Mai 68 à la Galerie Anatome | Entre Révolte et L’imaginaire de la Révolte

Je ne vais pas réécrire l’histoire. Ni le temps, ni la vocation, juste quelques réflexions personnelles. On a tout dit sur mai 68, ses origines, ses lignes de force, la trame d’une narration qui commence dans les dortoirs des jeunes étudiantes de Nanterre, interdits aux garçons (le mouvement du 22 mars démarre là) jusqu’au grand rassemblement Gaulliste du 31 mai 68 qui vit déferler sur les Champs Élysées environ un million de sympathisants au Général pour dire leur ras le bol de la «chienlit».

Entre temps il y eut les pavés et pas forcément la plage. La contestation, le réveil à un monde qui se mondialisait grâce d’abord aux médias (village global de McLuhan). La révolte enfin d’une génération qui en avait marre de se taire, de ne pas parler, de ne pas avoir le droit de rêver. La sociologie dans tout cela. Elle explose. Les syndicats? débordés. Les partis politiques? submergés. Les clivages sont là, les ouvriers des usines, les déshérités, les laissés pour compte des trente glorieuses… mais la révolte vient des jeunes, souvent bourgeois, qui n’ont que l’utopie au porte voix, des idées, de l’imagination à ne plus vendre… enfin pour lors.

Parce qu’après, ils vont se rattraper, rentrer dans le rang et mettre à «profit» leur talent de manipulateurs, à leur tour. Les laissés pour compte sont restés, et vont devenir légion, d’abord avec le premier choc pétrolier puis, avec la montée d’une mondialisation en marche doublée de la révolution technologique de l’informatique et du numérique et aujourd’hui avec le troisième choc pétrolier, qui risque d’être quatre fois que dis-je dix fois plus ravageur socialement que les deux précédents.

Hier sous les lambris de la coupole du Théatre de l’Odeon une invitée surprise à un débat animé par Laure Adler.

L’alternative | changez la vie, donc transformez son mode d’emploi. (slogan relevé rue Rotrou)
Où est la révolte aujourd’hui, comment s’exprime le refus, la résistance, la recherche d’un autre monde. Plateau d’invités, animé par Laure Adler et Jade Lindgaard et diffusion de documents audiovisuels de l’Ina, avec Philippe Artières, France (auteur de 68, une histoire collective), John Jordan, Grande-Bretagne (créateur de « Reclaim The Streets« ), Naomi Klein , Canada (auteur de No Logo et de La stratégie du choc). (cf. photos au bas de ce billet).

Bien entendu le temps fort de ce débat fut l’intervention de Naomi Klein qui vient de sortir aux éditions LEMÉAC/ACTES SUD la traduction Française de son ouvrage, la Stratégie du Choc (The Shock Doctrine). Il faut bien entendu resituer N.Klein dans la mouvance d’un Noam Chomsky et des altermondialistes. Il paraît que les nouveaux combats se situent là. Oui pourquoi pas, sans doute. À mondialisation il faut bien répondre mondialement… Et les idées de Naomi Klein, adepte de ce que les médias ont tant repproché à notre Marion Cotillard nationale, la théorie du complot, ne sont pas dénuées d’originalité et de pertinence. Elle s’explique fort bien dans différentes conférences que vous pouvez visionner sur YouTube ici.

Une lutte sans merci entre les forces du néolibéralisme conservateur qui chercheraient à privatiser l’Etat, et les progressistes alters… qui alertent, dérangent et bousculent les forces conservatrices pour promouvoir une planète solidaire et propre. Interrogée, Naomi Klein n’est pas sûre du tout de l’issue de ce combat inégal. Mais l’intervention de John Jordan qui invite sur la scène de l’Odéon des artistes et les créatifs des agences de pub à arrêter immédiatement de produire pour le compte du «système» a fini par me convaincre qu’une fois de plus «ces intellectuels là» n’ont pas compris grand chose aux enjeux de notre société. Jean Pierre Dupuy (fondateur de l’Agence Dupuy) avait été de même hué dans l’amphi Richelieu de la Sorbonne en mai 68 pour avoir osé monter sur la tribune et prendre la défense du métier de publicitaire.

Et puis il y a eu ce document de France 5, un reportage sur les activistes antipub qui militent pour voir les affiches se réduire à un format 50X70 en lieu et place des 4X3 actuels. Et je sentais la colère monter. Quoi? Est-ce le format le plus important, ou bien le contenu. Bien sûr qu’il y a pléthore de publicités qui manipulent, qui mentent, qui créent des besoins là où nul n’a besoin. Que ce soit dans l’alimentaire & boisson, dans les biens d’équipements, les voitures, les vêtements etc… Et on pourrait imaginer des débats sur ce que serait une éthique publicitaire qui prendrait en compte l’entre deux des rêves et de la réalité —sociale.

Si mai 68 a été la fin d’une époque aux USA (cf. Naomi Klein) et le début d’une époque pour nous autres Français c’est bien parce que le curseur n’était pas placé au même endroit. Les étudiants de Berkeley demandaient qu’on mette fin à la guerre du Vietnapalm… alors que les étudiants de la Sorbonne voulaient —rien de moins— refaire le monde. Et ils l’ont refait. Ils l’ont même certifié conforme ISO 9002.

Mais du débat d’hier soir, et des déclarations de Principe du Parti Socialiste, comme de la revendication libérale du maire Bertrand Delanoë un concept sociologique a été totalement occulté. Celui de classe et de conscience de classe. On lutte désormais pour préserver la Planète… les mariages entre sexe, pour la parité homme-femme, pour la promotion du commerce équitable et des produits bio. Mais de classe on ne parle plus. Je ne suis pas particulièrement communiste, ni trotskyste mais enfin j’ai eu l’occasion de lire quelques ouvrages, Hegel, Marx, Engels… et il me semble que depuis que le monde est monde il y a eu des exploités et des exploitants… Et qu’il s’agirait tout au moins de remettre de l’éthique dans tout cela, puisque les dérives libérales conduisent la Planète à la catastrophe.

Vous l’aurez compris je n’ai fait qu’effleurer des sujets qui nous prendraient des heures de débats-commentaires, des précisions, une lexicologie, un corpus à définir. Commentez cependant, vous êtes le bienvenu.


Chronologie des événements de mai 68, document INA


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Assemblée Générale des ouvriers de Renault

Quelques photos reportages d’actus d’il y a quarante ans. Photos d’archives.

À la Galerie Anatome, une exposition exceptionnelle des affiches réalisées par le collectif des Beaux Arts de mai 68. Œuvres pour la plupart anonymes, Elles furent déposées in-extremis à la BnF, qui depuis les expose «au compte gouttes».

Et un livre éditée par les éditions Alternatives sous la direction de Michel Wlassikoff qui nous a fait le plaisir de commenter chaque affiche lors d’une présentation réservée aux pédagogues.

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Mai68,l’affiche en héritage.Michel Wlassikoff
envoyé par pointgmagazine. – Futurs lauréats du Sundance.

Et sous la coupole du Théatre de l’Odéon, un débat hallucinant sur ce qui reste de l’imaginaire de la révolte de mai 68.

Laure Adler anime le débat avec Naomi Klein, John Jordan, Philippe Artières etc.

En quittant le Théatre, je rattrape l’un des protagonistes de la tribune (je préfère lui laisser l’anonymat) qui enfourchait sa moto BMW 1200 RT rutilante, et je persiflais: dites-moi, c’est tout de même curieux qu’à aucun moment vous n’ayez prononcé le mot classe sociale? il me regarde le regard méchant: «mais cher Monsieur, ça n’existe plus les classes, depuis la fin de la classe ouvrière… (sic).»

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