Typographie des réseaux sociaux | une relecture personnelle de la net’réalité

J’utilise parfois le mot typographie comme un médecin qui dirait: «diagnostic des réseaux sociaux», ou un ethnologue: «analyse structurelle des réseaux sociaux». Parce que n’importe quel chercheur, sémanticien, ou même anthropologue serait étonné non pas seulement du développement industriel de ces social networks, mais aussi de l’engouement d’une poignée de geeks qui n’ont que ce mot à leur blog depuis près de 24 mois.

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Car le monde du net, geeks en tête s’est engouffré souris baissé dans cet immense référent catégoriel que sont les thèmes des réseaux sociaux. Pour ne prendre que les trois premiers de la liste des blogs «dits les plus influents», TechnoCrunch a consacré près de 987 billets au sujet, Presse-Citron plus de 2100 et Fred Cavazza pas loin de 1180 billets.

C’est beaucoup. une sorte de leitmotiv qui revient de façon récurrente. Ils expliquent, fort bien d’ailleurs, promeuvent, et s’interrogent pour finir par «prévenir» leurs lecteurs que Facebook pourrait n’être qu’un leurre et que Second Life ne fera pas long feu. Pendant ce temps un journal comme le Monde y consacre quelques lignes par-ci par-là (cf l’article ci-dessous) adoptant la distance nécessaire pour replacer «la chose» dans un contexte économique général, sans tomber dans l’apologie permanente.

Bien sûr j’aurais aussi bien pu vous parler de ces avatars de la modernité, voire tomber dans le plaisir certain de vous annoncer les dernières nouveautés comme cette bombe ci-dessous (disque dur de sauvegarde USB), Mais Guizmodo et les autres le font très bien. Et totalement hors sujet de ce blog typo.


Via Guizmodo

Mais c’est dimanche, et j’avais envie (c’est bien le propre d’un blog) de vous dire quelques mots de ce que je pense des réseaux sociaux.

J’ai eu un court instant l’envie de développer une théorie du complot, mais les faits sont moins romantiques et bien plus désastreux qu’une quelconque théorie selon laquelle ces réseaux seraient l’émanation de groupes de pression afin de promouvoir le libre échange et un capitalisme international, sans frontière et sans loi. Non, les évènements, les faits sont d’une pauvreté bien plus crasse.

Dans les années 2000-2003 les forums ont littéralement explosé. Les internautes se découvraient contributeurs anonymes (pseudos) ou pas, et chacun trouvant le forum idéal (design, cuisine, médecine, danse, musique) y allait de ses nombreux billets quotidiens ou hebdomadaires. Bien qu’il y ait eu quelques précurseurs, je pense à Laurent Gloagen par exemple d’Embruns, la grande majorité des internautes découvrent les blogs à partir de 2004-2005.

Le passage des forums vers les blogs fut quasi instantané. En quelques mois, des millions de blogs se créait dans le monde, l’esprit communautaire des forums laissait la place à l’expression individuelle. La presse en ligne y a beaucoup contribué. Curieusement l’internet réalité venait de donner la réplique à sa grande sœur, la téléréalité. Les journaux, magazines faisait une large place à ces espaces privés-publics, accentuant le buzz, et les flux de visites sur leur portail. Excellente affaire, parce que correspondant à un modèle économique rentable. Espace blog, contre, visites et notoriété pour le journal.

Durant ce temps on vit émerger grâce aux technologies du web 2.0 de nouveaux portails, d’abord professionnels Linkedin, Viadeo (Open BC) (en France) mais aussi un portail qui allait devenir un must pour les artistes et musiciens… MySpace. L’idée du portail est essentiel car du coup la marque ombrelle pouvait se valoriser, fort de ses millions (on ne parle plus en centaines ni milliers) d’adeptes. Mais la forme intrinsèque reste le blog. Avec liens croisés, les amis de mes amis sont mes pseudos amis.

Facebook arrive alors, le concept n’étant pas nouveau, mais le design, terriblement IBM-Microsoft, donnant à ce dernier une apparence de modernité institutionnalisée. Et au modèle de l’expression individuelle se substitue un modèle hybride, celui d’une page individuelle noyée dans les informations (wall+superwall) de mes amis que j’ai coopté ou l’inverse. L’idée de Facebook repose sur un concept vieux comme le monde: les absents ont toujours tort.

—Comment t’es pas sur Facebook? — je n’ai pas résisté longtemps, moi-même. Mes enfants, et quelques bons amis ayant vite fait de me remettre dans le droit chemin. Tu comprends tu dois être là. Et je comprends très bien que les faibles, les pauvres en relations sociales y trouvent un semblant de compte par la multiplication virtuelle d’un pseudo réseau qui n’en est pas un.

Et c’est à celui qui aura le plus d’amis… preuve d’une forte personnalité ou d’une personnalité influente. Toujours l’ego, et surtout la peur de n’être personne dans une société qui filtre à tous les étages de la vie, privée, professionnelle et culturelle. Mais la peur ne suffit pas à valoriser un portail. Et leurs actionnaires l’ont si bien compris (et à leurs dépens) qu’ils cherchent désespérément à rendre profitable le concept.

Avec un «mais•••» d’importance, la résistance des mêmes internautes, ne voulant pas se voir transformer en arbre de nöel publicitaire, homme-internaute sandwich d’une publicité qui serait trop envahissante. Les dirigeants de Facebook multiplient les idées stratégiques avec la dernière en date, devenir un portail pour musique gratuite. (on ne voit toujours pas les futurs revenus publicitaires).

Et pendant ce temps, la bande passante, les espaces de storage coûtent cher, très cher. Photos, vidéos, dessins. Pour la plupart pas très optimisés (l’internaute de base qui n’a jamais eu à gérer un espace serveur, télé-verse (upload) tout, et n’importe quoi).

Avec Facebook l’expression individuelle s’est muté en une sorte d’expression communautariste, il n’y a plus de forum, mais des groupes d’intérêts, qui ne partagent en réalité pas grand chose, tant l’interface est poussif qu’il vous décourage vite fait d’envoyer des messages (vous oubliez toujours qq chose où cliquer) à qui que ce soit. Voici un exemple contraire, de la communauté des typographes, c’est en allemand, et les interventions, nombreuses (quotidiennes) donnent la mesure d’une communauté active et resserrée autour d’un sujet qui les passionne.

Non je ne suis pas old-school. Et mes activités multiples et variées en attestent.
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Ci-dessus une carte publiée par le Monde décrivant les zones géographiques et les réseaux qui y sont le plus en vogue.

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Mon propos est sans doute celui d’un homme libre qui résiste aux modes pour y avoir été moi-même addict à une époque, et m’être rendu compte que je n’avais pas besoin d’être dans la mode pour être jeune et moderne. La modernité, je la conçois plus comme une attitude de questionnement permanent des réalités qui nous entourent. Une manière d’être de lecteur du monde qui ne se contente pas des apparences, des signifiants cathodiques ou estampillés web fussent-elles 2.0.

Lorsque Second Life est devenu un thème récurent chez les blogueurs geek, je me suis tout de suite insurgé de voir un tel mimétisme. Il y a chez l’être humain et ce à tous âges une forte propension au jeu. Freud et ses apôtres la classait dans une catégorie, le principe de plaisir. Et tant que ce portail virtuel se proposait de vous amener voyager dans un univers de lilliputien à quat’sous, il n’y avait pour lors aucun avatar, si je puis me permettre cette facétie.

Le phénomène prenant de l’ampleur (et surtout grâce à l’accélération des connexions), de brillants penseurs ont cru bon s’y engouffrer, pensant avoir découvert un comportement nouveau et majeur pour l’humanité. Ils se sont bien sûr trompés.

L’homme s’est toujours senti seul, c’est une condition humaine. Et l’urbanisation de nos sociétés au cours des 60 dernières années n’a fait que renforcer ce sentiment diffus créant une béance de questions existentielles auxquels sociologues, psychologues et philosophes tentent de répondre.

Une chose est certaine, la proximité que crée la ville, n’engendre pas plus de comportement solidaire que l’éloignement de nos ancêtres vivant à la campagne à des dizaines de kilomètres des uns des autres n’en engendrait. Au contraire. Vous avez plus de chances de rencontrer votre voisine de pallier sur Meetic que dans l’ascenseur de votre immeuble.

Les fabricants de téléphonie mobile, marchands du temple, l’ont si bien compris qu’ils ont basé tous leurs campagnes de communication sur l’idée que le portable allait vous rapprocher d’autrui. C’est vrai, on a même vu des gens faire semblant de téléphoner dans la rue, pour avoir l’air, de ne pas être seul. Une maladie sociale, une vraie qui prend ses sources dans cette solitude que l’humanité a tant de mal à apprivoiser.

Internet + le téléphone mobile ont par exemple créé les vendredis soir de roller, ou bien les flashmobs en train de devenir les freezemobs dans toutes les villes du monde. Caricature de mouvements sociaux et/ou d’art contemporain contribuant au prestige de ceux qui les organisent. Mais l’instant magique passée, tout le monde se disperse, et de fait il ne s’est réellement rien passé, à l’exception des photos et vidéos numériques qui vont circuler sur Flickr et YouTube accréditant d’un événement majeure, pour ceux qui l’ont vécu.

Notre jeunesse se meurt de ne pas s’engager sur les grandes causes à défendre. Il faut bien admettre, que le monde dans lequel nous vivons n’engage guère à la révolte, à la résistance, tant les pressions sociales sont de plus en plus coercitives. Et en premier la fragilité des emplois.

Ce faisant on comprend mieux le rôle symbolique voire symptomatique que vont jouer des sites comme Facebook ou Second Life. Ils vont comme ces flashmobs créer le sentiment diffus de ne pas être seul. Dans Second Life, vous créez votre avatar que vous aller promener d’île en île au milieu d’autres avatars, tels des trons modernes et virtuels, en vous donnant un sentiment de puissance retrouvée grâce à l’argent facile et les apparences trompeuses.

Facebook, ne coûte rien, et vous donne de même ce sentiment de retrouver une communauté «d’amis», de les côtoyer chaque jour au détour d’une visite sur le site. Il s’agit ni plus ni moins de drogue, car il y a les addicts, ceux qui ne peuvent plus allumer l’ordinateur sans passer voir immédiatement leur «Facebook». D’autres comme moi, plus simplement ont rajouté dans leurs fils RSS les notifications du site. Et on est tranquille pour la semaine.

Ces deux sites, sont une réponse marketing aux problèmes de solitude de notre société.
Et destinés à quoi faire. Des rencontres? Je vous assure que Meetic et la centaine de sites de rencontres que vous trouvez sur le net sont plus efficaces pour ne pas rester seul. Leurs promoteurs ont parfaitement compris et solutionné un problème urbain majeur. Leurs sites, simili bal du samedi soir, ciblent parfaitement bien les internautes solitaires qui du coup sont beaucoup moins complexés à aborder qui un homme, qui une femme pour tenter un rapprochement affectif ou sexué.

Tout cela est très brouillon sur nos deux sites en question. Et si je puis me permettre si Facebook voulait vraiment une idée pour trouver de la rentabilité, ce serait d’ouvrir des groupes payants de rencontres où les adhérents se retrouveraient avec une carte de visite estampillé sur leur espace: «je suis libre et je cherche, une femme, un homme…retrouvez-moi dans tel groupe…» et bien entendu on pourrait imaginer des critères de proximité, d’affinités culturelles, musicales, de tranches d’âge etc.

Vous verrez Facebook ne survivra que grâce à ce genre de développement car il n’a au fond aucune légitimité professionnelle comme Linkedin ou Viadeo.

Mais Facebook et Second Life ont aussi un autre point commun, celui de «mangeur» de temps. Et comme mon illustration l’indique, notre cerveau, s’il est capable de multiplier les connexions, activer de plus en plus de synapses, il n’en reste pas moins dépendant d’un facteur rédhibitoire: le temps. Et personne ne peut perdre trop de ce bien si précieux.

Je ne doute pas un instant de la capacité des gens à augmenter le nombre de leurs interconnexions cérébrales. Il n’en n’est pas de même de la capacité des gens à augmenter leur vrai potentialité de rencontres dans la vie réelle. Plutôt le contraire.

Du coup je suis persuadé, que ce sont les interfaces simples qui sortiront victorieux de tous ces pseudos réseaux. Alors peut-être que nous verrons un nouveau Facebook surgir, une sorte d’agrégateur social de tous ces interfaces. J’ai du mal à imaginer la bête mais je vois bien les raisons du succès de MySpace et Facebook. Le sentiment d’avoir son espace à soi mélé à celui des autres.

Alors je fais mes comptes: Un interface pour le chat‘, un autre pour les mails, un autre ou le même pour la voix et video sur IP, un interface de type blog seul, ou accompagné (MySpace), le retour en force des forums, spécialisés sur des questions pointus. On le voit déjà par profession, et ça ne saurait que se développer d’autant que nombre de blogs adossent à leur espace ce type de forum.

Avec sans doute le maintien plus que probable des réseaux spécifiques, dits réseaux à niches qui répondront à des besoins concrets et qualifés. Et peut-être effecivement un espace d’agrégateur social pour relier tout cela (bien qu’un lecteur de fil RSS permet déjà d’agréger tous les flux, articles, commentaires et réactions auxquels on veut s’abonner). Et puis Chérie FM pour les conseils de rencontres (SMS: t’es où chérie —juste derrière toi mon amour). Allez circulez :-) ou commentez. C’est à vous maintenant.

Facebook envisagerait de lancer une offre musicale gratuite en ligne<<

(Extrait d’un article du Monde en date du 5 mars 2008) Facebook a récemment concentré son attention sur la musique, proposant à l’instar de Myspace, depuis novembre 2007, aux groupes de créer leur page avec des liens intégrés vers les applications d’iTunes et d’autres sites de musique en ligne tels qu’iLike, LastFM ou Pandora. Ces partenariats n’ont cependant pas encore donné lieu à des contrats d’exclusivité, laissant aux sites la possibilité de négocier avec les majors.

Ainsi MySpace pourrait proposer aux fans d’acheter en ligne des produits dérivés et tickets de concert de leur groupe préféré. Ce service serait développé en partenariat avec Universal qui, par conséquent, arrêterait de poursuivre le site pour violation de ses copyrights.

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Quelques signaux faibles de la modernité

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ici un designer qui propose des thèmes pour habiller votre i-phone

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Et trois images pour finir sur une note d’humour. Toujours via FFFFound


un téléphone pour Kids

nickpapageorgia.blogspot.com Une Publicité déroutante pour All Bran :-)

Vu sur FFFFound et une photo prise au hasard pour illustrer l’envol de nos passions.

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