons (lettre à vonette) et je préfère vous renvoyer vers des articles qui sont parus ici et là sur l’expression multi-ethnique et la richesse de ses vocalises (cinq octaves)… c’est peut-être François Lacharme (éditeur de Jazzman) qui en parle d’elle le mieux sur le site du Satellit Café en disant : « Mônica Passos porte sa voix de pied en cap. Ce n’est pas rien. Elle est un puits de conscience, d’intelligence (la vrai, celle du cœur, celle qui comprend) et d’empathie au monde. C’est ça : sa voix est un monde. Elle le résume au travers de son Brésil génétique, elle le donne à vivre par l’intensité de sa présence. Ce n’est pas un rayonnement irréel, c’est un rougeoiement intérieur, comme un foyer auprès duquel on vient se réchauffer. »
Exubérante, railleuse, elle joue des atouts de sa voix : ample, forte et d’une élégance artistique naturelle. Comédienne exigeante, la chanteuse emplume les mélodies les plus sévères, brise la glace au premier octave franchi. Avec Mônica Passos, les clichés brésiliens sont désormais révolus. Totalement inclassable, son tour de chant est une surprise permanente. Se réclamant à la fois du Sergent Pepper des Beatles, de la Bossa Nova, de Janis Joplin et d’Ella Fitzgerald, elle est d’une curiosité artistique sans limite. Le mouvement de la world music lui a permis de trouver les éléments novateurs qui pimentent sa musique et font qu’elle ne ressemble à aucune autre.
Vous pouvez écouter un court extrait d’une de ses interprétations ici, et ne peux que vous inviter joyeusement à guetter son prochain concert et à vous procurer son dernier album Organ Song, qui témoigne d’une magistrale évolution de cette très grande dame du Jazz fusion World.
MUSIQUE AU CAFÉ DE LA DANSE
Les prouesses vocales de Monica Passosarticle paru dans le Monde d’aujourd’hui (22 septembre)
MONICA PASSOS est chanteuse, rythmicienne, danseuse, siffleuse, diva. Emmanuel Bex est organiste. Ils étaient ensemble, le 21 septembre, au Café de la danse, à Paris. Sur le papier, ça tient des noces du Vésuve et de l’Etna. En scène, c’est pire. D’autant que, à côté, ça ne rigole pas: Jérôme Barde (guitare), François Laizeau (batteur) et Frédéric Monino (bassiste très électrique), la meilleure rythmique de l’heure.
Monica Passos relève du phénomène naturel anormal. Sa générosité de corps, ses petits cris et grimaces, rehaussent comme un diamant ce naturel qui excède sa nature: le sens animal du public, de la scène et du don. La spontanéité écrite dans le ciel.
Elle chante, elle couine, elle rit, elle siffle dans ses doigts, elle a ce grain sérieux. Juchée sur un tabouret, elle applaudit de ses petits pieds nus comme font les bébés. Elle s’accroupit, traîne après elle son long voile noir: sept roses rouges en diadème, des mèches partout, sorcière bon enfant qui ne cache pas ses accointances avec les dieux, ligne directe avec les esprits.
La seule fausse note de la soirée était la " première partie ": un petit duo nullaud venu courtoisement rappeler qu’il n’était rien de plus inaccessible que de swinguer (pour les deux); que de chanter et surtout " scater " (pour elle); et de dépasser la Méthode rose pour piano (pour lui).
Côté deuxième partie, entre trois trépidantes chansons brésiliennes, toujours poussée par Bex qui " groove grave ", qui retient et donne la réplique, Monica Passos propose ses propres oeuvres, joliment écrites, avec des mots qui portent (La vie est infinie).
Le moins attendu, dans cet orage de joie, aura été un hommage délicat, inspiré, à une figure disparue du jazz, Maurice Cullaz. Il fallait oser. Mais ce soir au Café de la danse, diva et musiciens auraient pu tout oser. Impressionnant, une femme libre à ce point.
Francis Marmande
Monica Passos et Emmanuel Bex au Café de la danse, le 21 septembre. Discographie:
OrganSong, d’Emmanuel Bex et Monica Passos (1 CD Naïve);
Around Jaco, de Frédéric Monino (1 CD Yak production). © Le Monde
Mônica Passos sort son nouvel album : Lemniscate, le 30 avril chez Archieball (label d’Archie Shepp).
Concert événement au Café de la Danse le 23 mai 2008 !!!