Créations Typographiques | La Typo passionne les Éditions Eyrolles

Voici enfin une étude que j’ai réalisé sur l’ouvrage édité par les éditions Eyrolles intitulé <Création Typographiques > de 1985 à nos jours. Je dois vous avouer que cette étude a été menée en plein accord avec l’éditeur qui m’a laissé toutefois l’entière liberté de parole pour encenser ou désavouer son travail.

Dans l’avertissement au lecteur, Eyrolles nous prévient qu’il s’adresse avant tout aux designers débutants, ce en quoi il a raison et tort à la fois. Raison, quand il s’agit d’évaluer le travail au regard de ses qualités académiques, tort lorsqu’il s’agit de l’estimer en tant qu’œuvre documentaire relatant la somme des exemples typographiques cités.

Tort tout d’abord. Ce n’est pas la première fois que nous voyons le fonds graphique ici présent. L’éditeur hollandais Cees W. De Jong avait déjà publié un ouvrage *Graphic Design in XXe century*. Je l’avais moi-même relaté dans les colonnes de D&T ici .
Je me souviens qu’une des principales critiques soulevées concernait l’absence de Herbert Lubalin dans cette édition. Absence qu’on ne pourra cette fois repprocher dans le présent ouvrage puisque son corpus concerne la période allant de 1985 à nos jours. Sauf à considérer l’introduction historienne du livre qui remonte au début du siècle et parcourt rapidement toute la période antérieure aux années 85.

Ma principale critique de Créations Typographiques ne porte pas au contenu visuel de l’ouvrage. Cees W. De Jong nous a habitué au travers de son extraordinaire fonds iconographique à porter à notre regard les meilleurs travaux graphiques publiés dans le monde. Et s’il fallait en remercier l’auteur ne serait-ce que pour cette raison, ce serait déjà suffisant. Mais quid de l’aspect académique. Je m’adresse à des débutants designers, des étudiants donc, ou des professionnels fraîchement sortis des écoles. Je me dois donc vis à vis d’eux de procéder selon un schéma quasi scolaire, du moins pédagogique en:

introduisant
chapitrant
rubriquant
et en châpotant les articles.

Rien de tout cela. Non que le metteur en page ait conçu une architecture personnelle et originale, mais parce qu’il ya absence de tout ces outils de lecture qui permettent justement à des débutants de commencer un ouvrage à la page une et de le finir à la page 396. *Créations Typographiques de 1985 à nos jours* est un livre visible mais pas lisible. Je ne suis entré à aucun moment dans une lecture ordonnée de l’histoire, pas compris la raison de tel ou tel choix de créateur typographe. Prenons un exemple: récemment j’avais publié ici les statistiques de préférences typographiques constatées par un graphiste Tchèque. Pour le monde entier. Ces mêmes statistiques corroborent celles publiées régulièrement par Fontshop.de qui nous informe de leurs meilleures ventes, mois après mois. On aurait pu imaginer qu’une histoire de la typographie parte de constats, ceux de l’usage quotidienne. Ou bien par exemple que l’on prenne la liste de tous les fonts awardés dans le monde, on arriverait à un autre résultat, mais toujours aussi cohérent. Là rien. C’est un mélange incohérent des typos, qui jamais, ne sera, ne pourra être exhaustif sauf à prévoir une pagination de trois à quatre mille pages.

Parce que faire un livre sur la typographie, c’est évidemment, prendre le parti de montrer les alphabets et leur utilisation. Il n’y a pas secteur marketing plus mangueur de papier que celui de la typographie. Un alphabet est constitué de 26 lettres en capitales et bas de casses, plus les chiffres et ponctus. Si on veut se donner la peine on pourrait faire l’étude d’un alphabet lettre par lettre, signe par signe. Ainsi ci-dessous deux signes, esperluettes provenant d’un des plus beaux caractères d’imprimerie, le Palatino romain et italique de Hermann Zapf. C’était sans doute l’occasion pour l’éditeur quand il aborde l’article le Zapfino de montrer et pas seulement énumérer, le cheminement graphique d’Hermann Zapf qui en arrive à cette calligraphie hors normes, tellement racé et personnel à la fois. Mais c’est vrai, je le disais plus haut, la typographie est mangeuse de papier. A croire que internet et la publication électronique serait plus appropriée à ce type de publication que le papier traditionnel.

Va pour le papier. Je voudrais pas laisser le lecteur de cette note sur une mauvaise impression ;-), parce que le sujet est épineux. L’on a du mal à suivre une ligne éditoriale et l’on tombe rapidement dans la “monstration” sans discernement qualitatif. Juste parce que le sujet est spectacle tout autant qu’outil de communication. Mais attention. Vous qui feriez parti de ces débutants sans trop de référents catégoriels, ne vous désolez pas, même si vous vous perdez au beau milieu de cet ouvrage, faute de grille de lecture claire et pédagogique, il n’en demeure pas moins un must des exemples montrés, par la qualité des choix, et la diversité des styles. N’hésitez pas à nous laisser vos commentaires.

esperluettepalatinoital.1177608910.jpgSigne de l’esperluette en Palatino italiqueesperluettepalatinoromain.1177608945.jpgSigne de l’esperluette en Palatino romain

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Rencontres Photoshop, à la BnF le 25 avril | les photos

C’était hier soir de 17h à 21h à la Très très Grande Bibliothèque Nationale quai François Mauriac, et non quai François Mitterrand comme on aurait pu l’imaginer.

Présentation une fois de plus mais jamais de trop des multiples possibilités et cohérences de la suite CS3 qui sera bientôt disponible, sans doute avant l’été. Conférenciers présents : Denis-Pierre Guidot (Adobe), Pierre Labbe (Eyrolles), Arnaud Frich (photographe), Jean-François Vibert (photographe), Philippe Chaudré (président du Club Photoshop) et quelques autres, pour nous délivrer une évangélisation des plus professionnelle. Je retiens l’intervention remarquable d’Arnaud Frich qui nous communique l’expérience utilisateur coté photographe professionnel du développement RAW et entre autres de nous expliquer l’avantage de shooter un ou deux diaphs surexposé pour récupérer du détail dans les basses lumières en se servant de la très grande profondeur d’information du RAW qui permet de développer les hautes lumières qui paraissent brûlés. Avantage très nette pour diminuer le bruit. Les photos de la soirée sont ici.

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Filip Blažek de TYPO CZ | une enquête 2001 | Le Top Ten des typos

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Sur TYPO CZ voici une enquête menée auprès des lecteurs (en 2001 tout de même):

During November and December 2001, I organized a little typographical inquiry. I wanted to know top ten typefaces among typographers from Czech Republic and from around the world. I send personal e-mails to typographers I think highly of. Other typographers could answer using an on-line form – I tried to inform public in e-mail discussion groups etc. I stopped the inquiry in the end of December.

In total, 155 people joined the inquiry, 72 of them from Czech Republic. Many respected typographers and design critics answered the simple question. For example Peter Bilak, Erik van Blokland, Gert Dumbar, Luc(as) de Groot, Max Kisman, Gary Munch, Nicolaus Ott, Bernard Stein, Gerard Unger, Rudy VanderLans, Maxim Zhukov. Respondents named 400 type families, more than 153 of them got 2 points, 49 families more than 5 points and 26 more than 10 points.

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Les résultats sont les suivants:

Top 10 Global Author Date
1.
Garamond Claude Garamond before 1550
2.
Helvetica Max Miedinger 1958
3.
Frutiger Adrian Frutiger 1976
4.
Bodoni Giambattista Bodoni before 1788
5.
Futura Paul Renner 1927-1930
6.
Gill Sans Eric Gill 1928-1930
7.
Univers Adrian Frutiger 1953-1955
8.
Franklin Gothic Morris Fuller Benton 1904
9.
Baskerville John Baskerville cca 1760
10.
Times Stanley Morison cca 1932

For your interest: 11. Caslon, 12. Officina, 13. Meta, 14. Verdana, 15. Optima, 16. Arial, 17. Tyfova antikva (Tyfa Antiqua), 18. Eurostile, 19. DIN, 20. Avantgarde Gothic, 21. Rotis, 22. Trade Gothic, 23. Bembo, 24. Clarendon, 25. Akzidenz Grotesk.
Following tables allow to compare the results of different groups of respondents.

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Top 10 – Czech Rep. Top 10 – world
1. Garamond Garamond
2. Helvetica Frutiger
3. Futura Helvetica
4. Frutiger Gill Sans
5. Bodoni Univers
6. Gill Sans Bodoni
7. Franklin Gothic Futura
8. Baskerville Meta
9. Times Franklin Gothic
10. Univers Times

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Top 10 professionals Top 10 answers from web
1. Garamond Helvetica
2. Gill Sans Garamond
3. Frutiger Frutiger
4. Futura Bodoni
5. Helvetica Futura
6. Bodoni Univers
7. Univers Gill Sans
8. Franklin Gothic Franklin Gothic
9. Officina Times
10. Baskerville Baskerville

Il serait intéressant qu’en 2007 vous donniez vos préférences également, dans les commentaires ou par e-mail (see in page A propos) n’hésitez pas à vous connecter chez FontShop France pour comparer les fontes.

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Aline de Lima | étude photographique

Mercredi soir, j’ai eu l’immense privilège de pouvoir photographier une des plus sensibles artistes de la scène brésilienne de Paris: Aline de Lima. Installé derrière le poteau gigantesque et incontournable de cette salle, j’ai pu «voler» quelques portraits délicats de ce visage rayonnant. La difficulté ne tenait d’ailleurs pas tant aux conditions *geo-stationnaires* dues à cette colonne de béton, qu’à un éclairage intimiste qui tout en habillant Aline d’une lumière douce rendait presque impossible un travail sans flash. Rendez-vous compte, 1/30e à 2.8 d’ouverture avec un boitier et objectif qui font bien 1,8 kilogramme au total. Autant dire qu’on ne peut guère descendre sous 800 ISO de sensibilité. Qu’importe, l’œil vissé au viseur il m’a fallu faire au moins 250 photos pour pouvoir en garder une petite cinquantaine à peu près correctes qui témoignent du talent, de la présence douce et énergique de cet artiste qui nous a fait voyager entre nostalgie et samba-adagio le long des côtes caressées par le sable fin chauffé à blanc par un soleil équatorial. Je vous invite à découvrir cette étude qui n’a d’autres but que de vous faire partager les émotions d’Aline de Lima au regard si clair et si sombre à la fois. Plus que belle, la présence de la chanteuse est évidente. Elle est. Là. Et vous emporte dans ses bras frêles pour accomplir l’initiation d’un périple poétique qui vous en-chante. À l’écoute ce morceau, Terra, de son dernier album de chez Naïve.

La galerie photo de cette soirée exceptionnelle au Satellit-Café ici.

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James Craig | an American teacher in Paris

Voici quelques semaines j’écrivais un billet sur le remarquable ouvrage «Designing with Type» de James Craig: Puis, recevant un e-mail des plus sympathiques de New York, Jim me corrigea ma copie en apportant quelques précisions importantes quant à l’environnement pédagogique de cette édition. C’est un deuxième billet ici .

Je pourrais écrire des pages et des pages pour soulever le paradoxe de ces échanges virtuelles qui soit dit en passant ont déjà donné lieu à une conversation téléphonique avec Jim, mais son arrivée la semaine dernière à Paris contredisent toutes les réserves que je pourrais formuler. Oui un blog c’est virtuel. Oui nous sommes plongés au cœur d’une galaxie Gutenberg, le village global, dont un compatriote canadien de Jim nous annoncait l’avènement voici déjà une quarantaine d’années (Marshall McLuhan). Mais lorsque tout ceci aboutit à de vrais rencontres avec des êtres de chair et de voix on ne peut plus que se taire et rendre hommage à la technologie qui autorise de tels rapprochements. Cela ne veut certes pas dire qu’auparavent il eut été impossible d’y procéder. Mais les freins étaient autrement plus lourds et au fond le modèle économique d’avant internet ne permettait pas de consacrer un temps de la gratuité, du «fair» et de la seule sympathie. Le web aurait donc tout de même rapproché les hommes dans un process de l’échange gratuit et productif de réflexions délivrant l’humanité de cette nécessité d’aligner à chaque relation une valeur marchande.

Et voici donc Jim à Paris, an American teacher in Paris pourrais-je dire.

et de vous inviter à revisiter son site consacré à son ouvrage ici.

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Jean-Baptiste Cumont | élève à l’ESAD de Strasbourg | le dessin avant tout

Une fois n’est pas coutume, je profite de ce dossier d’étudiant de Jean-Baptiste pour revenir sur les fondamentaux de nos métiers.

Pour avoir moi-même souffert de ne pas passer par cette étape essentielle qu’est l’apprentissage du dessin libre. Eh oui j’ai attaqué directement le «métier» par le dessin de la lettre…;-) sacré Paul Gabor. Mais je ne saurais que trop rappeler l’essence même de notre métier. Le tracé et la représentation figurative libre. Là se révèlent les sensibilités et la découverte du regard en profondeur sur notre méta-univers de représentations. C’est une pratique courante dans toutes les bonnes écoles de graphisme que d’initier les élèves par le dessin. Mais combien de fois, lors de jurys divers j’ai constaté la frilosité des étudiants à montrer leurs travaux et esquisses d’élèves débutants. À croire qu’il s’agirait presque d’une évidence doublée d’un handicap. Alors que nous touchons là aux fondamentaux même du design graphique ou pour le cas probable de Jean-Baptiste, de l’animation en tant que projet professionnel. Dans la série des gifs animés que vous allez découvrir ci-dessous, j’ai respecté tant que se peut l’ordre pédagogique que constitue ce parcours sans faute d’un illustrateur futur flasheur ou vidéaste ou habilleur de télé. Mais pourquoi pas aussi dessinateur de BD. Le talent est là. Jean-Baptiste a commencé par faire ses armes à Estienne puis direction Strasbourg à l’école des arts décoratifs (ESAD). Il est jeune, bourré d’idées, acrobate à ses heures (ceci explique cela). Pour le contacter: jbcumont(AT)gmail.com

Et pour le coup, *design et typo * lance un appel à contribution. Si vous êtes étudiant(e) en arts graphiques ou communication visuelle et que vous disposez d’un solide dossier de dessins, fusains, esquisses de vos cours des premières années, n’hésitez pas à nous contacter, envoyer votre dossier (jpg, gif, pdf moyenne-haute résolution), nous nous ferons un devoir de publier les dossiers les plus représentatifs d’un travail sérieux, sensible et personnel.

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Ce qu’on voit | ce qu’on lit

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Eh oui vous lisez l’arbre est dans la forêt et non l’arbre est dans la la forêt… cqfd ;-) bon dimanche 

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Erik Spiekermann launch MetaSerif Book, during the year of Helvetica | visionnaire ou provocateur?

Vous connaissez tous le créateur de FontShop, MetaDesign, celui qui dessina l’Officina, le Berliner, le LoType, et surtout le Meta (en 1989)… C’est un des plus brillants typographes créateur et en même temps stratège-marketing dans le monde *sans pitié* des nouvelles fonderies indépendantes numériques. C’est celui qui convainct Neville Brody de participer à l’aventure de Fuse et de Font-Font, les FF qui deviendront aussi célèbres que la Créative Alliance ou les caractères Emigre ou plus simplement les ITC.

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Le nouveau catalogue de FontShop vient de sortir. Catalogue Papier s’il vous plait.

Il vient d’annoncer sur son blog le prochain achèvement d’un programme de création, la MetaSerif Book. Ce serait une anecdote de plus, si la date choisie ne correspondait pas précisément au lancement en Europe du Film de Gary Hustwit concernant l’hommage unanime de la planète, à l’inventeur de l’Helvetica: Max Miedinger. Il y a chez Erik Spiekermann un certain sens du spectacle. Il a toujours aimé faire le clown et se faire s’écrouler de rire la galerie des professionnels qui se réunissent chaque année pour les conférences de l’Atypi (Association Typographique Internationale). Et je trouve pour ma part que la sortie du MetaSerif Book est l’une de ses belles farces mi-figue mi-bas de casse qui a le don d’agacer plus d’un dans la communauté typographique. Car enfin, de quoi s’agit-il?•••••

Hermann Zapf, Paula Scher, Experimental JetSet, Neville Brody, Wim Crouwel, Mattew Carter, et bien sûr, Erik Spiekermann sans les citer tous, ont participé à ce documentaire majeur qui va célébrer la naissance et la domination de cette typo tout au long du vingtième siècle, débordant largement sur le XXIe, puisque les plus grandes marques comme Apple, BMW, Orange etc. continuent de s’en servir pour leur branding. Nous sommes ici avec l’Helvetica à l’opposé de la démarche de M6 qui viennent d’abandonner l’habillage de Robial. Hélas. L’Helvetica ? on a tout dit. Qu’il est beau, je dirai remarquablement bien dessiné. Qu’il est neutre. Comme si un caractère, sous l’angle antropomorphique pouvait prétendre à la moindre neutralité… autant dire que le visage de Tom Cruise est neutre au prétexte qu’il n’a pris aucune ride ;-)

Quelques affiches et matériels *dérivés* pour la promotion du film.

Réalisation: David Carson, pas très à l’aise dans un registre où la typo seule tient la vedette. On est loin de ses plus belles créations. Il nous avait habitué à un travail de plasticien beaucoup plus *intégré*. C’est à peine qu’il se permet quelques superpositions mal à propos. Qu’importe, il en est. De la fête.

Le teeshirt officiel du film.

•••••• Mais revenons à Erik Spiekermann et à son MetaSerif Book. Un Georgia qui ne dit son nom, une Transitionnelle-Réale bien engraissée, légèrement germanisante à la manière des caractères d’Hermann Zapf et de Poppl il démontre une fois de plus que la culture environnante est terriblement pregnante. Mais il nous parle surtout d’autre chose. Spiekermann comme beaucoup d’entre-nous sait très bien que l’Helvetica en est à son apogée cette année. La mode va passer. Comme toujours, les hommes vont oublier ce qu’ils ont adulé. Trop jeune? vous ne pouvez vous souvenir d’une époque où l’on jeta pour la première fois l’Helvetica pour… redécouvrir le Futura de Paul Renner, ou les News Gothic ou encore les Franklin et bien sûr le Times New Roman. Spiekermann en nous assénant son *Times* personnel, nous en apprend beaucoup sur son sens du commerce et le peu de cas qu’il fait des modes.

Ce n’est pas pour rien qu’il a été à la tête de Font Shop pendant une dizaine d’années. Il connaît tous les chiffres, de la vente en masse des polices dans le monde. Pays par pays. Continent par continent. Ce lancement selon moi est la plus belle pirouette qu’il n’ait jamais faite au moment même où certains naïfs sont persuadés, tels Wim Crouwel, que désormais l’Helvetica va supplanter tous les autres caractères. Bravo Erik. J’en attendais pas moins de ton intelligence supérieure et de ta perspicacité. Alors juste une petite faveur et une remarque, si tu me permets. Perso j’aime beaucoup le MetaSerif Book. S’il te plait, envoie le moi dès qu’il est sorti pour que je puisse le tester pour les lecteurs de *design et typo*. Et puis attention aux Noirs aux Blancs… j’ai déjà proposé récemment une étude sur la lisibilité des caractères sur fond noir. En les teintant légèrement on leur redonne un sacré confort de lecture ;-D

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Typography legibility | Lisibilité et typographie

(réédition d’une note du premier mars 2006)

Il arrive un moment dans une suite d’études (sur la lettre, la typographie et la lisibilité) où l’on se sent obligé de descendre dans les profondeurs d’une théorie, au risque parfois de rencontrer des difficultés épistémologiques. L’organisation des savoirs dans les domaines de l’alphabet, de la lettre et de la typographie, tient autant des approches historiques, scientifiques que techniques et artistiques. La question de la lisibilité des alphabets est relativement moderne, si l’on accepte de considérer que cinq cents à sept ans années d’acharnement à rendre les caractères plus lisibles peuvent entrer dans une conception de la modernité. Je rappelais dans ce blog la révolution prônée par ITC dans les années 70 pour agrandir l’œil des bas de casses. D’autres typographes avaient déjà exploré ce cheminement. Et pour n’en citer que deux, Stanley Morison qui dessina le Times et Roger Excoffon qui créa l’Antique de la fonderie Olive. Mais les travaux d’Eric Gill ne sont pas loin de ces préoccupations. Son Antique (linéale) est un chef d’œuvre de compromis entre linéale et écriture humanistique.

Gill_sans

  • où l’on voit l’irruption de l’écriture manuscrite dans la construction d’une linéale. Pleins et déliés, attaque du a bas de casse, la lettre g conçue avec les deux o superposés…
  • regardez le dessin du p italique, il fallait oser à l’époque (1927-1930) associer ainsi le tracé manuel avec une construction géométrique.

La lisibilité est donc un thème de recherche inépuisable.

les principes qui la fonde:

Le dessin
La composition
-les approches
-les interlignages
La mise en page
-grille
-colonnes
-alignements
-niveaux de lecture
La couleur
-texte en couleur
-texte en réserve

Tout au long de ce blog je les développerai comme j’ai déjà commencé avec les approches, interlignages, histoire de la lettre… Mais aujourd’hui je voudrais aborder cet aspect assez méconnu que sont les travaux sur la lisibilité.

C’est au XVIIIe siècle qu’à l’Imprimerie Nationale Annisson fournit la première expérience. Dans les années 1790 il fit composer puis lire deux pavés de textes dans le même corps, l’un en Didot, l’autre en Garamond. Il demanda aux volontaires-testés de s’éloigner progressivement du papier. Ceux-là déclarèrent le Garamond «bien plus lisible que le Didot». Celui-ci perdant toute qualité de lecture distincte alors que le Garamond continuait malgré l’éloignement progressif à servir le texte par une lisibilité précise.

Charles Babbage et Thomas Hansard furent mentionnés par Pyke en 1926 dans un ouvrage (Legibility of Print) pour avoir en 1825 et 1827 fait des essais d’impression sur un papier légèrement teinté (en jaune) et fait faire des tests de lecture. Ils en conclurent que le fait de diminuer légèrement le contraste de lecture diminuait la fatigabilité de nos rétines. Mais ils conclurent également que des lettres de hauteur égales (capitales) plutôt old style, étaient plus faciles à lire. D’autres recherches ultérieures infirmèrent leurs conclusions.

C’est en 1878 que des recherches approfondies furent menés par le professeur Emile Javal de l’Université de Paris. Ils eurent pour objet de vérifier la lisibilité intrinsèque des lettres ainsi que de leur perception dans des conditions de lumière artificielle. Il constata pour la première fois le déplacement de l’œil qui ne lit pas en suivant une ligne de base continue, mais en se fixant par saccades et mouvements compulsifs. On avait cru pendant longtemps que l’œil caressait la ligne de lecture dans un mouvement doux et continu. Javal considéra que les caractères gothiques devraient être bannis pour avoir selon lui créé des générations de myopes. Il confirma les études de Babbage concernant la nécessité de diminuer le contraste entre le papier et la lettre. Et il fit pour la première fois cette découverte essentielle encore aujourd’hui pour la compréhension de la lecture des lettres: c’est bien la partie supérieure des lettres minuscules que l’œil peut déchiffrer et non l’inverse la partie inférieure (moitié-moitié). Voici 4 planches qui vous feront mieux comprendre le phénomène.

Les deux premières planches: caractères utilisés

1 Arial,
2 Dax,
3 ITC Avant Garde,
4 Cg Gothic N°2,
5 ITC Franklin Gothic,
6 Frutiger,
7 Futura,
8 Helvetica Neue,
9 Gill Sans,
10 Meta Plus Book

Lisi_anatomie_3bas
caractères linéales, partie moitié inférieure. Où l’on s’aperçoit que quelque soit la police utilisée le mot Hambourgefons n’est pas déchiffrable. Il y a bien quelques lettres que vous devinez: le a, le g, le e et le s. Mais cela ne suffit pas à donner du sens au mot.
Lisi_anatomie_3haut
caractères linéales, partie moitié supérieure. Là le mot se lit. Presque facilement. Le Gill Sans et le Meta s’en tirent avec les honneurs quant à l’Arial et l’Helvetica (l’Arial est un dérivé Microsoft de l’Helvetica) ils passent le test avec un certain bonheur. Mais tous les caractères ci-dessus sont déchiffrables avec un peu de sagacité.

Les deux planches suivantes: caractères utilisés

1 Minion Pro,
2 Matrix,
3 Adobe Jenson,
4 Garamond Stempel,
5 GP New Libé,
6 Palatino,
7 Adobe Garamond,
8 ITC Garamond,
9 Adobe Garamond,
10 ITC Berkeley

Lisi_anatomie_2bas
caractères old-style (garaldes, humanes, réales) partie moitié inférieure. Le fait est qu’un caractère à empattement est plus déchiffrable. Les deux premières barres verticales: impossible. Il y a confusion. Mais le m, le u s’ajoutent aux lettres que nous avons déjà mentionné pour le bas des linéales. Cependant à l’exception du N°3 et 6, c’est à dire de l’Adobe Jenson et du Palatino les e sont devenus illisibles parce que confusion avec un c. Remarquez aussi que les a semblent pas mal souffrir de cette expérience.
Lisi_anatomie_2haut

caractères old-style (garaldes, humanes, réales) partie moitié supérieure. Là il n’est point besoin de vous donner mon opinion. La plupart des mots-caractères sont déchiffrables. Cependant je vous laisse le soin de me donner votre palmarès personnel. Postez-moi un commentaire en me donnant les trois polices ci-dessus les plus lisibles.

Cette expérience me semble très importante pour la compréhension du travail du dessinateur de caractère et d’une manière générale pour tous les graphistes qui mettent en page livres-publications, magazines-journaux et d’une manière générale toute édition print voire web, publicitaire ou non.

N’allez surtout pas croire que je milite en faveur d’une génération de polices rognée à la moité supérieure (bien que ce soient là des pistes largement suivis de nos jours par des type-designers en rupture de toute tradition. Mais il me semble clairement établi ici que les caractères à empattements sont expérimentalement sinon scientifiquement (ce serait une outrance) plus confortables à lire simplement pour la raison que leurs formes alphabétiques sont plus distinctes et jusqu’au bout de leurs pâtins.

Javel continue ses recherches et conclut à distinguer les lettres de l’alphabet en 4 catégories. 1) les lettres à lignes verticales, 2) les lettres aux formes courbes, 3) les mixtes (courbes+lignes verticales), 4) les lettres aux lignes obliques. C’est, conclut-il la prédominance de l’une ou l’autre de ces catégories au sein d’un mot qui en donnera l’apparence majeure. Messmer dira même que lorsqu’il y a uni-valence des catégories au sein d’un mot celui-ci sera moins déchiffrable que lorsque ces catégories seraient harmonieusement mélangées.

1) h i j l m n r t u
2) a c e g o s
3) b d p q
4) k v w x y z

Goldscheider et Müller découvrirent que la combinaison de certaines lettres favorisaient la reconnaissance des mots. Leur recherches les confirma dans l’idée que si les voyelles étaient très importantes pour la construction des syllabes, les consonnes apportaient plus de lisibilité par la présence de lettres ascendantes et montantes.

En 1885 Cattell démontra que les yeux percevaient aussi rapidement un mot entier qu’une simple lettre. Encouragé dans cette voie par Erdmann et Dodge qui montrèrent en 1898 que les sujets reconnaissaient des mots imprimés en très petits corps alors même qu’ils ne pouvaient en lire les lettres individuellement. Ils en déduirent une théorie de la morphologie des mots qui se mémorisent et se reconnaissent au détriment des lettres. Bien entendu ils durent aussi reconnaître que plus les mots étaient longs et présentaient des particularismes, plus ils étaient reconnaissables. Au contraire de Korte qui trouva que lors d’une vision périphérique, nos yeux reconnaissent plus facilement les mots courts. De toutes ces conclusions et des tests qu’il mena Catell en tirera une théorie, un texte qui fait sens est plus facilement déchiffrable qu’une suite de mots sans queue ni tête (sans doute la raison pour laquelle j’ai calé au début sur la lecture d’Ulysse de James Joyce).

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Deux planches pour montrer la perception des mots malgré des conditions d’interlignage abominables. L’on voit ici l’importance des voyelles et plus généralement des lettres aux formes arrondis pour faciliter la reconnaissance des mots. Il est aussi fondamental de noter ici l’amélioration des résultats de reconnaissance lorsqu’on passe en noir sur blanc (ici un jaune sable) alors que le noir au blanc diminue considérablement le travail de reconnaissance.

Les recherches de Pillsburry (1897) à l’aide d’un tachiscope montrèrent que les lecteurs faisaient souvent état de lettres manquantes ou de fausses lettres alors même qu’ils avaient parfaitement déchiffré le mot. Il établit de même que la première partie d’un mot est plus aisément reconnaissable que la deuxième, ce en quoi il fut contredit par Vernon (1928) qui lui pensait avoir découvert que la partie du mot la plus pregnante visuellement serait celle qui comporte l’accentuation tonique. Ce qui posait d’entrée la question de la langue. Oui pour l’anglais mais quid des langues étrangères. Mais sa théorie est loin d’être inintéressante. Elle nous ramène aux origines même de l’alphabet phonétique. Il s’agit bien pour ces vingt six lettres de transcrire des sons. Je l’ai déjà évoqué à plusieurs reprises dans mes notes.

Pour Tinker (entre 1926 et 1962), nous ne lisons que ce que nous connaissons déjà. Les mots inusuels qui ne font pas sens dans notre expérience personnelle échappent à la lecture et puisque nous lisons par saccades et fixations compulsifs, nos yeux réagissent alors en régression sur la ligne. Retournent en arrière, s’arrêtent pour assimiler une nouveauté. D’après les recherches de Tinker, les mesures à la caméra ont montré que la vitesse moyenne d’un lecteur moyen était d’environ 250 à 300 mots par minute. Nos yeux se meuvent le long de la ligne par une série de petits sauts. Et pendant ces sauts notre vision ne serait pas si nette que cela. Dans la plupart des cas, nous consacrons 94 pour cent du temps de lecture aux fixations qui durent environ un quart de seconde. La rapidité comme on vient de l’indiquer dépend en grande partie du contenu rédactionnel, facile ou au contraire technique ou scientifique, nos yeux obéissent à notre conscience en gestation constante. Ils ralentissent avec la difficulté de reconnaître des termes, des concepts auxquels notre pensée serait étrangère.

La recherche sur la lisibilité, a développé des écoles, des débats nombreux sur la méthodologie, les moyens techniques et que ce soit le suédois Bror Zacchrisson au vingtième siècle ou Anisson au dix huitième tous ont contribué à dresser une carte de la compréhension de ce phénomène. Vous l’aurez compris il n’est pas aisé de le circonvenir. Détecter le rôle d’une vision périphérique qui perçoit soixante quinze pour cent des signes que nous ne focalisons pas directement (4-5, c’est le nombre de lettres qui sont vues avec une netteté absolue), déterminer avec certitude le rôle de la culture et du niveau d’éductation des sujets pour la compréhension plus ou moins rapide d’un texte relève tant de l’impossible que du nécessaire. Souvent ces recherches ont débouché sur de douces hystéries. On a voulu croire dès lors que nous percevions les mots et non les lettres l’inutilité de remplir le contour des lettres, mais Tinker a su éviter l’écueil en montrant (grâce à des tests de performance) la nécessité des contreformes dans le processus de lecture.

Lisi_des_mots_1

Le tachyscope a permis, en exposant les sujets à des stimulis (une lettre, un mot) d’en mesurer les réponses. Etudes quantitatives qui ont permis de déterminer la lisibilité relative des différentes lettres de l’alphabet. Cependant cette technique de mesure ne rendait pas compte du déplacement des yeux le long de la ligne. On a donc mis au point des techniques d’enregistrement de ces mouvements occulaires. Déterminé avec une précision toute relative les facteurs de lisibilité d’une lettre, d’un mot. Luckiesh et Moss (1940-1944) ont voulu utiliser une méthode basée sur la mesure des battements des paupières. La méthode voulait établir une relation entre le nombre de clignement d’œil pendant l’activité de lecture et de montrer que ces mouvements augmentent en rapport de l’illisibilité d’un texte. Presque tous les chercheurs, Tinker en tête ont rejeté cette méthode. Carmichael et Dearborn (1947) pensaient pouvoir mesurer la fatigue relative à une lecture, sans résultat probant. Une expérience passionnante fut menée par Weiss (1917) pour mesurer les limites de la lisibilité. La méthode de l’image floue. On fait varier la netteté et les contrastes du signe graphique pour déterminer un seuil d’illisibilité. Le haploscope a servi les recherches de Zacchrisson (1957) pour comparer l’aisance de lecture entre les sérifs et sans sérifs. Burt (1959) a rapporté de ses sujets d’expériences, l’idée que l’esthétique formelle jouait un rôle dans la qualité et les performances de la lecture, cependant la plupart des chercheurs ont cru bon de rappeler que les habitudes, l’expérience l’aisance subjective pour percevoir un texte est une chose, la performance en est une autre. La méthode qui mit finalement à peu près tout le monde d’accord est celui de la mesure du «travail». Consistait à mesurer le résultat d’une lecture donnée dans un temps donné, et celui d’un temps défini pour mesurer la quantité que le sujet était capable de lire. Bien entendu cette méthode connait également des limites. Et notamment de trouver des sujets d’expérience dont le niveau culturel et intellectuel puisse être de même valeur. Question o combien subjective.

Lisibilité des lettres

Les lecteurs médiocres ou les enfants peuvent parfois confondre les lettres de l’alphabet. Ce n’est sans doute pas le cas pour des lecteurs aguerris dont l’œil et la conscience exercés ne commettent pas ce genre de confusion. Toutefois la différenciation des formes alphabétiques donna lieu à toute une série d’études et recherches.

Catell en 1885 discrimina les lettres de l’alphabet par ordre de lisibilité. Du premier au dernier, du plus lisible au moins lisible.d k m q h b p w u l j t v z r o f n a x y e i g c s

Il pensa que la forme des lettres s g c et x les rendait particulièrement difficles à distinguer et de même que les lettres étroites f i j l t se trouvaient sans cesse confondues. Il aurait souhaité qu’on abandonne le point du i et que l’on dessine différemment le glyphe du chiffre 1.

Sandford en 1888 dans the American Journal of Psychology trouvait également que parmi les lettres les plus fréquentes de la langue se trouvait aussi quelques unes des moins lisibles, la lettre e par exemple. D’accord avec Catell il désignait les f i j l t comme les formes les plus propices à la confusion.

Mme Rœthlein en 1912 (toujours dans the American Journal of Psychology) se servant d’une méthode dite de «mesures de distances», classa les lettres capitales dans «un ordre» de lisibilité.

W M L J I A T C V Q P D O Y U F H X G N Z K E R B S

Enfin en 1928, le chercheur Tinker, résuma l’ensemble des travaux précédents en publiant trois catégories de lettres bas de casse (minuscules) allant du plus lisibles aux moins lisibles:

1) d m p q w grande lisibilité
2) j r v x y lisibilité moyenne
3) c e i n l faible lisibilité

Les analyses de Tinker indiquent par ailleurs des confusions possibles entre certaines lettres capitales, telles que les B G Q alors que des lettres comme le A ou L arrivent en tête du palmarès de la reconnaissance. Mais Tinker dérive dans ses théories lorsqu’il nous entraîne vers des réflexions sur la finesse des caractères qui en diminuerait la lisibilité (moi je dirais la visibilité) ainsi que des logueurs disproportionnés d’empattements.

Il fut aussi question de la lisibilité intrensèque des capitales. Bon nombre de chercheurs (dont Breland & Breland, Paterson & Tinker, Starch) ont confirmé qu’un texte composé en capitales était lu moins vite que le même composé en minuscule.

Herbert Spencer nous rappelle à ce sujet et à propos qu’un texte composé en capitales occupe un bon tiers de longueur plus large que le même texte mise en page en bas de casse. Il suffit de diminuer la hauteur des caps me diriez-vous, sauf qu’à ce jeu la minuscule redevient plus visible (je n’ai pas dit volontairement plus lisible).

Capitalsvslowercases

Mais il s’agit là de réflexion pour la composition d’un livre ou d’une brochure. On ne saurait l’appliquer à la composition d’un logotype, d’une marque. Où la majuscule peut s’avérer tout à fait lisible. Je pourrais continuer ainsi à vous traduire ce livre assez remarquable de Herbert Spencer (The Visible Word) édité pour la première fois par le Royal College of Art in London en 1968 puis réédité par Lund Humphries, mais à ce stade, je vais tenter de tirer mes propres conclusions. Dans ce qui suit, Herbert Spencer aborde l’ensemble des questions typographiques, telles que les graisses, les tailles, les styles de composition, la mise en page etc.

Et l’on devine aisément alors que le but poursuivi par l’auteur était bien de nous faire prendre conscience d’un débat beaucoup plus vaste que celui exclusivement relatif à la lettre, et sa forme. Je rejoins en cela H. Spencer. Il n’est pas tant de critiquer voire de condamner la création typographique au prétexte que tout existe et que la meilleure des lisibilité a déjà été atteinte avec des caractères comme le Times ou le Méta, voire le Trébuchet ou Verdana pour l’affichage écran. Il est certain que notre métier connaît aujourd’hui un extraordinaire développement avec les technologies vectoriels du dessin d’alphabet. Il y a profusion et création, tous les jours.

Pour ce qui est de la lisibilité des caractères je pense, comme beaucoup de mes confrères qu’une police de caractère, ce n’est pas seulement des lettres, mais la capacité à composer une suite de lettres. Des mots, des phrases. Lorsque nous dessinons un alphabet, nous concevons d’abord une ligne de lecture. Une ambiance de lecture. Vient ensuite le travail de mise au point qui consiste à faire en sorte de rendre lisible chacune des lettres de l’alphabet. Stanley Morison, l’inventeur du Times New Roman l’avait déjà compris en 1929.

Parce que si vous prenez séparément chacune des lettres du Times, voilà un caractère mal dessiné, irrégulier qui semble quelquefois pour certaines lettres tomber en avant ou en arrière. Et lorsque ces mêmes lettres vous les composez, brusquement s’installe une profonde harmonie, comme par magie. Parce que Morison a dessiné des mots, des phrases et non des lettres. Mais j’y reviendrai dans une note que je consacrerai à Stanley Morison et son œuvre. Ainsi vous l’aurez compris je suis profondément persuadé que le dessin seul d’un caractère ne suffit pas à rendre plus lisible une mise en page.

C’est comme si vous disiez qu’il suffit de repeindre une maison pour qu’elle ait l’air neuve. Si les fondations craquèlent, que le toit s’écroule et les cloisons ne sont plus étanches, il vaut mieux ne rien faire ou bien de tout refaire. Pour qu’une typo soit lisible, il faut en travailler la texture (la compo), la structure (mise en page), faire d’innombrables essais jusqu’à obtenir une réelle harmonie entre fond et forme. Et éventuellement la redessiner (ou en dessiner une autre). Mais c’est l’ultime recours.

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Maryse Khoriaty | graphiste et enseignante à l’Esag

Maryse Khoriaty m’a fait part d’un travail qu’elle a réalisée pour la compagnie de Pál Frenák {avec un á acent aigu sur le a de Frenák, le grave n’existant pas dans la langue magyare ;-)}. Je trouve son travail d’autant plus intéressant que j’ai eu l’occasion d’assiter à une représentation du ballet au Bateau Phare il y a trois ans. Et cette énergie brute qui se dégage du travail de Pál, on le retrouve parfaitement dans l’architecture de Maryse. Voici ce qu’en dit France Culture et ici le site des ballets de Frenák . Mais en cherchant plus loin, l’on découvre chez Maryse Khoriaty une sensibilité rare qui s’exprime par de multiples facettes, aussi bien dans la beauté que l’architecture scénographiée des musées. À voir son site ici . C’est une graphiste accomplie qui travaille la typo avec autant de plaisir qu’un Pierre Di Sciullo ou Philippe Apeloig .

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photographies de la compagnie Pál Frenák

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